Essai du Rossignol Heretic – Le bon, sans brute ni truand…

Le coeur sur la main..?

On vous en a parlé à l’issue des 48h passées chez Rossignol, chose promise, chose due : c’est l’heure du verdict ! Celui de l’essai complet du Rossignol Heretic, dont je vous ai déjà quelque peu parlé pour vous glisser ma première impression à son sujet, et ce que le travail de développement fait par la marque à son sujet m’inspire. J’y reviens, et je complète ici ! C’est parti !

Rossignol Heretic XT

  • Enduro
  • 29 pouces
  • 160/160 mm, Zeb & Super Deluxe Ult.
  • Aluminium
  • Reach 477 mm (L) & Offset 44 mm
  • E-Thirteen LG1+ Trail 27 mm 
  • Assegai & Minion DHR II Exo/Exo+
  • Shimano XT 4 pistons, 203 mm
  • 3 modèles, 5 tailles, 2 799 € à 4 699 €
  • 15,9 kg, (L, sans pédales, TL + Prev.)
  • Dispo depuis mars 2022
  • Fiche sur rossignol.com

Un bon gars !

De prime abord, le Rossignol Herectic n’a rien d’un méchant. Il est même plutôt gentil, docile, tranquille. Un bon pépère quelque part, au bon sens du terme. D’abord, parce que le confort est tout simplement fou. D’entrée de jeu, il se positionne parmi les meilleurs du marché de ce point de vue ! Il ne faut que quelques minutes pour s’en convaincre, et l’impression n’est jamais remise en question par la suite. Ça saute aux yeux quand par inadvertance, on lèche une racine ou mord un caillou alors que ce n’est pas prévu. D’autres nous le rendraient illico. Même sur l’angle en plein appui, lui s’en accommode, et pardonne l’approximation. 

En descente, quand ça s’active un peu, outre le confort, c’est le poids de l’ensemble qui se fait sentir. Au bon sens du terme, il parait bien posé, peu de mouvements d’assiette parasites qui viendraient amplifier l’impression. Au contraire, les roues sont bien plantées, les pneus plaqués au sol, le grip est bon, même dans des conditions humides et glissantes. Une stabilité qui donne envie de hausser le rythme, et s’attaquer à plus compliqué. Pourquoi pas, mais dans tous les cas, ne pas oublier le corolaire à tout ça : le Rossignol Herectic demande un peu d’anticipation, juste ce qu’il faut pour grossir le trait, et poser le bon geste… 

D’où ça vient ?

Pour saisir le caractère du Rossignol Herectic, il suffit de se pencher sur la conception de son cadre. Le choix de l’aluminium, déjà, versus certains modèles en carbone réputés pour leur exigence, que je roule en parallèle. Forcément, ça joue. Mais c’est surtout la mise en oeuvre de cet aluminium qui laisse peu de place au doute. Il n’y a qu’à voir le profil des tubes employés ! Ceux du triangle arrière – bases et haubans – sont presque exceptionnellement fins. Qui plus est, il n’y a pas de pontet entre les haubans, toute la rigidité repose sur la biellette, plutôt massive. Le triangle avant, lui offre certes un tube oblique conséquent, mais rebelotte au niveau du tube supérieur ! Dans le contexte oversize que l’aluminium et le carbone ont apportés avec eux ces dernières années, ça fait bien longtemps que je n’avais pas eu un tube supérieur aussi réduit sous les yeux… Alors forcément, en matière de déformation et de travail, qui plus est avec une matière isotrope comme l’aluminium, la logique est implacable. Plus les profils sont fins, plus ça travaille, plus ça bouge, plus ça se déforme. Pas de doute, ça fait partie intégrante du Rossignol Heretic. 

Comment ça se règle ?

Signe intéressant en matière de suspension : 30% de SAG / Mi-plage en détente, le Rossignol fonctionne très bien. Ça sent le bon choix de settings à plein nez. Tant mieux !  C’est plush, et ça va bien avec le caractère du Rossignol précédemment cité. Certes, certains pourraient penser ici qu’on pourrait chercher à compenser un manque de vivacité, mais c’est un leurre. Certes, on peut jouer à accélérer un peu les détentes et ajouter de la compression quand on veut hausser le ton. Oui, ça marche un temps. Dans mon cas, jusqu’à détentes 2/3 ouvertes et compression 1/4 fermées… Sauf que ça ne révolutionne pas le Rossignol Heretic et au-delà, on se heurte à la réalité des chaines de rigidité/raideur : en ajouter davantage en suspension ne fait que mettre à mal le reste. Il n’y a plus d’harmonie, on fait apparaitre des comportements parasites… Bref, on sort le Rossignol Heretic de sa plage de fonctionnement et si on en vient là, c’est qu’on n’en attend pas ce qu’il est capable de produire. 

AvantArrière
SAG30%30%
Détentesmi-plagemi-plage
Compressionsouvertesouvertes
Réducteurs de volumed’origined’origine

Pour un gabarit moyen de 75/80kg. Clics de détente et compression comptés depuis la position la plus vissée des molettes. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaules à l’aplomb du guidon. Voir notre vidéo explicative > https://fullattack.cc/comment-faire-les-sag-la-methode-et-les-conseils-fullattack/

Comment ça se pilote ?

On l’aura noté dans le paragraphe précédent, le passage important porte sur le fait de tirer du Rossignol Heretic ce pourquoi il est conçu, et ce à quoi il se prête le mieux. Voilà le détail, situation par situation, pour cerner son plein caractère…


À la pédale ?! 

On commence par la bonne surprise du Rossignol Heretic. Malgré son poids, il se défend au coup de pédale. À la giclette, il a du répondant. Il a le petit plus qui facilite la donne pour jouer du franchissement. On est loin du veau, collé au sol, des années 2000. C’est d’ailleurs dans ces moments que je mesure le progrès parcouru, d’une manière générale, par le matériel, durant toutes ces années… Et ça continue au train où là, clairement, le Rossignol Heretic est un chef confort. On se pose sur la selle, et on profite de son caractère de tracteur pour passer partout, même quand c’est pas propre au sol. La motricité, la tolérance et la stabilité font qu’on peut s’affranchir de certains détails, et simplement s’appliquer à placer le vélo sur les meilleures lignes. On profite donc de la vitesse qu’il sait garder. C’est juste que logiquement, cette vitesse de croisière n’est pas très élevée. C’est aussi que si l’assise est bonne, elle n’est pas verrouillée pour autant. Si l’on s’agite de trop, ça peut donc tanguer et mieux vaut être gainé dans ce cas, pour continuer à en tirer parti. Mais qu’importe, la qualité de l’évolution, elle, est excellente. En mode tracteur, le Rossignol est clairement du niveau des meilleurs… 

En l’air ?!

On l’a dit, le Rossignol est plutôt sain et stable dans sa manière d’être posé au sol. Ça son intérêt pour sauter puisque ça facilite bien les choses. Notamment si les appels et réceptions sont un peu creusés, pas forcément propres. Dans ce cas là, le Rossignol Heretic fait le job pour mettre dans de bonnes dispositions malgré la situation. Un bon point. On peut alors s’appliquer à forcer un peu le geste, en mettre un peu plus que nécessaire, ne pas être à l’économie sur l’impulsion, mais plutôt y aller franco pour tirer ce qu’il y a à tirer, même un peu plus. Quoi qu’il en soit, le Rossignol est pas du genre à raquetter pour un rien, donc on peut y aller 😉 

En courbe…

Moins surprenant, mais tout aussi intéressant : le caractère du Rossignol Heretic en courbe. D’abord pour noter sa belle capacité à prendre de l’angle. Il y va sans précipitation ni saute d’humeur. On joue du cintre, on aide avec les appuis des pieds sur les manivelles, et d’une manière très naturelle, on est sur les crampons latéraux, sur l’angle, et on s’y amuse. Pourquoi ?! Parce qu’on l’a dit, le Rossignol Heretic est très tolérant, travaille beaucoup. Et c’est clairement sur l’angle, quand le sol est cahotique, que ça aide le plus ! Une racine mal placée ? Un trou en plein appui ? Des rochers au milieu de la traj’ ?! Une vieille motte d’herbe récalcitrante ?! Qu’importe, ça passe ! J’entends par là qu’on est pas désarçonné, que le Rossignol Heretic a la bonne idée de tenir sa ligne plus que la moyenne des autres vélos de sa catégorie. Une bonne chose puisque ça permet de profiter de son gabarit plutôt court de l’arrière/long de l’avant, sans pour autant être extravagant. Juste ce qu’il faut pour pumper dans les appuis, et tirer facilement la roue avant du sol en sortie de virage pour le style… Quand le rythme augmente, par contre, il faut nécessairement verrouiller un peu le Rossignol Heretic pour avoir la précision nécessaire dans les gestes. Ça peut passer par le pied extérieur en bas, systématiquement, Mais si l’on veut être un peu plus moderne, les manivelles à l’horizontale, il faut être sacrément fort pour balayer le chemin à parcourir d’un appui à l’autre, dans le temps imparti forcément réduit. 

Quand ça brasse ?!

Je l’ai déjà illustré dans le cas particulier du virage, sur l’angle, mais toute la tolérance et le travail du Rossignol Heretic s’expriment bien sûr d’une manière plus générale, quand ça brasse ! Dans ce cas de figure, il faut tirer les gros trucs, et lui laisser gérer la petite besogne dont il s’accommode facilement. Donc globalement, on le laisse les deux roues au sol la plupart du temps, et on le laisse travailler. En dévers, même constat. Et c’est même intéressant de voir qu’il n’exige pas de placer le pied aval en bas pour forcir l’appui. Ça file tout seul ! 

Le seuil limite à tout ça, c’est la vitesse. A un moment donné, la suspension et le travail du cadre atteignent un seuil au-delà duquel le vélo se met en travers. Ça dépend de la fréquence des obstacles, donc de la vitesse à laquelle on les aborde. Il s’agit donc d’être prudent, ou de savoir ajuster sa vitesse pour ne pas dépasser le vélo, ou bien d’être très fort pour le verrouiller/le tenir. (Rayez la mention inutile 😉 )

Dans la pente…

Il y a une situation pour laquelle le seuil limite dont on vient de parler se manifeste plus tôt. Une situation où c’est clairement plus compliqué qu’ailleurs de s’en affranchir : dans la pente ! Pourquoi ?! D’abord, parce que par la force des choses, c’est la situation dans laquelle le poids du pilote est bien plus sur la roue avant, que sur l’arrière. Et donc, un cas de figure où le poids du pilote n’est plus naturellement présent sur le boitier pour contenir le Rossignol Heretic. Et là, si l’on ajoute quelques pierres ou racines au sol, ce qui constitue un travail intéressant dans les autres cas de figure constitue plus clairement un flottement, une imprécision, voir un louvoiement qui complique sérieusement la donne. Une solution existe bien : celle de savoir rouler jambes tendues et poids dessus dans la pente. Mais ça ne fait tout de même pas tout, et surtout, ça n’est pas donné à tout le monde de rester agile et frais, donc rapide, dans ces circonstances… 

Pour qui ? Pour quoi faire ?

Pour moi, le Rossignol Heretic est un vélo sain et facile, notamment pour tout ce qui se situe entre les pratiques Enduro et ce que l’on en fait en station. Pour moi c’est un véritable Enduro au sens propre du terme : on monte tranquille, bien posé. On va loin et longtemps à rythme mesuré s’il le faut… Et on met tout à la descente, la plus longue si possible. C’est là qu’on tire le meilleur parti et qu’on prend la mesure de ses qualités. Pour moi, il s’adresse à ceux qui débutent, et à tous ceux qui ont un niveau intermédiaire. La meilleure illustration que j’ai trouvé à ça s’est même imposée à moi d’elle même, sans préméditation, sur les pistes de l’Evo Bike Park : on peut y cerner le Rossignol Heretic à la couleur des pistes sur lesquels il est à l’aise ! Idéal pour les pistes bleues, il faut s’appliquer sur les rouges. Mais dans la pente sur les noires, il faut être d’un talent rare et on sent qu’on est de toute façon sorti de la zone de confort. 

La Concurrence ?

Yeti SB150

Oui, j’ose mettre le Rossignol Heretic en face du meilleur, ou d’un des tous meilleurs, vélos du marché ! Non pas pour laisser croire qu’ils se valent à tous les égards, mais pour évoquer le trait qu’ils ont en commun : la sensibilité, le confort des suspensions et l’âme de tracteur en liaison. La comparaison s’arrête là quand le rythme augmente, quelles que soient les conditions, le SB150 a un équilibre et un dynamisme au dessus du lot, ensuite. 

Commençal Meta AM

Décidément, il n’y a que des bons vélos qui m’inspirent pour peaufiner les traits du Rossignol Heretic ! Le Meta AM notamment, parce qu’il fait usage du même matériau – l’alu – et fait à mon sens figure de référence en matière de maitrise des chaines de rigidité/raideur. Simplement le Meta AM me semble être capable d’une tolérance similaire ou presque, pour une précision plus homogène et importante. Mais dans les deux cas, des vélos en aluminium qui ne cherchent pas simplement à être aussi rigides que certains carbones, et qui démontrent qu’il y a de belles choses à faire, aussi, avec ce matériau. 

Transition Spire

Allez, j’ose encore comparer le Rossignol Heretic face à, selon moi, l’autre meilleur vélo du marché ! Histoire, cette fois-ci, de préciser ce qui le sépare des meilleurs. Ici, la capacité du vélo à reprendre tout seul de la vitesse. Le Spire en est capable, le Ross’ n’y parvient pas. Le Heretic est par contre très bon à l’échelon du dessous, déjà essentiel et important : savoir garder la ligne et le pilote dans de bonnes prédispositions… Mis à part dans la pente, où là aussi le Spire excelle, avec son train arrière compact en vertical, qu’on se régale à placer… 

Scor 4060LT

Allez, dernier beau vélo du marché, à mon sens celui qui complète le trio de tête avec le Spire et le SB150 au moment d’écrire ces lignes… Le Scor 4060LT que j’ai envie d’évoquer ici parce que quelque part, le travail du cadre du Rossignol Heretic m’y fait penser. Je n’ai pas de chiffres pour corroborer, mais on serait sur des niveaux de déformations similaires entre les deux, que je ne serai pas étonné. Simplement, le Ross’ n’a pas le retour, le rebond, le jus du Scor sur le chemin du retour à l’origine… 

Voilà un vélo remarquable de cohérence entre son caractère avéré sur le terrain, et son positionnement marketing. Il n’y a pas de mauvaise surprise, les gars en charge du Rossignol Heretic ont bien cerné leur produit. Effectivement, si je retombe sur lui dans un parc de loc’ pour une virée improvisée en station, il me sauvera la journée !