Ces derniers temps, des brevets, des rumeurs et des spyshots ont pu faire naitre des spéculations. Il est temps de tirer les choses au clair ! La gamme gravity signée Yeti Cycles évolue bien pour 2023. En fer de lance, le désormais Yeti SB160 présenté aujourd’hui. Avant que les autres modèles au catalogue ne viennent compléter l’offre, place à celui qui peut et doit, d’une certaine manière, incarner la succession du glorieux SB150, tant en compétition, qu’à l’essai FullAttack ! L’occasion de découvrir, point par point, les évolutions qui se cachent derrière le jeu des 7 différences auquel il aurait été bien difficile de répondre sans plus de précisions… que voici !
Jusqu’ici…
J’ai déjà exprimé cette idée à plusieurs reprises, que ce soit dans nos articles ou en commentaires, lorsqu’il s’agit d’évoquer les meilleurs vélos du moment. Pour moi, avec le Transition Spire et le Scor 4060LT, le Yeti SB150 fait partie des tout meilleurs. Sous un certain angle même, c’est peut-être celui qui est meilleur encore que les deux autres. Pourquoi ? Difficile de répondre en deux lignes, mais si je dois m’y risquer, je dirais parce qu’il sait être bons dans davantage de situations encore, permet d’exprimer plus de styles de pilotage différents, et sait se rendre accessible à tous, du novice au pilote chevronné. Le tout, avec un niveau de performance, de confort, de précision et d’équilibre aussi élevé que facile à obtenir. Voilà qui est dit !
Une fois ce constat posé, on comprend vite le dilemme marketing et commercial auquel la marque doit se confronter. Que faire ensuite ?! On dit souvent que devenir le meilleur est une chose déjà colossale, mais que le rester l’est plus encore. On prête aussi au marketing le fâcheux penchant à vouloir toujours tout renouveler, sans cesse, pour entretenir le besoin. Le Yeti SB150 pourrait donc facilement tomber dans ces travers. Son successeur pourrait être tenté par la facilité d’essayer d’enterrer à tout prix son prédécesseur… Notamment quand on sait que la marque a par ailleurs travaillé à d’autres concepts cinématiques il y a quelques temps !
S’il avait fallu parier, je me serais certainement pris au jeu de suggérer qu’après le Switch Infinity et sa glissière emblématique, Yeti aurait tenté de convertir ses vélos sans assistance au Sixfinty – cinématique 6 bars qui permet d’approcher les mêmes courbes que l’original… Il n’en n’est rien ! Dans le contexte que je viens de planter, la marque a plutôt senti qu’il y avait encore du potentiel à extraire du concept actuel. On ne change donc pas une équipe qui gagne, on la fait évoluer avec les contraintes du moment, et les progrès des adversaires. C’est tout ce qu’incarne le Yeti SB160 présenté ici… Et ne l’oublions pas, on parle ici du vélo le plus glorieux en EWS, celui qui peut être fier de ses stats tant il a remporté de spéciales et de courses. Ça aussi, c’est dit !
L’équipe
Je l’ai écrit encore récemment, mais c’est toujours très instructif de rencontrer l’équipe derrière la conception d’un produit, pour mieux cerner ses singularités. Ici, ce sont quelques pointures du groupe de travail Yeti autour du SB160 que j’ai eu l’opportunité de rencontrer chez Tribe Sport Group, en marge du Roc d’Azur. Quelques tours de roue set quelques bières pour prendre le temps de parler de tout un tas de sujet. Notamment, pour ce qui nous intéresse ici, de la vision du SB150, des différentes pistes de développement envisagées, du potentiel de chacune, et des compétences au sein de l’équipe. Je retiens notamment quelques détails intéressants, qui font écho à d’autres échanges récents. Ici, c’est Peter Zawistowski, au sein de l’équipe Yeti, qui se charge de la cinématique. Pour lui, chaque détail des courbes a son importance et son influence dans le résultat final. Ce sont elles qui sont définies avant tout, et qui dictent le reste. Il parle volontiers du rendu très sain et équilibré cher à Yeti qu’elles doivent procurer. Il travaille de concert avec Dave Ziegman, en charge des settings d’amortisseur. Pour la petite histoire, chez Fox, Yeti a ses propres settings. Ils ne proviennent pas d’un catalogue standard ou pré-établi. Les références de ces settings spécifiques commencent d’ailleurs par les initiales DZ. Mais ce qui est plus significatif encore, c’est les moyens à disposition de ces deux-là ! Deux ingénieurs, au moins, se consacrent, en interne, au dimensionnement par élément finis et au layup du carbone, tandis que plusieurs bancs d’essai, dont ceux destinés aux suspensions, sont là pour corréler les simulations et les essais terrains. Ça a son importance, et ça fait sens…
Yeti SB160
- Enduro
- Full 29 pouces
- 170/160 mm, 38 & X2
- Full Carbone
- Reach 485 mm (L) & Offset 44 mm
- DT Swiss EX1700, 30 mm
- Assegai & DHR II 2.5/2.4 Exo+
- SRAM Code RSC, 220/200 mm
- 3 modèles, 5 tailles, 8199 à 10759 euros
- 15,68 kg, (T1, taille L, vérifiés)
- Disponibilité mi-janvier 2023
- Fiche sur yeticycles.com
Le SB160, en détail…
Le contexte posé, il est temps de se pencher sur ce que le Yeti SB160 renferme comme nouveautés… Ou plutôt, comme évolutions. Pas de bouleversement ici, simplement des progrès dans certains domaines, que voici point par point.
Géométrie
Chez Yeti, s’il y a un mot qui peut définir le rendu auquel on a le droit à l’usage, c’est équilibre. En matière d’assiette et d’influence de la répartition des masses, on n’est pas loin du nombre d’or, s’il existe. Ça explique certains choix comme les débattements différenciés avant/arrière pour aboutir, au final, à un débattement vertical identique ou proche. Mais une telle logique ne prend définitivement tout son sens que lorsqu’en matière de répartition des masses, certains ratios de géométrie entrent en ligne de compte. Empattement avant vs longueur des bases notamment. Ou bien encore angle de selle vs gabarit du pilote… Tout ça, on vous en déjà longuement parlé sur FullAttack. Raison pour laquelle ces éléments évoluent désormais d’une taille à l’autre, comme la concurrence sérieuse s’y est mise depuis quelques temps déjà.
Ainsi donc, l’angle de selle – redressé et répondant déjà au standards modernes sur ce point – est de plus en plus droit au fil des tailles, pour éviter aux plus grands d’être trop assis sur la roue arrière et se briser les reins à déporter le bassin vers l’arrière à chaque remontée de selle. En dessous de tout ça, la longueur des bases évoluent désormais avec la taille. Plus c’est grand, plus c’est long, et inversement. Tube de selle redressé et longueur de bases adaptée, deux considérations qui permettent de peaufiner les reachs pour garantir des Yeti toujours très fins dans les valeurs offertes sur chaque taille, pour offrir des empattements avants généreux synonymes de bons appuis, sans pour autant partir sur des reachs ahurissants qui poseraient problèmes à certains gabarits. Le Yeti SB160, en arme de guerre à chrono, est simplement taillé pour aller vite, quoi qu’il arrive.
Cinématique
On y fait allusion en fil rouge dans cet article : chez Yeti, les choix cinématiques sont pris très au sérieux. Ce sont même eux qui font l’objet de toutes les attentions. C’est d’ailleurs pour obtenir des courbes bien précises que la biellette supérieure dicte un certain mouvement à la glissière du Switch Infinity, qui monte, puis redescend notamment, avec l’effet que ça a sur l’anti-squat du vélo…
Historiquement, ce concept permet notamment d’avoir une courbe d’anti-squat avec inflexion autour du SAG. Les pourcentages sont donc maitrisés au pédalage, avant de chuter ensuite pour rendre exploitable la suite du débattement, et quand ça compte, c’est à dire quand ça frappe… Même souci du détail en matière d’anti-rise, où là, la courbe est la plus constante possible, avec des valeurs hautes qui assurent une stabilité à toute épreuve au vélo.
Sur le Yeti SB160, ces deux points sont scrupuleusement respectés. Ce sont le débattement et la progressivité qui sont ajustés. D’abord, parce qu’en tant que vélo destiné à la compétition, le besoin en débattement s’est fait sentir. Raison pour laquelle il s’agit désormais d’un Yeti SB160… Mais qui dit course supplémentaire, peut vouloir dire vivacité en moins, surtout quand on sait que l’anti-squat peut drastiquement chuter sur la cinématique Yeti, et que ce modèle de course est destiné à rouler avec le gros volume du Fox Float X2. C’est peaufiné ici, et compensé en partie par la progressivité de la courbe de ratio. 17% en tout, c’est contenu, mais l’inflexion en fin de course vise à compenser tout ça…
Chassis
On ne va pas se mentir : il faut avoir l’oeil pour distinguer le Yeti SB160 du SB150. Ceux qui sont habitués aux lignes et à la cosmétique de l’ancien parce qu’ils ont la chance de le rouler, verront certainement des différences. Le tube supérieur est plus sloping. Il a quelques lignes plus saillantes au niveau de la douille de direction… Mais les autres devront s’y reprendre à plusieurs fois. Qu’importe, c’est dans les objectifs recherchés par les subtiles évolutions du design que le réel intérêt se trouve. Ici, superposer les deux profils permet de voir ça en un coup d’oeil…
L’autre évolution est plus subtile, moins visuelle que sensorielle. Certains profils de tube changent. Le Yeti SB160 se veut aussi précis et complaisant à la fois – marque de fabrique de la marque – mais de manière plus homogène sur l’ensemble du cadre, que l’on perçoive moins « d’où ça vient », tout en offrant quelque chose de plus adapté à chaque taille, là aussi.
Switch Infinity
On a déjà parlé des caractéristiques de cinématique propres au Yeti SB160, dans la droite lignée de ce que la marque cultive depuis de nombreuses années. Il faut néanmoins en dire plus au sujet de la glissière Switch Infinity qui caractérise les Yeti, et à laquelle le SB160 n’échappe donc pas. De prime abord, le concept reste inchangé : il s’agit d’une pièce (la noire) qui glisse sur deux tubes (dorés, kashima). Ceux qui ont cru y voir de l’huile ou quelconque système d’amortissement se fourvoient. C’est une simple glissière. C’est creux.
Le Yeti SB160 inaugure simplement plusieurs évolutions de ce système. Les bagues, tout d’abord, évoluent à travers les matières qui les composent. Ensuite, c’est le montage de roulement du pivot central, qui lui aussi évolue… Désormais, l’axe principal prend les bagues intérieures des roulements – avec la cale qui les sépare et les cache-poussières – en sandwich entre son épaulement et un coté du triangle arrière. De l’autre, une vis et un système d’expandeur viennent assurer la prise dans le triangle arrière. À peu de chose près, ça revient au principe de serrage et auto-alignement utilisé pour les roues avant sur les fourches Bos, Öhlins et certaines Fox. Solution très similaire à ce que l’on retrouve sur une certaine concurrence, sauf qu’ici, pas d’insert taraudés dans le cadre, mais des écrous rapportés.
L’objectif est de réduire les contraintes liées aux tolérances de fabrications et exigences d’alignement. Ici, tout s’auto-aligne au montage et l’étanchéité progresse, l’ensemble doit donc mieux vieillir. En matière de dimensions, cette nouvelle version du Switch infinity respecte les côtes de celle utilisée jusqu’à présent. Le nouveau Switch Infinity dont on parle ici est donc rétro-compatible, il peut prendre place sur les précédents SB150 notamment. Il doit d’ailleurs être disponible au détail si son remplacement s’avère nécessaire. Sur les Yeti SB160, il prend place d’emblée sur les modèles de niveau Turq.
Finitions
Le montage de roulement précédemment évoqué ne se cantonne pas à l’articulation principale. On le retrouve désormais sur l’ensemble des points de pivot, qui font au passage usage de roulements standards en provenance de Enduro Bearing – avec pour particularité d’avoir plus de billes que des roulements de l’industrie standards donc… Ce choix explique la nouvelle architecture employée au niveau du basculeur…
Switch Infinity vs Sixfinity
Pas de révolution donc, le Yeti SB160, nouveau fer de lance de la gamme Yeti, continue de faire usage de la cinématique à glissière Switch Infinity. Pourtant, la marque a travaillé, il y a quelques temps, à l’usage d’une cinématique 6 bars. Elle en d’ailleurs fait usage sur son vélo à assistance électrique, le 160E. Interrogé à ce sujet, Peter Zawistowski – tête pensante en matière de cinématique chez Yeti – est catégorique : oui, le 6 bars permet d’obtenir les mêmes courbes que le Switch Infinity. Dans le cadre des travaux de recherche et développement menés par Yeti ces derniers temps, des prototypes de Yeti classiques ont même pu exister sur ce principe 6 bars. Néanmoins, au final, l’usage du 6 bars n’apporte rien de plus sur un vélo sans assistance. C’est plus lourd, plus complexe, aussi cher et pas plus fiable que le Switch Infinity, que la marque a donc préféré continuer à développer et fiabiliser. Pour l’heure et à moins d’autres découvertes, le 6 bars reste donc cantonné aux VTTAE sur lesquels la présence du moteur ne permet pas l’usage de la glissière…
Première impression…
Je l’ai glissé plus haut, j’ai eu l’opportunité de faire quelques tours de roues au guidon du Yeti SB160 au moment de le découvrir. Plus encore, il est à l’atelier depuis quelques temps. Pas de doute, c’est un Yeti ! Les premières impressions sont claires : on y retrouve nos petits ! Assiette, équilibre, sensation de facilité… Je retrouve en quelques instants toute l’image que j’ai entretenu du SB150 depuis son essai à succès. Parfois, je m’interroge d’ailleurs sur le fait que des impressions puissent évoluer avec le temps qui passe, sans avoir l’occasion de re-rouler régulièrement un vélo. Me voilà rassuré.
Deux choses m’ont néanmoins, pour l’heure, quelque peu interpelées. Ce sont donc les deux axes de travail sur lesquels je vais me pencher pour préciser ce qui doit l’être. En premier lieu, il s’agit du gabarit du Yeti SB160. J’avais parfois eu le sentiment d’être un poil à l’étroit sur le SB150, impression largement compensée par l’excellente équilibre du vélo. Sur le SB160, j’ai la sensation d’être plus à mon aise. Ou du moins, sur un vélo légèrement plus grand. De reach comme d’empattement. Un poil plus d’espace pour se placer, plus encore de stabilité… À moi de préciser ce que l’on peut en faire, mais pour l’heure, l’impression corrèle la comparaison entre les chiffres des SB150 et SB160…
L’autre impression palpable dans ces conditions, c’est la répartition de la rigidité/raideur. Sur l’ancien, j’avais un peu gardé l’impression qu’on pouvait finement percevoir d’où ça travaillait par moment. Là, ça me parait plus homogène, ou moins perfectible. On est sur de la nuance, et surtout, il me reste l’essentiel de l’essai à mener, pour déterminer à quoi prêter ça, et ce que ça peut impliquer ou non en matière d’usage. Mais ça vaut le coup, me semble-t-il, de le préciser.
La suite ?!
Quoi qu’il en soit, je n’irai pas plus loin ici. Il faut laisser à l’essai le temps d’être mené. On peut, par contre, volontiers en parler en commentaires. D’ailleurs, plus les échanges permettrons de préciser vos attentes, plus le verdict d’essai aura de chance d’y répondre dans les semaines à venir. En attendant, il s’agit quoi qu’il arrive d’un verdict d’essai important. Tout l’enjeu est de déterminer ce que vaut l’évolution qu’incarne le Yeti SB160. Est-il toujours aussi polyvalent ? Est-il toujours aussi accessible ? Est-il toujours au dessus du lot ?! Comment le placer vs le SB150 ?!!
Des questions d’autant plus importantes que le Yeti SB160 n’est pas le seul modèle de la gamme qui évolue ces jours-ci. Sous peu, je vous parlerai des deux autres nouveautés qui constitueront désormais la gamme gravity signée Yeti… Plus tôt dans cet article, j’ai fait référence à l’adage qui veut qu’on ne change pas une équipe qui gagne mais qu’on la fasse évoluer avec son temps… Suite de la revue d’effectif sous peu donc 😉 À très vite !