De quoi tout bon petit vélo gravity devrait s’inspirer…
Allez c’est parti ! Le Canyon Spectral 125 passe à l’essai FullAttack ! Et il est attendu celui-là ! D’abord parce que ça fait un paquet de temps que nombre d’entre-vous nous font savoir qu’ils aiment piloter, mais n’ont pas forcément besoin de beaucoup de débattement chez eux. Ensuite, parce que nous les premiers, on a été enthousiastes au possible en découvrant le petit dernier des VTT gravity de la marque allemande.
Grosso-modo, il a le design la géo, la cinématique et le montage de son grand frère, le Spectral original. Le Canyon Spectral 125 a simplement moins de débattement : 125 mm à l’arrière, 140 mm à l’avant. Alors, ça donne quoi à l’usage ? Comment ça se pilote ? Pourquoi faire ?! Réponse dans ce verdict d’essai complet, sur FullAttack !
Canyon Spectral 125 CF8
- Trail
- 29 pouces
- 125/140 mm, Fox 36 & Float X
- Carbone
- Reach 486 mm (L) & Offset 44 mm
- DT Swiss XM1700, 30 mm
Mini Spectral !
On vient de le voir en introduction à cet essai, et dans un tel contexte, je ne vais pas le cacher : l’attente est importante au sujet du Canyon Spectral 125. Et pour le coup, la mienne, au moment de monter sur ce vélo, correspond à l’ambiance générale. Dans le rush du moment, je n’ai pas pris le temps de me remettre dans le bain du truc, mais je ressens l’excitation. Je ne me suis pas non plus remémoré ce que j’avais pu penser du Spectral original, mais au final, je n’en ai pas besoin !
Les tous premiers tours de roues sur le Canyon Spectral 125 me le rappelle, illico ! L’assise au pédalage, l’assiette très stable, la rigidité/raideur du carbone, le gabarit du vélo… Ah oui, c’est vrai, ça me revient ! Je relirai quand même ce que j’ai écrit par le passé, pour vérifier, mais peu de doute, on est bien sur un Spectral. Plus précisément, ce sont l’empattement avant (à propos), l’angle de direction (ce qu’il faut de couché), l’angle de selle (redressé), la hauteur du boitier de pédalier (bas, en position low) et le reach (raisonnable) qui me rappellent de bons souvenirs.
Puis, c’est le carbone, relativement rigide, mais pas raide pour autant, qui me revient en tête. C’est précis, ça se tient bien quand on appuis dessus, mais ça n’oublie pas de filtrer pour autant. Sauf que… Sauf que sur les réglages de suspensions habituels – 30% de SAG, détente à mi-plage, compressions ouvertes – le Canyon Spectral 125 me parait tout de même raide. Dans son propos, la marque nous promet la fameuse suspension à 3 phases : sensibilité > maintien > progressivité. Et si le Spectral original procure ça sans difficulté, le Canyon Spectral 125 me donne le sentiment d’être directement quelque part entre les deux dernières phases. Je cherche clairement la sensibilité de ses suspensions…
D’où ça vient ?
Je ne vais pas refaire la génèse du Canyon Spectral 125. On a déjà suffisamment écrit à ce sujet, et au sujet du savoir faire Canyon ces derniers temps. Tout s’explique. Par contre, je m’attarde sur cette sensibilité qui manque cruellement jusqu’ici. J’ai cherché un petit moment, jouant des settings comme je l’expose ci-dessous… Mais au final, c’est en ouvrant le Fox Float X et la Fox 36 montés d’origine sur ce modèle du Canyon Spectral 125, que j’ai trouvé une bonne part des raisons : 2 réducteurs de volume – 0,3in en tout – à l’intérieur de l’amortisseur, et quatre réducteurs dans la fourche ! Puis un tampon de fin de course de 10 mm dans le Float X. Certes, il s’écrase, mais jamais suffisamment pour atteindre les 0 mm d’épaisseur garantissant les 50 vrais millimètres de course promis… Et tiens, en parlant de course, le Float X comporte 2 cales de 2,5 mm pour réduire sa course aux 50 mm annoncés. On pourrait les enlever – j’ai essayé, mécaniquement rien ne s’y oppose – mais on ne serait plus sur un Spectral 125, plutôt un Spectral 135 ou 140… On en reste donc là.
Comment ça se règle ?
La sensibilité, j’ai donc fini par la trouver au guidon du Canyon Spectral 125, voici comment : il suffit de reprendre les réglages, dans l’ordre, les uns après les autres. D’abord, le SAG. Plutôt utiliser un 30% bien tassé, qu’un petit 30% timide. Dans le premier cas, on gagne un poil de confort sans rien perdre ailleurs, dans l’autre, on se dit que jamais on ne roulerait à 25% de SAG ! Ensuite, on peut jouer des détentes : privilégier des détentes plutôt rapides, pour que les suspensions restent au maximum en début de course, là où les ressorts sont les moins raides. Comme sur d’autres petits vélos, la plage offerte n’est pas d’une amplitude et d’une précision folle, mais on arrive à jouer à 2/3 clics près. 40% de la plage totale doivent vraiment être exploitables en réalité, le reste ne sert à rien. Dans tous les cas, l’idée, c’est d’accélérer au maximum les détentes sans que le pompage ne se fasse sentir à plat, sur sol dur et lisse. Quand il se manifeste, c’est qu’on est allé trop loin. Un bon repère pour s’y retrouver. Enfin, comme je l’ai laissé entendre précédemment, à moins de rouler sur un terrain exclusivement lisse et compact, mieux vaut retirer des réducteurs de volume, ça abaisse la raideur de l’ensemble…
Avant | Arrière | |
SAG | 30% | 30% |
Détentes | 2/3 ouvertes | 2/3 ouvertes |
Compressions | Ouvertes | Ouvertes |
Réducteurs de volume | sans | sans |
Pour un gabarit moyen de 75/80kg. Clics de détente et compression comptés depuis la position la plus vissée des molettes. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaules à l’aplomb du guidon. Voir notre vidéo explicative > https://fullattack.cc/comment-faire-les-sag-la-methode-et-les-conseils-fullattack/
Comment ça se pilote ?
N’ayez crainte : avec l’approche préconisée ci-dessus, le manque de sensibilité, noté au départ, s’estompe. On retrouve donc, dans une version réduite, les fameuses trois phases de la suspension Canyon. Ici, je dirais simplement quel la sensibilité se situe entre le 0 et le SAG, et que dès le SAG, on est clairement dans le maintien. Ça a toute son importante pour saisir ce qui suit, à savoir, comment tirer parti du Canyon Spectral 125 à l’usage…
Quand ça brasse…
Le gros du truc à comprendre au sujet du Canyon Spectral 125, c’est quand ça brasse. Comprenez, quand le terrain n’est pas lisse. Plutôt, quand il y a des aspérités (cailloux, pierres, racines, trous, mottes d’herbe…) et/ou qu’il y a des mouvement de terrains (compression, dômes, bosses, marches…) à l’image de ce que vous pouvez voir en vidéo ici.
Bien réglé, le toucher des suspensions est intéressant avant le SAG, et le maintien l’est tout autant après. Le Canyon Spectral 125 se pilote donc entre allègement et tassement, en pumpant, en enroulant, en tirant, en poussant. Pure technique de BMX. Plus le buste est gainé, et les bras/jambes capables de générer du mouvement, plus c’est grisant. Alléger juste ce qu’il faut pour faire dribbler les roues, puis poser l’appui où ça va bien pour s’appuyer sur l’excellent maintient, un pur régal !
Quoi qu’ill en soit, le Canyon Spectral 125 est bien à classer dans la vaste classe des vélos gravity. On peut tirer droit, et prendre les initiatives qui s’imposent. Même si on finit par atteindre ses limites, sa rigidité/raideur et ses côtes font qu’il reste en ligne et ne se dérobe pas à la première complication…
Dans la pente
D’ailleurs, ce que l’on vient de dire sur la géométrie du vélo se retrouve au freinage, et/ou dans la pente. Le gabarit du Canyon Spectral 125 ne s’efface pas au premier coup de patin, ou quand la fourche prend son débattement. L’angle et l’empattement avant sont suffisants pour rester à propos quoi qu’il arrive. On n’en est pas à jouer avec les limites. Ça reste cohérent jusqu’au bout et même en cas de coup dur ! Du coup, on en vient même à se concentrer sur l’avant : jouer des appuis sur le cintre, de l’angle qu’on lui donne, de là où l’on place la roue avant… Quelque part, si ça passe, l’arrière suit, même avec fracas.
Quand ça tourne…
Là, c’est la hauteur du boitier – faible – et le maintien après SAG qui s’expriment. Le Canyon Spectral 125 a très peu de dynamique au boitier. Comprenez qu’en courbe, si l’on appuie sur les pédales, le boitier ne plonge pas de beaucoup. Les appuis sont très, très stables. Si bien que c’est très facile de profiter de la moindre aspérité du terrain pour s’y appuyer. Et quand la courbe est un peu plus longue, on sent l’opportunité de jouer du grip de chaque roue. Quelque part, on peut même piloter à l’oreille. Tiens, ça croustille un peu sous la roue arrière… Hum, ça shlarpe ! Le grip, procuré par l’ensemble de ce que l’on a évoqué jusqu’à maintenant, est bon. Bons appuis, bon maintien, bon grip… Tout ce qu’il faut pour rester gainer, rester dans l’axe du vélo quand on met de l’angle – donc prendre l’angle avec le vélo – et y aller avec envie ! Attention, les sentiers un peu étroits où d’habitude, on évite de mettre la tête dans les buissons sans le savoir, vont tout de suite paraitre plus étroit qu’à l’accoutumée !
À la pédale !
Actuellement, petit vélo = DownCountry ?! C’est un peu la question récurrente, et le Canyon Spectral 125 n’y échappe pas. C’est à la pédale qu’une partie de la réponse se trouve. L’assise, très stable, et la suspension qui se tient bien quoi qu’il arrive, lui procurent un coup de pédale très intéressant. On peut vraiment pédaler comme un bon crosseur, très gainé, très assis sur la selle, d’un seul bloc, à enrouler le terrain et profiter de chaque appui (mains, fesses, pieds) pour faire corps avec le vélo. Il a une petite giclette, même si ce n’est pas la meilleur de la catégorie. Juste ce qu’il faut pour être dynamique et volontaire. On peut donc développer toute la technique du franchissement, dont on vous a déjà parlé. Mais c’est plus encore au train, et à la longue, qu’on tire parti de ce petit Canyon Spectral 125, par rapport aux plus gros vélos. L’assise, le poids, l’inertie en moins font leur oeuvre au long cours.
Pour qui ? Pour quoi faire ?
C’est un peu la question piège… Surtout si on essaie de lui coller une étiquette ! Pour moi, tout simplement, c’est vers ça que la catégorie Trail/DownCountry qui est en train de muter actuellement, devrait s’orienter à terme. Le Canyon Spectral 125 est plus petit qu’un All Mountain/Enduro, mais plus intéressant qu’un gros vélo de XC retravaillé pour être plus fun. Tiens, d’ailleurs, pour illustrer, j’ai trouvé un repère intéressant avec les intensités de pratique. Avec un plus gros vélo, on peut rouler au train, longtemps, à basse intensité en profitant d’un meilleur confort. Avec un plus petit vélo, on profiterait de la giclette pour faire de la haute intensité, sans cesse à la relance. Le Canyon Spectral 125 et son tempérament, eux, correspondent à une sortie au seuil : de l’intensité, gérée sur la durée. C’est très Enduro dans l’âme ça ! Simplement sur terrain où un gros vélo n’a pas sa place : trop gros, trop pataud, trop lourd, trop encombrant. Le Canyon Spectral 125 en reprend les codes, sans en avoir l’embonpoint.
La Concurrence ?
Canyon Spectral
La question se pose inévitablement face au grand frère, pour savoir vers lequel s’orienter. Le Spectral 125 magnifie l’assiette, la dynamique, les cotes et le coup de pédale du Spectral. Il s’inspire de la stabilité, du rendu filtré et de l’amortissement, sans, logiquement, l’égaler. À tous les possesseurs de Spectral qui n’ont jamais ressenti le besoin de retirer les réducteurs de volume d’origine comme on le préconise pour décupler les capacités du Spectral, mais qui au contraire, voudraient en ajouter pour le rendre plus stable et dynamique encore, le Spectral 125 est là !
Scott Spark
C’est face à lui que le Canyon Spectral 125 entre dans le cercle des vélos gravity. Il a tout ce qui manque au Spark pour être totalement dans la bonne mouvance : la géo toujours présente même en cas de coup dur, des suspensions plus performantes, même si peut toujours mieux faire, et un cadre qui sait se monter consistant quand les appuis l’imposent. Le Spectral insite à baisser la selle, regarder loin devant, et tirer droit quand ça brasse, plutôt que tricoter. Par contre, il n’a pas la giclette du très léger Scott aux origines de crosseur indéniables.
YT Izzo
Marques allemandes en VPC, 130mm env. présentés comme fans, les deux sont forcément concurrents directs. D’ailleurs chez nous, on a bien pris soin de les prendre à l’essai en même temps. En matière de suspension, le YT est bien plus facile à régler. Il fonctionne d’entrée de jeu, sans avoir à affiner les choses. Par contre, pendant du truc, il n’obtient jamais l’assiette du Spectral 125. Au final, c’est une question de tempérament qui distingue les deux. Le YT est fun et dynamique, le Spectral est plus posé et précis…
Orbea Occam
Parfois, la question se pose entre un All Mountain réputé pour sa polyvalence, et un vélo Trail comme le Canyon Spectral 125. Pourtant, à l’usage, la différence est flagrante. Un All Mountain comme le Occam, même équipé d’une petite fourche, profite du débattement et des capacités supplémentaires de sa suspension arrière pour être un ton au dessus du Spectral 125 quand le terrain se complique. Il faut forcément lever le pied ou rester dynamique sur le Spectral 125, là où le Occam permet de laisser filer un petit peu plus…
À l’essai, le Canyon Spectral 125 n’est pas parfait. Pour autant, ça n’a rien de rédhibitoire, c’est plutôt le signe d’un segment de vélos qui peut encore progresser. Quoi qu’il en soit, le cap est le bon. Voilà quoi doit ressembler un petit vélo gravity qui veut se faire plaisir même si la pente, le dénivelé et les mouvements du terrain ne sont pas aussi fou qu’on pourrait l’espérer. D’autant que lorsque ça finit par être le cas, le Canyon Spectral 125 a ce qu’il faut pour magnifier le coup de guidon et la technique de celui qui se trouve dessus, sans l’abandonner lâchement au meilleur moment !