Vous l’aviez aperçu comme nous, en mode camouflage, entre les mains des pilotes de la Sunn French Connexion en début de saison, mais ça méritait plus de précisions quand à ses mensurations… On a donc profité d’un passage par Loudenvielle – en marge de la finale des Enduro World Series – pour en apprendre plus au sujet du Sunn Kern millésime 2023. L’occasion de voir que l’équipe qui avait bossé le Kern EN a évolué et grandi. D’ailleurs, on attaque par ça, pour planter le contexte et voir que le Sunn Kern a l’ambition de recentrer un peu les débats…
L’équipe…
C’est toujours intéressant de parler des personnes avant de parler du produit. Ça donne un cadre et certaines intentions à ce qui suit. En l’occurence, l’équipe en charge de la marque Sunn au sein de la Manufacture du Cycle Français (MFC – Intersport) a évolué. C’est désormais Serge Lopez qui est à sa tête. Le nom vous dit quelque chose ? Normal, cet homme de l’ombre fait partie des plus influents et reconnus dans son domaine… C’est lui qui, pendant plus de 25 ans a développé son réseau et ses connaissances du milieu – entre l’Asie et la France – pour permettre tour à tour à Sunn, Commençal, Lapierre et les marques du groupe Accell d’être compétitives en matière de specs et de mise en production. Le voilà donc de retour chez Sunn, à un moment où la marque, et la maison mère, MFC, peuvent avoir besoin de ses compétences pour franchir un cap.
La dynamique du moment ne repose néanmoins pas sur un seul homme, mais sur ce qu’il fait de l’équipe sous sa houlette. Elle aussi a grandi. Elie et Alexis – en charge du design industriel – sont toujours de la partie, mais Sophie a pris la main sur le design. Surtout, Xavier Murigneux – que vous connaissez pour ses récits plein de passion sur Endurotribe/FullAttack – occupe le rôle de chef produit – pour les produits performances dont les VTT qui nous intéressent ici. Et toute cette équipe bosse avec une autre pointure : Fred Bernard, Antidote Solutions ! Un autre ancien de chez Sunn, des rares à qui cinématique et clapeterie parlent dans les moindres détails et subtilités… Bref, une équipe étoffée à laquelle s’ajoute un responsable des nomenclatures pour la mise en production – qui roule en Élite BMX, excusez du peu… – et ça fait des compétences en masse, qui forcément, nous parlent et méritent une certaine attention. C’est l’objet de ce qui suit…
Le vélo !
Si de nouvelles compétences arrivent, c’est pour mieux maitriser certains points, pas nécessairement pour rajouter une couche de complexité. Le Sunn Kern, que l’on présente ici, en est la première illustration. Sur le papier et dans les faits, il s’agit d’un All Mountain – 140/150 mm – full 29 pouces. Il ne remplace donc pas directement le Kern EN présenté par le passé – Enduro en 155/160 mm. Mais du point de vue de l’évolution de la marque, on comprend bien qu’il doit marquer une étape.
Les lignes ne trompent pas. L’héritage Sunn et Lazareth est toujours au rendez-vous. Néanmoins, on doit aussi souligner une certaine épuration du design. Mot d’ordre sur ce modèle : outre ces traits de caractère, il ne doit plus y avoir une ligne gratuite. On simplifie, moins de taille à la serpe !
Ça se traduit par des proportions triangle avant/arrière plus harmonieuses, la disparition du puit de selle et de son passage d’amortisseur à l’intérieur… Et la simplification du montage en pied d’amortisseur séparé de l’articulation des bases…
Bref, le Sunn Kern conserve une cinématique 4 bars mais là aussi, certaines compétences viennent apporter du concret/sensé. Tout d’abord, en matière de gestion des paramètres de cette cinématique. Chacun sait que sur une telle architecture, jouer d’un paramètre influe sur les autres. Il faut donc faire des choix, ou des compromis. Ici, ce sont des choix forts qui sont faits : ajuster finement la courbe de ratio, l’anti-squat et le kick-back, tandis que l’anti-rise en découlera, d’autant qu’en jouant de la position de l’étrier et du point de pivot virtuel, le vélo ne doit pas être en reste au freinage…
Dans les faits, ça se concrétise par une courbe d’anti-squat globalement plus basse que celle du Kern EN. 96% au SAG – ici calculé en milieu de cassette – quand la valeur est de 125% sur le Kern EN, dont on sait que le dynamisme mais aussi la fermeté en suspension sont exacerbés. La courbe de ratio, elle, est assez commune à ce que l’on voit ces derniers temps. Sobre, progressive, avec un ratio de départ assez élevé… Outre l’anti-squat réduit, c’est le kick-back qui se démarque ! 4° au maximum – en milieu de cassette – là où la concurrence atteint parfois largement les 15/20°… Et comme on le disait, position/trajectoire du point de pivot virtuel et position de l’étrier de frein permettent ici, non pas de jouer sur l’anti-squat, mais garantir que la suspension soit le moins influencée possible par les forces de freinage… L’étrier est au dessus de l’axe de roue arrière, et non en avant, au dessus des bases…
En matière de conception, on s’arrête quelques instants sur celle de l’ensemble du tube de selle. Certes, par rapport au Sunn Kern EN et son intégration de la biellette et son puit d’amortisseur, le Sunn Kern 2023 pourrait paraitre simplet. Il y a pourtant du travail pour arriver à quelque chose de sobre, mais efficace. Les plus curieux au sujet des process de fabrication apprécieront…
Le tube de selle en lui-même est hydroformé. Notamment une protubérance qui permet ensuite de percer le tube de part en part et venir souder le logement de l’axe de la biellette. Cet axe est donc « noyé » dans le tube et non simplement accolé à lui. Au pied du tube, deux demi-coques forgées, soudées puis rectifiées pour respecter les alignements, paraissent simples, mais regroupent l’essentiel des fonctions : l’axe des bases d’une part, l’axe du pied d’amortisseur d’autre part, et le passage des gaines et durites en provenance du tube oblique et qui sortent ainsi au plus proche de l’articulation bases/triangle avant. Peu d’effet d’angle, peu d’élongation, peu d’usure, et très discret…
Puisque le Sunn Kern se veut simple et efficace, je n’en ferai pas beaucoup plus à son sujet avant de donner mes premières impressions le concernant. Néanmoins, quelques mots au sujet des points qui nous tiennent toujours à coeur sur FullAttack…
En matière de géométrie tout d’abord, pour noter des mensurations modernes sur les trois tailles au catalogue… Et surtout, le sacro-saint boitier bas, une des signatures de la marque, et de tout temps. En matière d’équipement ensuite, pour noter le retour de la marque de composants Brute. Ça fait partie du portefeuille de marques Sunn de la belle époque… Et avec quelqu’un de la trempe d’un Serge Lopez dans le bateau, on ne la lui fait pas quand il s’agit de trouver le cintre au bon shape, ou la bonne potence usinée qui va bien, le tout, au bon prix… bref, ce qu’il faut pour sortir un bon vélo sans flinguer le tarif !
Côté matériaux enfin. Le Sunn Kern se veut facile et accessible. Et à l’heure actuelle, c’est l’aluminium qui permet encore de remplir au mieux cette fonction. Ça n’empêche pas la marque de travailler à l’usage du carbone… Mais j’ai plutôt compris que ce serait pour produire un Enduro performant… Et d’ailleurs pas forcément en 4 bars ! Car c’est ça aussi la force de certains dans cette équipe : une certaine liberté de penser qui ramène au goût du jour que parfois, les choix techniques doivent avant tout être fait pour répondre à un besoin, remplir une fonction, pas pour simplement étayer une image de marque. Affaire à suivre…
Premières impressions…
En attendant, chose promise, chose due, mes premières impressions au guidon du Sunn Kern. Je ne vais pas être exhaustif au possible et vous faire penser que j’ai fait le tour de la question. À Loudenvielle, le créneau que je pouvais consacrer au Sunn Kern restait limité et je compte bien, vu les premières bonnes impressions, y consacrer plus de temps dans les mois à venir.
J’ai néanmoins pu m’appliquer à respecter la base de toute bonne prise en main. Ajuster les réglages de départ, en matière de position comme de suspensions. Tout ce qui suit s’exprime d’ailleurs selon les réglages de base qui me servent de point de départ à chaque essai : 30% de SAG, détentes à mi-plage, compressions ouvertes… Je n’ai pas dit que le vélo doit absolument marcher dans cette configuration, mais ça me permet au moins de savoir d’où je pars, et vérifier certaines choses…
Les bons settings…
Tout d’abord, en matière de settings de suspension. Cette prise en main est l’occasion de constater qu’il y a du progrès en la matière. Ça ne gratte pas, ça ne brasse pas, ça ne raquette pas, ça ne plonge pas, mais au contraire, c’est sensible, ça suit le terrain, ça se tient, c’est dynamique. Une impression qui ne trompe pas : c’est celle qui, à chaque fois, traduit le fait que les settings d’amortisseurs soient les bons quand d’emblée, une telle impression se manifeste à mi-plage de détente. D’ailleurs, rien d’étonnant. Au détour d’un échange avec Xavier Murigneux, j’apprends qu’il se charge des essais. Chez RockShox notamment, avec un certain Dimitri, dont je vous ai déjà parlé. Y’a des signes qui ne trompent pas…
La bonne dynamique…
La version du Sunn kern que j’ai pu rouler ici n’est pas encore tout à fait conforme à la production. Elle faisait notamment varier de quelques millimètres la hauteur du boitier. J’ai néanmoins déjà pu noter sa hauteur très contenue, signature de la marque, dont je parlais précédemment. J’ai parfois frotté les semelles en bords de traces un peu creusées comme on en trouve sur une semaine de Coupe du Monde à Loudenvielle.
Qu’importe, parce que ça met en évidence le fait que d’autre part, le Sunn Kern semble se tenir remarquablement bien. Beau toucher, puis beau maintien au SAG et en suivant. Donc pas de mouvements d’assiette parasites – c’eut été dommage sur un petit vélo – et pas de boitier qui plonge de trop au point de faire regretter sa faible hauteur. Juste un vélo qui se tient bien, et qui donne envie de pousser sur les jambes dans les appuis.
Et ce que je dis là vaut aussi bien en vertical, où la suspension entre en compte, qu’en latéral où c’est davantage le chassis qui s’exprime. Le Sunn Kern se tient et là aussi, je note un beau progrès par rapport aux générations précédentes, parfois trop molles en alu, parfois trop raides en carbone. Je n’ai pas les valeurs précises, mais au banc d’essai, on doit être sur des valeurs au coeur du marché, pas en marge, d’une manière ou d’une autre, comme ça a pu l’être…
Premier trait de caractère…
De ce que j’expose ici, il faut donc retenir en première intention que le Sunn Kern me parait être un petit vélo bas de boitier, compact du train arrière, au joli toucher et bon maintien, avec des settings d’amortisseur travaillés. Et ensuite ? Un autre trait de caractère m’a interpellé : à la pédale, quand un obstacle se présente face à la roue arrière, c’est bluffant. Je m’attendais à buter, ralentir, devoir hisser la roue arrière sur la racine en question… Rien de tout ça ! Le Sunn Kern a tout absorbé, là où certains 160 mm du marché font largement moins bien ! Ce trait de caractère, je le prête au faible kick-back évoqué précédemment. Ça évite un point dur qui déstabilise ou stop la dynamique au pédalage. Là, on continue le coup de pédale, et le vélo s’affranchit de l’obstacle…
La suite ?!
Bref, vous l’aurez compris : les premières impressions sont bonnes au sujet du Sunn Kern. L’équipe qui bosse dessus s’est étoffée, et les compétences mises à profit s’en ressentent. C’est d’autant plus remarquable, et c’est tant mieux, que sur le marché, le Sunn Kern vient se positionner de manière très attractive. En d’autres termes, c’est l’opportunité de profiter de compétences de haut vol sans se ruiner : 2199€, 2999€ et 3799€ les trois modèles Sunn Kern 2023, ça vient se mettre en concurrence sérieuse avec d’autres vélos bien placés et passés à l’essai sur FullAttack ! Comme je l’ai glissé plus tôt dans l’article, ça méritera donc d’y accorder un peu plus d’attention… Et c’est prévu pour dans l’hiver, pour un verdict en début d’année 2023… Tant mieux, on est dans les temps : les Sunn Kern devraient arriver en magasin au printemps !