Après un article posant les bases de la Cinématique, la rubrique Didactique s’attaque à quelques termes barbares de la suspension VTT.
Kick-back et Anti-squat en font partie. Pourtant, ces termes anglophones, opaques pour certains, sont en lien direct avec un principe mécanique simple : le moment d’une force.
Place donc à une nouvelle publication qui fait la lumière sur des aspects méconnus du fonctionnement de nos chères montures et, pourquoi pas, mieux en sentir les effets sur le terrain.
Le moment d’une force
En physique, le moment d’une force caractérise l’aptitude d’un effort à faire tourner un élément autour d’un point. Derrière cette énoncé barbare se cache quelque chose d’élémentaire : ce que l’on utilise chaque jour pour ouvrir et fermer une porte…
Or, il existe un cas particulier où un effort ne génère pas de moment : lorsque sa direction passe par le point de pivot…
Reprenons l’exemple de la porte. Si au lieu d’exercer une force via la poignée, on l’exerce sur la tranche, en direction des gonds ? Dans ce cas précis, la porte ne bouge pas. La direction de l’effort passe par le point de pivot de la porte. Le moment est nul, la rotation de la porte n’est pas influé par cet effort.
En quoi ça nous concerne ?
Cette règle s’applique à tout élément en liaison pivot avec un autre. On l’a vu dans la publication Didactique au sujet de la Cinématique : l’élément sur lequel est fixé la roue arrière, quel qu’il soit, pivote par rapport au triangle avant.
Quelques subtilités existent parfois pour identifier où se situe le point de pivot de cette liaison. Mais quel qu’il soit, s’il pivote, l’élément support de la roue arrière se plie à cette loi…
Prenons le cas simple du mono-pivot. Cas le plus facile pour bien saisir ce qui suit. Et isolons l’ensemble roue arrière / cassette + bras. Pour simplifier la rédaction, appelons cet ensemble le bras arrière. Dans ce cas de figure, le bras arrière se rapporte à la porte et sa poignée, évoquées précédemment.
Comme sur la porte, les efforts exercés sur le bras arrière peuvent le faire pivoter…
Quoi qu’il arrive, les efforts en provenance du sol tendent à compresser la suspension. À distance respectable du point de pivot, et relativement perpendiculaires au bras, ils ne passent pas par le point de pivot. Ils actionnent la cinématique de la suspension et font pivoter le bras arrière autour du point de pivot. C’est l’effet recherché. Lorsque l’on exerce un effort sur le pédalier, au pédalage ou sur un appui, même résultat. Cette fois-ci, l’effort tire le point de pivot vers le bas et « casse » le vélo en deux. Même effet donc, la suspension tend une nouvelle fois à se comprimer. Puisque cette effort peut être alternatif (pédalage), il peut générer des oscillations. On dit alors que la suspension « pompe ».
Au delà de ces deux premiers efforts, plusieurs autres agissent sur le bras arrière. Cette fois-ci, ce sont ceux issus de la chaîne qui nous intéressent…
Influence du brin tendu…
Le brin supérieur de la chaîne, le brin tendu de la transmission, est en prise directe avec la cassette. Rappelons que cette dernière fait partie de l’ensemble bras arrière isolé précédemment.
Il exerce un effort sur le bras arrière. Et, en la matière, il suffit parfois de quelques millimètres pour que son influence change considérablement…
Premier cas de figure, le brin supérieur de la chaîne passe au dessus du point de pivot. Dans ce cas, la tension du brin tendu a tendance à « soulever » le bras arrière. La suspension tend à se comprimer. Second cas de figure, le brin supérieur de la chaine passe sous le point de pivot. Sa tension a tendance à « ramener » le bras arrière. la suspension se détend. Troisième cas de figure, la direction du brin tendu passe par le point de pivot. Le moment est nul. le bras arrière ne bouge pas sous l’influence de la chaîne.
En fonction de son orientation vis-à-vis du point de pivot, le brin supérieur de la chaîne peut donc tout autant favoriser, ou contrer la manière avec laquelle la suspension se comprime.
L’Anti-Squat
Étudions le cas où le brin supérieur de la chaîne passe sous le point de pivot. La tension du brin a tendance à contrer la compression de la suspension. Mais à quel point ? Et face à quel effort s’oppose-t-elle ?
Il est intéressant de définir un certain rapport : de combien la tension du brin supérieur s’oppose à la compression générée par l’effort exercé au boitier de pédalier. Quand j’appuis sur le pédalier : la chaîne contre-t-elle suffisamment la compression de la suspension engendrée par mon effort ? Dans le cas de figure où je pédale, l’effet est-il suffisant pour éviter le pompage ?
C’est en estimant le rapport entre ces deux effets que l’on juge de l’Anti-Squat dont dispose un vélo. Anti = contre / Squat = compression / Anti-Squat = contre la compression. On trouve parfois cette valeur exprimée en pourcentage : autour de 100%, les deux effets s’équilibrent. D’autre fois comme un nombre relatif : le signe indique l’effet qui prend le dessus.
Le Kick-back ?
Le kick-Back peut être qualifié d’effet indésirable de l’Anti-Squat. Au lieu de se focaliser sur le bras arrière, intéressons-nous au brin supérieur de la chaîne…
Si le brin supérieur se situe sous le point de pivot : lorsque la suspension se comprime, le bras arrière veut étirer le brin. Or, la chaîne n’est pas élastique. La roue arrière n’est pas totalement libre de tourner : résistance du terrain, inertie et possible lichette de frein peuvent entrer en compte. Elle ne peut donc pas donner du « mou » à la chaîne. Le plateau non plus : appuis des pieds sur les pédale et/ou effort de pédalage l’empêche de tourner librement.
Dans ce cas de figure, si la suspension se comprime, le brin supérieur de la chaîne se tend et tire sur ses extrémités. On estime alors le Kick-back….
On bloque la cassette, on comprime la suspension, et l’on mesure de quel angle le pédalier pivote vers l’arrière.
Certains vélos n’ont pas de Kick-back. D’autre très peu au point qu’il ne se sente pas à l’usage. Mais pour certains, il suffit de passer dans un nid de poule sur le petit plateau et le grand pignon, en pédalant, pour sentir la tension de la chaîne varier, et le pédalier repartir vers l’arrière…
Les paramètres qui entrent en jeu
On l’a vu, le Kick-back et l’Anti-squat d’un vélo tiennent à l’alignement, ou non, du brin supérieur de la chaîne avec le point de pivot du bras arrière. Il existe donc plusieurs paramètres qui influent sur ce principe.
Au premier rang desquels la position du point de pivot principal. Voilà pourquoi, la première publication Didactique, intitulée Cinématique, avait pour objectif de permettre à chacun d’identifier où se situe le point de pivot principal d’une suspension.
La position de ce point, et à fortiori son déplacement lorsqu’il s’agit d’un point de pivot virtuel, est un des paramètres clés dont disposent les concepteurs au moment de concevoir leurs vélos. Ils peuvent, en choisissant qu’il se situe au dessus, au dessus ou sur l’axe du brin supérieur de la chaîne, décider que leur monture soit plus ou moins sujette au Kick-back et à l’Anti-squat.
Au delà de ça, puisque l’on parle de chaîne, certains paramètres de la transmission entrent forcément en jeu quand il faut définir l’orientation du brin supérieur…
En premier lieu, le ou les diamètre(s) de plateau(x) entre en jeu. forcément, la position du brin par rapport au point de pivot n’est pas la même avec un plateau de 26 dents qu’avec un plateau de 36, ou 42 dents. D’autant plus quand le concepteur a choisi de placer le point de pivot proche du plateau. Les diamètres des pignons de la cassette, notamment le plus grand, également. Placés à l’autre extrémité du brin de chaîne, leur dimension conditionne forcément l’orientation de ce dernier et la distance à laquelle il passe du point de pivot. Leur influence est d’autant plus grande que le point de pivot est éloigné des plateaux, ce qui arrive avec certains points de pivot virtuels projetés loin à l’avant du vélo.
Anti-squat permanent ?
Puisque l’on parle de chaîne, de pédalier, de transmission… On pourrait penser que le le Kick-back et l’Anti-squat n’entrent en jeu qu’au pédalage. Ne nous y trompons pas ! Certes, ils sont maximaux lorsque le brin supérieur est le plus tendu, au coup de pédale… Mais ils peuvent aussi être actifs le reste du temps, dans certains cas de figure qui dépendent : de la nature du choc, du comportement de la suspension vis-à-vis de lui, de la vitesse à laquelle la roue arrière tourne, du rapport de transmission et de la vitesse du brin supérieur de la chaine.
Debout sur les pédales, manivelles à l’horizontal, les deux pieds en appui sur les pédales. Il suffit que la suspension arrière subisse une compression vive et soudaine, pour que le brin supérieur de la chaîne se tende et contre la compression de la suspension. Les appuis sur les deux pédales, à ce moment là, « verrouillent » la rotation du pédalier. La chaîne se tend et tire sur la cassette. En fonction des cas de figure, la roue arrière peut accélérer et/ou la suspension être freinée dans sa compression.
Ce cas de figure peut donc se présenter et influer dans différentes situations de pilotage :
– En courbe, lorsque l’on souhaite pousser sur le pédalier pour marquer un appui. Certains vélos s’affaissent, d’autres non.
– Sur les mouvements de terrain verticaux qui poussent la suspension à se comprimer. Certains vélos s’affaissent et sont patauds, d’autres réagissent comme sur une pump-track.
– Lorsque la suspension traite une succession d’obstacles. Certaines suspensions « entrent » dans le débattement et fonctionnent « dans le débattement » autour d’une certaine zone d’équilibre. D’autres rechignent à prendre la course.
Dans ces trois cas, Le Kick-back et l’Anti-squat peuvent en partie expliquer le comportement du vélo, mais ne peuvent pas être tenus pour seuls responsables. D’autres caractéristiques de la suspension entrent en jeu.
Sur le terrain, pour faire la part des choses, une méthode simple : un run avec, puis un run sans chaine. Les différences de comportement de la suspension sont à attribuer à l’Anti-Squat.
Anti-Squat : bon ou mauvais ?
Il n’existe pas de réponse absolue à cette question. Ceux qui s’expriment de manière catégorique à ce sujet défendent une conviction. Par expérience, et pour avoir l’occasion d’échanger régulièrement avec différents concepteurs, de différentes marques et horizons : chacun à sa propre vision des choses.
Certains prônent des systèmes de suspension qui isolent le bras arrière de l’influence de la transmission en dirigeant le brin supérieur sur le point de pivot . D’autres cherchent à en générer, et en maîtriser l’intensité, à différents stade du débattement, pour confier au vélo un comportement particulier. Il arrive même parfois qu’au sein d’une même marque, des modèles usent de principes différents pour, au final, maîtriser ce même concept à des degrés différents, suivant la pratique.
Dans tous les cas, l’important n’est pas sur cette question. Elle fera toujours débat. C’est davantage sur le fait qu’à l’usage, le résultat soit cohérent. Que l’influence de l’Anti-Squat dans le fonctionnement et la dynamique du vélo soit cohérent.
C’est la raison pour laquelle on ne va pas ici, se lancer dans une liste sans fin cherchant à catégoriser quel vélo en fait usage, et quel vélo n’en fait pas.
C’est l’objet des essais Endurotribe, fournis de précision et d’analyse. D’autant que si l’Anti-Squat a une influence sur le comportement d’un vélo, il n’est pas le seul responsable du caractère d’une monture et forme un tout, avec d’autres paramètres dont il faut tenir compte pour juger du rendu final, cohérent ou non.
Qu’en conclure ?
En premier lieu, qu’un kick-back trop prononcé n’est pas une bonne chose. Nous y faisons allusion dans nos essais quand le cas de figure se présente, et veillons forcément à vérifier qu’une solution existe. Si tel est le cas, aucune raison de s’alarmer. L’essai du Santa Cruz Hightower est intéressante à ce sujet.
Par ailleurs, l’Anti-squat n’est pas un défaut. Au contraire, un paramètre que les concepteurs prennent en compte au moment de la conception du vélo. Sa maîtrise peut influer sur l’impression de hauteur du boitier de pédalier et de fonctionnement de la suspension . La prise en main exclusive du Commençal Meta AM V4.2, successeur du Meta AM V4, s’y rapporte.
« Le choix de la transmission peut avoir une influence sur le comportement de la suspension… »
Enfin, on comprend ici que le choix de la transmission peut avoir une influence sur le comportement de sa suspension ! Un lien qui ne parait pas évident de prime abord. Pourtant, changer de denture de plateau peut avoir certaines conséquences.
Avant de prendre une quelconque initiative en la matière, il est donc important de se poser une question : mon vélo est-il très sensible, ou non, à un tel changement ? La réponse n’est pas évidente, mais les éléments apportés dans cette publication Didactique peuvent apporter un bon élément de réponse.
C’est pourquoi aussi, il arrive que l’on parle du choix de denture et/ou que l’on change de plateau lors de nos essais Endurotribe. Une attention présente dans la plupart de nos publications Dans les tuyaux et Verdict. Lorsque l’on parvient à identifier qu’un vélo y est sensible, l’information est transmise.
C’est en tout cas un objectif que l’on se fixe, afin, comme avec cette rubrique Didactique Endurotribe, de continuer à partager les infos les plus pertinentes possibles 😉 À très vite !