Nous voilà désormais sur la bonne voie : après avoir fait un point sur la géométrie empirique d’un vélo, les Didactiques Endurotribe ont défini ce qui est en passe d’être au centre d’une nouvelle manière de voir les choses : le couple reach & stack. Néanmoins, ces deux dimensions ne font pas tout. Pire ! Pour l’heure elles flottent sur on ne sait quoi !
Il faut donc nécessairement définir sur quoi elles reposent, et de quelle manière elles prolongent les appuis du pilote jusqu’au sol. Une exploration qui permet de faire un tri parmi les valeurs de la géométrie empirique, et de lire les chartes d’une autre manière. Au coeur de cette approche dans ce chapitre des Didactiques Endurotribe : les bases, les empattements, et la fameuse répartition des masses…
- Triangles d’appuis
- La répartition des masses
- Bases et empattements
- Le ratio Bases/Empattement
- Amalgames faciles…
Triangles d’appuis
C’est bien vrai ça ! On parle de reach et stack à longueur d’article, comme s’il s’agissait d’une nouvelle solution miracle pour observer un vélo. Certes, l’approche est plus en phase avec notre pratique, mais elle ne fait pas tout. Qu’est-ce qui va avec ?!
Triangle d’appuis du pilote
En fait, le segment reach + stack a tant d’importance parce qu’il fait le lien entre deux triangles importants quant à l’ergonomie d’un vélo. Le premier, le triangle d’appuis du pilote… Ou plutôt les triangles, devrait-on dire…
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Il n’y a pas de prépondérance entre l’un ou l’autre des triangles d’appuis du pilote. Il s’agit simplement de raisonner avec le ou les bon(s), en fonction de la situation étudiée.
Triangle d’appuis du vélo
Dans tous les cas, un des côtés de ce triangle est bien le segment reach + stack, qui prend aussi part à un autre triangle…
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Quand on parle de positionner la ligne d’épaule pour charger la roue avant, c’est un abus de langage, les épaules n’appuient pas directement sur le moyeu… Leur poids est transmis par les bras au cintre, et un prolongement se crée du cintre à l’axe de la roue avant, en passant par le cintre, la potence, la douille, la fourche, etc… Ce prolongement crée un nouveau triangle d’appuis : celui du vélo, qui relie les appuis du pilote, à la roue avant… Lorsque l’on superpose les deux triangles d’appuis, du pilote et du vélo, on constate que le segment reach & stack en constitue l’interface. Une illustration de plus de son importance… Quoi qu’il en soit, une certaine logique s’installe, et des prolongements se font valoir : la ligne d’épaules qui pèse sur la roue avant, et le centre de gravité sur le boitier/la roue arrière.
La répartition des masses
L’air de rien, on a ainsi expliqué, dans ce chapitre des Didactiques Endurotribe, pourquoi il y a répartition des masses sur un vélo, et en quoi elle consiste…
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À travers toute la triangulation dont on vient de parler, il résulte qu’une partie du poids du pilote repose sur la roue arrière, et qu’une autre repose sur la roue avant. Il en va du principe d’action-réaction cher à Newton si l’on étudie l’ensemble vélo+pilote. Dans tous les cas, en statique et une grande partie du temps, la répartition du poids du pilote se fait majoritairement sur la roue arrière, et moins sur la roue avant. C’est la position du centre de gravité du pilote, masse majoritaire dans le raisonnement, placée plus proche de la roue arrière, qui veut ça. Néanmoins, il arrive que certaines circonstances amènent cette répartition à évoluer : debout vs assis sur le vélo, au freinage, pour faire un nose turn/bump… Ou en cas d’OTB ! Dans tous les cas de figure, le pilote joue sur ce que l’on appelle la répartition des masses : de quelle position à quelle position se déplace-t-il sur le vélo ? À quelle vitesse effectue-t-il son geste ?! Par quelle autre geste va-t-il enchaîner ?!! Comment l’intensité des appuis du vélo au sol et son assiette vont varier ??!!
On parle là de tout un pan du pilotage VTT. Une technique en grande partie inspirée du BMX. Ceux qui s’adonnent à la pumptrack excellent dans ce domaine. Être capable de transposer dans les sentiers promet d’entrer rapidement dans le cercle des bons pilotes…
Bases et empattements
Dans tous les cas, la répartition des masses et son utilité maintenant définie, il est bon de se pencher sur les dimensions d’un vélo susceptible de l’influer. Au premier rang, reach et stack, logiquement, pour boucler à leur sujet, mais aussi et surtout les bases et empattements…
Reach et stack
On l’a vu, et dit, dans l’article qui leur est consacré, reach et stack ont une influence sur la position du pilote, et donc sur la répartition des masses.
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Globalement, plus le segment d’appui du pilote se redresse, plus il suggère au pilote de déporter son bassin, et donc son centre de gravité, vers l’arrière du vélo. De cette manière, reach et stack posent une première tendance. Néanmoins, cette tendance est à prendre avec des pincettes, puisqu’elle dépend de la morphologie du pilote, et de son style de pilotage. Deux mêmes gabarits peuvent ne pas se positionner naturellement de la même manière sur le vélo s’ils ne sont pas aussi souples l’un que l’autre… Tout comme deux pilotes de même tailles peuvent avoir des segments de longueurs différentes au point de ne pas aboutir à la même position sur le vélo…
On comprend donc là qu’il y a une limite à lier reach et stack à la répartition des masses du vélo. Oui, ils posent une tendance, mais il ne faut pas s’y arrêter. Du moins, nous, journalistes, devons aller plus loin pour caractériser un vélo ! Au final, reach et stack ne génèrent pas la même répartition des masses que le pilote soit plus proche du cul de jatte ou de l’Orang-outan ! La phrase je m’y sens tout de suite comme chez moi n’apporte donc pas grand chose, ou si peu. Il faut nécessairement voir le prolongement des appuis…
Les bases
Les bases, elles, ont un réel poids dans la répartition des masses sur un vélo. C’est la distance la plus courte qui sépare le point d’appuis majeur du pilote à la roue la plus proche ! De nos jours, elles se situent régulièrement entre 415 et 460mm sur la grande majorité du marché…
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Dans tous les cas, d’un extrême à l’autre, on atteint une variation de 10%, non négligeable si l’on fixe tous les autres paramètres du vélo…
L’empattement avant
Dans la même logique, une autre dimension influe sur la répartition des masses, mais on en parle bien moins souvent : l’empattement avant…
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L’empattement avant définit la distance entre le centre du boitier de pédalier et le centre de la roue avant. Dans la logique des triangles d’appuis du pilote et du vélo, c’est donc la distance clé, la réelle base sur laquelle repose véritablement les points de repères cruciaux du pilote ! Quelque part, faire varier l’empattement avant d’un vélo, c’est comme faire des pompes en jouant des variantes de l’exercice : à l’oblique, à plat, à genou, sur la point des pieds, avec une roue abdominale…
Tous ceux qui ont déjà pratiqué ces exercices le savent : faire varier la distance entre les appuis a vite de fortes conséquences. Pourtant, on n’en parle jamais, ou si peu dans les présentations des vélos. L’empattement avant devrait pourtant avoir une place centrale…
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Finalement, parfois, c’est un empattement avant trop important, et pas un reach démesuré, qui peut donner la sensation d’un vélo trop grand. Roue avant trop loin devant, le pilote ne parvient pas à charger suffisamment la roue avant lorsqu’il le faut. Et à l’inverse, un vélo peut avoir un reach généreux – au détriment de l’angle de direction – et pourtant paraitre trop étroit à l’usage. Parce que l’empattement avant réduit génère des points d’appuis projetés de manière trop rapprochée, comme un crapaud sur une boite d’allumette, qui tangue comme un mât de bateau, prêt à passer par l’avant…
Le ratio Bases/Empattement
Avec cette approche, une autre observation intéressante permet de lire différemment les tableaux des géométries proposés avec chaque vélo. On vient de parler des bases et de l’empattement avant. À eux deux, ils forment un certain ratio…
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En mécanique, il existe un cas de figure classique qui se prête à la situation : celui de la poutre soumise à une charge ponctuelle, et bi-appuyée. Dans notre cas, on assimile le vélo à la poutre, la charge au poids du pilote transmis au boitier, et les deux appuis aux centres des roues. Dans ce cas de figure, les formules qui lient la position de la charge aux efforts à chaque appui sont clairement connues. En l’occurence, les appuis sur chaque roue dépendent clairement de la longueur des bases et de l’empattement avant ! Mieux, il existe un rapport direct entre la répartition des appuis sur les roues et le ratio entre bases et empattement. En statique, cette étude permet donc de démontrer que différentes géométries peuvent aboutir à la même répartition des masses. On peut donc bien parler de « ratio » bases/empattement avant. C’est alors la dynamique du vélo qui peut différer d’un modèle à l’autre, et donner un rendu bien différent.
On a eu l’opportunité de résonner et expérimenter sur ce point à diverses occasions au cours de nos essais, avant d’aboutir à ce chapitre des Didactiques Endurotribe… Avec le Norco Range, dont une partie de la géométrie repose sur ce principe et explique des bases de longueurs différentes en fonction des tailles, avec le Acewit 297 Joker dont l’empattement avant varie en fonction du débattement, Sur le Mondraker Foxy 29 et sa Forward Geometry qui place l’empattement avant au centre de sa logique, avec l’apparition des offset courts sur le Orbea Rallon, à l’essai du Santa Cruz MegaTower et sa longueur des bases réglable, et encore dernièrement en roulant le pas si grand/long Pole Machine…
Amalgames faciles…
Comme qui dirait > voilà pour aujourd’hui ! Fin de ce chapitre des Didactiques Endurotribe… Enfin presque : il ne s’agirait pas que les propos tenus ici mènent à certains amalgames ou mauvaises interprétations…
Masse vs poids
Les plus tatillons auront noté que dans la rédaction de l’article, on parle en alternance de poids et de masse, alors même qu’en physique, il s’agit de deux notions distinctes. On s’y autorise simplement pour utiliser les termes les plus proches du langage courant. On parle communément du poids du pilote, alors que l’on utilise la répartition des masses quand on évoque un véhicule (et ses occupants) en mouvement. NDLR/CQFD.
Influence ergonomique ou comportementale…
Quand on parle d’ergonomie, on parle avant tout de la manière avec laquelle les points de contact tombent sous la main du pilote. On l’a donc vu au chapitre précédent, reach et stack influent directement l’ergonomie du vélo. Influencent-ils aussi le comportement du vélo ?! Oui, et non…
Oui, puisqu’on l’a dit, ils interagissent avec la répartition des masses du pilote. Mais non – j’exagère volontairement le propos – puisqu’on l’a aussi vu, d’autres paramètres influencent davantage la répartition des masses, au point que reach et stack deviennent presque secondaires en la matière…
On va donc dire que reach et stack ont une influence majoritairement ergonomique, quand bases et empattement avant ont une influence majoritairement comportementale. Je n’ai donc pas choisi de parler reach, stack, bases et empattement par hasard dans cet article.
Faire la distinction entre leurs influences majoritaires (ergonomiques ou comportementales) peut d’une part aider à faire la part des choses, d’autre part à saisir les approches, philosophies et priorité entre différentes marques du marché…
Rigueur sémantique…
Autre point important qui découle de ce chapitre, les adjectifs que l’on utilise pour qualifier un vélo, de manière simple et rapide. On parle souvent d’un vélo long, grand, court, petit… Sans nécessairement préciser de quelle grandeur précise on parle ! Et ça finit forcément par prêter à confusion…
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Ainsi on parle parfois de vélo « long » sans plus de précision. Entend-t-on qu’il a un reach important, et qu’il parait donc long d’un point de vue ergonomique, alors que son empattement est normal… Ou parle-t-on d’un vélo long pour qualifier son empattement, et donc la distance qu’il occupe au sol, et qu’il faut manoeuvrer, alors que son reach est normal ?!
Il n’y a pas de recette miracle en la matière. On pourrait exiger une certaine rigueur dans l’écriture, mais elle va parfois à l’encontre de la fluidité et du style. Mieux vaut donc suggérer à chacun d’entre nous, comme toujours lorsqu’il s’agit de recevoir une information, de s’aider du contexte. Quelles autres informations accompagnent celle qui prête à confusion ? Vers quelle démonstration l’auteur se dirige ?! Quel est le poids ergonomique ou comportemental de la grandeur à laquelle je raccorde ces propos ?!! Est-ce logique ??!!
Bref, on n’a pas fini d’échanger une fois de plus en commentaire, puisque c’est justement leur première utilité. De bonne augure avant les prochains chapitres de ces Didactiques Endurotribe consacrés à la géométrie. Dans la continuité, il doit être alors question de différentes initiatives associées à ce que l’on vient d’exposer : angle de direction, offset, angle de selle…
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