Le Down Country avant l’heure…
S’il existe au catalogue de la marque depuis un petit bout de temps maintenant, on en avait des raisons de passer le YT Izzo à l’essai. D’abord, parce que l’air de rien, il a fait partie des premiers Down Country qui s’ignorent. De ces petits vélos qui se sont positionnés sur le créneau ludique avant même que le terme marketing n’ait été inventé. Ensuite, parce que l’air de rien encore, on le voit souvent entre les mains de chefs produits de l’industrie lorsqu’il s’agit d’avoir une plateforme pour essayer les futurs produits du segment… Et enfin, tout simplement parce qu’il est sexy ! Un petit vélo qui a l’ambition de se ranger dans la case gravity, ça nous parle, forcément…
YT Izzo Core 3
- Down Country / Trail
- 29 pouces
- 130/130 mm, Fox 34 & DPS Elite
- Carbone
- Reach 472 mm (L) & Offset 44 mm
- DT Swiss M1900 30 mm
- Maxxis Forecaster 2.35 Exo
- SRAM G2 R, 200/180 mm
- 2 modèles, 5 tailles, 3399 à 6999 €
- 13,2 kg, (L, TL + prev. ss pédale)
- Dispo depuis avril 2020
- Fiche sur yt-industries.com
Facile Émile !
Pour replacer dans le contexte, le YT Izzo est arrivé à l’essai en même temps que le Scott Spark et le Canyon Spectral 125, dont je vous ait déjà parlé sur FullAttack. Son rôle ? Challenger ces deux vélos récents ! Et je dois dire qu’il le tient avec brio, et ce, dès les premiers tours de roues ! C’est bien simple, le YT Izzo me parait être le plus facile des trois ! Le plus facile à manier, le plus facile à faire tourner, le plus facile dont tirer parti. Pourquoi ?
D’abord parce qu’en matière de suspensions, c’est celui qui fonctionne d’entrée de jeu, sur les réglages de base habituels – 30% de SAG, détentes à mi-plage, compressions ouvertes. Le toucher est remarquable, la raideur à mi-course suffisamment contenue. Bref, c’est confort et ça ne brasse pas au premier caillou. C’est aussi celui qui semble tailler le plus grand de la partie avant. C’est donc assez facile de s’y placer, s’y déplacer. Manifestement, ça aide quand le terrain devient défoncé. Le YT Izzo poursuit son chemin plutôt que de s’y mettre en crabe illico. Tout juste le cintre me parait-il un poil bas de l’avant. Mais malgré ça, enfin, le YT Izzo reste celui qui lève et tient le manual le plus facilement. Savoir que l’on peut facilement lever la roue avant et la tenir en l’air, ça aide niveau confiance en soi…
Bref, Je crois que je décris là, trois des principaux traits qui caractérisent un vélo et un style de pilotage résolument orienté gravity ! Tout simplement. Le YT Izzo me parait facile parce qu’il a les code de cette pratique qui est la mienne, de coeur et d’esprit. Et là où ça devient d’autant plus intéressant, c’est qu’il ne manque pas pour autant de s’inspirer aussi des petits vélos qu’il a l’ambition de concurrencer. À la pédale, il a le grip et le punch à la roue arrière qui permet de jouer du franchissement comme on vous en a déjà parlé. Il a aussi cette capacité à générer de la vitesse en faible pente pour faire de sections plates des secteurs amusants à piloter. Et il a, enfin, une petite giclette qui me parait d’abord contenue, mais je vais vite savoir pourquoi…
D’où ça vient ?
La giclette contenue vient avant tout des roues d’origine de ce YT Izzo Core 3 : les DT Swiss M1900 sont tout à fait correcte, mais je les connais par ailleurs pour ne pas être les plus dynamiques. C’est la principale concession de ce niveau de gamme chez DT. En interchangeant avec plusieurs paires de roues que je connais par ailleurs, pas de doute, le YT Izzo peut avoir quasi autant de giclette que la concurrence évoquée plus tôt…
Autre point important, l’impression de grandeur de la partie avant et du cintre un poil bas. Il ne me faut pas longtemps pour cerner certains éléments clés. D’abord, la potence d’origine, longue de nos jours, en 60 mm ! Ensuite, l’angle de selle réel, très incliné vers l’arrière qui éloigne beaucoup la selle, à hauteur de pédalage. Et enfin, les fourches montées d’origine, en 130 mm là où désormais, c’est plutôt vers 140 mm que l’on s’oriente… Des observations qui recoupent mes impressions. Si ce YT Izzo a bien un petit défaut, c’est celui d’une géométrie encore un peu à l’ancienne…
Comment ça se règle ?
Rien de rédhibitoire pour autant ! Puisqu’il est généreux de l’avant, on a de la marge. Une potence 10 mm plus courte, 5 mm d’entretoise en dessous, et la selle avancée au maximum vers l’avant suffisent à recentrer le bonhomme. À l’occasion, le YT Izzo méritera donc une mise à jour de sa géométrie, mais pour l’heure, il reste dans la course…
En matière de suspension, je l’ai dit, la sensibilité est particulièrement intéressante. Là aussi on a de la marge. Si bien que l’on peut tenter de gagner un peu en contrôle : chercher à ce que les suspensions amortissent autant, en utilisant moins de débattement, et sans y perdre en confort… En premier lieu, j’expérimente ça avec les réglages de base : SAG et détente. Dans les deux cas, le vélo réagit comme attendu. Ça montre qu’il est bien conçu et surtout, que les modèles les moins chers pourront offrir ce contrôle via un poil plus d’air, et/ou une détente un poil plus freinée. Ça me rappelle le YT Jeffsy Base passé à l’essai sur ce thème…
J’expérimente néanmoins tout le potentiel du YT Izzo Core 3 à dispo ici en prenant plutôt parti de jouer des compressions. À l’arrière, point trop n’en faut : 1 clic maxi de moins que la position tout ouvert. Plus loin, on y perd. À l’avant, ça se marie avec 3 clics de basses vitesses…
Avant | Arrière | |
SAG | 30% | 30% |
Détentes | mi-plage | mi-plage |
Compressions | 3 clics (depuis ouvert) | 1 clic (depuis ouvert) |
Réducteurs de volume | D’origine | D’origine |
Pour un gabarit moyen de 75/80kg. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaules à l’aplomb du guidon. Voir notre vidéo explicative > https://fullattack.cc/comment-faire-les-sag-la-methode-et-les-conseils-fullattack/
Comment ça se pilote ?
En courbe, en l’air, quand ça brasse… et à la pédale ! Le YT Izzo cerné et réglé comme je viens de l’exposer, coche toutes les cases du vélo Gravity actuel. Comme quoi, un Down Country peut donc le faire, la preuve..!
En courbe…
L’air de rien, on retrouve sur le YT Izzo toute l’ADN des générations YT dont il est issu : il assoit son pilote sur la roue arrière ! Pas autant qu’un Capra MKII, mais tout de même. Ici, c’est la répartition des masses et la dynamique du vélo qui font ça. Et on sent que le centre de rotation du vélo se situe sur l’axe de la roue arrière. L’idée donc, pour le faire tourner, consiste à rapprocher son propre centre de gravité de cet axe. Donc parfois, il faut faire l’effort de passer le bassin derrière la selle pour en profiter. C’est là qu’une petite mise à jour de la géométrie, avec un tube de selle plus compact et redressé, et une tige de selle à grand débattement, aurait tout son sens pour gagner en dégagement. Mais en attendant, quand on maitrise le geste, c’est un régal ! Le YT Izzo se pilote alors sur les jambes. Ne pas hésiter à faire la chaise, jouer de la hauteur du bassin pour faire corps avec le vélo, et c’est parti ! Ça tourne d’un seul tenant. En sortie de virage, on peut alors se faire plaisir. Notamment en tirant le manual pour pousser et ramener la roue avant plus à l’inter’ ensuite… On pourrait gagner encore en dynamisme en serrant les compressions, mais j’ai le sentiment qu’il y a plus à gagner par ailleurs, notamment ce qui suit…
Quand ça brasse…
Le YT Izzo a une marge en matière de toucher, et de sensibilité ensuite. C’est ce qui fait qu’on a envie de le piloter comme un véritable vélo gravity – un vélo à qui l’on confie une part du job, pour se concentrer sur le reste. J’entends par là qu’on peut confier une partie du travail d’absorption du terrain et de ses mouvements aux suspensions. Qu’on n’a pas à rouler exclusivement sur des oeufs, à toujours alléger l’appui. Si sur la traj’, il y a un cailloux ou une racine qui gêne, on peut laisser taper et laisser le vélo faire une partie du job. On reste vigilant parce que les pneus sont, comme toujours sur ces vélo, un facteur limitant. Mais pour le coup, ils sont clairement les premiers et dans l’esprit, on y est ! #BikeAbuse
En l’air…
Autres circonstances où l’on attend du Yt Izzo qu’il soit « gravity » : quand il s’agit de prendre la voie des airs ! Là aussi, sa dynamique d’une part, et ses capacités d’absorption d’autre part, jouent en sa faveur, et la notre ! On peut vraiment s’amuser à prendre le moindre appui qui traine sur la trace, même un peu sale. La capacité d’encaissement du Yt Izzo assure la stabilité nécessaire à l’appel pour éviter la satellisation en règle. La petite dynamique qu’il a au boitier, et cette tendance à assoir sur la roue arrière, demandent un léger temps d’adaptation. Celui nécessaire à prendre ses marques et ses habitudes. Mais après ça, #banzaï ! Le Izzo, et tout le marketing fait autour de lui sont biens pensés. On peut sévir à peut près partout, en un rien de temps…
À la pédale !
L’assise du YT Izzo est bonne. Largement de quoi prendre appui et rouler au train de manière efficace. Le gainage, s’il est là, y trouvera de bons repères pour être mis à profit. Et puisque le YT Izzo peut avoir la petite giclette qui va bien, on peut profiter de quelques coups de pédale énergique pour se jouer du terrain. S’il doit y avoir un facteur limitant, c’est le train avant, décidément un poil trop bas avec une fourche en 130 mm. On est toujours un poil trop en appui ou un poil trop souple de l’avant. Ça pompe un poil trop. Jouer des réglages pour s’en accommoder flingue tout le reste. C’est là, aussi, qu’on se dit qu’une fourche d’origine en 140 mm aurait du sens. Pour avoir essayé, c’est top ! Ça solutionne ce que je viens d’exposer, et surtout, ça magnifie le reste du caractère du vélo…
Pour qui ? Pour quoi faire ?
Quelque part, le Yt Izzo est l’archétype du petit vélo gravity. Son débattement est contenu et il en tire le dynamisme, la légèreté, le coup de pédale qu’on attend sur le segment Down Country. Pour autant, ça n’est pas fait en sacrifiant l’amortissement, le confort, le grip et la stabilité que l’on attend de n’importe quel vélo pour s’exprimer sans être en carafe aux premières complications du terrain. Le YT Izzo, c’est donc le vélo qu’on veut avoir pour faire des bornes, une bonne sortie à la pédale, mais où l’on sait que l’on ne laissera pas passer la moindre occasion de s’amuser en route. D’ailleurs, c’est le vélo à avoir si l’on veut rendre chèvre (!) les potes de sortie, surtout s’ils ont des vélos résolument plus XC. À ‘ment donné, ils en auront marre de voir qu’en fait, au lieu de simplement pédaler tête dans le guidon et serrer les miches le reste du temps, on peut aussi, et surtout, profiter du terrain et s’amuser d’un rien…
La Concurrence ?
Le Spectral 125
Allemands, VPCistes, Down Country/Trail qui se veulent drôles… Jusque dans la couleur des modèles reçus à l’essai… Tout est fait pour que Spectral 125 et YT Izzo soient en concurrence. D’ailleurs, si le YT n’existait pas, ce serait un boulevard pour le Canyon… Mais le Izzo est bien le cailloux dans la chaussure du dernier venu ! Notamment parce qu’en suspensions, le YT Izzo offre le niveau de performance et d’ajustabilité que j’attends du Spectral 125, en vain. En revanche, c’est clairement la géométrie du Spectral 125 qui démontre que le YT Izzo est vieillissant. Bref, Le Izzo avec la géo du Spectral ?! Combo parfait !
Le Spark
C’est l’autre Down Country passé à l’essai cette saison, en même temps que le YT Izzo. Dans les sections sans pentes mais ludiques, le YT Izzo a le côté jouer du Spark, sans en avoir toute l’agilité. Par contre, dans la pente, il a la capacité d’engagement du Spectral 125, ce que le Spark n’a pas… le YT Izzo tire donc un peu le meilleur des deux mondes. Au coup de pédale, le YT Izzo, même avec de très bonnes roues, est un poil en retrait du Spark. Par contre, le pas grand chose qu’on lâche au coup de pédale, on le récupère, décuplé, en matière de suspensions ! Clairement, un meilleurs amortissement et un meilleur contrôle, là où le Scott est à la peine. Résultat sur le terrain, quand la trace se complique, le Spark se met en crabe, là où le YT Izzo s’amuse !
Sur certains points, des détails qui peuvent trouver des solutions assez faciles à mettre en oeuvre, le YT Izzo montre qu’il a pris un peu d’âge. À l’occasion, une petite mise à jour ne lui ferait pas de mal… Pour autant, et malgré ça, le YT Izzo est toujours dans le match. Mieux, il fait toujours figure de favori des coeurs de ceux qui veulent un petit vélo résolument gravity ! Indétrônable donc le YT Izzo ? Oui, en bonne partie !
À l’arrière, pour favoriser le rendement et la giclette au coup de pédale, pourquoi pas… Mais à l’avant, sur un vélo aussi fun à piloter, le choix du Maxxis Forecaster est un scandale ! La potence montée d’origine, en 60 mm… So années 2000 ! On tire mieux parti du Fox Float DPS sur le YT Izzo que sur les concurrents passés. à l’essai. Par contre, la molette de détente de cet amortisseur reste à deux doigts de l’abandon de poste ! Les clics de détentes sont mal marqués, bloquent trop dans un sens, ne se sentent pas dans l’autre… Vu sous cet angle, le tube de selle coudé qui mériterait d’être redressé et raccourci, c’est une évidence… Et enfin, les DT Swiss M1900 qui n’ont rien à se reprocher à leur niveau de gamme, si ce n’est qu’on sait en quoi elles pèchent par rapport au niveaux supérieurs : le dynamisme… C’est sensible ici !