Désolé pour le titre, et le jeu de mots qui va avec, mais il résume à merveille en quoi le Specialized Stumpjumper 15 nous intéresse, sur FullAttack. Le Genie dont il est question, c’est la technologie d’amortisseur dont se pare cette nouvelle version de l’emblématique modèle de la marque au grand S. Et c’est bien simple : ceux qui comprennent cet amortisseur, et ses intentions, comprennent le Specialized Stumpjumper 15. Voilà ce qu’il faut, pour y parvenir. Bonne lecture, sur FullAttack !
Le contexte… Mûr d’une cinquantaine d’années !
Il y a peu, je relatais quelque chose d’intéressant sur FullAttack. Le fait d’avoir vu, de mes propres yeux, Mike Sinyard et Rob Roskopp se présenter ensemble, devant un parterre de journalistes médusés, moi le premier, quelque part sur l’Ile de Vancouver. À la base, ce n’était pas pour cette raison précise que je me trouvais dans ce coin du monde, mais bien pour découvrir et tenter de comprendre le nouveau Specialized Stumpjumper 15. Une mission qui ne manque pas d’importance, à plusieurs égards.
En premier lieu, parce que le Specialized Stumpjumper occupe forcément une place particulière dans le petit monde du VTT. Pour beaucoup et pour la postérité, il s’agit du premier… Premier VTT produit de série, en 1979. En 2024 donc, le Stump – pour les intimes – fêtes ses 45ans, soit à peine moins que la marque elle-même – qui fête ses 50 ans d’existence.Qui plus est, le Specialized Stumpjumper n’a pas fait que traverser les âges. Il s’est efforcé de se réinventer, génération après génération – nous en sommes donc à la 15e !
Le Specialized Stumpjumper 15 me semble à la hauteur, mais il ne s’agit pas simplement de le clamer. Il s’agit de le démontrer…
Se réinventer pour tenir une ambition : celle d’être le VTT par excellence, VTT à tout faire ou, comme on aime à le dire parfois, ultra-polyvalent, à la croisée des chemins. Bref, que de mots pour tenter d’expliquer que le Stump, ça doit avant tout être le VTT à avoir si, comme pour beaucoup d’entre nous, il s’agit d’abord de n’en avoir qu’un seul. Un segment sur lequel la concurrence est rude. Les deux derniers Stumpjumper peuvent en témoigner, notamment face aux Occam, Habit, Trance et autres challengers. On a eu l’occasion de le relater sur FullAttack.
D’autant plus qu’il faut bien avoir à l’esprit une chose… Ces derniers temps, il n’y avait pas un, mais bien deux Stump au catalogue Specialized : le Stumpjumper, et le Stumpjumper Evo. Ça aussi, FullAttack en avait largement précisé les contours. Un Stumpjumper plus dans l’esprit d’un vélo de Trail que All Mountain, au coup de pédale généreux, mais que je trouvais pour ma part un peu trop petit pour un sumpy… Et un Stump Evo All Mountain sur le papier, mais marchant véritablement sur les platebandes des vélos d’Enduro – sa performance en suspension, ses ajustemements de géométrie…sans pour autant être exempt de défaut ! J’ai pu avoir le sentiment que ça allait parfois trop vite taper en fin de course, entre autres.
Dans les grandes lignes…
Bref, il est important de rappeler ce contexte puisque d’une certaine manière, c’est à ce constat/contexte que le Specialized Stumpjumper 15 et son amortisseur Genie tente de répondre. Or, ce Specialized Stumpjumper 15 me semble à la hauteur du rendez-vous. Mais il ne s’agit pas simplement de le clamer. Il s’agit de le démontrer…
Ça commence donc par une observation toute simple : au premier coup d’œil, aucun doute. Le Stumpy 15 est un Specialized ! Cinématique 4-Bars linkage FSR, que Specialized a longtemps préservé sous brevet, avant que le concept ne tombe dans le domaine public. Et dessus, des lignes qui ne trompent pas. À la douille de direction – sa jonction avec les tubes obliques et supérieurs – aux profils des tubes du triangle avant plus massifs que le triangle arrière, on reconnaît sans peine les lignes développées par les designers de la marque ces dernières années. Entre rondeur et dynamisme, en fonction des opportunités…
Certains modèles du segment Stumpjumper font bien un petit coup d’éclat en matière de cosmétique. Le vernis, non content d’être mat, inclut une imitation, en relief, des gouttes d’eau qu’une légère averse aurait pu déposer là.Comme un appel à rouler certes, mais on ne s’arrêtera pas à ce détail cosmétique. Comme à son habitude, la marque n’hésite pas à jouer toutes les cartes pour se démarquer. Et à l’œil, c’est beau ! Mais ceux qui, au premier regard sur ce vélo, seraient tentés d’en rester là, se disant que ce n’est qu’un énième Stumpjumper passeraient à côté de quelque chose…
Au cœur du Genie…
En fait, c’est bien simple : pour comprendre le Specialized Stumpjumper 15, il suffit de comprendre son amortisseur – le Genie ! Ceux qui passeront à côté de ce détail n’auront aucune chance de saisir l’intérêt de ce vélo. Il en a, pourtant…Outre son nom, ce que cet amortisseur a de spéciale ?! D’abord, il sort des têtes pensantes du bureau d’études Specialized, qui ont déménagé il y a peu, du côté d’Auburn – Nord Est de San Francisco/Sacramento, au pied des montagnes. Ces gens-là, ce sont ceux qui fournissent le fameux Demo carbone à raccords en aluminium usinés, dont tire parti Loïc Bruni, Finn Iles et Jordan Williams en Coupe du Monde.
Adopter un volume positif plus important, c’est d’abord et avant tout, ce que fait le Genie, nom donné à la technologie dont dispose l’amortisseur du Specialized Stumpjumper 15. De quelle manière ?! Specialized a demandé à Fox, d’assurer la production de cet amortisseur. Et ceux qui ont déjà manipulé un Fox Float X2 vont s’y retrouver…
Logiquement, ces deux volumes d’air positifs communiquent. Des trous sont percés dans la chambre intérieure, pour relier les deux volumes… Mais l’autre subtilité du Genie, c’est que ces deux volumes ne sont pas reliés en permanence. Les deux sont en action jusqu’à 70% du débattement. Seule la chambre intérieure finit ensuite le travail.
Un autre axe de lecture consiste à remarquer qu’après SAG, la courbe de force est bien plus plate sur le Stumpjumper 15 que sur les précédents Stumpjumpers. Ce qui, quelque part, a son importance. C’est même capital à retenir, parce que c’est véritablement ce détail, in fine, qui à mon sens, résume tout ce qui peut faire la particularité du Stumpjumper 15.
En aparté…
Est-ce que cette courbe de force à la roue arrière pourrait être obtenue autrement ? Oui ! Via la courbe de ratio par exemple. C’est ce qui se fait habituellement. Sauf que ça implique des contraintes en matière de positionnement des points d’articulation de la cinématique, voir ça peut imposer de changer de concept. Ou bien encore, ça peut interférer dans le comportement/les courbes de certains autres paramètres. Donc faire ça via la chambre positive de l’amortisseur a l’intérêt de rester plus libre par ailleurs. Et ça, on l’a vu en étudiant le concept développé par Specialized pour le vélo de Loic Bruni : se simplifier la vie, rendre certaines choses plus indépendantes les unes des autres, bah c’est justement la tendance du moment chez Specialized. Ce choix peut donc paraître logique dans le développement de la marque et la continuité de ses travaux. Ici, elle reste donc sur le concept du 4-Bars qu’elle maîtrise, et dont on peut dire qu’elle a fait le tour…
Ne peut-on pas avoir l’équivalent de cette fin de course avec une butée hydraulique de fin de course, comme ce qui est apparu sur différents amortisseurs depuis BOS, jusqu’à RockShox ?! Oui, sauf qu’une butée hydraulique réagit à la vitesse et nécessite d’être ajustée dans sa force, au gabarit/pilotage du pilote. Ce que la double chambre du Genie fait tout seul, et une bonne fois pour toutes. La calibration voulue par les ingénieurs est ainsi universelle, et comme gravée dans l’aluminium de l’amortisseur.
Pour la petite histoire…
Pour la petite histoire, le développement du Specialized Genie a débuté sur la simple base d’un Fox Float Evol…
Ces détails permettent d’évoquer un point laissé de côté jusqu’ici : celui du volume d’air négatif du Genie. De côté pour une raison simple : il ne change pas versus ce qu’un Fox Float Evol classique propose à la base. L’objectif est simple du côté de Specialized. Quand on augmente le volume négatif, ce ressort pousse plus longtemps dans la course. En dynamique, en résulte un amortisseur qui fonctionne plus loin dans son débattement… Or, on y revient plus loin dans cet article : faire fonctionner le Stumpjumper 15 en début de course est un point essentiel, si ce n’est crutial, pour le succès de ce concept…
Le châssis du Specialized Stumpjumper 15
Maintenant que vous savez en quoi consiste, sur le papier, l’amortisseur Genie, la question se pose de savoir sur quel châssis il prend place. En l’occurrence, celui du Specialized Stumpjumper 15 dont il est question ici. Un cadre que l’on peut assez classiquement observer via le prisme habituel sur FullAttack : cinématique, rigidité/raideur, géométrie…Un prisme qui s’impose d’autant plus ici, que chez Specialized, ce sont justement trois des quatre ingrédients de ce que la marque appelle Ride Dynamics, le comportement d’un VTT – Specialized considérant les éléments de suspension à part entière, quand nous considérons qu’ils vont forcément de pair avec la cinématique, sur FullAttack, mais qu’importe…
Cinématique du Specialized Stumpjumper 15
Côté cinématique, rien de très exceptionnel au sujet du Specialized Stumpjumper 15. La cinématique 4-Bars/FSR est un classique, vu, revu et corrigé, chez Specialized. Et si le bureau d’études nous glisse s’autoriser à s’en éloigner aux premières étapes de développement, pour s’essayer à autre chose – les Demo en sont l’illustration – la marque finie toujours par revenir au constat que les compromis qu’elle obtient avec le 4-bars restent ceux qui lui plaisent le plus. Ce sont donc avant tout de petits ajustements dont il est question.
Ajustements dont l’inspiration est néanmoins importante à connaître, puisque Specialized Communique sur certaines valeurs en les comparant à celles des précédents Stumpjumper et stump Evo. L’occasion de voir qu’en matière d’Anti-squat notamment, c’est au Stump Evo que le Specialized Stumpjumper 15 se réfère le plus. Tout ça, pour noter une légère diminution des valeurs d’effet de chaîne sur l’ensemble du débattement, un peu plus en début de course et autour du SAG qu’ensuite. Rien de très surprenant, une tendance partagée par une grande part du marché ces derniers temps,maintenant que les amortisseurs permettent de trouver du maintien autrement…
Quoi qu’il en soit, on peut également revenir quelques instants sur la courbe de force proposées par Specialized pour expliquer le Stumpjumper 15. D’abord, pour préciser qu’il s’agit de la courbe de force à la roue arrière, comprenez donc l’action combinée de la cinématique et de l’amortisseur, soit ce que l’on ressent directement, en roulant le vélo. Or, là aussi, les courbes fournies ne trompent pas : il n’y est pas question de comparer versus le précédent Stump. C’est bien du côté le plus gravity – Stump EVO et Specialized Enduro – que l’on place le Specialized Stumpjumper 15…
Rigidité/raideur du Specialized Stumpjumper 15
On ne l’a pas précisé jusqu’ici, mais ça n’aura pas échappé à ceux qui ont en tête l’architecture du Stumpjumper Evo connue jusqu’ici. Il manque une barre au Specialized Stumpjumper 15 ! En l’occurrence, le Side Arm, cette partie du cadre qui venait en parallèle de l’amortisseur, relier le tube de selle et le tube supérieur. Elle a disparu, mais là aussi, les travaux de rigidité/raideur mené par la marque sur le Specialized Stumpjumper 15 consistent à en rapprocher ses valeurs de celle du Stump Evo.
Pour y parvenir, Specialized communique avoir étudié la rigidité de l’ensemble du cadre, et avoir pu tirer de cette étude un fait intéressant : renforcer la biellette et le pied d’amortisseur permet d’avoir les mêmes résultats de rigidité/raideur et robustesse qu’avec un Side Arm, mais en économisant une partie de la masse de matière que le Side Arm constitue. En résulte un châssis en carbone Fact 11M renforcé par endroits, plus léger mais aussi solide/rigide que le précédent Stump Evo.
Géométrie du Specialized Stumpjumper 15
En matière de géométrie, la réputation de Specialized n’est plus à faire. Pendant des années, c’est elle qui s’est démarquée de la concurrence par des boîtiers bas, bases courtes et ergonomie qui donnaient un sentiment de facilité presque déconcertant. Logiquement, ce sont ces ingrédients que le Specialized Stumpjumper 15 avance. Mais une fois encore, c’est en comparant à ses prédécesseurs, que l’exercice est le plus concluant…
Pour constater, une fois de plus, que c’est très largement du Stump Evo dont s’inspire le Specialized Stumpjumper 15. C’est bien simple : si certaines valeurs varient parfois d’un ou deux milimètres sur le papier, pour tout bien combiner, il n’y a aucun doute sur le fait de pouvoir dire qu’un Stumpjumper 15 en taille S4 par exemple, partage les mêmes côtes, le même esprit, la même logique de géométrie qu’un Stump Evo dans la même taille. Mêmes dimensions – dont les bases qui s’adaptent à la taille – et même ajustements : angleset à la douille de direction, hauteur de boîtier via le flip chip entre bases et hauban, biellette additionnelle pour passer en mullet – d’origine, les S1 et S2 sont vendus en mullet, les autres en full 29.
Tout juste doit-on noter que le Stumpy 15 est conçu pour une fourche entre 150 et 160mm de débattement – donc ici, pour fixer les cotations, une fourche de 561mm de hauteur. Légèrement moins que le Stump Evo. Une hauteur compensée par la hauteur de douille 10mm plus haute, pour aboutir au même Stack, à des pouièmes près. Tout ça, en perpétuant l’approche S-Sizing chère à la marque, à savoir que les hauteurs – de tube de selle, de douille, de cadre – restent contenues pour qu’un même gabarit puisse choisir entre différentes tailles pour adapter son choix à son style de pilotage. À ce sujet d’ailleurs, hormis la taille S1 qui perd 5mm, les autres tailles du Specialized Stumpjumper 15 offrent plus de dégagement horizontal à l’entrejambe – de 13 à 19mm gagnés.
Détails & montage du Speicalized Stumpjumper 15
Si jusqu’ici, on ne peut pas nier le rapprochement évident entre le Stumpjumper 15 et l’un de ses prédécesseurs – le Stumpjumper Evo donc – un coup d’œil aux choix de montage et d’équipement des Stumpjumper 15 qui composent la gamme, peut enfoncer le clou, ou presque.
La gamme…
Au moment d’écrire ces lignes, le Specialized Stumpjumper 15 débarque sur le marché dans ses versions à cadre en carbone. Sur les cinq modèles au catalogue, 4 disposent du Genie, et un modèle à amortisseur à ressort Öhlins TTX2 vient compléter la gamme, entre les modèles Comp et Pro… Le kit cadre est également en vente, 4500€.
Premières impressions
Ok, c’est bien beau tout ça ! Sur le papier, on sait ce qui se cache dans le Genie. A minima, on se figure de ce qu’il fait, quand il fonctionne… comment ses volumes d’air se comportent, et communiquent, ou non… Mieux, on sait sur quel vélo cet amortisseur prend place : le Specialized Stumpjumper 15, son châssis peaufiné et ses choix de montage atypiques. Mais ça donne quoi sur le terrain ?! La réponse, en image ! Habituellement, ce sont quelques photos, et du texte, qui viennent résumer mes premières impressions. Mais cette fois, je vous propose de poursuivre en vidéo, via le premier essai du Specialized Stumpjumper 15, sur FullAttack ! Après tout, c’est plus… Parlant 😉
* Cet épisode sur le Specialized Stumpjumper 15 fait plus largement partie des Premiers Essais, une série de vidéos consacrées aux premières impressions concernant les produits en test chez FullAttack ! L’ensemble des épisodes est à retrouver sur FullAttack, ici > https://fullattack.cc/rubrique/matos/premier-essai/