Après avoir défini la Cinématique d’une manière générale, et s’être penché sur les phénomènes de Kick-back/Anti-Squat, la série Didactique Endurotribe poursuit sa quête de vulgarisation. Elle traite cette fois-ci d’Assiette et Dynamique.
Mais au fait, à quoi bon ? Tout bonnement parce qu’après ça, et une première approche de la progressivité, il sera enfin temps de parler d’une notion au combien essentielle : le SAG.
Essentielle mais aussi, et surtout, transversale puisque son utilité et son respect se nichent au coeur d’un équilibre particulier : entre toutes ces notions barbares au premier abord. Le graal n’est plus très loin, la quête progresse. Assiette et Dynamique au menu du jour…
L’assiette en général…
Ne commettons pas d’impair. Ici, l’Assiette ne désigne pas l’ustensile de cuisine. Pour un véhicule, qu’il soit terrestre, maritime ou aérien, l’Assiette est l’angle qu’il forme avec le plan horizontal au cour de sa manoeuvre.
On figure facilement l’Assiette latérale d’un bateau. Il gîte lorsqu’il penche sous le vent dans ses voiles. On imagine aussi l’Assiette longitudinale de l’avion qui lève du nez au moment de prendre son envol. Ou bien, on ressent plus simplement celle d’une voiture qui varie au moment de piler.
L’assiette à vélo…
À VTT aussi, on peut parler d’Assiette. Celle du triangle avant. C’est, encore une fois, à cet élément de la monture que nous sommes raccordés par nos appuis. C’est donc celle dont on est susceptible de percevoir les mouvements d’Assiette.
Sauf que, petite subtilité dans notre cas, nous ne parlons pas d’Assiette absolue, l’angle formé avec l’horizontal, mais plutôt d’Assiette relative, par rapport à une position d’équilibre prise comme référence.
On peut également évoquer l’Assiette comme l’angle formé entre la position à vide, et la position moyenne en phase de roulage. Outre les SAG, les ajustements de progressivité, de détentes et de compressions peuvent avoir une influence sur l’Assiette moyenne du vélo une fois celui-ci en mouvement.
D’ailleurs, l’Assiette définie, il sera bientôt plus facile et complet d’évoquer ces notions simples mais quelque peu barbares des suspensions.
Variation d’assiette…
Si l’on parle d’Assiette, c’est parce que cet angle est amené à varier à l’usage du vélo. On vient de l’évoquer, les réglages de suspension peuvent influer sur l’Assiette du vélo. D’une manière globale, en influençant l’orientation moyenne autour de laquelle le triangle avant est susceptible d’osciller…
Mais aussi de manière absolue, dans l’amplitude avec laquelle le triangle avant va se mouvoir. On parle notamment d’une forte variation d’Assiette lorsque sous l’effet d’un fort freinage, le triangle avant peut avoir tendance à piquer du nez. Cas de figure similaire lorsque, pour différentes raisons, le vélo plonge outre mesure dans la pente.
Ou bien, plus subtile à percevoir, mais tout aussi important, la manière avec laquelle le triangle avant conserve ou non son Assiette dans des enchaînements de marches ou de trous prononcés. Un peu à l’image de ce que l’on peut percevoir du comportement des monture de supercross dans les fameuses séries de whoops que redoutent tant les pilotes du SX US…
La part immuable…
Mais finalement, les réglages de suspension – SAG, progressivité, détente & compression – ne sont que la partie visible de l’iceberg en matière d’Assiette. Ce sont les paramètres sur lesquels nous sommes susceptibles d’influer pour ajuster un comportement à nos souhaits. Reste qu’ils entrent en oeuvre sur une base immuable : ce que la cinématique génère intrinsèquement.
Et là, rien n’y fait. On a parfois beau jouer des clics, des cales et des Psi, l’essence même de nos montures est comme gravée dans le marbre. Notamment parce qu’à la base, la position du fameux point de pivot principal y est pour beaucoup ! Pour bien saisir la nuance, il suffit de se pencher sur un cas de figure simple : lorsque, debout sur les pédales, on cherche à tirer sur le cintre pour lever la roue avant…
Sur un vélo semi-rigide, sans suspension arrière, la technique théorique du manual est relativement simple : tirer sur le cintre (flèche verte) et pousser sur les pédales (flèche rouge). Sous l’effet combiné de ces deux actions, le cadre (en noir) pivote autour de l’axe de la roue arrière (flèche bleue). Toute la difficulté et toute la subtilité de cette manoeuvre résident dans le fait qu’en appuis sur les pédales, il faut soulever notre propre poids en même temps que le vélo dans la manoeuvre. Le centre de gravité du pilote (autour du nombril) vient alors passer l’aplomb du centre de la roue arrière, et contrebalancer le poids du vélo.
Imaginons maintenant la même manoeuvre avec un vélo tout-suspendu, dont la position du point de pivot principal est fixe, située proche du boitier de pédalier…
La technique et la manoeuvre sont les mêmes que précédemment. Sauf que cette fois-ci, sous l’effet de nos mouvements, et vu la position du point de pivot, nos efforts font pivoter le triangle avant autour du point de pivot principal de la suspension. le boitier descend, l’angle de direction se couche. Ensuite, la suspension offre suffisamment de raideur pour trouver un point d’équilibre, verrouiller le vélo et se comporter ensuite, globalement, comme le semi-rigide pris en exemple à l’origine.
Dynamique d’un vélo…
À l’origine de la manoeuvre, la suspension arrière est sollicitée et prend donc une certaine part de débattement. Et finalement, cette variation d’Assiette du triangle avant sous nos sollicitations de pilote se manifeste dans deux cas de figure primordiaux du pilotage.
À l’impulsion pour un bunny-up ou un manual lorsqu’il s’agit d’évoluer dans la dimension vertical du terrain. Au moment de marquer l’appui en courbe, lorsqu’il est question de manoeuvrer dans la dimension horizontale de l’espace. Dans le meilleur des cas, ce phénomène se traduit par l’impression que la roue avant est facile à soulever et/ou que le vélo s’assoit en courbe. Dans le pire, que le boitier reste trop haut ou au contraire plonge abusivement, ou encore, que la roue avant pèse deux tonnes.
« Une bonne dynamique offre ce qu’il faut pour manoeuvrer »
Cette variation d’Assiette sous l’influence de nos gestes a un nom. C’est ce que l’on appelle communément la Dynamique d’un vélo. Dans nos essais Endurotribe, une monture qui n’a pas de Dynamique est une monture qui reste figée. Un vélo qui a une bonne Dynamique est un vélo qui offre ce qu’il faut de dynamisme en la matière pour être manoeuvré. Un vélo qui en a trop est un vélo chewing-gum, aux variations d’assiette telles qu’aucun appui, aucune certitude n’est possible.
La bonne Dynamique d’un vélo est la notion qui nous a notamment fait parler de nouvelle génération d’Enduros 29 pouces à l’été 2016. Yeti SB5.5C, SantaCruz Hightower et Specialized Enduro présentent notamment les garanties d’une certaine Dynamique. Un boitier qui s’affaisse juste ce qu’il faut en courbe pour asseoir le vélo, virer de bord et vaincre l’effet gyroscopique des roues.
Influence du point de pivot principal
En matière de Dynamique, une fois de plus, la position du point de pivot principal est essentielle. Il est primordial ici de saisir comment identifier la position de ce dernier, comme détaillé au chapitre » Cinématique » de cette rubrique Didactique..
On l’a vu précédemment, la présence du point de pivot de la suspension a une influence sur la manière avec laquelle l’Assiette du triangle avant peut varier. Sans, c’est le vélo entier qui bascule à la manoeuvre. Avec, le vélo peut se casser autour du point de pivot. Or, on l’a vu en parlant de cinématique, la position du point de pivot peut varier…
Sur les cinématiques à point de pivot fixe, la plupart du temps ce dernier se situe non loin du boitier de pédalier. Ou, du moins, dans un plan moyen situé proche de la verticale du boitier. Sous nos sollicitations, le vélo aura plutôt facilement tendance à s’articuler autour du point de pivot. Du moins, si ce n’est pas le cas, les raisons proviennent d’autres caractéristiques de la suspension (Kick-back / anti-squat, courbe de ratio, compression basse vitesse…) Le cas de figure diffère avec l’usage d’un point de pivot virtuel. Ici projeté très en avant, notamment par l’orientation de la biellette supérieure, le point de pivot est tellement en avant que l’usage, le résultat peut être similaire à l’usage d’un semi-rigide. C’est un bras de levier entier qu’il faut soulever pour pivoter autour de l’axe de la roue arrière. La longueur des bases a toute son importance dans le résultat de la manoeuvre. Pourtant, d’une suspension à l’autre, il suffit de peu pour modifier sensiblement cette tendance. Ici, l’orientation de la même biellette est différente. Le point de pivot se rapproche du boitier, la dynamique se rapproche de celle d’un point de pivot fixe.
Subtilités des point de pivots virtuels…
Non content de permettre quelques excentricités en matière de position du point de pivot, les suspensions à centre instantané de rotation ont une autre particularité : celle de faire varier cette position en fonction du débattement…
Dans ce premier cas de figure, le point de pivot virtuel est projeté très en avant au début du débattement. Puis, plus la suspension s’enfonce, plus il se rapproche du boitier.
Si l’on isole le comportement dû à cette cinématique, le vélo peut avoir tendance à ne pas pomper et être stable sur les premiers centimètres de débattement, avant de devenir plus joueur et plus à même de cabrer une fois dans la course.
Dans ce second cas de figure, le point de pivot virtuel est proche du boitier en première partie de course. Puis, au fur et à mesure du débattement, il s’éloigne ostensiblement, jusqu’à loin devant.
Ici, c’est l’inverse qui se produit. Le vélo peut sembler facile à manoeuvrer lorsqu’il est haut dans le débattement, avant de devenir un véritable rail, une barre à mine que rien n’ébranle, une fois plus loin dans le débattement.
En la matière, il n’y a pas de solution miracle, ou ultime. Les deux tendances se partagent le marché et trouvent leurs défenseurs. Surtout, elle doivent s’accorder avec les autres paramètres qui régissent le fonctionnement d’une suspension.
À quoi bon parler d’assiette ?!
Sachez en tout cas qu’il s’agit d’une observation dont on tient compte lors de nos essais Endurotribe. Elle permet, parmi d’autres, d’infirmer ou confirmer certains ressentis, et d’affirmer avec conviction certains traits de caractères et jugements.
Et puisque qu’Assiette et Dynamique sont désormais définies dans nos pages, nous ne manqueront pas de nous y référer le moment venu… Notamment pour préciser, au cas par cas, la manière avec laquelle le point de pivot se déplace ou non, et l’influence que l’on retrouve à l’usage.
En attendant, parler d’assiette doit d’abord permettre à chacun d’être plus sensible à cette notion. Notamment parce que finalement, la variation d’Assiette n’est ni plus ni moins que la traduction plus précise de ce que certains appellent vulgairement la stabilité. Moins un triangle avant varie d’assiette quand ça tabasse, plus le vélo parait stable. Sauf qu’énoncé ainsi, les raisons de la stabilité sont plus faciles et précises à cerner.
On trouve parfois son vélo lourd, pataud, instable et faisons quelques mauvais raccourcis : je dois gagner du poids ou bien la géométrie n’est pas bonne. Mon vélo est trop court, les bases sont trop longues, le boitier est trop haut… Alors que ce sont en fait, des questions d’Assiette et de Dynamique avant toute chose.
Maintenant que l’on a défini la Cinématique, le Kick-Back, l’Anti-Squat, l’Assiette et la Dynamique, on y vient : il va être facile de parler de progressivité, de SAG, de détente et de compression. Ces fameux réglages qui permettent de contrôler l’assiette de nos vélo… À bientôt !