Objectif JO Paris 2024 – Interview d’Adrien Boichis

Si je vous dis qu’en 2023, il a signé le temps au tour le plus rapide toutes catégories confondues sur la coupe du monde des Gets et qu’il a dans sa garde-robe tous les maillots distinctifs qui lui soient possibles d’avoir, à qui pensez-vous ? Nino Schurter peut-être, ou bien Jordan Sarrou ? Pourtant, c’est du jeune et talentueux Adrien Boichis dont il s’agit. Pour FullAttack, Adrien revient sur sa saison 2023 exceptionnelle et sur ses perspectives d’avenir.

Propos recueillis par Théo Meuzard le 24/01/2024

Théo Meuzard : Salut Adrien, comment vas-tu ? Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Adrien Boichis : Je vais très bien merci, en ce moment je suis en stage avec un ami de mon équipe à Gran Canaria, en Espagne. J’ai 21 ans, j’ai grandi à Aix-en-Provence et je vis maintenant à Nice où je fais mes études. Je fais du VTT depuis tout petit. En 2021, j’ai été champion du monde de XC junior, ensuite j’ai rejoint l’équipe Trinity racing en 2022 et depuis, je fais un peu de route et du VTT.

adrien boichis

Tu as réalisé une saison exceptionnelle en 2023 (champion de France U23, champion d’Europe, vice-champion du monde, vainqueur du général de la coupe du monde XCC et XCO), le tout en poursuivant tes études en classe préparatoire. Comment est-ce que tu gères ça ?

En 2023, j’ai validé ma classe préparatoire au cycle d’ingénieur. Ce n’était pas facile, et d’ailleurs j’ai mis en pause mon cursus officiellement. Je suis en année de césure pour l’année scolaire 2023/2024. Ça me demandait beaucoup d’organisation, mais j’avais aussi la chance d’habiter près de Nice, et c’était super pour faire du vélo.

J’allais justement te demander si l’idée de mettre en pause tes études pour te consacrer uniquement au vélo t’avait effleuré l’esprit…

J’ai mis en pause mais j’attends de voir comment cette année se déroule. C’est vrai que c’est un sport où on n’a pas beaucoup de garanties. Après c’est sûr que ça a plutôt bien marché l’an dernier et avec tous les stages que j’ai prévu cette année, c’était impossible de continuer. Plutôt que de ne pas y arriver, j’ai préféré mettre en pause et je reprendrai si besoin, prochainement, ou pas prochainement d’ailleurs (rires).

J’ai toujours été intéressé par le fonctionnement des choses, et notamment de la nature. Quand j’étais petit, j’étais fort en maths et en physique, c’est pour ça que je me suis tourné vers l’ingénierie.
J’ai rejoint l’université à seize ans, j’étais encore cadet 1 à ce moment-là et je ne savais pas si j’allais être fort en vélo. J’ai choisi le cursus d’ingénieur à cette période, puis j’ai validé ma prépa et je me suis tourné vers la spécialité ingénieur de l’eau proposée par l’université Sophia-Anitpolis. Entre-temps le vélo a pris beaucoup de place…

adrien boichis

J’ai rejoint l’université à seize ans […] A ce moment-là, je ne savais pas encore si j’allais être fort en vélo.

En 2023, tu aurais pu demander à être surclassé en élite afin de tenter ta chance pour la sélection olympique (seules certaines courses élites servaient de support à la sélection olympique en 2023), mais tu as fait le choix de rester en U23. Avais-tu envisagé le surclassement ?

Non pas du tout. En 2022, ma meilleure performance en coupe du monde, c’était cinquième. Donc à vrai dire, je ne sais même pas si j’aurais pu être surclassé en élite. Je regarde un peu une course après l’autre, et à ce moment-là j’avais encore tout à faire en U23. Pour être honnête, je me suis bien entraîné pendant l’hiver, mais rien de fou, j’avais juste envie d’être au meilleur niveau possible sur les courses. En fin de compte j’ai progressé et quand je suis arrivé sur les compétitions, j’étais de mieux en mieux. Je ne m’attendais pas du tout à être aussi fort. L’année d’avant hormis un top 5 j’oscillais entre le top 10 et le top 20, donc je n’étais pas régulièrement au contact des meilleurs. En 2023 j’ai remporté le XCC à Nove Mesto, ensuite le XCO n’était pas top mais je savais pourquoi, et en fin de compte par la suite je n’ai pas quitté le podium, c’était une surprise.

En 2016, Victor Koretzky, alors espoir, avait joué un coup de poker en se surclassant en élite l’année des JO pour tenter la sélection olympique et cela avait fonctionné. Au vu de ta superbe saison, penses-tu que tu aurais dû faire ce choix également ?

Mes résultats en 2023 étaient une surprise. En 2024, je vais me surclasser en élite. Il y a toujours une possibilité de se sélectionner (En avril, lors des deux premières manches de la coupe du monde, ndlr), donc je vais tenter. Après, je ne me fais pas d’illusion non plus, mais en fait c’est aussi pour moi une occasion d’élever mon niveau en courant avec des pilotes plus rapides que moi.

Sur plusieurs coupes du monde, tes temps au tour sont plus rapides que ceux des élites. Aux Gets notamment, ton meilleur tour est plus rapide que le meilleur tour des élites. Et le cumul de temps de tes 6 tours est identique aux six premiers tours des leaders en élites. Quelle attention portes-tu à ces statistiques ?

Je les regarde c’est sûr, je ne vais pas dire le contraire, mais il faut relativiser. À Vallnord par exemple, il y avait plus de boue pour les élites, donc ce n’était pas comparable. C’est toujours difficile de comparer en fait, car même si c’est sur la même journée et que le terrain évolue peu, il y a toujours des paramètres qui changent. Aux Gets, les élites ont eu la chaleur, moi non. En revanche, en U23 nous avons eu l’humidité le matin qui rendait le terrain glissant et l’herbe moins rapide. J’ai envie de dire que oui, on peut regarder ces statistiques, mais tant qu’on ne fait pas la course face à eux, on ne peut pas savoir ce que ça va donner. Je pense qu’aux Gets j’allais particulièrement vite sur le circuit, d’ailleurs je gagne la course avec pas mal d’avance. Je pense que ma vitesse pure était bonne ce jour-là, mais j’attends de faire la course avec eux pour me comparer. Je ne me fais pas non plus d’illusions en regardant les temps au tour.

Je pense qu’aux Gets j’allais particulièrement vite sur le circuit […] Je pense que ma vitesse pure était bonne ce jour-là, mais j’attends de faire la course avec eux (les élites) pour me comparer.

Tu as seulement 21 ans, Paris 2024 n’est donc probablement pas ta seule opportunité de participer aux Jeux. Est-ce que tu penses déjà à Los Angeles 2028 ?

Je dirais que non. Je n’y pense pas vraiment. Je pense à cette saison 2024, avec toutes les courses auxquelles je vais participer, et je suis très heureux de ce programme. Je ne pense pas aux années d’après, chaque chose en son temps. Si on m’avait dit il y a deux ans que je serai là où j’en suis aujourd’hui, je n’y aurais pas cru. Du moins, ça m’aurait semblé improbable.

Qu’est-ce que ça représente pour toi, les Jeux ?

Ça représente un évènement incroyable, que j’ai toujours regardé à la télé. C’est un rêve d’y participer, même si ça reste « juste » une course de vélo. Je dirais que c’est au-dessus des championnats du monde, puisque ça n’a lieu qu’une fois tous les quatre ans. Pour moi, le titre de champion olympique c’est le graal ultime pour un VTTiste. Pour autant, ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai commencé le vélo.

Ton équipe, Trinity racing, intervient-elle dans tes choix, vis-à-vis de la sélection aux Jeux notamment ?

Disons que la décision du surclassement a été prise après discussion et réflexion avec le manager de l’équipe, qui est également mon entraineur, et mon entourage. Nous avons pesé le pour et le contre et on a trouvé que c’était une bonne idée. C’est un beau challenge, et j’aime ça. L’idée est devenue de plus en plus intéressante au fur et à mesure de la saison.

En dehors de la sélection olympique, le surclassement en élite va me permettre de progresser et de tout de même tenter de performer lors des mondiaux U23. (Les U23 surclassés en courent avec les élites en coupe du monde mais ont la possibilité de courir dans leur catégorie d’âge lors des championnats du monde, ndlr). En 2023 j’ai remporté des coupes du monde de XCC et XCO, les championnats de France, les championnats d’Europe, mais pas les championnats du monde. Charly Aldridge (champion du monde U23) s’est surclassé l’an dernier et on a vu que ça l’avait fait progresser.

Le surclassement en élite va me permettre de progresser et de tout de même tenter de performer lors des mondiaux U23.

Tu cours également sur route, quels rapports entretiens-tu avec cette discipline ?

J’ai commencé la route en 2022, ce qui est assez récent. Comme je l’ai dit avant, j’aime beaucoup les challenges et casser la routine. Faire de la route m’a beaucoup apporté dans ce sens-là, et je pense que ça m’a aussi permis de vraiment élever mon niveau. Donc je vois ça comme un plus. Je suis content de faire les deux car je prends du plaisir dans l’une et l’autre des disciplines. J’ai la chance, avec mon équipe, d’avoir un calendrier sur mesure où je sélectionne uniquement ce que j’ai envie de faire. Du coup je n’en tire que du positif car si par exemple on voit que je suis trop fatigué, j’ai la possibilité de faire sauter une course. L’an dernier nous avons construit un calendrier qui m’a permis d’être bien à beaucoup de moments, et quand je vois celui de cette année, je me réjouis d’avance.

Ton équipe est multidisciplinaire, il y a des coureurs de route, de cyclocross, de VTT, c’est ce qui t’a poussé à les rejoindre ?

Oui c’est ce qui m’a poussé à les rejoindre en junior. À cette époque-là je n’avais pas de team. J’ai eu quelques offres, mais c’est vrai que cette équipe m’a beaucoup fait envie, notamment par le fait que ce soit une équipe de développement. C’est-à-dire qu’aujourd’hui je suis en bas de la pyramide, mais si ça marche bien j’aurai la possibilité de rejoindre pas mal d’équipes différentes pour passer professionnel. Je trouvais intéressant de passer par une étape intermédiaire avant d’atterrir directement dans une grosse structure. J’espère grâce à cela m’être suffisamment développé pour bientôt passer professionnel.

Avec Trinity, tu n’as pas de source de revenu ?

Au sein de l’équipe Trinity, nous n’avons pas de salaire. Certains coureurs ont un contrat avec la marque Specialized, ce qui est mon cas, et j’ai toujours mes parents qui m’aident.

J’ai commencé la route en 2022, ce qui est assez récent. […] J’aime beaucoup les challenges et casser la routine. Faire de la route m’a beaucoup apporté dans ce sens-là, et je pense que ça m’a aussi permis de vraiment élever mon niveau.

Quelle sera ta course de rentrée cette saison ?

Je vais démarrer sur la course de Chelva (UCI Hors Classe en Espagne, le 18 février). Ce sera juste avant mon stage avec Trinity. Mes premières « vraies » courses seront la coupe de France de Marseille et la Swiss bike cup de Rivera. Je ne ferai pas de course de route jusqu’au Brésil, en revanche je vais faire pas mal de camps d’entraînement.

Qu’est-ce qui est le plus dur entre une demi-journée de partiels et une course de XCO ?

Une demi-journée de partiels ! (rires)

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