Fondant à coeur…
En 2021, le concept de suspension à point de pivot haut semble être l’une des tendances clés d’une année calme, pandémie oblige. Le Cannondale Jekyll fait partie des vélos qui s’en inspirent. Qui plus est, les images plus ou moins officielles de ce vélo en cours de développement ont longuement fuité ces derniers mois. Si ça attise la curiosité, ça ne suffit pas à justifier l’intérêt qu’on lui porte. Par contre, ça fait savoir qu’aux origines, ce devait être un vélo de Descente plutôt qu’un Enduro… Et là, ça mérite d’aller voir ce qu’il en reste au bout du compte ! Alors, Jekyll ou Hyde ?!
Cannondale Jekyll 1
- Enduro
- 29 pouces
- 165/170 mm, Fox 38 & X2 Fact.
- Carbone
- Reach 475 mm (L) & Offset 44 mm
- WTB KOM Trail i30
- Maxxis Assegai & Minion DHR II 2.5 Exo+
- SRAM Code RSC, 220/200mm
- 2 modèles, 4 tailles, 4 599 à 6 499 €
- 15,6 kg, (L, sans pédales, TL + Préventif)
- Dispo depuis juillet 2021
- Fiche sur cannondale.com
Le Cannondale Jekyll, par le bon bout !
Pour deux raisons, le Cannondale Jekyll prend le concept du point de pivot haut par le bon bout. La première, pour laquelle tout le monde s’interroge, se trouve au pédalage : le Cannondale Jekyll pédale bien, malgré la présence du galet de renvoi. Pas tout à fait aussi bien que les vélos d’Enduro qui en sont dépourvus, mais bien mieux que le précédent vélo essayé avec ce dispositif. En tout et pour tout : on sent et on entend sa présence sur le plus gros pignon. Sur le second, ça se sent déjà moitié moins, et à partir du 3e, plus du tout. Ça se fait encore entendre, discrètement, jusqu’au milieu de cassette. Dans tous les cas, ça n’a rien de rédhibitoire pour les 3h de vélo ou la régionale du week-end à la pédale. On évitera juste de miser là dessus pour de l’extrême, type Epic Enduro ou longue virée vélo de montagne où forcément, ça finit par compter.
La deuxième raison porte sur les gros progrès faits par la suspension arrière de ce nouveau Cannondale Jekyll : elle enterre sans ménagement l’ancienne version ! Pour tout dire, l’amortisseur de l’exemplaire que je reçois pour cet essai n’a pas tout à fait les bons settings internes. Pourtant, sur les réglages de base qui me servent de point de départ à chaque essai, le comportement de la suspension est déjà très révélateur des progrès effectués. La sensibilité est d’un très bon niveau, en toute situation. Mais c’est encore plus évident dans les pierriers, les champs de racines et les marches, à la montée comme à la descente. On sent que la roue accompagne l’obstacle avant de s’en affranchir. Tout se fait sans heurt. Tout juste, je perçois que compressions toutes ouvertes, l’assiette du vélo peut avoir tendance à varier d’un coup, le boitier peut plonger, que ça mérite un peu de contrôle…
D’où ça vient ?
Précisément, ces premières impressions sont en lien, direct ou indirect, avec le concept même de point de pivot haut dont le Cannondale Jekyll fait usage. La position du galet supérieur permet d’ajuster finement l’effet de chaine et ses conséquences, dont l’anti-squat qui reste contenu. Qui plus est, la ligne de chaine semble optimisée, et le galet finement positionné latéralement, entre le plateau et la cassette. Ça correspond donc en tout point avec les premières impressions, même si d’un autre côté, d’autres caractéristiques cinématiques m’intriguent. Sur le Cannondale Jekyll, le kick back est très réduit, et l’anti-rise très constant, sans pour autant atteindre des sommets comme d’autres points de pivot hauts. L’intérêt de ça me viendra plus tard lors de l’essai, au moment de saisir comment se pilote ce Cannondale Jekyll. En attendant, ces premiers tours de roues sont fidèles à l’idée que l’on peut se faire d’un vélo d’abord conçu comme un vélo de Descente…
Comment ça se règle ?
Chose rare si l’on s’en tient aux nombreux tableaux des réglages de ces dernières années, le Cannondale Jekyll et la généreuse sensibilité de sa suspension permettent de jouer des compressions de l’amortisseur ! Une fois n’est pas coutume donc, on suggère d’en faire usage pour contrôler l’assiette du vélo. Pour ma part, une partie passe par les basses vitesses, l’autre par les hautes. Il faut donc jouer des deux, qui sont de toute façon liées sur le Fox X2 de ce montage.
Cet amortisseur permet aussi d’ajuster les détentes de manière différenciée. Une bonne chose puisque la roue arrière, via le point de pivot haut et sa trajectoire qui recule, peut avoir tendance à rester dans les appels trop creux avant de raquetter. Détente haute vitesse plus freinée que la basse pour sauver quand ça tape fort, sans coller le vélo le reste du temps.
Globalement, la suspension arrière est si bonne, que c’est l’avant qui mérite d’être choyée pour tenter de suivre. Elle mérite de supprimer les réducteurs de volume d’origine, et de rouler jusqu’à 5P si de moins que d’habitude pour tenter d’égaler l’arrière… À savoir optimiser la sensibilité, et s’offrir juste ce qu’il faut de marge pour accorder les compressions.
Avant | Arrière | |
SAG | 30% | 30% |
Détente | 2/3 ouvertes | BV 2/3 ouverte HV moitié fermée |
Compression | BV 2/3 ouverte HV jusqu’à moitié fermée | BV 2/3 ouverte HV jusqu’à moitié fermée |
Réducteurs de volume | sans | d’origine |
Clics de détente et compression comptés depuis la position la plus vissée des molettes. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaules à l’aplomb du guidon. Pour un gabarit moyen de 75/80kg.
Comment se pilote le Cannondale Jekyll ?
Les gènes de vélo de descente du Cannondale Jekyll s’expriment clairement lorsque l’on cherche à comprendre comment il se pilote. Que ce soit en courbe où il faut mettre de l’angle, en l’air où il faut être rond, quand ça va vite où il faut le laisser travailler, ou au freinage où profiter de son étonnante stabilité… Tout y est !
Quand ça tourne…
Même finement réglé pour contrôler l’assiette, le Cannondale Jekyll n’est pas un vélo qui se pilote en tassant le boitier, mais il excelle pour mettre de l’angle. Très agile pour pencher et virer de bord, il se prête volontiers à faire mordre les crampons latéraux ! Il n’y a qu’à jouer du cintre, et charger quand c’est le bon moment. Dans ces conditions, les longues courbes à plat sont un régal, tandis que cette surprenante agilité fait des miracles dans la pente ou quand c’est étriqué et qu’il ne faut pas rater l’appui. En montagne par exemple, de quoi se régaler à tirer des courbes dans les pâtures, avant de rentrer placard dans les sous-bois et profiter comme jamais du premier appui pour garder la vitesse. Ou bien encore, de quoi mettre de l’angle dans des endroits improbables quand la piste est noire, voir double noire, et que ce n’est jamais simple de gérer deux roues en même temps dans un tel chantier… Très bas, stable, agile, le Cannondale Jekyll s’y plait ! DH n’est-ce pas ?!
En l’air
Le reste du temps, il faut être tranquille et patient au guidon du Cannondale Jekyll. À la relance, on peut volontiers s’inspirer du style de Jérôme Clémentz à la grande époque. Epaules qui engagent vers l’avant, au dessus du guidon, et on met les watts tant qu’on peut. Ce n’est pas la giclette du premier coup de pédale qui fait la différence, mais la durée sur laquelle il peut tenir cette position sans être dérangé par la première aspérité du terrain.
Non, ce qu’il y a au sol compte bien davantage pour prendre les airs. Oh, le Cannondale Jekyll n’est pas contre un bunny-up de temps à autre, mais ce n’est pas une arme de guerre en la matière. Il n’est pas fait pour inventer des appels là où il n’y en a pas. Pour prendre les airs, mieux vaut profiter de ce que le sol propose et lire tout ça à la bonne échelle. Il faut s’y fier, s’y résigner. Avec le Cannondale Jekyll, on tire gros et loin, en première intension.
Quand ça va vite !
Le Cannondale Jekyll est clairement un vélo qu’il faut laisser filer et travailler quand ça peut aller vite, et/ou que c’est défoncé. Il sait faire. Encore une fois, c’est clairement ce que l’on prête comme qualité à un vélo de Descente et à ceux qui font usage du point de pivot haut. C’est le cas ici ! C’est là que les réglages de suspensions, détaillés précédemment, prennent toute leur importance. Ce n’est pas le moment d’être parasité par une suspension qui raquette, ou une assiette qui se tasse un peu trop..! Notamment parce qu’en l’absence de kickback, le Cannondale Jekyll est déjà particulièrement sain et stable quand ça secoue. Les appuis sous les pédales paraissent plus stables que jamais, autant en profiter…
Au freinage…
On en profite justement dans un autre cas de figure où le Cannondale Jekyll se distingue : au freinage ! On le voit bien ici, à l’impact de la roue arrière au sol alors que la phase de freinage est déjà engagée. À aucun moment, il n’y a de rebond parasite alors que la roue heurte le sol. L’assiette du vélo reste saine, pas de transfert de masse sur l’avant qu’il faudrait maitriser. Cette saine attitude, le Cannondale Jekyll l’a très naturellement, quels que soient les réglages retenus. Ça participe forcément à l’agilité en courbe décrite précédemment, quand le freinage est suivi d’une courbe. On s’y jette volontiers, on y tasse le boitier pour plaquer le vélo au sol… Bref, le Cannondale Jekyll rassure comme peu d’autre, quand c’est chaud et engagé !
Pour qui ? Pour quoi faire ?
À mon sens, le Cannondale Jekyll est un Enduro moderne, c’est à dire un vélo qui pédale bien en regard de ses capacités en descente. Et en la matière, elles sont impressionnantes ! C’est donc si l’on a l’intention ou le besoin de les mettre à profit qu’il s’impose. En montagne, clairement, en station donc, aussi, et partout où il y a de la vitesse et de la pente !
Dans tous les cas, il s’adresse aux tempéraments qui cherchent de la sérénité quand le terrain se corse mais qu’on n’a pas l’intention de ralentir pour autant ! À ceux qui apprécient de laisser rouler et s’exprimer leurs vélos dans un premier temps, pour mieux répondre ensuite.
Dans ce cas, il permet de goutter à cette sensation grisante d’aller plus vite, tout en ayant l’impression d’avoir plus de temps pour faire les choses. Cette sensation que l’on a parfois quand on a l’opportunité de suivre quelques instants un top pilote : ça va ultra vite et pourtant, tout paraît plus facile, simple…
La Concurrence ?
Specialized Enduro
Les deux sont clairement sur le même créneau des vélos fait pour rouler Enduro à la montagne. – dans la pente et longtemps – pas par tranche de trois minutes dans les collines. Le Jekyll est plus raide – il restitue plus – mais peut-être un poil moins rigide…
SCOR 4060
La sensibilité et la motricité du Cannondale Jekyll me font penser à celle du SCOR 4060 découvert en même temps cet été… Et comme par hasard, les deux partagent un anti-squat très mesuré – sous les 100%. Ils y parviennent simplement différemment, ce qui, par ailleurs – au freinage – se ressent.
Norco Shore
Les deux font usage du même concept de point de pivot haut… Mais clairement, le Cannondale Jekyll pédale bien mieux. C’est face à lui que l’Américain entre clairement dans la catégorie des enduros, quand le Canadien reste un vélo de park et de freeride.
Yeti SB150 & Commençal Meta AM
Quelque part, le Cannondale Jekyll a la facilité des Yeti SB150 et Commençal Meta AM en descente, à un détail cruciale près pour en faire une référence : le dynamisme. La pépite du Colorado et celle d’Andorre offrent bien plus de possibilités et d’initiatives, et c’est ça qui fait toute la différence.
Entre Jekyll et Hyde, Cannondale a tranché ! Voilà un vélo qui sait prendre soin de son pilote ! Notamment parce qu’il joue à fond le mythe après lequel certains courent : un vélo qui pédale comme un enduro, mais qui descend comme un vélo de DH. Le Cannondale Jekyll fait clairement partie ce ceux-là !