Voilà plus d’un an désormais que les essais Endurotribe ont fait peau neuve. Certains d’entre nous les plébiscitent pour leur niveau de détail et de précision. D’autres ont parfois tendance à s’y perdre… Et c’est bien normal.
Souvent, un mot précis peut remplacer une phrase complexe. Encore faut-il que le sens soit partagé par tous. C’est la raison d’être de la rubrique « Didactique » Endurotribe : une sorte de Techno pour les nuls qui apporte des repères communs.
Piqûre de rappel pour certains, découverte du jour pour d’autres… Une bonne base pour tous, dont le but est bien de tirer tout le monde vers le haut. Normal donc que certaines de nos publications puisse renvoyer à cette rubrique 😉
Vaste sujet
On commence par un sacré domaine… La suspension ! En la matière, les raccourcis vont bon train. Certains l’assimile parfois à l’amortisseur, au ressort, aux roulements ou aux biellettes, sans avoir une idée précise de tout ce que ce dispositif renferme réellement. La définition est pourtant simple :
« Ensemble des organes qui assure la liaison entre un véhicule et ses roues, servant à amortir les chocs dus aux inégalités de surface de roulement. »
Qui dit ensemble d’organes dit interactions. L’un a un effet sur l’autre. Toute la science de la suspension étant alors de maîtriser ces paramètres pour obtenir l’effet souhaité… Et nous procurer les meilleures sensations à l’usage !
C’est pourquoi finalement, cette rubrique Didactique va plus loin qu’une simple définition. Le concept mérite mieux. En évoquant chaque paramètre de manière claire et précise, chacun doit, à terme, mieux maîtriser en quoi consiste une suspension…
Cinématique, la définition
Pour commencer, évoquons la cinématique d’une suspension. Car finalement, cette caractéristique fondamentale permet ensuite de faire le lien avec nombre d’autres termes que l’on rencontre fréquemment. En physique :
« La Cinématique est l’étude des mouvements, indépendamment des causes qui les produisent. »
Comprenons là qu’on se penche sur la manière dont se déplacent certains éléments, les uns aux autres. lesquels ?!
En pratique
À VTT, la masse suspendue se résume au triangle avant et ce qui y est relié. Le pilote notamment : à travers ses appuis sur le cintre, la selle et les pédales. C’est donc vis-à-vis de cet élément que l’on étudie les mouvements. Le triangle avant est notre référentiel : le bâti, l’élément supposé fixe.
À l’autre extrémité des suspensions, les roues, en contact avec le sol, et qui transmettent une bonne partie de ce qu’elles en lisent. Tout ce qui relie l’un à l’autre constitue concrètement les suspensions.
À l’avant, le dispositif est plutôt simple. C’est la fourche télescopique qui joue ce rôle. Le support de la roue – les fourreaux – sont en liaison glissière avec l’ensemble plongeurs/té. Tout se déplace en ligne droite – dans l’axe de la fourche ; chaque millimètre à la roue est un millimètre à la suspension.
Il est presque incongru de parler de cinématique d’une suspension avant, puisqu’elle est rudimentaire.
Les différentes cinématiques…
C’est à l’arrière que ça se complique ! Les têtes pensantes du milieu ont phosphoré. Diverses interprétations existent, mais le principe reste le même. Articuler, pour offrir un degré de liberté au centre de la roue arrière, et renvoyer à l’amortisseur, qui concentre la gestion du mouvement.
Par abus de langage, c’est pour désigner ces dispositifs complexes et leurs mouvements caractéristiques que l’on utilise le terme de cinématique. Il en existe plusieurs. De la plus simple à la plus complexe, toutes ont en commun de gérer un paramètre clé. Le déplacement du centre (de gravité) de la roue arrière autour d’un certain point de pivot…
Cliquer sur l’image pour lire l’explication correspondante. Légende couleurs > Gris clairs : triangle avant et roue arrière / Noirs et gris foncés : triangle arrière / Rouge : élément qui détermine la trajectoire de la roue arrière / Bleu : amortisseur / Vert : trajectoire de la roue arrière.
Sur ce concept plus complexe à parallélogramme déformable, parfois appelé aussi « Four bar Linkage » ou dispositif à biellette/basculeur, la roue arrière reste reliée au triangle avant par un simple bras : les bases du triangle arrière. Le renvoi à l’amortisseur passe ici par les haubans qui jouent le rôle de biellette, et un basculeur.
Il existe plusieurs variantes des ces deux principes simples, qui se distinguent par la manière de convertir ce qui est transmis à l’amortisseur : en direct, ou via dispositif qui interprète le signal. Notamment sur les éléments qui assurent le renvoi à l’amortisseur dont les points de fixation, orientation et sens de fonctionnement peuvent grandement varier.
Dans tous les cas, la trajectoire de la roue arrière décrit un arc de cercle autour d’un point de pivot fixe, matériellement identifié : un axe et des roulements. En matière de cinématique, la position de ce point de pivot est déterminante. On y reviendra. Mais pour l’heure, il reste important de savoir identifié où se situe ce fameux point…
Point de pivot virtuel…
En effet, certains vont plus loin ! Ils cherchent à maîtriser et faire varier sa position. D’où l’existence de cinématique à Points de Pivots Virtuels…
Ave un point de pivot virtuel, la roue arrière n’est pas directement reliée au triangle avant par un simple bras de levier. Elle est fixée à un élément (ici un triangle arrière unifié) lui-même relié au triangle avant par deux biellettes.
Ce sont ces deux biellettes qui déterminent la trajectoire du centre de la roue arrière. Le point autour duquel la trajectoire de la roue arrière pivote se situe à l’intersection des axes des deux biellettes. Il s’agit d’un point purement virtuel, que rien ne matérialise concrètement. C’est pour cette raison que l’on parle de Point de Pivot Virtuel.
Ce point de pivot a lui-même une trajectoire propre, le long de laquelle il se déplace. À chaque instant, le centre de la roue arrière décrit une trajectoire qui pivote autour de ce point. En cours de mouvement, il n’était pas le même à l’instant d’avant, et ne sera pas le même à l’instant suivant… C’est pour cette raison que l’on parle aussi de Centre Instantané de Rotation.
Point de Pivot Virtuel et Centre Instantané de Rotation sont deux termes qui désignent la même chose. Le premier dérive d’une appellation commerciale. Il est devenu l’énoncé courant. Le second reste l’appellation juste et précise que l’on retrouve dans tous les manuels de physique et de mécanique.
Par abus, on assimile souvent un système à point de pivot virtuel à un triangle arrière unifié monté sur deux biellettes. Pourtant, il suffit de déplacer une articulation d’un système déformable pour obtenir, ou non, un point de pivot virtuel. La preuve en image…
Avec ces explications, chacun peut se prêter au jeu et se demander si, oui ou non, son vélo est équipé d’une suspension à Point de Pivot Virtuel. In fine, savoir où se situe, comment se comporte, et sur quoi influe ce point de pivot a tout son intérêt pour confirmer, ou remettre en question, ce que l’on ressent à l’usage… On y reviendra !
Le débattement dans tout ça ?
Le débattement d’une suspension arrière, exprimé en millimètre, correspond à la longueur de la trajectoire verte décrite plus haut. Lorsque l’on parle d’un vélo qui dispose de 160mm de débattement, on sous entend 160mm à la roue arrière.
Son centre peut se déplacer le long d’une trajectoire qui mesure 160mm de long. Reste que la manière de parcourir ces millimètres de débattement a toute son influence sur le fonctionnement de la suspension, et de ce que l’on perçoit, au final, à l’usage.
Ce que ça implique
Le temps pour chacun de digérer ces premiers exposés, et tout le monde peut y voir plus clair. Au coeur d’une suspension, la cinématique concerne le déplacement de la roue arrière et le renvoi à l’amortisseur. La manière dont tout s’articule pour gérer et transmettre les mouvements.
Un premier constat qui n’a l’air de rien, mais qui a toute son importance. La cinématique maintenant définie, il est possible d’évoquer le SAG, le Kick-back, le ratio, la progressivité, l’assiette, l’hydraulique, la détente… Autant de termes que l’on utilise couramment dans nos publications, et que l’on va pouvoir définir aisément.
À bientôt, pour le prochain chapitre 😉