Mondialisation, pénurie, hausse des prix… Ce que la crise met en lumière

Ce n’est un secret pour personne : la crise du Coronavirus a un effet notable sur le petit monde du VTT, et son industrie en particulier. Ces derniers temps, les annonces s’enchainent : les marques font savoir, une à une, que la disponibilité de leur produits est au plus bas, et qu’une hausse des prix entre en vigueur.

Un peu plus d’un an, jour pour jour, après le déclenchement de cette crise, le moment est donc bien choisi. Celui de faire le point sur ce que cette pandémie et ses effets nous apprennent, nous rappellent ou mettent en lumière, au sujet de l’industrie qui nous concerne. Le moment de laisser une trace, un récit, de ce qu’il s’est passé, et ce qui nous attend encore…


Plus de 80% du matériel provient d’Asie…

Le chiffre n’est pas ultra précis et peut faire débat, mais qu’importe. Au stade où nous en somme, c’est l’ordre de grandeur qui prime. Made in Taïwan, China, Japan, Vietnam, Indonesia, Bangladesh… Il suffit d’un simple coup d’oeil aux étiquettes pour le constater. Depuis des décennies maintenant, l’écrasante majorité des produits qui font nos vélos et tenues provient d’Asie.

Il ne s’agit pas de mettre toutes ces sources dans le même panier ou de nourrir un cliché. Nos précédentes enquêtes nous on appris que chacune a son savoir faire, son histoire et sa valeur. C’est plutôt l’occasion de souligner le poids de cette répartition. Dans nos échanges avec l’industrie, un constat récurrent ne manque pas de revenir. Depuis les années 80, la tendance n’a eu de cesse de concentrer les technologies et le savoir-faire de production en un endroit…

Si bien que juste avant que la crise ne se déclenche : hydroformer un tube, peindre de plusieurs couleurs, placer les marquages fins sous le vernis, ou trouver des fibres de carbone disponibles pour autre chose que l’aéronautique ou l’automobile ne se faisait facilement, et en quantité industrielle, que de ce côté-ci du monde…

Pour le meilleur et pour le pire.

Matières premières, chaines de transformation, outils logistiques… Les investissements se sont donc concentrés en une partie du monde. Ce qu’ils ont permis a eu un formidable effet sur la production des produits que l’on utilise : elle a progressé et s’est accélérée. Elle n’a d’ailleurs jamais été aussi prolifique dans l’histoire de l’humanité, que ces quelques dernières dizaines d’années. Cette vérité dépasse largement l’industrie du cycle.

comme sur l’autoroute lorsque tout le monde est lancé à grande vitesse…

D’une certaine manière, elle participe à une accélération exponentielle de notre capacité à dépenser l’énergie dont on dispose. Tant et si bien que de nos jours, pour faire certaines choses, il n’y a désormais que là-bas que c’est possible. Tout semble s’être organisé comme si l’élan était tel que l’effort serait surhumain s’il fallait en changer la direction. Et comme sur l’autoroute lorsque tout le monde est lancé à grande vitesse, en se suivant de près…

Au moindre coup de frein…

C’est bien ce qu’il s’est passé début 2020. Un coup de frein, brutal et soudain. De ceux qui stoppent net ou presque ! Hasard ou pas, la pandémie est partie de ce coin du monde où l’homme et ses activités industrielles ont largement pris le pas sur le milieu naturel qui nous plait tant à nous, cyclistes… Et qui, sur notre planète, sert de tampon entre les espèces et ce qu’elles peuvent se transmettre ! Le concept de zoonose n’a jamais été aussi en vogue…

L’homme a donc pu s’y trouver confronté aux conditions particulières permettant la transmission d’un virus de l’animal, à l’être humain. Face à l’urgence, protéger les milions de personnes travaillant là, a impliqué de stopper net ou presque – au moins quelques temps, cette incroyable machine de production. La fabrique du monde…

Avec le recul, l’arrêt n’a pas duré très longtemps. Plusieurs jours, quelques semaines tout au plus, selon les dires. Le temps de comprendre les risques, et de mettre en place les premières mesures. Puis, les activités ont repris, progressivement. Reste que quand devant, ça freine, derrière, inexorablement, ça finit par s’arrêter ou pire… taper !

La crise, tout près de chez nous…

La pandémie a beau avoir débuté à l’autre bout de la planète, il ne lui aura finalement pas fallu longtemps pour se propager. Chez nous, c’est en mars que les mesures qui marqueront l’histoire sont prises. Confinement ! En quelques jours à peine, quelques dizaines d’heure presque, branle-bas de combat. Nous sommes contraints à rester chez nous, et seul le strict nécessaire peut rester en activité. Sans y avoir réfléchi, sans en avoir débattu, sans avoir son mot à dire, la distinction entre essentiel et non essentiel est imposée. Ces frontières mettront plusieurs semaines, voir plusieurs mois, à s’établir plus clairement.

Pour nous cyclistes, la question se pose. Notre pratique est-elle essentielle ? Nécessaire ? À risque ? Au bout de quelques temps, la règle des 1 h / 1 km finit par s’imposer tandis que dans le même temps, la pratique du vélotaf commence à défendre son intérêt. Éviter les transports en commun bondés, profiter du grand air, moins polluer que l’auto… D’ailleurs, à cette période, les effets du ralentissement mondial se font sentir. Certaines zones du globe habituellement embrumées voient la lumière comme rarement ces dernières années. Ce coup de frein, l’espace d’un temps, aura au moins mis en évidence s’il le fallait l’impact de nos activités sur l’atmosphère…

Dans les bouclards

Entre essentiel et non essentiel, l’utilité des magasins de vélo ballote, avant de basculer du bon côté. Celui de pouvoir rester ouvert et offrir des services afin que l’engouement (re)naissant pour la pratique du vélo fasse son oeuvre. Comme ailleurs, le ralentissement de l’activité a bien eu lieu quelques longues semaines avant de reprendre prudement. Il n’empêche qu’elle a repris, et de plus belle, lorsque finalement, la société a tenté de reprendre le cours normal de son histoire.

On retiendra donc qu’à cette période, la pratique du vélo a fait partie du plan de relance de l’économie Française. Quelques millions d’euros parmi la centaine de milliards mise à profit par l’état afin d’éviter l’effondrement de pans entiers de l’activité. Notamment distribués sous forme d’aide à la remise en état et à l’entretien des vélos. De quoi occuper ateliers et vendeurs un temps, voir même de les submerger de sollicitations alors que les règles sanitaires en vigueur et la mise en place rapide du concept ne permettent pas de faire tourner l’affaire à plein régime…

Crise et effet rebond…

À ce stade là, on pourrait penser le gros de la crise derrière. Pourtant, à certains égards elle ne fait que commencer. D’une certaine manière, la relance du secteur économique fonctionne. Mieux, elle dépasse certaines espérances. L’argent et la liberté qui n’ont pas été exploités pendant plusieurs semaines durant le premier confinement, sont mis à profit. L’activité repart. Par endroit, elle explose même. La crainte d’un effondrement laisse place à des chiffres historiques, parfois jamais réalisés en vingt ou trente ans d’activité.

Tant et si bien que les stocks que l’on pouvait craindre de voir prendre la poussière fondent comme neige au soleil. On retiendra de cette période que les partenaires Logistique de l’industrie française ont rarement été aussi sollicités. Que pendant quelques semaines, les flux auront parfois été quadruplés et les quotas atteints bien plus vite que prévu. L’outil de transport n’ayant pas toujours été dimensionné pour une telle intensité ponctuelle, on retiendra aussi l’anecdote de certains des plus gros magasins du pays affrétant eux-même des camions pour récupérer les produits commandés, et être certains d’être approvisionnés.

Dans la foulée, les magasins étaient amenés à passer commande pour l’année suivante. Entre engouement et peur du manque, la tendance était clair : commande en hausse, au point de pousser certaines marques à fixer des limites. C’est qu’il faut s’assurer que tout le monde soit servi, et que tout le monde puisse continuer à travailler… C’était en tout cas le signe que la demande remonte bien la chaine, petit à petit…

Entre deux eaux…

Outil de production remis en route en Asie, demande qui explose en Europe. On pourrait penser que tout rentre dans l’ordre établi depuis plusieurs décennies. Il y a pourtant plusieurs secteurs où ça coince. À commencer par celui qui fait le lien entre les deux : le fret maritime et aérien. Les porte-containers et avions qui servent habituellement à acheminer les produits à bon port. En faisant de notre planète un vaste réseau, ils se sont érigés en vecteur majeur de propagation du virus que tout le monde combat. Incertitudes et quarantaines ont donc un fort impact sur les capacités de transport avant que la demande ne fasse exploser les capacités.

En mer, ce qui met habituellement quelques semaines à nous parvenir du bout du monde, met désormais plusieurs mois. Ces derniers temps, la marchandise peut exister, avoir été produite, être en chemin, mais dormir sur un quai, ou sur un bateau qui attend au large pour pouvoir débarquer. Quand dans la précipitation, des accidents ne viennent pas compliquer les choses.

Quoi qu’il en soit, règle implacable du système économique établi : ce qui est rare est cher. Au delà de l’impact sur la disponibilité, il y en a donc un aussi sur les coûts. On parle d’un facteur 4 à 5 sur celui du transport, quelle que soit le chemin choisi. Bateau ou avion, les coûts explosent. Le choix qui permettait avant de jongler en fonction du besoin, est désormais un pari pour s’assurer d’approvisionner son marché et avant, ses usines de montage européennes.

500 jours…

Ça, c’est pour ce qui a été produit. Mais l’effet « rebond » de la crise bat son plein. La demande est forte. Elle dépasse de toute façon les capacités de production disponibles avant la crise. Et même si le propre d’un effet rebond est de retomber comme un soufflet à plus ou moins long terme, les prévisions tablent sur 15 à 25% de hausse entre l’avant et l’après Covid. Répondre à cette demande implique de faire croitre d’autant l’outil de production à l’échelle mondiale. Mais pour l’heure, cette hausse de la demande se superpose à une pénurie de matières premières et à une flambée des courts : +12% sur le pétrole (matières plastiques), +20% sur l’acier, +23% sur l’aluminium, +43% sur le caoutchouc…

260, 300, jusqu’à 500 jours entre la commande et la livraison ?!

L’effet est important sur l’ensemble du marché du vélo : les pièces manquent et les prix grimpent : +10% en moyenne au printemps 2021. Chez certains des plus grands fournisseurs au monde, les délais sont habituellement de 30 à 60 jours pour obtenir les produits. À l’heure d’écrire ces lignes, il est en moyenne de 260 jours. Plusieurs points clés (transmission, suspensions, points de contact) sont au delà des 300 jours… et ces chiffres sont ceux des grandes marques de vélo, servies en priorité. Chez certains petits, on parle de 500 jours… En clair : toute marque de vélo qui commande des composants pour assembler une série de vélos, ne les recevra… Que dans de très longs mois ! Elles ont donc toutes, dû, boucler leurs commandes plus tôt que d’habitude, pour tenter un retour à la normal entre les millésimes 2022 et 2023…

Opportunités à saisir ?!

Que va-t-il donc se passer d’ici-là ? Bien malin celui qui prétend avoir la réponse complète et précise à cette question. D’autant qu’elle dépend encore dans une certaine mesure, de l’évolution sanitaire d’une crise à l’issue incertaine. On voit néanmoins poindre certaines tendances. Tout d’abord celle qui consiste à s’affranchir des notions de millésime. On insiste sur des modèles et on met en garde sur l’évolution possible des specs.

Les marques font bien sûr jouer les relations de partenaires à partenaires qu’elles entretiennent de longue date pour s’assurer d’être fournies et de pouvoir assembler des vélos. Mais nul doute qu’elles sont ouvertes comme jamais à la disponibilité d’autres produits. Si bien qu’en coulisses, certaines discussions s’intensifient pour que des investissements se fassent ailleurs qu’en Asie, plus proche de nous. Verra-t-on des technologies se déployer, ou revenir en Europe par exemple ?!

Entre circuits courts, productions re-localisées et renforcement de la mondialisation, qui l’emportera ?!

L’autre effet porte aussi sur les petites marques, et sur les circuits courts qui n’ont jamais été aussi à propos qu’en cette période. L’occasion de mettre en évidence que d’autres schémas sont possible. Lorsque finalement, les écarts de prix et les délais s’amenuisent et que la crise met à mal les avantages conquis par la globalisation de la production. Pour l’heure, ce lissage se produit par le haut et les prix finaux sont donc plus élevés que la moyenne, mais pour combien de temps encore ?!

C’est une des possibilité. L’autre consiste à ce que l’organisation mondiale en vigueur avant la crise s’en sorte renforcée. Certains des grands leaders mondiaux jouent cette carte. À l’heure actuelle, occidentaux et américains font des propositions, font jouer la corde du partenariat, et tentent d’inciter leurs fournisseurs taïwanais à investir et développer leur outils de production. Mais en réponse, la prudence est de mise. Quel schéma l’emportera ?!


À l’heure d’écrire ces lignes, aller plus loin dans le récit dépasserait le cadre de cet article. Bien malin qui saurait écrire l’histoire avant qu’elle n’ait lieu. Néanmoins, son récit, jusqu’ici, méritait bien d’être posé. Et il ne manquera pas d’être complété par les témoignages et précision que chacun peut apporter en commentaires ci-dessous…

Rédac'Chef Adjoint
  1. ouais moi je veux bien tout entendre mais sur certaines pièces , plaquettes 6.90 à12.9cassettes pédales29 à48 c est plutôt du 100% d augmentation
    et sans concurrence aucune tous les sites les 2 principaux en France, au même prix très haut de préférence sauf certains plus honnêtes comme materiel velo
    je pense qu il compte sur la naïveté du cycliste pour acheter n importe quoi a n importe quel prix vendre un pneu vtt a 69 c est plus cher que ceux de ma voiture et au niveau matiere il n y a pas photo

  2. Et tu crois que Michelin fait autant de pneu vélo que auto? Les économies d’échelles sont là…
    Malheureusement tu ne peux pas tout comparer sous prétexte qu’un pneu de vélo est fait de la même matière qu’un pneu de bagnole..
    L’industrie du vélo et des pièces se sont sans doute un peu gavée avant mais je pense que ce genre de crise va un peu les remettre dans le droit chemin… espérons!
    Maintenant, pensons à notre pauvre magasin qui sont le seul maillon de la chaine à être en contact avec les clients et qui doivent les gérer eux et gérer leurs stocks et leurs fournisseurs..

    Drôle de période mais pour nous, pauvres cyclistes égoïstes, c’est plutôt facile! au pire on a pas de bike!
    D’autres, dans le monde du vélo se demandent de quoi l’avenir sera fait!
    Max

  3. Bonjour Antoine,

    Bel article, qui servira en effet d’historique. C’est vraiment top les liens pour biblios aussi.
    ça résume bien l’industrie du vélo et l’industrie tout court. Dans ma boîte, qui fait des machines produites en France avec 95% d’export dont 50% hors Europe, on constate une rentabilité bien en baisse, également du fait du prix des matières premières et du transport, et évidemment des délais à rallonge pour tout ce qui est hors Europe, du fait du cirque général.

    Cette crise a eu le mérite de questionner la capacité du système à faire face à ce genre de crise (ce n’est ni la première ni la dernière pandémie), et on peut quand même souligner que c’est un bel échec. Le monde du vélo en est une belle illustration, comme souligné dans l’article, du fait de la dépendance au transport, et de la concentration dans une zone géographique de tous les savoir-faire et des outils de production.

    Ce n’est pas précisé dans l’article, mais cette délocalisation du savoir-faire et de la production a été faite (que ce soit dans le milieu du cycle ou dans d’autres industries) pour que les actionnaires réalisent toujours plus de profits, sans se soucier de la dépense énergétique engendrée, ni des catastrophes que cela pourrait créer. On en voit bien le résultat aujourd’hui.
    Espérons que le monde du vélo saura se reconstruire mieux : on a quand même des gens qui savent concevoir et produire un frein ou un dérailleur en France et en Europe, faut pas déconner!

    Merci pour l’article !

    1. Cette délocalisation, pour l’augmentation du profit, date, et relocaliser prendra forcément du temps : celui d’accepter un modèle économique différent pour recréer les chaines de production là où il convient de les implanter.

      C’est pourquoi cette restructuration de l’industrie passe avant tout par un changement de mentalité et de pratique. Il suffit de s’intéresser aux activités récentes de Caminade, Effigear, Valeo… pour s’apercevoir qu’il existe certains acteurs européens qui en prennent déjà le chemin.

      Cependant produire proche de chez nous va aussi demander d’autres acceptations : les pollutions locales émises sur le lieu de production (pollution des eaux, particules aériennes, solvants, …), actuellement loin de chez nous, en Asie ! Alors peut-être qu’il faut avant-tout revoir la consommation… et trouver le schéma économique adéquat qui va de pair…

      1. Sans parler d’une vision européenne des choses… Il n’y a pas qu’en Europe qu’on fait et qu’on achète des vélos???
        Alors on les produit en Europe pour les Expédier aux US, En Asie, en NZ et Aus ou on fait l’inverse? Dans tous les cas il faudra des bateaux.

      2. Salut!

        Oui, je rejoins complètement.

        La consommation a tout va lorsque les ressources sont limitées, qu’on accepte ou non de remettre en question notre façon de pratiquer et plus généralement de vivre, ça aura une fin…
        Ça ne paraît pas insoluble, mais les mentalités doivent changer, et je m’inclus dedans évidemment !

    2. Bonjour Baptiste,

      merci pour ce retour positif et ton témoignage. C’est intéressant d’avoir l’occasion d’échanger à ce sujet « hors industrie du vélo ». Super pour les liens > j’avais dans un premier temps envisagé de citer plus explicitement le contenu des liens directement dans l’article, mais ça en alourdissait la lecture.Heureux de voir qu’ils restent visibles sont appréciés.

      1. Bonjour tout le monde ! Pour rebondir un peu dans le désordre sur les différents commentaires, il y qq mois, on m’a demandé au boulot de réfléchir à ce que pourrait être l’industrie de demain.

        Je ne suis pas industriel, ni travailleur dans le secteur, du coup j’ai écouté des gens et lu des trucs. De ce que j’ai retenu, les questions de la dépendance et des fragilités mises en avant par la crise Covid ont été bien comprises et vues par les industriels car ils ont été directement touchés et le sont encore. Dans l’auto il y a des soucis, dans le BTP ils ont des pb d’appro et de prix également, la high tech, c’est pénurie aussi etc… On touche directement à la rentabilité, les mecs, ils cherchent des solutions ! La beauté du capitalisme on va dire.

        Une des réponses qui se développe, ce n’est pas forcément de relocaliser en France, mais de réduire tout de même la distance en regardant des implantations au Maghreb et en Europe de l’est (qui est au sein de l’UE en plus…). Le flux tendu-tendu va peut être le devenir un peu moins également.

        Sinon à un peu plus long terme, l’une des tendances qui va surement se développer, c’est la production de biens sur-mesure, spécialisés et répondant exactement aux attentes du clients à des prix comparables aux produits standardisés moyen de gamme. La recherche de solution adaptées et personnalisées aux clients sera mise au centre du process industriel et l’organisation de celui-ci va évoluer (l’échange d’info devra être au top, les espaces de production seront plus petits et éclatés, etc…). En vélo, on voit ça arriver, la marque Atherton par exemple, ou les casques produit après un scan du crane, les semelles après moulure, Specialized et l’étude posturale, les marques de VPC et les montages à la carte etc. Pour certaines solutions c’est encore très haut de gamme mais ça risque de se démocratiser.

        Une autre tendance qui se développe, et déjà évoquée ici, c’est la fameuse compétitivité écologique. En Europe, on ne sera jamais compétitif sur les prix, il faudrait donc décaler la compétitivité des biens vers une compétitivité environnementale. L’UE a des outils (on parle de taxe carbone aux frontières par exemple) pour cela mais ça ne sera pas suffisant. Il y a aussi les malus dans l’industrie auto etc…

        En gros il n’y aura pas de relocalisation mais des développements de nouvelles façons de faire. Parmi ce qui serait souhaitable pour re-avoir une forme d’industrie en France, il y a les idées de raccourcissement des circuits d’appro (pas forcément 20 bornes hein, si c’est UE c’est déjà bcp mieux je pense, et ça améliore la réactivité également), l’éco-conception, les biens réparables et évolutifs facilement, les fameuses responsabilités environnementales et sociétales des boites, l’économie circulaire etc…
        Vous me direz que c’est un peu utopique, mais là aussi dans le vélo on voit apparaitre des trucs, et je pense aux échanges que l’on a déjà eu ici à propos de Revved et son carbone recyclé, à Guerilla Gravity et son nouveau process de fabrication carbone moins demandeurs en heure de travail et donc compétitif au US. Guerrila Gravity également place l’évolutivité et la rétro-compatibilité de ses cadres au cœur de sa com’. Sur d’autres domaines, on a aussi Kippit qui produit des bouilloires et souhaite fabriquer une machine à laver durable etc… Les exemples sont de plus en plus nombreux, comme le montre les liens dans cet article, et il y en a pleins qui m’échappent.

        Reste que ce futur repose tout de même sur une moindre consommation et une remise en question du concept de croissance économique, ce qui fait que du coup, ça va pas être facile, car il va falloir changer bcp de chose dans notre façon de faire, de vivre, et que notre société n’est pas construite sur ces nouveaux paradigmes. Rien qu’ici, on voit qu’une des réponses à une pénurie c’est de commander sur Aliexpress.

        Bref, pour citer une réplique que j’entendais enfant, nous vivons une époque moderne, le progrès fait rage, et le futur ne manque pas d’avenir.

        1. Bonjour Basile,

          merci pour le partage de tes observations et de ta réflexion sur le sujet. Très intéressant. Réduire les distances et raccourcir les délais – notamment à l’échelle européenne plutôt que mondiale – sont effectivement ce à quoi l’article fait référence en usant des termes de circuits courts et re-localisation. C’est intéressant de voir que ces préoccupations ne datent pas de la crise COVID, mais font partie des tâches de fond et opportunités régulièrement scrutées dans l’industrie et dont on entend parler depuis un bon moment. La notion de « supply chain » et son étude pour améliorer la notion de « speed to market » / Les capacités de production et d’assemblage dont on entend parler au portugal et en pologne notamment / Certaines capacités de production européennes pour l’instant allouées à d’autres marché (moto notamment) qui scrute l’essort du VTTAE… Reste à voir si la crise actuelle redistribuera les cartes, à quel point, et dans quelle mesure.
          En attendant, tu as raison, les exemples que tu cites son pertinents et ils trouvent effectivement écho dans certaines de nos dernières parutions. Maillot Relief, Short So Bike Wear, dorsales Bluegrass, vélos Last, suspensions BOS… Chacune, à leur manière, s’insère dans ce schéma, soulève son lot de question et apporte certains éléments de réponse. Ça reste des signaux faibles, mais c’est intéressant de noter qu’en période de pénurie, ils se font plus audibles et trouvent un écho.
          Pour rebondir sur la fin de ton propos, deux autres liens qui n’avaient pas nécessairement leur place dans l’article, mais qui ont tout à fait la leur désormais, pour conclure ce commentaire? Je me suis justement penché sur ce sujet pour trouver des réponses à ce paradoxe que l’on observe chaque jour : une audience toujours forte lorsqu’une nouveauté est présentée, mais des commentaires qui traduisent toujours un mal être de se sentir « obligé » d’acheter… Les réponses apportées ici sont intéressantes 😉

          https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-29-juillet-2019
          https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-09-mai-2019

          1. Merci pour les liens, on a pas fait le tour des comportements humains en et de ses contradictions en effet. D’un autre côté je trouve ça un peu rassurant, on n’est pas encore réductible à un ensemble d’équations mathématiques et tant que çà sera le cas, on restera devant les algorithmes et les IA :).
            Et tu as vu juste sur les conséquences de ces organisations de production, je suis sur les questions de supply chain en ce moment, il y a une pression importante qui monte de ce côté là ces derniers mois/années.

          2. Ah super, intéressant ton propos au sujet des supply chains ! Intéressant aussi, celui sur les IA > j’ai eu l’opportunité de lire « Le bug humain » de Sébastien Bohler, il y fait exactement le même lien que toi, et s’appui (en partie mais pas seulement) sur ce constat pour étayer certaines pisteset évolutions possibles 😉

          3. Bonjour,

            Basile, tu parles d’une des tendance de l’industrie qui est en gros de produire du sur-mesure au même prix que les produits faits en séries aujourd’hui.
            L’informatique dans les lignes de production, et la robotique, vont en effet permettre ça, je pense assez rapidement.

            Du point de vue industriel (domaine dans lequel je travaille), c’est évidemment perçu comme une opportunité, car chacun va pouvoir se démarquer de la concurrence et proposer facilement autre chose.
            Mais c’est également perçu d’une autre manière, qui n’est pas de nature à accélérer le changement : un particulier qui achète un bien qu’il a réfléchi, dont il a choisi toutes les caracteristiques, et qui lui correspond parfaitement, est en quelque sorte « unique ». Il a un affect supplémentaire, et il n’y a pas ce petit rien que le marketing retire a chaque nouveau modèle et que l’on espère retrouver à nouveau dans le modèle d’après. Les objets seraient donc gardés plus longtemps par leurs propriétaires.
            Cela ne pousse pas dans le sens de la croissance, et n’est donc pas très bénéfique pour les industriels…
            A voir la tournure que prend cette évolution a l’avenir.

            Merci pour les liens, c’est très intéressant comme sujet.

  4. Un article des échos que j’ai lu hier nous dit que Shimano refuse de produire plus de crainte de se retrouver en surcapacité de production après la crise.

    Ils laisseraient passer tranquillement cet engouement pour le vélo imaginant que cela se stabiliserait ensuite.

    1. C’est un choix, compréhensible en plus. Il n’y a qu’à voir l’explosion du marché français des VAE au début, qui s’est ensuite stabilisé. C’est comme tout : entre effet de mode et véritable changement des comportements, il y a un monde. Puis une fois qu’un marché à l’origine vide est rempli, son renouvellement prend plus de temps.

      Avec les aides à l’achat, certains se sont probablement rués sur l’occasion, avant de laisser croupir leur nouvelle monture au garage…

  5. Un article qui fait un bon état des lieux. La suite est éminemment dépendante de la volonté politique et donc de nos choix politiques. Car cette situation n’est pas la faute à pas de chance, elle est la conséquence logique de choix présents et passés.

    Reste un aspect qui mériterait d’être abordé dans cet état des lieux : nous avons l’habitude d’être poussés à changer de matos et à modifier notre matos par envie, par désir programmé par la publicité. Il est temps de réapprendre à faire avec ce qu’on a ! Pour l’immense majorité des riders amateurs que nous sommes, il y a bien plus à gagner (en plaisir et en performance) à pratiquer notre pilotage et nos réglages, qu’à changer de vélo à chaque saison, customiser avec tel frein, telles poignées ou tels pneus. Ce sont finalement des plaisirs assez éphémères, et cette crise est une chance de nous en rendre compte.

    Si on combine cette prise de conscience avec le marché de l’occasion, il y a moyen de pallier au manque de stock,ou en grande partie, et de limiter la pression, donc la hausse des prix et de la consommation de ressources et d’énergie. Oui, je sais, gnagnagna, sale hippie… mais chacun prend conscience actuellement de la part de vérité que cela contient.

    Dans mon métier je répare et fait durer les instruments de musique car je suis luthier. Les musiciens (qui souffrent du même genre de pulsion d’achat que les cyclistes), sont toujours étonnés des résultats que l’on peut obtenir avec de l’entretien, de la réparation et de la modification minime, y compris avec des pièces d’occasion. Ce n’est qu’un témoignage… mais je pense qu’il a une valeur d’illustration correcte.

    1. Bonjour Pierre-Antoine,

      merci pour ce témoignage ! Il illustre effectivement une situation intéressante et les opportunités auxquelles la fin d’article fait allusion. On peut notamment faire écho à la notion de « service/réparation/entretien » autour de laquelle se situe une partie de l’avenir des magasins, même si en l’occurence, ça dépendra forcément toujours de la capacité d’approvisionnement en pièce détachées, consommables, etc… On peut aussi parler du marché de l’occasion qui fait partie des enjeux du moment. Certains d’entre-vous on peut-être commencé à voir apparaitre des campagnes publicitaires pour des services souhaitant se positionner sur ce créneau que ce soit sur le marché du cycle (Biked ? Rachat de Troc Vélo…), ou bien sur les produits high-tech (BackMarket, programmes de reprise), les vêtements (Vinted & Co.), etc (levées de fond du Bon Coin…).
      Dans tous les cas, nous avons conscience qu’une part non négligealbe de l’audience de notre magazine porte sur le matériel, et les nouveautés. Un fait qui, quand on y est confronté chaque jour, permet de mesurer l’ampleur, la puissance et les enjeux du phénomène. Et nous nous interrogeons forcément sur notre rôle. On le considère avant tout comme celui d’observateur avertis, ayant pour mission d’apporter un éclairage utile à la compréhension de la nouveauté : de sa nature, de son ampleur, de sa valeur… Bref, des éléments qui doivent mieux permettre à chacun de juger et faire un choix utile et raisonné… Puisqu’au final ainsi, on re-boucle bien avec le début du propos que je rejoins pleinement > ce sont avant tout nos choix qui comptent ! Autant qu’ils soient fait de manière avertie et bien informée 😉 Merci !

      1. Je reconnais tout à fait que votre manière de faire les essais va dans le sens d’un achat réfléchi, et j’apprécie cet aspect… Même si effectivement il frotte contre le financement publicitaire de fullattack ! Mais je pense que cette contradiction n’est pas fatale, et qu’elle peut trouver une évolution dans les années à venir. Je pense que les communautés de passionnés trouveront un équilibre.
        D’ici là, en selle!

  6. Un excellent article sur une situation qui rappelle les allocations des semi conducteurs que découvrent les européens…allocations car le délais de fabrication d’une carte électronique dépend du délais du composant le plus recherché et pas forcément le plus coûteux EX les fabricants de condensateurs €0.5/100 pcs annoncent 50 semaines de délais ?. Bienvenue dans le monde des allocations!

  7. J’ai juste une pensée pour mon bouclard. Des demandes de la part des clients, pas d’offres, pertes sèches pour lui depuis 1 an. Il atteint des délais de plus d’un 1 an pour la vente de certains modèles quand ils ne sont pas indisponibles à la vente. Il est super pro et de très bon conseil. Il va pouvoir tenir combien de temps comme ça…
    Le bonus est le manque de pièces détachées pour les réparations et pour lui c’est la cerise sur le gâteau.
    Essayer actuellement de trouver une cassette XT 11-51 (12 vitesses) ou une 11-46 en 11 vitesse, une chaîne shimano est devenue une perle rare (simplement introuvable) chez les bouclars depuis plusieurs semaines.
    Je vis sur Alençon et je pense d’abord à Arnaud et son magasin qu’à mon propre plaisir de consommateur.
    Bon courage et tiens le coup

    1. C’est la même chose en RP , Résultat pour assurer le coup, je commande directement en Chine sur Aliexpress du ZTTO : bien moins cher et livré à la maison en quelques semaines … on verra pour la qualité et la durabilité. Mais le risque est faible tant la différence de prix et la disponibilité sont devenus immenses…. Shimano et SRAM et les producteurs de Taiwan devraient se méfier. A trop profiter de la situation actuelle, ils ouvrent un boulevard aux industriels Chinois qui sont très réactifs et capables de construire des usines immenses en 1an. Je prévois aussi le grand retour de la production locale à terme.

  8. Les mécaniques économiques étant ce qu’elles sont, il était inévitable et prévisible que les prix allaient exploser. Comme dit plus haut dans les commentaires, on pourrait juste se contenter de rouler avec ce qu’on a et attendre que la bulle éclate. Cependant, je crains malheureusement que les fabriquants ne réajustent pas (ou peu) leurs tarifs après retour à la normale, voyant que malgré tout les clients continuent d’acheter, même à des tarifs devenus parfois stratosphériques…

    1. Bonjour Jean-Christophe,

      comptons justement sur les mécaniques économiques pour faire descendre les prix le moment venu. Il est intéressant d’observer la situation du point de vue d’un marchand, quel qu’il soit. Pour assurer son activité, ce dernier dois réaliser un chiffre d’affaire. C’est ce qui lui permet de subvenir à sa masse salariale, ses loyers, ses frais, ses investissements, etc… En temps normal, ce marchant compte sur un certain nombre de vente pour réaliser ce chiffre. Mécaniquement, si la marchandise vient à manquer, il doit augmenter les prix des quelques produits qu’il a encore en vente pour maintenir son chiffre. Il peut réévaluer ses plans pour réduire le chiffre à réaliser (emplois ?) et limiter la hausse des prix, mais dans une certaine limite. La hausse des prix est soutenable tant que la concurrence subit la même pénurie et que la demande reste forte. Le marchand sait effectivement que même plus cher, il vendra tout de même. Quand la marchandise est à nouveau disponible en plus grande quantité, le marchand peut effectivement être tenté de maintenir les prix hauts. Sauf que la concurrence aussi a de nouveau de la marchandise. Et puisque l’offre remonte face à la demande, le marchand est moins certain de vendre à prix fort ou de vendre tout court. Le jeu de la concurrence reprend, les offres promotionnelles aussi. Et en temps normal, c’est une véritable bataille que les marchands se livrent sur ce terrain. D’ailleurs, le commentaire de @Chr$ est intéressant à ce sujet : même en période de pénurie pour certains marchands, une autre concurrence existe. Si elle est habituellement contenue par des délais de livraison assez longs, ils deviennent compétitifs actuellement.
      La concurrence est donc toujours là, et les différents commentaires à la suite de cet article donnent une bonne photographie de la situation. Ce que je décris ici n’est autre qu’une des règles de base du « libre-échange » et du « libéralisme » dans lequel on vit. Je n’entend pas particulièrement en faire la promotion, mais il me semble important d’en saisir les rouages pour bien cerner la situation que l’on vit et ce à quoi nos choix sont exposés. Merci à chacun d’entre-vous, lecteurs, pour vos commentaires constructifs : c’est un plaisir de les lires, de faire des liens, et compléter le récit 😉

  9. Bel article mais merci de relire pour un redacteur c est gratuit !
    Le vrai problème c est qu il y a aussi beaucoup d observateurs mais peu d entrepreneurs….
    Ded constats eg peu d action….

    «  Bien malin qui a la répondre complète et précise « 
    « À l’heure actuelle, occidentaux et américains font des propositions, font jouer la corde du partenariat, et tente d’inciter l »

  10. Article intéressant!

    L’augmentation de la demande n’est pas que en Europe : les ventes E-bikes explose aussi de l’autre coté de l’atlantique! 330 millions d’habitant qui se mettent à acheter des E-bike ça représente vite des volumes…

  11. Bonjour à tous, je viens de me régaler à lire ces lignes qui ne font que prouver que nous sommes totalement prisonniers de cette société de consommation que nous avons, il faut bien l’avouer contribuer à créer. La question que l’on peut se poser et la suivante. Peut-on revenir en arrière ? Qui est prêt le soir après une journée de boulot à descendre à la cave et remonter avec son seau de charbon pour se chauffer ou courir au fond du jardin pour puiser de l’eau ? Sans en arriver à des extrêmes peut-être pouvons-nous modifier nos comportements et essayer de vivre un peu plus en respectant cette nature qui nous accueille si bien. Combien de chambre à air on retrouve au cours d’une sortie, combien de masques trouve on par terre alors disciplinons nous et peut-être que l’on va voir le bout du tunnel

  12. Bonjour,

    A tort ou à raison, j’ai du mal à lire jusqu’au bout un article – au demeurant intéressant, ou qui du moins m’intéresse – lorsque les fautes d’orthographe me piquent les yeux.

    Mais je persiste, j’aime bien ce site.

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