Objectif JO Paris 2024 – Interview de Maxime Marotte

A 37 ans et avec un palmarès bien fourni, Maxime Marotte est un pilier du cross-country Français. Pour FullAttack, le pilote Alsacien revient sur ses expériences olympiques, ses saisons passées mais aussi celles à venir dans une interview sans langue de bois. Capitaine du navire Decathlon Ford, Maxime a à cœur de transmettre son expérience à la nouvelle génération.

Propos recueillis par Théo Meuzard le 01/02/2024

Théo Meuzard : Tu es tout bronzé Max, c’est le soleil d’Aix-les-Bains ou de Mulhouse qui fait cet effet-là ?

Maxime Marotte : C’est le soleil de Mulhouse (rires) ! Il y a toujours un micro climat en Alsace, du coup on profite bien (rires) ! Non en vrai j’étais en Afrique du Sud, la météo n’était pas top… (tempête de ciel bleu, ndlr).

La principale raison de mon déplacement là-bas est le climat, je ne suis pas quelqu’un qui aime le froid. Même si je suis né et que j’habite dans des régions froides en hiver, le froid ça n’a jamais été mon truc. J’ai toujours l’appel du chaud au bout d’un moment. C’est vrai que quand j’étais plus jeune je n’avais pas forcément l’occasion d’y aller mais avec les différentes équipes dans lesquelles j’ai évolué à partir de 2017, j’ai toujours été en Afrique du Sud pendant l’hiver. Parfois j’y allais même trois fois par an avec l’une d’elles. Les bonnes conditions qu’on trouve là-bas me font vraiment du bien, ça me ressource. 

En plus je suis quelqu’un qui aime vraiment le vélo. J’aime bien le ski et tout ça mais je ne suis pas comme un Thomas Griot par exemple, qui fait des gros cycles de ski de fond. Moi ça me fait chier d’être tous les jours sur les skis (rires). Des fois mon coach me dit « C’est pénible parce que tu n’aimes que le vélo ». Enfin j’aime bien la moto aussi mais on n’est pas tout à fait sur le même sport (rires).

Donc voilà, enquiller des heures de selle au soleil quand on aime que le vélo, c’est quand même pas mal… Il y a aussi une histoire de préparation à la chaleur qui est intéressante, notamment lors d’une saison comme celle qui se profile avec deux manches de coupe du monde au Brésil où il fera chaud et humide. Le terrain là-bas est très artificiel mais du coup ça ressemble pas mal à ce qu’on retrouve sur les circuits de coupe du monde. L’exigence du terrain permet également de faire des tests matériels.

Cette saison tu vas attaquer ta 21ème saison de coupe du monde. C’est quoi le secret pour garder l’envie de bien faire ?

Être passionné (rires) ! Comme je te disais, j’aime vraiment beaucoup le vélo, je ne sais même pas pourquoi je continue d’aimer autant ça. Même ma grand-mère me demande « Mais quand est-ce que tu vas t’arrêter de pédaler, tu n’en as pas marre ? » (rires). Il y a d’une part la passion de faire du vélo, mais il y aussi la passion de se faire mal à la gueule. Je pense que je garderai toujours la passion du vélo, après peut-être que j’en aurai marre de me faire mal tous les jours, je ne sais pas. Je n’ai pas l’impression que ce soit plus dur avec les années. Plus les années passent, plus je fais d’heures… Ça me paraîtrait facile de faire ce que faisait le Maxime d’il y a dix ans. Je ne faisais pas moins d’intensités mais je passais moins de temps sur le vélo.

Même ma grand-mère me demande « Mais quand est-ce que tu vas t’arrêter de pédaler, tu n’en as pas marre ? » (rires)

Est-ce qu’à l’instar d’un Greg Minaar on te verra encore courir à 42 ans ?

Quarante deux ça me paraît beaucoup… En cross-country il y a quand même un âge auquel les performances physiques diminuent. Je pense qu’en descente c’est un peu différent, avec l’âge ce sont peut-être plus la prise de risque et les réflexes qui baissent. Au bout d’un moment en cross tu finis par t’user, il faut que l’organisme suive le rythme. Donc quarante deux non je ne pense pas, ça fait loin.

C’est peut-être ma dernière saison, peut-être pas, les portes sont ouvertes. Ce qui est sûr c’est que si je refais une année de merde comme je viens de faire, j’arrête. J’ai pris du plaisir à l’entraînement mais pas en course. Les seules fois où j’ai pris du plaisir en course c’est quand j’ai marché, fin juin, début juillet. Ça m’a conforté dans l’idée que j’étais capable de rouler à haut niveau, par contre il faut que tous les voyants soient au vert. J’ai été beaucoup embêté physiquement, par un parasite notamment, juste après cette bonne période à laquelle je retrouvais mon niveau et cela a clairement ruiné ma deuxième partie de saison. En première partie de saison j’ai aussi été gêné par des allergies, cette année il faut que ce soit plus régulier. Il faut que je performe plus souvent dans la saison pour que ça me donne envie de continuer.

Loana Lecomte parlait du côté ingrat de la sélection olympique pour les hommes. Je crois que les JO de Londres t’avaient laissé un goût amer à ce sujet-là, tu nous racontes ?

Ça remonte maintenant (rires) ! J’ai tourné la page. A cette époque il y avait Julien Absalon qui était à part car il gagnait beaucoup en coupe du monde. De mon côté je sortais d’une belle saison durant laquelle j’avais fait mes trois premiers podiums en coupe du monde, j’avais 23 ans. A ce moment-là j’explosais sur la scène internationale même si mes performances étaient occultées par celles de Julien. Ensuite en 2012 mon début de saison avait été un peu poussif, mon meilleur résultat devait être septième ou quelque chose comme ça. Nous étions trois en dehors de Julien à pouvoir prétendre aller aux JO (pour deux places restantes, ndlr), il y avait Stéphane Tempier, Jean-Christophe Péraud et moi. Nous avions à peu près la même « top perf’ » au moment d’arrêter la sélection. Celle-ci a finalement été basée sur le classement général de la coupe du monde où nous étions 12ème, 13ème et 14ème (Maxime occupait la 14ème place, ndlr). Cela a été dur à accepter car pour moi il paraissait clair que performer juste après le Tour de France serait compliqué (En référence à Jean-Christophe Péraud, qui a été sélectionné aux JO de VTT cette année là et qui avait participé au Tour de France qui s’achevait trois semaines avant l’épreuve VTT des Jeux, ndlr). J’ai eu l’impression à ce moment là qu’on se fichait de la jeunesse. JC avait vraiment performé sur route et lors des Jeux de Pékin (2ème). Mais entre-temps le XCO avait beaucoup changé, techniquement notamment. Je pense que c’est très compliqué de faire une performance en VTT juste après le Tour de France. Au final JC n’a pas fait une grande course aux Jeux (29ème).

Au moment de la sélection j’avais vraiment eu l’impression qu’on cherchait la meilleure excuse possible pour faire passer à la trappe Stéphane ou moi. Au final c’est moi qui y suis passé, et je pense que c’est dommage, finalement peut-être que la fédération s’est tirée une balle dans le pied puisque quatre ans après je finis 4ème à dix secondes du podium lors de mes premiers Jeux, peut-être qu’avec un peu plus d’expérience olympique j’aurais pu aller chercher une médaille.
C’est comme ça, c’est fait, j’ai trouvé la situation injuste quand on voit la courbe ascendante de mes performances à ce moment là de ma carrière. L’équipe de France ne m’a pas fait confiance, et ce n’était pas cool.

Je précise que malgré nos divergences d’opinion quant à la sélection, il n’y a aucune animosité entre Jean-Christophe Péraud et moi.

[…] J’ai trouvé la situation injuste quand on voit la courbe ascendante de mes performances à ce moment-là de ma carrière. L’équipe de France ne m’a pas fait confiance, et ce n’était pas cool.

Quel souvenir gardes-tu de ton expérience aux Jeux de Rio ?

C’est une déception. En tout cas c’est comme ça que je l’ai vécu, je ne vais pas m’en cacher. J’avais passé toute la saison à être le troisième homme derrière Nino Schurter et Julien Absalon, donc l’objectif était de faire une médaille aux Jeux. Ça s’est joué à pas grand-chose, je ne peux pas dire que j’ai raté ma course mais à l’arrivée j’étais déçu. Je l’assume et je ne vais le cacher en disant « Je suis content j’ai fait 4ème des Jeux Olympiques », non ce n’est pas vrai, je ne suis pas content (rires). Après si on prend un peu de recul je reste quand même le français le plus performant aux Jeux depuis Julien, donc ce que j’ai fait là-bas, ce n’est pas rien. J’étais très solide ce jour là mais on ne va pas se mentir, je n’étais pas venu pour ça.

Je l’assume et je ne vais le cacher en disant « Je suis content j’ai fait 4ème des Jeux Olympiques », non ce n’est pas vrai, je ne suis pas content (rires).

En 2023 tu n’es pas rentré dans les critères de sélection olympique (il n’en était pas loin à Val di Sole), est-ce que tu vas tenter le tout pour le tout sur les deux coupes du monde au Brésil en avril ?

Oui ! Je n’ai rien à perdre. J’ai conscience qu’il y a beaucoup de gens qui disent que vu mon âge et ma saison passée je suis fini, que je suis fatigué, plus motivé et toutes ces conneries… Mais dans ma tête et dans mon corps je sais ce qu’il se passe et l’an dernier lorsque je n’ai pas eu de soucis de santé j’ai quand même marché (champion de France de XCC, 3ème des championnats de France de XCO, 6ème de coupe du monde de Val di Sole… ndlr). Si à Val di Sole je n’étais pas parti aussi loin j’aurais pu aller chercher la 3ème place et j’aurais été dans les critères de sélection. Mais c’est comme ça, c’est le jeu. J’ai conscience que vu mon âge et ma saison 2023, pour me sélectionner il faudra que je sois un cran au-dessus des autres au Brésil. J’ai de super souvenirs là-bas. Ce sont des circuits rapides qui me plaisent bien. Vu que j’ai longtemps été le coéquipier d’Avancini j’ai un soutien populaire assez incroyable dans ce pays. En tout cas je me sens capable d’aller chercher les critères. Si je suis à 100% sur la ligne de départ, je peux très bien avoir ma place aux Jeux.

J’ai conscience qu’il y a beaucoup de gens qui disent que vu mon âge et ma saison passée je suis fini, que je suis fatigué, plus motivé et toutes ces conneries… Mais dans ma tête et dans mon corps je sais ce qu’il se passe […]

La question suivante sera introduite par une petite anecdote, une situation qui m’a marqué lors de mon reportage en immersion dans votre équipe l’an passé lors de la première coupe du monde à Nove Mesto. Tu as fait le pire résultat de ta carrière le dimanche (il avait fait une réaction allergique deux jours avant). On aurait pu s’attendre à te voir particulièrement déçu et frustré de démarrer l’année comme ça, mais à l’arrivée, ton réflexe a été de demander le résultat de tes coéquipiers. Tu as été super content d’apprendre qu’ils avaient performé et l’instant d’après tu semblais avoir déjà oublié ta contre-performance. Le soir quand vous êtes allé fêter ça, tu semblais être le plus heureux.

Pour t’avoir côtoyé à plusieurs reprises l’an dernier, tu m’as donné l’impression d’être quelqu’un de particulièrement épanoui. Tu sembles avoir pris beaucoup de recul sur la compétition, et de te nourrir uniquement du positif, sans te prendre la tête avec le négatif. Tu te perçois de la même façon ?

Oui avec le temps j’ai changé, je suis devenu un peu plus comme ça, mais on ne va pas se mentir parfois le négatif me fait mal quand même. Ce week-end là j’étais quand même très déçu de moi et d’attaquer la saison sur une mauvaise note. Lorsqu’on a fait le debriefing de la saison avec Philippe (Chanteau, son entraîneur), clairement tous les voyants étaient au vert avant l’épreuve. Cette allergie est tombée là et en fin de compte vu l’impact sur mon organisme je n’aurais même pas du courir. Mais effectivement j’étais très content pour mes coéquipiers et le week-end globalement s’était bien passé. C’était important pour l’équipe. Je pense que l’équipe Rockrider est vachement attendue au tournant. Il y a beaucoup de gens qui nous soutiennent mais il y en a aussi beaucoup qui attendent la première occasion pour en mettre plein la tronche à Decathlon et dire qu’on roule sur du mauvais matériel etc… L’équipe a passé un cap en termes de moyens, de staff et de coureurs, il y avait une grosse pression à Nove Mesto car il y avait forcément plus d’attentes au niveau des résultats. Joshua Dubau a sorti une course incroyable (2ème après un duel avec Tom Pidcock, ndlr), Mathis Azzaro a pris une très belle 19ème place pour sa première course en élite, le tout dans des conditions difficiles, bref il y avait plein de raisons de se réjouir. C’est compliqué d’être déçu dans un moment qui est historique pour ton équipe. Après oui j’ai peut-être un peu trop fêté le podium du coéquipier lors de la soirée à Prague, mais ça aussi ce sont des bons souvenirs (rires) !

Je ne te connaissais qu’à travers les médias jusqu’à l’an dernier, mais il semblerait que tu aies gagné en sérénité ces dernières années, c’est le cas ?

Oui oui, c’est certain. Avec les années tu connais mieux tes capacités et tu te connais tellement bien que dans les phases où tu n’es pas à 100% de tes moyens, tu te dis que tu vas résoudre les problèmes et que tu seras de nouveau capable de performer. J’ai déjà vécu pas mal de choses, je sais ce que c’est que d’être au fond. Oui dans ces moments-là les gens te critiquent, oui tu as un peu plus la pression parce que tu n’es pas payé pour faire 30ème en coupe du monde, mais tu sais qu’une fois les problèmes résolus tu vas de nouveau marcher. Je suis plus serein par rapport à ça, et c’est aussi mon rôle en tant que capitaine d’amener du positif dans l’équipe. Cela ne veut pas dire que c’est un monde de bisounours, à un moment il faut charbonner quand les choses se passent mal. Ce n’est pas simple de placer le curseur au bon endroit pour inculquer une bonne dynamique tout en étant suffisamment critique pour faire avancer les choses.

Avec les années tu connais mieux tes capacités et tu te connais tellement bien que dans les phases où tu n’es pas à 100% de tes moyens, tu te dis que tu vas résoudre les problèmes et que tu seras de nouveau capable de performer.

Tu sembles prendre très à cœur ton rôle de capitaine au sein de l’équipe Decathlon Ford, quand on voit par exemple les liens que tu as tissé avec le rookie de l’équipe, Mathis Azzaro. C’est un rôle qui te convient bien ?

Oui j’ai toujours bien aimé partager mon expérience. Pour moi dans une équipe il faut qu’il y ait du partage, ça fait avancer tout le monde. J’ai toujours conçu l’équipe comme ça en tout cas. Quand j’étais chez BH, j’avais tissé pas mal de liens avec Victor Koretzky et il a toujours été reconnaissant vis-à-vis de ce que j’ai pu lui apporter. Ce partage d’expérience c’est ce que je n’ai pas eu des autres quand j’étais plus jeune. Je me suis toujours dit que si un jour je devenais le capitaine du navire, je ne voudrais pas que les jeunes puissent dire cela de moi. J’ai envie qu’ils se disent « Max m’a apporté quelque chose ». Quand j’étais jeune, Julien Absalon passait très peu de temps avec l’équipe de France, il était dans une démarche très personnelle. C’était son choix et je ne veux pas me montrer critique par rapport à ça, mais moi je ne voulais pas être ça. De ce côté-là, les Ravanel ont été un peu plus partageurs. Ils arrivaient à créer un esprit de cohésion et en équipe de France, c’est d’eux que j’ai le plus appris. Jean-Christophe Péraud lui, a passé beaucoup de temps sur route donc on ne le voyait pas beaucoup.

Ce partage d’expérience c’est ce que je n’ai pas eu des autres quand j’étais plus jeune

Allé je vais me montrer un peu tatillon, tu collectionnes les presque victoires en coupe du monde, tout vient à point à qui sait attendre ? Verra-t-on ta première victoire cette saison ?

Personnellement j’y crois toujours (rires) ! Et c’est ça qui est le plus important. Après que j’y arrive ou que je n’y arrive pas, ce ne sera pas une fatalité. J’y crois et j’ai toujours autant envie d’y arriver, par contre je ne me mets pas plus de pression que ça. Si ça n’arrive pas, ça n’arrive pas… Je suis à un stade de ma carrière où je peux me dire que le boulot est fait. J’ai démontré de belles choses sur de très longues périodes et ça il y a très peu d’athlètes qui l’ont fait. Il y a onze saisons d’écart entre mon premier et mon dernier podium en coupe du monde et ça il n’y a que des Absalon, des Hermida ou des Schurter qui l’ont fait. Je sais que dans l’ombre d’athlètes plus grands que moi, j’ai fait des choses sympas et j’en suis fier. J’ai l’impression d’avoir exploité une grande partie de mon potentiel. Je suis serein sur l’avenir, je ne me dis pas qu’il faut absolument que j’en gagne une.

Cette saison j’ai avant tout envie de retrouver le feeling des grands jours, quand tout est OK, que le corps tourne à 100% et que je suis en pleine possession de mes moyens, c’est ça que je veux.

D’où te vient le surnom « Johnny » ?

Ça a commencé sur Aix-les-Bains cette histoire (rires) ! Ce sont Paul Foulonneau et Guillaume Bravard qui ont commencé à placer des « Johnny » dans toutes leurs phrases pendant une séance d’entraînement et c’est resté. Depuis on s’appelle tous Johnny. Mathis Azzaro à bien adhéré au concept aussi et quand nous étions en stage à Gérone cet hiver, tous les matins au petit déjeuner on se passait du Johnny tu vois (rires). Dans la voiture on s’est dit « Johnny c’est quand même une légende, il faut qu’on apprenne à connaître l’artiste ». C’est peut-être le chanteur le plus populaire en France, donc tous les matins c’était 20min de Johnny. On n’a pas fait toute la playlist parce qu’il a sorti un paquet de titres mais maintenant les classiques on les connaît (rires) !
En fait Johnny ce n’est pas que moi, c’est un peu tout le monde !

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