Interview – Thomas Griot se confie sur ses soucis de santé

À croire que le sort s’acharne sur Thomas Griot. Le Haut-Savoyard, qui fêtera ses 30 ans ce jeudi 04 juillet, sera forfait ce week-end aux Gets alors que la coupe du monde fait escale dans son département. En cause, une douleur au dos qu’il traîne depuis plusieurs semaines. Pourtant, cette interview prévue de longue date relate une autre mésaventure, que le pilote Canyon Collective avait tenue à ne pas ébruiter jusque-là.

Pour FullAttack, Thomas nous explique comment il a géré la découverte « d’une grosseur » obstruant ses sinus…

Propos recueillis par Théo Meuzard le 01/07/2024.

Théo Meuzard : Ce n’est pas l’objet initial de cette interview, mais nous allons démarrer avec un fait d’actualité te concernant. Tu as dû déclarer forfait à Crans-Montana il y a deux semaines et tu seras de nouveau forfait pour la coupe du monde aux Gets ce week-end. Peux-tu nous expliquer le contexte qui t’a amené à prendre ces décisions ?

Thomas Griot : Suite aux championnats d’Europe en Roumanie, j’ai ressenti pas mal de tensions musculaires sur toute la partie dorsale, les ischio-jambiers et les fessiers. Avec le kiné, nous avons bien travaillé là-dessus et petit à petit, nous avons pu détendre tout ce qui était musculaire, mais il restait une tension, une douleur au dos assez importante. Malheureusement, cette douleur n’a fait que s’aggraver. Nous avons essayé de trouver un équilibre pour que je puisse quand même courir le bloc de coupe du monde de Nove Mesto à Crans-Montana, mais ça n’a fait qu’empirer. Face à cette situation, il est préférable que je mette en pause ma saison afin de récupérer, faire des examens complémentaires et mettre en place le protocole de traitement le plus efficace.

Quel est le diagnostic ? Sais-tu à quoi t’en tenir au niveau de ces douleurs ?

Il s’agit d’une inflammation du nerf sciatique. J’avais des douleurs intenses donc il faut prendre son mal en patience. Je travaille beaucoup avec mon kiné et mon préparateur physique afin de poser des bases solides et préparer mon retour sur le vélo dans un premier temps, pour ensuite être capable à nouveau de fournir des efforts très importants comme on peut le faire en course, sans que cela impacte mon dos. 

Face à cette situation, il est préférable que je mette en pause ma saison afin de récupérer (…)

Ce qui nous amène à cette interview est un autre pépin de santé, pour le moins inattendu, auquel tu as fait face à la fin de la saison dernière. Si je ne me trompe pas, tout a commencé avec une désagréable sensation de nez bouché au mois de Mai 2023. C’était à la suite d’un banal rhume ?

Le point de départ date effectivement du mois de Mai 2023, plus précisément lors de la coupe de France de Lons-le-Saunier. Je me sentais fébrile, j’avais quand même fait le XCC mais j’étais vraiment en difficulté. J’avais les symptômes d’un rhume et j’ai décidé de ne pas faire le XCO le lendemain. A partir de ce moment-là, j’ai senti que quelque chose s’était déclenché. C’est comme si mon nez restait tout simplement bouché. Je n’avais plus du tout d’air qui passait du côté gauche. Au fur et à mesure de la saison, cela a empiré et j’ai commencé à être gêné côté droit également. A l’effort, j’arrivais à m’en sortir car on respire principalement par la bouche quand on est en pleine intensité. Ce qui m’a mis en difficulté, c’est que ça altérait considérablement mon sommeil et donc ma récupération. J’étais très fatigué, et cela m’a poussé à faire des examens plus poussés à partir du mois de Septembre 2023 pour comprendre l’origine de cette gêne.

Et qu’ont révélé ces examens ?

J’ai d’abord fait des examens d’imagerie qui ont montré une grosseur assez importante dans les sinus, quelque chose d’anormal, qui n’avait rien à faire là. On voyait que ça obstruait complètement les sinus côté gauche et que ça commençait à obstruer le côté droit. Le médecin ORL que j’ai vu sur Lyon m’a orienté vers une biopsie (un prélèvement sous anesthésie générale, ndlr) afin de comprendre de quoi il s’agissait.

Cette première opération a eu lieu fin novembre et j’ai reçu les résultats des analyses mi-décembre. Ces derniers ont révélé la présence d’une tumeur, à priori non cancéreuse.

thomas griot

(…) j’ai reçu les résultats des analyses mi-décembre. Ces derniers ont révélé la présence d’une tumeur, à priori non cancéreuse.

Est-ce qu’on connaît aujourd’hui l’origine de cette tumeur ?

Non pas du tout. Il s’agit d’une tumeur fibreuse solitaire. Le chirurgien m’a dit que c’était quelque chose de totalement imprévisible, un peu comme de la loterie en fait, et qu’il n’y avait aucune explication à apporter à cela.

Quel a été le protocole de traitement qui t’a été présenté après le diagnostic ?

Dans un premier temps, le protocole annoncé faisait état d’une opération pour retirer toute la tumeur, sachant qu’on n’est jamais sûr de pouvoir tout retirer, surtout dans une zone un peu compliquée comme la tête et les sinus, avec la proximité du cerveau etc.
Il était ensuite question de faire de la radiothérapie pendant un mois afin d’être certain d’éliminer tous les tissus tumoraux et éviter une récidive.

On devait attendre l’opération fin décembre pour voir quelle quantité de matière avait été retirée, et si l’analyse de la tumeur complète confirmait son caractère bénin.

La suite du traitement dépendait de ces analyses post-opération.

Y avait-il des risques particuliers liés à l’opération ?

Il y avait déjà tous les risques liés à n’importe quelle anesthésie générale, auxquels venaient s’ajouter les risques propres à cette tumeur située proche du nerf optique et au contact de la paroi des méninges protégeant le cerveau.

Il y avait donc un risque de cécité temporaire ou permanente, ainsi qu’un risque de faire une brèche dans cette paroi, ce qui aurait pu entraîner de graves complications. Nous ne sommes pas rentrés dans le détail avec le chirurgien mais si cela était arrivé, j’aurais dû rester alité longtemps. Ce scénario était le pire qui puisse m’arriver sans pour autant qu’il soit hautement probable.

Comment as-tu géré cette nouvelle, sur le plan mental dans un premier temps ?

Forcément ça a été une grosse surprise ! Dans mon esprit, cela mettait un stop temporaire à ma saison 2024 alors qu’on était encore en 2023. On me faisait comprendre que c’était très sérieux et lorsque j’ai expliqué ma situation de sportif de haut niveau au médecin, et les enjeux de sélection olympique en début de saison, on m’a expliqué qu’il n’était pas réaliste de penser à faire du vélo au mois d’avril. Donc forcément cela m’embêtait. Et puis bien sûr d’un point de vue plus personnel, j’étais inquiet. Au départ je ne savais pas exactement ce que j’avais, il a fallu attendre la biopsie en novembre et les résultats qui ne sont arrivés que deux semaines après. Pendant deux semaines forcément j’ai beaucoup cogité. J’ai essayé de balayer dans ma tête toutes les options possibles, le plan A, le plan B, le plan C pour savoir comment je pourrai rebondir ensuite. La période durant laquelle on cherchait ce que j’avais était forcément source d’inquiétude et de stress.

Et puis sportivement, je sortais d’une très belle saison 2023 et j’étais motivé à fond pour 2024. En fin de compte ça m’a mis un gros stop. Il a fallu que je revoie mes plans pour d’abord régler ce problème avant de repenser à nouveau au vélo.

En fin de compte ça m’a mis un gros stop. Il a fallu que je revois mes plans pour d’abord régler ce problème avant de repenser à nouveau au vélo.

As-tu gardé tes objectifs sportifs en tête et as-tu continué à t’entraîner dans ce contexte délicat ?

À ce moment-là non je me suis mis un peu en retrait. Après les résultats de la biopsie, on prévoyait initialement une opération pour retirer la tumeur, puis un bloc de radiothérapie à la fin de l’hiver, début du printemps. Le début de saison me paraissait très loin. Entre chaque phase, j’avais des périodes de repos à observer pour ne pas prendre de risque.

Ce contexte ne me permettait pas de m’entraîner réellement donc j’ai échangé avec mon entourage, et j’ai tout simplement fait du sport comme j’en avais envie. Ce n’était pas de l’entraînement à proprement parler, j’ai simplement fait ce que j’avais envie de faire en termes de sport. Ça ressemblait à peu près à une préparation mais je ne prenais que les bons côtés, que ce qui me faisait envie et je mettais de côté tout ce qui représentait de la charge.

L’opération s’est-elle bien déroulée ?

Oui elle s’est très bien déroulée, puisque dès mon réveil après quatre heures d’opération je me suis senti très bien. J’étais vraiment apaisé en salle de réveil. J’avais les larmes aux yeux, j’étais ému parce que dès l’instant où je me suis réveillé, j’ai pu respirer par le nez. Ça faisait des mois que ce n’était plus le cas, ça a été un sentiment de bien-être assez incroyable et indescriptible !

J’étais ému parce que dès l’instant où je me suis réveillé, j’ai pu respirer par le nez. Ça faisait des mois que ce n’était plus le cas, ça a été un sentiment de bien-être assez incroyable et indescriptible !

La suite du traitement a-t-elle été maintenue ?

J’ai pu rentrer chez moi après deux ou trois jours d’hôpital. Lorsque j’ai revu le chirurgien deux semaines après cette opération, pour qu’il me fasse part des résultats de cette nouvelle analyse, il était très satisfait parce que les résultats étaient excellents.

Le chirurgien s’est entretenu avec un radiothérapeute spécialisé pour définir la meilleure stratégie à adopter dans mon cas. Comme je suis jeune, que 100% de la tumeur a été retirée durant l’opération, et que les analyses montrent qu’il s’agit d’une tumeur bénigne peu agressive, avec très peu de chance de récidive, il a finalement été décidé de ne pas faire de radiothérapie. Ça a été une très bonne nouvelle et un grand soulagement. Désormais, je vais passer des I.R.M cérébraux deux fois par an pendant cinq ans afin d’assurer un suivi, puis les contrôles seront plus espacés dans le temps.

Est-ce que l’on peut considérer aujourd’hui que ce pépin de santé est définitivement derrière toi ?

Je l’espère ! Le corps médical est confiant et m’a dit que je peux être assez serein. On va rester quand même sur un suivi un peu soutenu pour vérifier que ça ne reparte pas de nouveau mais normalement je peux être tranquille de ce côté-là.

A partir de quand as-tu pu reprendre l’entraînement ?

J’ai progressivement repris l’entraînement à partir du 9 janvier. Je suis directement allé à Bessans pour effectuer un stage de ski de fond, d’abord en individuel, puis avec l’équipe de France. Par la suite j’ai prolongé ce stage en hypoxie (simulation d’altitude, ndlr) à Prémanon jusqu’au 30 janvier. Ma condition physique était très basse. Entre les deux opérations et le repos forcé, je repartais de loin.

En janvier, pour la première fois depuis les premiers examens il était question que je puisse courir au Brésil en avril, dernier jalon de la sélection olympique. J’en ai discuté avec mon entourage et nous avons estimé qu’il serait difficile, mais toutefois possible, de mettre en place une préparation pour arriver en forme là-bas. Le timing était très serré. Cette préparation hyper condensée ne laissait aucune place à l’erreur, mais de doute façon je ne me voyais pas aller au Brésil juste pour marquer quelques points. Alors je me suis investi à fond, et le pari a été réussi puisque j’avais une excellente forme là-bas. Je dirais même qu’elle était au-dessus de mes espérances. Ça ne s’est pas complètement ressenti au niveau des résultats à cause de quelques faits de course (9ème à Mairipora et 17ème à Araxa après une crevaison au premier tour, ndlr), mais j’étais vraiment en forme.

Ma condition physique était très basse. Entre les deux opérations et le repos forcé, je repartais de loin.

Ton niveau de forme était très bon en début de saison (9ème de la coupe du monde à Mairipora, vainqueur de la coupe de Suisse de Lugano, vice-champion de France XCC/XCO, 4ème du XCO des championnats d’Europe… ndlr) puis il y a eu cette inflammation du nerf sciatique dont tu nous parlais en début d’interview. Tu n’es décidément pas épargné par les soucis de santé. Comment vas-tu aborder la suite de la saison ?

Oui effectivement c’est encore un coup dur… J’ai malheureusement un peu d’expérience dans la gestion des blessures en sport de haut niveau (il évoquait dans son portrait vidéo des complications à la suite d’une fracture de la clavicule, ndlr). Ce que j’ai bien retenu avec cette expérience c’est que le première chose à faire est de se soigner, tout simplement. Après cette phase, il y a celle du retour à l’entraînement où on verra ce que je suis capable de faire et en fonction de ça on pourra prévoir un retour à la compétition. Je ne vais pas me précipiter, pour ma part j’espère reprendre la compétition sur la coupe de France des Ménuires. Ce n’est pas une obligation en soi, mais si c’est possible je reviendrai à la compétition à ce moment-là. Si en revanche j’ai toujours des difficultés, je reprendrai contact avec le médecin et toutes les personnes compétentes pour définitivement régler ce souci. Je n’ai pas de raison particulière de m’inquiéter car nous avons mis en place tout ce qu’il fallait pour que je sois capable de reprendre l’entraînement dès cette semaine.

Merci Thomas pour cette entrevue, on te souhaite une suite plus sereine !

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