Entre héritage et nouvelle génération…
C’est volontairement placé dans le titre : on parle DownCountry sur FullAttack, avec l’essai du Scott Spark, que voici ! Pourquoi lui ?! Parce qu’à son arrivée, c’est l’un des premiers à avoir ouvertement joué la carte DownCountry pour se placer sur le marché. Mieux, la communication autour de son lancement le vantait comme un vélo délibérément fun. Au point de combler un Brendan Fairclough jugé coupable… de s’amuser avec un petit débattement ! On a donc mis la main dessus, pour voir ce qu’il en est vraiment, et visiblement, ça permet de dessiner plus précisément les contours du DownCountry tel qu’il peut nous intéresser, sur FullAttack !
Scott Spark 910
- DownCountry
- 29 pouces
- 120/130 mm, Fox 34 & Nude Elite
- Full Carbone
- Reach 470 mm (L) & Offset 44 mm
- Syncros Silverton 2.0, 30mm
- Schwalbe Wicked Will, 2.4, Super Race
- Shimano XT, 180 mm
- 16 modèles, 4 tailles, 2 599 à 13 499 €
- 12,32 kg, (L, sans pédales, TL + prév.)
- Dispo depuis juin 2021
- Fiche sur scott-sports.com
L’arbalète !
Au guidon du Scott Spark, la première impression n’a mis que quelques instants à me venir… Et quelque part, elle ne m’a jamais totalement quitté. Et ce, malgré un protocole d’essai mené en long, large et travers afin d’en avoir le coeur net : mais le Scott Spark est bien une arbalète, à tous les sens du terme ! J’entends par là, tout d’abord, ce qui peut sauter aux yeux de ceux qui sont, comme moi, habitués à « plus gros » : le coup de pédale est léger, vif, ultra dynamique. La giclette est très élevée. Si léger qu’à d’autres moments, je note l’absence d’inertie des roues plus lourdes, à laquelle je me suis fait. À la pédale, on sent que le Scott Spark en veut, mais pas seulement ! Ça pompe aussi, parfois, franchement. Ça peut, quelque part, justifier la présence des blocages TwinLoc. J’y reviendrai.
En attendant, l’idée d’arbalète reste bien présente au premier passage cahotique. Décidément, c’est tendu ! En matière de suspension, comme de raideur, c’est tendu, sans pour autant être rigide et précis. En clair, ça ne filtre pas grand chose, ça restitue beaucoup, ça se déforme, et ça se met vite, en crabe. C’est là que me revient l’un des talents fondamentaux que j’observe à chaque fois que je côtoie des descendeurs comme Brendan Fairclough : ils ont une condition et un talent tels que leur capacité à tenir le vélo, quel qu’il soit, est bluffante. C’est même à travers cette capacité à inscrire le vélo dans la trajectoire qu’on les reconnait.
Reste que la majorité d’entre nous, moi y compris, n’avons pas ce niveau de maitrise. En l’état actuel des choses, et sans enquêter plus longuement, j’aurai même envie de dire que c’est franchement limite pour nos pratiques gravity. Mais non seulement je n’aime pas tirer de conclusions hâtives, mais en plus, un petit quelque chose me dit de ne pas lâcher le morceau. Par moment, je ressens tout de même quelque chose dans les dimensions du vélo, qui me font dire qu’il y a un potentiel caché. En courbe, même quand c’est compliqué, la roue avant reste à portée pour s’appuyer, charger les crampons du pneu avant, chercher le grip et, par chance, le trouver…
D’où ça vient ?
Passée cette première impression, je constate donc qu’il y a du travail pour cerner le Scott Spark. D’où lui vient ce caractère ? En premier lieu, je me replonge dans les détails de sa conception. D’abord, pour me souvenir qu’au final, le carbone du Scott Spark me rappelle, de toute façon, ce que j’ai déjà connu sur les Genius et Ransom déjà passés à l’essai : légers – sur la balance, et à manoeuvrer – raides – qui restitue le terrain, vibre – mais pas forcément très rigides – se déforme sous les appuis. Et avec ça, je note le dimensionnement des suspensions, comme toujours au plus juste. Ici, il ne faut pas oublier qu’au départ, le Spark est surtout frangin du Spark RC, le modèle XC de la marque.
En matière de châssis et de cinématique d’ailleurs, on ne peut pas renier les liens. Absence d’articulation bases/haubans, petit amortisseur dissimulé dans le cadre, fourche à petit casting, ensemble douille/tube oblique/pieds de tube de selle/bases explicitement dimensionné pour être l’âme, la chaine de rigidité maitresse du cadre. Tout est fait pour être agile au coup de pédale, c’est indéniable. En matière de géométrie cependant, je trouve un début d’explication à mon impression en comparant les cotes à celles du Spark RC, de XC : la seule réelle différence se situe à l’angle de direction – 1,4° plus couché – et à l’effet que ça a sur l’empattement avant – 15 mm plus long. Avec un angle de direction tout juste sous les 66° et un empattement tout juste au dessus des 1200 mm, par expérience, on est juste, juste, dans les limites de ce que l’on peut considérer gravity.
Comment ça se règle ?
À l’origine, le Scott Spark est équipé du TwinLoc, molette au guidon qui permet de freiner ou bloquer totalement les suspensions quand ça pédale. Une solution radicale, mais efficace, pour lutter contre tout phénomène de pompage. Ça ne doit pas pour autant être l’arbre qui cache la forêt. Encore faut-il trouver à régler le vélo pour que les suspensions soient efficaces quand on choisit de les laisser actives. Et là, ça mérite de s’y attarder. Quels que soient les réglages utilisés, un phénomène saute aux yeux : dès que le vélo va un peu loin dans son débattement, la phase de détente qui suit est vive ! Logique, on est en présence de suspensions à faibles courses et volumes, qui montent vite en pression, et se détendent vigoureusement ensuite. Ce qui est étonnant, en sus, c’est d’y trouver de nombreux réducteurs de volume qui amplifient le phénomène. Ça l’est d’autant plus dans l’amortisseur, truffé de spacers, alors qu’il est tout de même équipé d’une chambre à gros volume. En retirant tous les réducteurs, de l’amortisseur comme de la fourche, la détente haute vitesse est soulagée et dit merci. Après ça, on joue plus classiquement des SAG et des détentes pour ajuster l’assiette et le tempérament du vélo, même si ici, l’amortisseur intégré, le tout petit sagomètre, et les clics de détente de l’amortisseur vraiment grossiers, rendent tout travail précis plus fastidieux que jamais. Mais au final, il s’agit bien de trouver le bon compromis dynamisme/grip/assiette en jouant de ces paramètres.
Avant | Arrière | |
SAG | 25% | 30% |
Détentes | mi-plage | 2/3 ouvertes |
Compressions | ouverte | ouverte |
Réducteurs de volume | sans | sans |
Pour un gabarit moyen de 75/80 kg. Clics de détente et compression comptés depuis la position la plus vissée des molettes. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaules à l’aplomb du guidon. Voir notre vidéo explicative > https://fullattack.cc/comment-faire-les-sag-la-methode-et-les-conseils-fullattack/
Comment ça se pilote ?
Bon ok, faut défricher un peu, faire la part des choses, et trouver des solutions pour garder le Scott Spark dans le jeu. Mais quel jeu ?! Au final, après ce travail de libération de son potentiel, de quoi est-il capable ?! En introduisant l’appellation DownCountry sur FullAttack, je soulevais d’ailleurs des questions fondamentales : qu’est-ce que ces vélos permettent ? Sont ils à considérer comme gravity ?! Où sont leurs limites ?! Voilà les réponses du Scott Spark, avec quelques belles surprises à la clé..!
À la pédale…
Surprise, qui n’en est pas une : les performances du Scott Spark à la pédale. Même avec toutes les initiatives prises en matière de réglage de suspension, le Scott Spark en a largement en réserve à ce niveau là. On ne va pas cracher sur la giclette clairement issue du XC, et que le Scott Spark a dans son âme. Elle permet de mettre en oeuvre la technique complète du franchissement en montée : quelques coups de pédales énergiques pour enrouler l’obstacle et maintenir/reprendre le pédalage au plus proche, quitte à mettre le pied faible à profit.
Autre séquence de pédalage que le Scott Spark favorise clairement : au train ! Il a, clairement, cette légèreté qui donne le sentiment d’avancer sans peine. Jamais besoin de le relancer à chaque nouveau coup de pédale. C’est facile. Pour apporter au débat vis-à-vis des plus gros vélos d’Enduro, on peut tenter de répondre à la question de ce qu’un vélo aussi léger au coup de pédale apporte. À l’essai, ça se quantifie à près de 2 rapports plus bas sur la cassette, en milieu/haut de cassette. Si on fait le calcul, ça représente 2/3 km/h plus vite en moyenne, ce qui, au bout du compte, après plusieurs heures, peut représenter un trotte intéressante. C’est pas encore ce qu’un VTTAE apporte via son assistance, mais ça peut parler à certains…
Quoi qu’il en soit, les bonnes performances du Scott Spark à la pédale ne s’arrêtent logiquement pas là. La relance est forcément fabuleuse. Le premier coup de pédale est plus efficace que jamais, et les deux suivants suffisent à atteindre une vitesse de croisière intéressante. Finalement, c’est au train, là où les plus gros vélos ont fait de beaux progrès, que le Scott Spark marque le pas. Sans faire usage des blocages, difficile de ne pas avoir de phénomène de pompage qui flingue un peu l’assise nécessaire à pédaler longtemps, bien posé, ou un vélo « collé », suivant les réglages de détente utilisés. Et dans tous les cas, bloquée ou pas, la suspension arrière n’est pas d’un confort fou. Au coup de pédale, quand la chaine est tendue, la suspension verrouille beaucoup. Il faut donc soit être très gainé, soit se lever, souvent, pour rester dans le registre du Scott Spark…
Pumper ?!
Là où le Spark est très bon par contre, c’est sur terrain compact er roulant, qui plus est si le terrain appelle à jouer, pumper, sauter, etc… C’est là vrai belle surprise, ou du moins, découverte de cet essai DownCountry. Dans ce cas de figure, le Scott Spark n’a clairement pas l’inertie des plus gros. Il sait générer une belle vitesse à partir de peu de chose, pour ainsi dire rien ! Mieux, il sait la garder sans exiger une extrême précision dans le geste. Dans le plus pur style tricot des crosseurs qui, souvent, excellent à enrouler/garder la vitesse là où l’on ne pourrait pas caser deux coups de pédale d’affilée.
Du coup, on peut envisager le Scott Spark, pour sûr, sur tous ces spots sans réelle pente, en faux plat, mais qui sont joueurs, truffés d’appuis, que ce soit latéralement ou verticalement. ll lui suffit réellement d’un rien pour transformer une zone qui parait désespérément sans pente, en un run drôle et fun ! D’autant que pour lever la roue avant, déclencher manuals, wheelings et bunny-up, le Scott Spark est d’une légèreté/facilité excellente. Une simple impulsion, même dans une situation mal engagée, ligne d’épaule pas forcément bien en ligne, permet de se sauver d’affaire, ou du moins, de ne pas rester coincé en mauvaise posture…
En courbe..!
Tout ce qu’on dit quand il s’agit de pumper, c’est bien beau, mais dans la vrai vie, ça se fait rarement sans qu’à un moment où à un autre, il faille tourner ! Tant qu’il s’agit de maintenir un cap, et simplement se faufiler entre les buissons, les arbres ou les cailloux, le Scott Spark, là aussi, a son mot à dire. On l’a dit à plusieurs reprise jusqu’ici, notamment parce que c’est là que l’angle et l’empattement dimensionnés spécifiquement pour lui s’expriment. Néanmoins, ils trouvent leurs limites quand l’angle des virages se referme. D’abord, parce qu’on l’a dit, le Scott Spark sait générer de la vitesse. On peut donc arriver fort dans les virages. Sauf que l’angle de direction, qui reste proche des 66°, y trouve ses limites. Peu d’auto-engagement, peu enclin à mettre de l’angle, le Scott Spark n’incite pas à tenter de garder la vitesse. Plutôt à ralentir pour rester dans sa plage d’exploitation, qui parait bien étroite quand on a déjà goûté à ce que les vélos plus gros permettent !
L’impression est renforcée quand on constate que par dessus ça, la rigidité relative et la forte raideur du Scott Spark s’en mêlent. On y a fait allusion en évoquant le talent des top-pilotes mondiaux : pour y faire face, il faut savoir verrouiller le vélo. Je m’explique… Il faut vraiment le tasser, et le tenir, pour avoir du grip, et lui faire suivre une trajectoire. En courbe, ça passe par un appui très fort, jambe tendue, sur la pédale extérieure. Et sur une selle pas spécifiquement tout en bas. Mi-hauteur, ou du moins la possibilité d’avoir les fesses pas loin pour tasser la selle si besoin, pour aider. Une fois tassé, on met le coup de rein, ou de guidon, pour profiter du grip que l’on vient de générer, d’aller chercher. Et là, quand on est dans le bon registre, l’arbalète répond, rebondit, rend, réplique, c’est cool. C’est juste que ça marche tant que le terrain est plutôt lisse…
Quand ça brasse…
La technique expliquée en courbe, et issue du comportement spécifique du cadre, vaut aussi quand ça brasse. Clairement, ça va bien tant qu’il y a des appuis, propres, sur lesquels aller compter. Entre les zones lisses, on pompe, on survol, on tire, on allège, on serre les fesses… L’important c’est d’arriver à bon port. Le problème, c’est quand il y a de la distance entre deux zones d’appuis, et que c’est en dévers, gravette, défoncé, et qu’on a pas le choix… En dévers et sur sol à l’adhérence précaire, le Scott n’aime pas. Et le pilote non plus. Faut serrer les miches : ralentir, une fois de plus, changer de trajectoire, se laisser momentanément aller avec le terrain… Tenter de piloter plus fluide, comme l’eau s’écoulerait sur le chemin ! Pas le choix, mais plus facile à dire, qu’à faire…
Pour qui ? Pour quoi faire ?
Compte tenu de ce que l’on vient de détailler, on peut désormais préciser sur quel type de terrain, et pour quel usage, le Scott Spark se distingue. Clairement, on l’envisage, c’est certain, sur tous ces spots sans réelle pente, en faux plat, mais qui sont joueurs, truffés d’appuis. Idéalement, où le sol est compact sans être fuyant, ou bien abrasif. Du sable, du safre, du calcaire aux angles arrondis, du grès… ll lui suffit réellement d’un rien pour transformer une zone qui parait désespérément sans pente, en un run drôle et fun ! De quoi rendre plus d’une rando, à l’origine attrayant mais désespérément en prise tout du long, en quelque chose de ludique et fun, pour peu qu’il y ait du sentier à gogo ! Sa légèreté au coup de pédale pourrait pousser à étendre ça à des massifs avec beaucoup de dénivelé. Ça peut être le cas, mais bien souvent, dénivelé et pente riment quand même avec terrains techniques, et défoncés, pas sa tasse de thé. Raison pour laquelle je l’imagine, bien mieux, sur tous ces petits massifs qui bordent les campagnes et les villes de chez nous, et où il y a moyen de tricoter, tourner, virer, des heures durant, principalement.
La Concurrence ?
Intense Spider
Ça fait un baille que l’Intense Spider est passé à l’essai, mais c’est utile pour situer : le Scott Spark me laisse globalement la même impression de raideur, mais clairement pas la même de rigidité. Il travaille, se déforme, là où l’Intense était une totale barre à mine ! Et puis que dire de la géométrie et de la taille des roues… C’est là qu’on mesure à quel point ça a évolué, et que l’angle de direction plus couché fait mouche, même si, au final, on en voudrait encore plus..!
Scott Genius & Ransom
Il ne s’agit pas d’une concurrence directe, mais bien de celle fratricide, des vélos de la même famille. Les Genius et Ransom, passés à l’essai FullAttack par le passé et qui, clairement, permettent de dégager une saveur précise à l’ensemble de la gamme Scott. Ça confirme l’image que l’on s’en fait d’une extrême légèreté, toujours très poussée comme argument premier, avec ses traits de caractère qui vont avec : le dynamisme, la performance, mais pas nécessairement le confort, la stabilité ou l’adhérence, où il faut être prêt à faire des concessions.
YT Izzo & Canyon Spectral 125
Je regroupe les deux parce qu’il s’agit des autres DownCountry ou assimilés à l’essai au moment d’écrire ces lignes. Deux vélos qui, s’ils se distinguent l’un de l’autre, on y reviendra par ailleurs, se rejoignent dans l’esprit d’être moins connotés XC. Face à eux, le Scott Spark, lui, ne peut pas renier ses origines XC. En matière de géométrie, de suspension, et d’équipement, il est clairement le plus crosseur des vélos du panel, et même, très certainement, de tous les vélos passés à l’essai FullAttack !
« Passer le Scott Spark à l’essai était un pari. Avec ses gènes clairement issus du XC, la tâche n’est pas simple chez nous et forcément, le résultat est nuancé… Mais pour le coup, comme sur tout segment naissant, il a ses arguments qui peuvent/doivent peser dans la balance et à terme, faire partie de la logique convergence. Ici, on parle d’une légèreté au coup de pédale tout autant qu’à la manoeuvre, qu’on aimerait simplement voir accompagnée de suspensions et côtes plus généreuses encore pour, simplement, garder un peu plus la vitesse quand les virages et le sol s’en mêlent, lui qui sait si bien la générer à partir d’un rien… »
Les gaines ont beau passer dans le cadre, et l’usage s’avérer utile pour avoir un vélo sans pompage, pas moins de trois gâchettes au guidon, côté gauche… Sur le Fox Nude qui équipe le Scott Spark, le réglage de détente est plutôt grossier. Pas la précision que l’on attend habituellement sur ce niveau de gamme… Les gommes ont beau être différenciées, avec un composé tendre favorisant l’adhérence à l’avant, le profil du Wicked Will fait partie des facteurs limitants du Scott Spark quand on veut pleinement piloter. Pour palier l’intégration de l’amortisseur quand il s’agit de faire le SAG, le Scott Spark dispose d’un « sagomètre ». Très petit, illisible tout seul, pas très précis… C’est quand même pas des plus pratiques alors que ce réglage est cruciale pour tirer parti du vélo…