La conception de la nouvelle RockShox Boxxer, en détail !

Chose promise, chose due ! Au moment de dévoiler les premières informations reçues au sujet de la nouvelle RockShox Boxxer, je concluais l’article en confiant avoir sous peu, l’opportunité d’en savoir plus… C’est chose faite ! Entre roulage et échanges avec Tim Lynch, ingénieur en chef des équipes RockShox, voilà de quoi en savoir plus sur les détails de conception propres au nouveau flagship de la marque… 

Whistler, Crankworx. J’évoque l’endroit et l’évènement pour apporter un peu de contexte à mon propos au sujet de la nouvelle RockShox Boxxer. Le groupe SRAM – auquel RockShox appartient – est partenaire de l’évènement en question. Partenaire majeur, au point de profiter d’un stand – surnommé le Volcano – planté au milieu de la foule, au pied des pistes du Bike Park le plus célèbre de la planète, lors d’un évènement tout aussi fameux…Mais pour la marque, c’est aussi et surtout l’occasion de rassembler du monde dans un endroit particulièrement favorable.

En ce qui me concerne, c’est là et à cette occasion très particulière que j’ai l’opportunité de rencontrer les têtes pensantes RockShox. Jon Cancelier et surtout, Tim Lynch. Je vous ai déjà parlé du second, l’an passé, et pour une bonne raison. Il est l’ingénieur en chef, chargé du développement des suspensions de la marque. Et c’est donc à lui, entre deux runs, dans une cabine, autour d’un café ou d’une servante, que j’ai pu poser les quelques questions qui m’animent au sujet de ses travaux. Des questions restées en suspens il y a peu, au lancement de la RockShox Boxxer, tout comme d’autres, issues des commentaires FullAttack, et qui attendaient encore d’avoir des réponses plus précises…

Au sujet du châssis de la nouvelle RockShox Boxxer

Dans ses propos, RockShox met en avant son travail au sujet du nouveau châssis dont profite la nouvelle RockShox Boxxer. Une architecture basée sur des plongeurs désormais dotés d’un diamètre de 38mm, en lieu et place de ceux de 35mm utilisés jusqu’à présent, et pour lesquels la fourche de descente de la marque se distinguait justement. Un chiffre plus important sur le papier, et une structure vantée comme plus précise et travaillée que jamais, selon les dires des premiers éléments de communication reçus. C’est certes intéressant et flatteur, mais j’ai voulu en savoir plus à ce sujet. En quoi les équipes de la marque ont-elles vraiment dû s’appliquer pour que la RockShox Boxxer MY24 représente un tel progrès ? Pour Tim Lynch, la réponse se trouve dans toute la problématique d’alignement que constitue une fourche de descente à double té. Selon lui, sur une fourche à simple té, aligner les plongeurs pour qu’ils coulissent correctement dans les jambages est une chose plutôt maîtrisée chez RockShox. En faire de même, sur une fourche double té, en est une autre.

À ce propos, Tim n’y va d’ailleurs pas par quatre chemins. C’était selon lui le défit le plus important, tout bonnement parce que sans constance et maîtrise des alignements du châssis, pas la peine de travailler sur le reste. Et il n’hésite pas non plus à partir du constat que c’était la principale problématique à laquelle RockShox faisait face quand elle tentait de pousser le bouchon du développement avec ses meilleurs athlètes. Des alignements inconstants, créant un aléa dans le comportement des fourches, parasitant le travail et les retours, et créant de la frustration. Au final, c’est donc la raison principale pour laquelle des chiffres et couples de serrage apparaissent clairement sur les tés de la nouvelle RockShox Boxxer. Ceux d’entre nous qui s’intéressent au monde de la motocross s’imaginent de quoi il s’agit. Dans ce milieu, la conception et la procédure d’assemblage des tés d’une fourche sont très surveillées. Il en va de même avec la RockShox Boxxer MY24. Tout bonnement parce que sur une fourche double té où les plongeurs sont maintenus par serrage, une simple variation d’ordre ou de couple de serrage peut provoquer le décalage, le pincement ou l’écartement des plongeurs qui ne sont alors plus correctement alignés et prêts à s’insérer dans les jambages.

Mais vous l’aurez compris, on entre là dans un univers fait d’erreur et d’incertitude. Et même en fixant clairement la procédure, il n’est pas certain que le résultat soit optimal. Pour y parvenir, les équipes RockShox sont donc allées plus loin. En l’occurrence, la procédure ne sort pas de nulle part, ou bien d’une décision arbitraire. Elle est issue d’un travail qui implique les ingénieurs en charge de la conception, de l’industrialisation et du contrôle qualité. Dans ce projet, chacun a dû questionner ses méthodes, et les insérer dans une démarche statistique. Ça aussi, on en a déjà parlé chez FullAttack. Chez Bluegrass pour le test des casques en laboratoire notamment. Il s’agit, via des outils statistiques, de s’assurer qu’avec les choix retenus, un certain pourcentage – souvent 95%, 98%, 99% – d’un ensemble se trouvera dans la plage de tolérance souhaitée.

Ici, ce sont les dimensions et tolérances, issues des choix de conception et des outils de fabrication mis en œuvre, en plus de la méthode d’assemblage final, qui entrent en jeu pour s’assurer qu’au final, l’ensemble des travaux et choix effectués apportent la constance nécessaire au bon alignement, et donc au fonctionnement, de la RockShox Boxxer. De l’aveu même de Tim Lynch, un défi particulièrement relevé pour l’ensemble des équipes en place, et exigeant que chacun, à son niveau et dans son domaine, soit capable de hausser son niveau de jeu. C’est en ça qu’effectivement, la marque peut donc, au final, se permettre d’utiliser des propos dithyrambiques pour qualifier le travail effectué sur le châssis de la RockShox Boxxer MY24.

Au sujet du DebonAir + Twin Tube

On parle d’alignement… On parle de fonctionnement…Et me revient donc une des questions laissées en suspens au moment de la présentation de la nouvelle RockShox Boxxer. Sans plus de précision, les informations reçues faisaient état d’un ressort pneumatique DebonAir + à l’architecture Twin Tubes. Avec, en tout et pour tout, une seule photo peu parlante de l’ensemble, laissant peu de place à l’interprétation. Tout juste y voit-on ce qui ressemble faussement à une cartouche qui prendrait place dans le plongeur… Une cartouche qui réduirait donc le volume alors que dans le même temps, RockShox se vante d’avoir voulu un fonctionnement le plus linéaire possible. Comment donc avoir un fonctionnement linéaire avec un volume a priori réduit ?! J’ai donc logiquement saisi l’opportunité pour mieux saisir ce dont il s’agit réellement !

Si l’on schématise, il y a donc deux tubes – twin tubes – l’un dans l’autre. La question porte alors sur l’intérêt d’avoir ces deux tubes…

C’est donc pour toutes ces raisons que la RockShox Boxxer MY24 se pare d’une architecture Twin Tube côté ressort pneumatique. Pour autant, les observateurs les plus avisés auront remarqué que le tube du DebonAir + ne remonte pas jusqu’au sommet du plongeur…

L’usage de réducteurs de volume et l’ajustement de la pression se font donc de manière tout à fait habituelle, en haut du plongeur gauche, via le bouchon à dévisser via l’outil de cassette que l’on connaît aux fourches RockShox de ces dernières années…

À propos des plongeurs troués de la RockShox Boxxer

Au lancement de la nouvelle RockShox Boxxer, un autre détail n’a pas manqué d’en faire réagir certains. Les plongeurs sont percés et dans la communication RockShox reçue jusqu’ici, il s’agissait de parler de lubrification pour justifier ce perçage. C’est en partie vrai, mais c’est à mettre en lien avec ce qui vient d’être expliqué, pour réellement saisir l’intérêt de la présence de ces trous.

L’intérêt est double ! En matière de volume, on vient de voir que les concepteurs de la RockShox Boxxer sont en quête d’un maximum de volume pour cet air emprisonné dans les jambages. C’est donc ça de gagné ! Et en matière de lubrification, l’idée consiste à penser que cette circulation d’air soit susceptible de favoriser aussi la circulation d’huile de lubrification, emportée par l’air et qui, sinon, peut avoir tendance à rester là où l’air la maintient, sans grande circulation.

À propos de la cartouche Charger 3

Au sujet des suspensions RockShox lancées depuis l’an passé sur le marché, une autre question me taraude l’esprit. C’est qu’elle a été soulevée en commentaires sur FullAttack, et que si j’y ai apporté une réponse, je n’avais pas forcément suffisamment de précision, si ce n’est une intuition, pour être catégorique dans le propos… Pour bien la saisir, il faut se replonger dans la conception de la cartouche Charger 3 qui équipe les suspensions RockShox, dont la nouvelle Boxxer dont on parle ici.

Pour certains, la question est alors de savoir comment être certain que cet orifice ne vienne pas trop freiner le débit d’huile, au risque de créer des pics de charges ou autre coup de bélier susceptible de dégrader le fonctionnement et l’intégrité même de la cartouche. C’est que, en matière de circulation d’huile et d’amortissement, les marques de suspension ont largement éprouvé ce phénomène. Surtout à une époque ou en basse vitesse, elles voulaient gérer ça via un simple petit trou/pointeau sans circuit de décharge pour faire face aux forts débits dont il est parfois question à haute vitesse. Tout fini par figer ! Mais là, la réponse de Tim Lynch est intéressante, et sans appel. L’idée de cette architecture lui est justement venue en faisant face à ce problème de débit d’huile trop réduit. Il travaillait alors sur un amortisseur, dont le comportement ne donnait pas satisfaction sur les hautes vitesses. Lui et son équipe ont passé du temps à concevoir différents pistons principaux. Puis différentes bonbonnes… Jusqu’au jour où ils se sont rendus à l’évidence. Malgré leurs initiatives, le problème persistait. Un problème qui a disparu le jour où ils ont percé un trou plus gros entre le corps principal et la bonbonne.

Depuis ce jour-là, Tim Lynch a à l’esprit que le débit principal alloué à l’huile qui se déplace dans le circuit peut être une manière d’influer sur les hautes vitesses. Encore faut-il le manier avec les précautions nécessaires. Pour ce faire, ses travaux se font en plusieurs étapes. D’abord, déterminer la fameuse vitesse maximale de tige que la fourche est susceptible d’avoir à faire face au cours de son fonctionnement. Je dis fameuse parce qu’il s’agit d’une valeur précieuse, bien gardée et qui fait figure de sésame chez de nombreux concepteurs de suspension. Notamment parce qu’elle préfigure notamment le dimensionnement des bancs d’essai qui sont utilisés pour la conception des fourches… Imagniez vous, notamment, que ce soient ce type de travaux qui demandent parfois à certains de faire des trous dans les plafonds de leurs labos pour avoir la hauteur de chute nécessaire…

Pour en revenir aux travaux de Tim Lynch, ils ont d’abord porté sur la collecte de données via les athlètes RockShox. Collecte mais surtout traitement des données. Tout bonnement parce que là aussi, ce que les instruments de mesure procure n’est pas exempt d’erreur et d’approximation. Trop brutes, les données comportent du bruit et faussent les travaux. Trop filtrées, on risque tout bonnement de rater le pic où, une fois dans un run, la fourche prend tout son débattement à la vitesse qui nous intéresse… Ceux d’entre nous qui ont déjà vu ces courbes savent de quoi on parle ici. Tout le débattement est généralement pris une ou deux fois dans un run, rarement plus… Tim a spécifiquement fait travailler un ingénieur spécialisé dans le traitement des données à ce sujet, justement pour se permettre d’en collecter un nombre suffisant, et s’assurer d’obtenir les bons repères. Dans tous les cas, la suite s’explique par un graphique…

C’est à la fois l’illustration du propos tenu en premier lieu : les dimensions et le débit permis paraissent trop importants et généreux pour faire face à des pics de charge. C’est justement en faisant face à ce phénomène, et en le résolvant, que les équipes en charge de la cartouche Charger 3 en sont venues à la concevoir de la sorte…

Sur le terrain…

Quoi qu’il en soit, si j’ai évoqué Whistler et son bike park en début d’article, ce n’est pas pour en rester là au sujet de la nouvelle RockShox Boxxer. Outre des échanges fournis et intéressants, ce sont aussi des runs qui sont venus ponctuer, voir occuper une bonne partie du temps passé à la Mecque du VTT. Original Sin, No Joke, Freight Train, Seven year more, Missfire, Duffmann, Dirt Merchant, A-Line, BC’s Trail, Angry Pirate, Afternoon Delight… pour les principaux, les plus marquants, et pour donner une idée des trails parcourus à ceux qui ont la chance de connaître les lieux.

Pour les autres, simplement rappeler que pour la plupart, il s’agit de trails classés noirs et que leurs styles alternent entre du bike park bien shapé – virages relevés et sauts bien lisses – et des lignes très techniques – avec de la pente, des trous, des dalles rocheuses et des racines. Le tout, dans un style particulièrement arrosé par moments, typique de la Colombie Britannique… Bref, de quoi mettre le grip, les trajectoires, les appuis et l’attention à bonne épreuve…

Dans ces conditions, c’est la capacité de la RockShox Boxxer à tenir le cap et sa ligne, qui m’ont le plus interpellé. Et je choisis d’évoquer ce point pour une bonne raison : à mon sens, il fait la synthèse de toutes les situations et observations qui m’amènent à cette conclusion. Exemple en premier lieu, dans la pente, bien défoncée, que peuvent procurer certains segments du park, à Whislter. Il faut s’y imaginer, embarqué par la vitesse, à devoir freiner pour placer le vélo et saisir un appui, alors qu’au sol, des trous, des racines et/ou des rochers compliquent la donne. Par chance, la plupart sont majoritairement fixes. Reste néanmoins que parfois, un châssis un peu trop flex, un amortissement en peine et/ou un ressort qui monte trop en pression peuvent créer du guidonnage, et ajouter de la difficulté à la difficulté. Sûr et certain que chacun d’entre nous figure de quoi je parle ici. Eh bien j’ai beau y avoir mis du mien, et poussé le bouchon loin dans l’engagement et la fatigue d’une semaine pleine de roulage à Whistler, je ne suis pas parvenu à mettre la RockShox Boxxer en défaut sur ce point.

Pour parvenir à ce résultat, plusieurs observations à préciser. D’abord, le fait qu’en fin de course, la RockSohx Boxxer se veuille le plus linéaire possible se fait sentir. À aucun moment ça ne monte en charge de manière abusive, comme lorsque l’on roule avec trop de réducteurs de volume par exemple. Ça évite de se prendre dans les bras, ou pire, l’impact, à retardement. Ensuite, le fait que le châssis profite de ses plongeurs de 38mm et de tout le savoir-faire RockShox en matière de rigidité et précision. Quand bien même la fourche serait en fin de course au fond d’un trou, avec tout le poids du pilote dessus, je n’ai pas constaté de vrille qui aurait pu ajouter un déséquilibre gênant à une situation qui l’aurait été tout autant. Enfin, et presque surtout, plus encore ici que sur le reste de la gamme RockShox, la sensibilité pour laquelle la marque a sa réputation fait office de régal quand il s’agit d’avoir le seuil de déclenchement nécessaire aux conditions difficiles d’un temps pluvieux, de rochers lisses et de racines luisantes.

À tous ceux qui se posent donc la question – sur leurs vélos prêts à recevoir une fourche en 180mm ou plus, et compatible doublé té – de savoir ce qu’une Boxxer peut apporter face à n’importe quelle fourche simple té, la réponse est en bonne partie là. Un peu, aussi, sur la hauteur du cintre, puisqu’à débattement égal, une Boxxer peut être jusqu’à 10mm plus courte d’axe à té, qu’une ZEB, tout en conservant la possibilité de jouer sur cette fameuse hauteur, via le positionnement des plongeurs dans les tés… Qui plus est, différentes versions de té existent aussi pour jouer sur l’offset de la fourche, entre 44, 48 et 52mm… Bref, pour les amateurs de réglages et d’expérimentation qui lisent nos articles didactiques sur le sujet, il y a de quoi s’occuper…

Sans ça, l’occasion de rouler la RockShox Boxxer et de profiter de sa linéarité a un autre intérêt. Elle permet – plus encore que sur n’importe quelle fourche simple té, quoi qu’il arrive plus progressive – de confirmer la méthode avec laquelle faire usage de la cartouche Charger 3 et de ses réglages hautes et basses vitesses de compression. J’avais déjà constaté à l’usage de la ZEB, que j’avais tendance à fixer les hautes vitesses une bonne fois pour toutes en fonction du vélo et des sensations ressenties sur le terrain, pour éviter que la fourche ne prenne trop de débattement au moindre trou. Pour garder l’assiette du vélo quand les impacts sont plus importants. Et j’avais ensuite constaté que j’ajustais la compression basse vitesse en fonction du terrain. Ouverte, pour un maximum de confort et de sensibilité, sur terrain défoncé, et plus freinée pour avoir plus de peps, de dynamisme, de maintien et de précision sur terrain plus lisse et compact. Freiné en hautes vitesses et ouvert en basses, il se trouve justement que ce sont les réglages favoris de Tim Lynch, concepteur de ces suspensions. À Whislter, alterner les segments shapés et ceux plus défoncés, est la principale caractéristique du Bike Park de Whistler – les pistes y sont même spécifiquement référencées comme ça ! Fixer les hautes vitesses sur les premiers runs, et ne jouer que des basses vitesses sur 2, 3 voire 4 clics ensuite, est un régal. Et quand on sait que la marque maitrise l’électronique par ailleurs, et que l’on voit que les commandes à distance font partie des sujets traités dans d’autres discipline, la fameuse idée d’une double cartographie commandée au guidon n’est plus très loin… Afffaire à suivre !