Elles ont beau s’être fait une place haut de gamme dans certains secteurs – automobile, moto… – les suspensions électroniques planent entre fantasme et chimère à VTT. Depuis de nombreuses années pourtant, les essais de haut vol se sont succédés : Cannondale Simon, Lapierre Ei-Shock… On en parlait encore récemment avec les projets en cours chez Öhlins et même la solution la plus aboutie jusqu’ici – le Fox LiveValve – n’a pas vraiment décollé…
Cette fois-ci, c’est donc au tour de RockShox d’embarquer, avec une solution de blocage automatique quelque peu différente dans l’esprit : le RockShox Flight Attendant prend les choses à contre-pied ! En quoi ça consiste ? Comment ça marche ? Ce que ça donne sur le terrain ? L’essai a révélé des choses intéressantes à partager, voici donc ce que l’on a pu en retenir chez FullAttack. Du simple coup d’oeil à la lecture complète, il y en a pour toutes les classes de geek… Attachez vos ceintures !

Le concept du RockShox Flight Attendant
Comme toujours chez RockShox – marque du groupe SRAM – le marketing est particulièrement travaillé. Ici, c’est le nom du système qui vaut le détour ! Flight Attendant… En français dans le texte, c’est l’hôtesse de l’air, le steward, le préposé à... Celui ou celle qui s’assure de la sécurité et du confort, range la cabine, sert à manger, etc… Bref, fait tout un tas de choses pour que les autres à bord puissent se concentrer sur l’essentiel : profiter du vol ! Malin… Ici, le pilote, c’est toi, et le vol, c’est ce que t’en fait… Flatteur, ambitieux, prétentieux ?!
Qu’importe ! Avant d’être nommé de la sorte, le RockShox Flight Attendant faisait partie des projets de longue date chez SRAM. Ses origines remontent à il y a plus de 7 ans maintenant, avant même la première transmission électronique eTap de route. Depuis, l’idée d’origine d’utiliser l’électronique pour les suspensions a connu plusieurs étapes clés…
Celle d’utiliser trois états – bloqué / intermédiaire / ouvert – plutôt que deux. Puis celle d’intégrer un capteur de pédalage en plus. Et enfin, le travail de mise au point sur le terrain, autour de Colorado Spring, où John Cancellier et son équipe ont éprouvé différentes versions de l’algorithme, parfois même avec ingénieur, ordinateur et mise à jour immédiate sur site pour peaufiner le résultat…

Le dispositif RockShox Flight Attendant
Voilà pour la petite histoire, mais dans les faits, pour fonctionner, le RockShox Flight Attendant met plusieurs éléments en jeu…
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Le plus évident et visible se situe en tête de cartouche, sur la fourche. C’est là que le cerveau du système se trouve. Outre le microprocesseur qui fait tourner l’algorithme, cette tête contient de quoi mesurer les chocs et saisir l’assiette du vélo, notamment s’il monte ou descend. Sur le dessus, les boutons et Leds servent d’interface avec le pilote, tandis qu’à l’intérieur, un servomoteur commande la compression basse vitesse de la cartouche. La batterie est familière, c’est la même que pour tout autre composant SRAM AXS – dérailleur et tige de selle. Ce cerveau communique avec trois autres éléments. En premier, la tête du RockShox Super Deluxe. Ici, une autre batterie AXS s’occupe de l’alimentation du système. Et un nouveau servomoteur pilote la compression basse vitesse de l’amortisseur. En deuxième, le capteur de pédalage. Il prend tout simplement place dans l’axe du pédalier… Il tient en place via un expendeur et son alimentation est assurée par piles AAA lithium. Enfin – mais ce n’est pas indispensable au fonctionnement – le RockShox Flight Attendant peut communiquer avec les shifters Sram AXS. On peut alors assigner une commande au bouton que l’on veut…
Au total, l’ensemble de ces éléments ne pèse pas grand chose : pour un vélo équipé du RockShox Flight Attendant, on annonce 308g de plus que l’équivalent qui s’en passe.
En marge…
Comme c’est la tradition chez SRAM, les nouvelles technologies apparaissent d’abord comme des produits haut de gamme avant – parfois – d’être déclinées. C’est le cas du RockShox Flight Attendant qui apparait sur les Pike, Lyrik, ZEB & Super Deluxe Ultimate. Et ces derniers profitent de l’opportunité pour inaugurer quelques concepts complémentaires – pas indispensables au fonctionnement du RockShox Flight Attendant – mais qui valent le coup d’oeil. On ne dispose pas du détail précis, mais tout porte à croire qu’il s’agisse d’éléments qui ne se cantonneront pas aux versions électroniques des suspensions RockShox, à l’avenir…
Les ButterCups ! Ces petites boites jaunes prennent place entre la cartouche coté droit / la tige du piston d’air côté gauche, et le jambage. À l’intérieur, un Silentbloc assure 2 à 3 mm de course et surtout, filtre jusqu’à 20% des vibrations qui parviennent habituellement aux mains. À l’intérieur, les têtes de tiges sont plates – pour prendre soin du Silentbloc – et disposent d’une collerette – pour ne pas sortir en détente. À l’autre extrémité, les vis de jambage prennent désormais dans ces ButterCups. La cartouche Charger qui accompagne le Flight Attendant fait usage d’une plage de compression basse vitesse plus étendue qu’avant. Le seuil minimal est inchangé, mais la force du maximum est plus importante. À la fois pour renforcer l’efficacité du Flight Attendant, mais aussi pour profiter du confort accru offert par les ButterCups. Le DebonAir est une nouvelle fois ajusté. RockShox joue une nouvelle fois sur les volumes positifs et négatifs et l’influence qu’ils ont. Puisque les ButterCups apportent de la sensibilité, le volume négatif diminue pour récupérer du soutien, tout en gardant l’équilibrage à zéro hérité de l’upgrade DebonAir. Fine tune et montée en gamme puisque désormais l’aluminium anodisé gagne du terrain sur le plastique… Les valves de purge que la concurrence a ramené à la mode ces dernier temps. Comme ailleurs, elle visent à réduire l’effet de la température et/ou de l’altitude qui peuvent créer des surpressions dans les jambages, nuisantes à la sensibilité de l’ensemble. Les réducteurs de rigidité… En clair, toutes les fourches RockShox disposent d’un large usinage qui permet d’utiliser les Torque Caps pour maximiser la surface de contact avec les moyeux, et donc la rigidité de l’ensemble. Mais c’est parfois trop, notamment sur le ZEB, et les Torque Caps sont alors remisées. Dans ce cas, le moyeu flotte et ce qui diminue la facilité de montage de la roue avant. Ces petites coupelles viennent recréer la surface d’appui qui simplifie tout. Le RockShox SuperDeluxe inaugure une nouvelle offre de settings internes en détente. Les concepteurs peuvent désormais choisir entre un réglage dégressif (moins freiné en haute vitesse qu’en basse vitesse) ou linéaire (davantage freiné en haute vitesses que le dégressif). Ces réglages s’accompagnent de 5 options en compression (H, L, L1, LC, M) et trois niveau de blocage (320, 380, 420). À vos marquages 😉 Le RockShox Super Deluxe inaugure aussi deux chambres d’air issues du travail effectué via le MegNeg ces dernières années. La première vise à offrir un comportement le plus linéaire possible, la seconde offrir davantage de progressivité.
Le fonctionnement du RockShox Flight Attendant
On l’a saisi en énumérant les éléments qui composent le RockShox Flight Attendant : c’est sur les compressions basses vitesses de la fourche et de l’amortisseur que le système agit. Pour ce faire, il établi trois états :
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Open > seules les basses vitesses réglées habituellement entrent en jeu Pedal > équivalent à une plateforme de pédalage. Basses vitesses raffermies Lock > suspension(s) bloquée(s) ou presque, un seuil de déclenchement reste présent en sécurité.
En mode manuel, une pression sur le shifter, la tête de cartouche ou l’app permet de passer d’un mode au suivant selon la boucle suivante : open > pedal > lock > open… Tout l’intérêt du système réside dans le mode automatique. Dans ce cas, le système utilise le fait que l’on pédale ou non, l’inclinaison du vélo (montée/descente) et les chocs perçus pour déterminer le meilleur état à proposer. Sauf que cette fois-ci, il pioche parmi 5 états, et non trois :
- open avant/arrière
- open avant / pedal arrière
- pedal avant/arrière
- pedal avant/lock arrière
- lock avant/arrière
De cette manière, la transition d’un état à l’autre se veut plus douce quand c’est nécessaire, et le système optimise toujours le confort du pilote : en gardant la fourche plus ouverte pour réagir aux obstacles et en évitant que le vélo ne s’affaisse de trop au pédalage. Par dessus tout, le principe de base est clair, et c’est là, enfin, que l’on saisit pourquoi on parle d’un système de suspensions électroniques / blocage automatique qui prend les choses à contre-pied : d’origine, le RockShox Flight Attendant laisse les suspensions ouvertes. C’est aussi le cas en cas de panne de batterie, ou quand le système est éteint. Il ne cherche à raffermir les suspensions que lorsqu’il en sent l’opportunité et en a les moyens…

Prise en main
Bien, reste à voir ce que ça donne sur le terrain, et les questions auxquelles je peux répondre. J’ai donc saisi l’opportunité de prendre en main le RockShox Flight Attendant sur mes terrains d’essai habituels, entre le pays de Forcalquier et le Val de Durance, l’ensemble étant monté sur un YT Capra Uncaged 6entièrement équipés SRAM AXS. J’ai d’abord pris parti d’ajuster le vélo avec les réglages de base qui me servent de point de départ à chaque essai, avant de voir où le système m’amènerait…
Comment ça se comporte ?
En première approche, comme au bout du compte, le RockShox Flight Attendant se résume en un mot : prudent ! On est clairement sur des suspensions ouvertes par défaut, et qui se referment quand l’opportunité se présente. Exemple le plus évident pour illustrer ça : au repos, lorsque l’on saisit le vélo, ou que l’on repart après une pause, les suspensions sont la plupart du temps ouvertes, et ne se referment qu’en fonction des premiers tours de roues. Pour saisir le fonctionnement du système, il suffit de jeter un oeil aux Leds de la tête de cartouche sur la fourche. Elles indiquent la configuration dans laquelle se trouve le système. Ça permet, dans un premier temps, d’en apprendre son fonctionnement, notamment de savoir dans quel état le système est passé lorsque l’on a entendu le système s’activer. Comme avec les dérailleurs, on entend comme des marmottes siffler…
Comment ça se règle ?

Cette prudence du RockShox Flight Attendant peut néanmoins être ajustée. Le réglage correspondant s’intitule BIAS – Leds de couleur roses, sur 5 positions, de -2 à +2. Ça correspond au niveau de sensibilité du système. Il joue sur les niveaux de blocages choisis – plus ou moins fermes – et sur le délai avec lequel il ferme les suspensions – dès que possible, ou plus tard…
Au plus faible, le système est toujours ouvert en spéciale, et ne referme prudemment qu’en liaison quand le terrain est bien lisse. Au plus fort, ça semble aller jusqu’à l’état pedal avant/arrière en spéciale dans les pédalages les plus lisses, tandis que ça fait pédaler bloqué en liaison, allant jusqu’à ouvert devant/pedal derrière quand c’est chaotique…
Outre le BIAS, on passe aussi par le RockShox Flight Attendant pour contrôler les réglages habituels de compressions basses vitesses de l’amortisseur et de la fourche. Led Cyan pour le premier, bleue pour la seconde. On peut donc le faire via la tête de cartouche et ses boutons/leds ou l’app SRAM AXS. Dans tous les cas, il faut calibrer le système en positionnant le vélo à plat, en ayant fait les SAG, et en inclinant le vélo comme le tutoriel de l’app l’indique, à la première utilisation…
Pourquoi All Mountain/Enduro plutôt que XC & Trail ?

On le voit à la fin de cet article dans la liste des vélos équipés du RockShox Flight Attendant à son lancement : la marque destine plutôt ce système à un usage All Mountain & Enduro. À priori, pourtant, on attendrait plutôt un système de blocage de suspensions sur les pratiques XC & Trail. Mais ce positionnement est justement en lien avec cette approche prudente du blocage du RockShox Flight Attendant. Une fois découvert à l’usage, son fonctionnement correspond effectivement davantage aux pratiques où l’on veut tirer parti de ses suspensions le plus longtemps possible. Quel intérêt alors en Enduro ?!
Quel véritable intérêt en Enduro ?!
C’est en explorant ce que permet le RockShox Flight Attendant en matière de réglages du vélo, que j’ai réellement saisi son intérêt. De prime abord, j’ai procédé classiquement : réglages de base du vélo, puis j’ai cherché à peaufiner avec le RockShox Flight Attendant ouvert, avant de l’activer. Bof ! Oui, ça marche, mais c’est un peu gadget… Jusqu’à ce que je réalise qu’en réglant le vélo, jusqu’ici, je cherchais comme d’habitude le compromis entre bon comportement au pédalage et en spéciale : sans trop de SAG généreux, en ajustant l’assiette au pédalage, en jouant finement des compressions…
J’ai alors repris les réglages de zéro, avec une autre approche : pas de compromis ! Je règle le vélo pour la descente, en espérant qu’au final, le RockShox Flight Attendant fasse le job pour les liaisons ! Bingo ! 15 Psi (+/-5) de moins dans l’amortisseur, 5 Psi (+/-2) Psi de moins dans la fourche, compressions plus ouvertes, détentes plus présentes… Des réglages qui s’apparentent à ceux que l’on utilise en station ou sur les qualif’ d’une Mega par exemple, ou qui me font penser à la marge dont dispose le Cannondale Jekyll dernièrement.
Pour autant, en liaison où au pédalage en spéciale quand le système s’active, le vélo pédale mieux que quiconque. Malgré les SAG généreux, l’assiette du vélo est toujours bonne. Je n’ai jamais le sentiment d’un vélo qui se rehausse quand ça bloque ou s’affale quand ça s’ouvre. Les modes intermédiaires et les transitions gérées par l’algorithme semblent bien faire leur boulot ! Là je perçois l’intérêt du système : le RockShox Flight Attendant fait le job et se fait oublier.
Ce qui peut progresser ?
Le système a beau avoir été dans les tuyaux depuis un moment, il n’en reste pas moins la première mouture d’un produit qui appellera forcément à progresser encore au fur et à mesure des versions et mises-à-jour notamment. Tant mieux, puisque certains des détails qui peuvent progresser portent justement sur le programme plus que le matériel.
Prudent, le RockShox Flight Attendant se prête à la Randuro, le vélo de montagne, la virée All Mountain ou Trail, mais n’a pas la réactivité nécessaire à jouer en compétition, en spéciale. En automatique, on peut forcer un état en pressant 2 secondes le bouton, mais ça pourrait mériter d’être rendu plus rapide pour ce cas de figure précis.
D’origine, les leds d’affichage du système peuvent prendre trois états : éteintes, faiblement allumées ou clignotantes. Leur consommation est importante, il s’agit d’économiser de la batterie. Néanmoins, un mode d’apprentissage, où elles resterait allumées en permanence serait utile. Au début, on cherche forcément à apprendre comment ça fonctionne et parfois, on quitte le chemin des yeux un instant de trop en attendant que la led se rallume…
La Concurrence ?
Fox Live Valve
Avec la Fox Live Valve, les suspensions sont normalement fermées, et s’ouvrent lorsque le système détecte un impact, auquel il cherche à réagir en temps réel. Le système Cannondale Simon qui n’a jamais véritablement vu le jour, fonctionnait sensiblement de la même manière en 2009. Ici, Les suspensions sont ouvertes, et ne ferment que quand ça semble (le plus) opportun. Techniquement, le RockShox Flight Attendant utilise notamment un capteur de pédalage que le Fox Live Valve n’intègre pas forcément.
Cannondale Simon
Dans l’esprit, le système à l’état de prototype signé Cannondale était proche de ce que le Fox Live Valve réalise actuellement. Il était néanmoins à un stade plus précoce de son développement, puisqu’il ne concernait que la fourche – une Lefty à l’époque – et n’intégrait que deux capteurs à son fonctionnement : un accéléromètre pour mesurer les impacts, et une règle optique pour déterminer la position dans le débattement et le sens du mouvement (compression ou détente). Ce dernier composant, moins démocratisé que les autres désormais, aurait aujourd’hui encore raison du prix du système…
Lapierre Ei Shock
Le lapierre Ei Shock n’est plus en vente sur le marché, mais faire le lien avec son essai permet de mettre certains choses intéressantes en évidence. Notamment qu’il était capable de capter un choc à la roue avant, et d’ouvrir la suspension arrière à temps pour qu’elle fonctionne sur ce même obstacle. Ici, le RockShox Flight Attendant n’a pas ce degré de réactivité. BIAS trop important, le premier impact tape devant et derrière avant que les suspensions ne s’ouvrent après coup.
Scott TwinLoc
Des vélos avec les deux suspensions blocables, il en existe, et ils n’ont pas besoin d’électronique pour fonctionner. C’est le cas des Scott équipés du TwinLoc, dont le Ransom et le Genius passés à l’essai chez nous. D’une part, les cables à entretenir ont leurs limites. Mais surtout, commander le blocage et la tige de selle demande une dextérité que l’automatisme du RockShox Flight, concurrence. Electronique prudente ou mécanique peu ergonomique ? Il y a match ! D’autant que les modes intermédiaires et la souplesse qu’ils procurent sur le RockShox Flight Attendant ne sont pas réalisables avec le TwinLoc.
Les vélos à venir…
Pour sa première saison d’existence, le RockShox Flight Attendant n’est pas dispo au détail. Seule une sélection de modèles issus des gammes Specialized, Canyon, YT et Trek en font usage. À l’heure d’écrire ces lignes, YT a d’ores et déjà confirmé les modèles qui en font usages : les Capra et Jeffsy Uncaged 6. Cette initiative permet d’évoquer le prix du dispositif, puisque les deux vélos sont proposés à 8 999 €, soit 1 500 € de plus que le modèle le plus cher déjà au catalogue de la marque. Nous évoquerons les prochains dans nos colonnes à l’occasion, mais les plus curieux peuvent d’ores et déjà en décortiquer les grandes lignes ici…
[M-à-J du 6/10 – 14h30 > la photo du Specialized Enduro transmise par SRAM correspondait au vélo d’un des ingénieur de la marque. L’article contient désormais la photo du modèle qui sera disponible à la vente. Plus de détails à son sujet lorsqu’ils seront disponibles.]
YT Capra Uncaged 6 – 8999€ – 14,8kg Canyon Neuron Canyon Spectral Specialized Enduro Trek Slash