Victor Koretzky fut le tout premier champion du monde de l’histoire sur un VTT en 29 pouces. C’était en 2011 en catégorie junior, lors des mondiaux de Champéry. « VK » fait partie de ces pilotes talentueux et touche-à-tout aussi à l’aise sur un VTT de XC que sur un vélo de route ou un vélo de dirt. Au sommet de son art en fin de saison dernière, le pilote Specialized aura à cœur de concrétiser ses ambitions aux Jeux Olympiques de Paris 2024. A 29 ans, Victor participera (très probablement) à sa troisième olympiade, déjà. Entretien avec l’un des pilotes les plus en vue de la saison 2024.
Propos recueillis par Théo Meuzard le 10/02/2024
Théo Meuzard : Salut Victor, comment vas-tu ? Une partie de l’équipe de France est en ce moment en Afrique du Sud pour un stage, mais tu n’y as pas pris part. Tu préfères t’entraîner à la maison ?
Victor Koretzky : Oui et non. J’ai mis en place une stratégie de préparation et ce stage avec l’équipe de France ne collait pas forcément avec. J’avais envie de faire une préparation différente pour cette année olympique. Chaque coureur a organisé sa préparation en fonction de sa stratégie et de ses contraintes. Si on prend l’exemple de Maxime Marotte qui a besoin de points UCI (pour remonter au ranking après une saison 2023 en dessous de ses espérances, ndlr), il a fait un stage en Afrique du Sud avant celui proposé par l’équipe de France afin d’être présent sur les toutes premières courses de la saison. Après, l’Afrique du Sud pour rouler, c’est vraiment top… Quand on va là-bas, on sait à quoi s’attendre ! Les trails sont nickel, il fait chaud, même trop cette année, ce sont de très bonnes conditions pour s’entraîner. D’un autre côté, j’ai déjà eu des problèmes de ventre là-bas, et ce sont des soucis que je peux éviter en restant chez moi, ou du moins dans un environnement que je maîtrise.
Tu es papa depuis peu. Qu’est-ce que cela a changé dans ta vie de sportif de haut niveau ?
Ça a changé beaucoup de choses (rires) ! Il faut savoir s’adapter en permanence. J’ai la chance d’avoir une femme en or sur qui je peux compter et qui fait une grosse partie du boulot. Ça me libère pour me concentrer sur ma vie de sportif.
J’ai la chance d’avoir une femme en or sur qui je peux compter […] Ça me libère pour me concentrer sur ma vie de sportif.
En 2022, tu as fait le choix de t’engager sur route après une saison de VTT pourtant très prometteuse (Il a remporté ses deux premières coupes du monde élite, Albstadt et Lenzerheide, en 2021) Qu’est-ce qui avait motivé cette décision ?
J’ai saisi une opportunité qui s’offrait à moi. Le projet qu’on m’a proposé était vraiment top (passer professionnel sur route au sein de l’équipe B&B Hotels – KTM, ndlr). Ce n’était pas un choix risqué, dans la mesure où c’était éloigné de la saison olympique 2024. Cela m’a permis d’essayer quelque chose de nouveau sans compromettre mes objectifs en VTT. Je n’ai jamais eu l’intention de ne faire que de la route. Quand j’ai intégré ensuite la formation Bora-Hansgrohe, le but était aussi de faire de belles performances en VTT en vue des Jeux Olympiques.
Avant de revenir sur la saison 2023, peux-tu nous dire quelle priorité tu vas donner à la route dans les années qui arrivent ?
Je ne sais pas encore, c’est un peu trop tôt pour que je me décide à ce sujet. Cela va beaucoup dépendre du déroulement de cette saison. Je préfère me donner à 100% sur la saison qui arrive et après… Je verrai avec le temps (rires) ! En 2024 je ne ferai que du VTT.
J’ai saisi une opportunité qui s’offrait à moi […] Cela m’a permis d’essayer quelque chose de nouveau sans compromettre mes objectifs en VTT.
À l’issue d’une fin de saison exceptionnelle l’an passé, tu as répondu présent sur plusieurs courses qualificatives pour les JO ce qui t’a mis en posture de français numéro 1 sur ces épreuves (4ème des mondiaux XCO, vainqueur du XCC et du XCO aux Gets, vainqueur du test event…). Sur le papier, tu as coché les cases pour être qualifié mais ta place pour Paris 2024 est-elle assurée pour autant ?
Sur le papier je suis numéro 1 français, j’ai rempli les critères, mais il n’y aura pas de sélection officielle avant juin, donc pour le moment, je suis dans la même posture que Pauline (Ferrant Prévot) et Loana (Lecomte), j’ai coché les cases mais je ne peux pas considérer que c’est dans la poche.
Comment aborderas-tu les deux premières manches de la coupe du monde 2024, (dernières échéances pour se qualifier aux Jeux), vas-tu quand même tenter le tout pour le tout sur ces épreuves-là ?
Non pas tout à fait. Les résultats que j’ai faits l’an dernier m’ont déjà mis en bonne posture, je n’ai pas besoin de montrer à nouveau de quoi je suis capable en début de saison. Ce serait dommage de me fatiguer avant l’épreuve olympique. L’avantage que j’ai en ayant coché les critères l’an dernier, c’est que cela me permet d’être plus relâché en début de saison dans l’optique de préparer les Jeux à 100%.
Tu disais dans une interview datant d’octobre 2023 « En France, on se sacrifie plus pour la sélection que la course olympique ». Qu’entends-tu par-là ?
C’est le fait que la sélection soit un peu tardive. Par rapport à des coureurs qui évoluent dans des nations avec moins de concurrence, qui peuvent préparer un unique pic de forme pour la course des JO, les Français sont obligés de préparer des pics de forme sur les épreuves de qualification. Lorsque celles-ci sont proches de l’échéance, ça devient compliqué à gérer.
[…] Les Français sont obligés de préparer des pics de forme sur les épreuves de qualification. Lorsque celles-ci sont proches de l’échéance, ça devient compliqué à gérer.
D’autres coureurs ont évoqué une sélection tardive en France, y a-t-il quelque chose à changer dans le processus de sélection selon toi ?
Oui je pense, je crois qu’il faudrait annoncer la sélection des coureurs plus tôt. Probablement qu’il vaut mieux un coureur moins performant sur la période de sélection, qui va se préparer à 100% pour un objectif précis, plutôt que de vouloir à tout prix celui qui est le meilleur à quelques mois des Jeux, mais qui ne sera pas en mesure de performer aux JO parce qu’il se sera cramé pour se sélectionner.
Tu as déjà une solide expérience olympique avec deux participations aux Jeux (10ème à Rio, 5ème à Tokyo). Au vu de cette expérience et de tes résultats en fin de saison dernière, peut-on dire que tous les feux sont au vert pour Paris 2024 ?
Oui, si j’arrive à reproduire le schéma de la saison 2023, ça devrait plutôt bien se passer !
Quel est l’objectif pour Paris 2024 ?
Une médaille… Allez, je vais être gourmand, je vais dire le titre ! Après si j’obtiens une médaille, je serai quand même content. Le titre reste un gros objectif.
Allez, je vais être gourmand, je vais (viser) le titre !
Contexte : La veille du XCO lors des championnats du monde à Glentress forest l’an dernier, l’UCI a promulgué une règle concernant la mise en grille. Une règle écrite sur mesure pour Mathieu Van der Poel et Tom Pidcock qui leur a permis d’être replacés en 3ème ligne. Peter Sagan, qui ne rentrait pourtant pas dans les nouveaux critères, a également été replacé. Cette règle pouvait également avoir un impact sur la liste des pilotes au départ des JO, dans la mesure où certaines nations comptaient sur les mondiaux pour obtenir une place aux Jeux. C’était le cas des Pays-Bas, nation de Mathieu Van Der Poel. Les autres coureurs avaient manifesté leur désaccord à travers un communiqué.
A l’arrivée des mondiaux 2023, tu as manifesté ton mécontentement par un geste qui a beaucoup fait réagir. Certains ont dit que tu avais exprimé tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, quand d’autres trouvaient que le geste était déplacé. A froid, comment analyses-tu cette situation ?
Cette règle n’était vraiment pas correcte. Effectivement j’ai peut-être exprimé tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, malgré tout je n’étais pas le coureur le plus impacté. Certaines nations se battent toute l’année pour aller chercher les critères de sélection et obtenir au moins une place pour leurs coureurs. Ces nations vont courir un peu partout pour marquer des points, et puis derrière, il y a des athlètes qui se retrouvent avantagés alors qu’ils n’ont pas plus mérité que les autres d’être replacés. Ce n’est absolument pas fair-play. Après les sportifs concernés par cette règle auraient eu tort de se priver du privilège qui leur était offert, c’est l’UCI qui a fait n’importe quoi.
En tant qu’athlètes professionnels VTT, avec une licence VTT, nous n’avons pas la possibilité de courir sur route. Par exemple, je ne peux même pas m’inscrire aux championnats de France professionnels sur route ! Juste parce que je n’ai pas de licence pro route. (En route le statut professionnel est officiel et apparait sur la licence. En VTT il n’existe pas de licence professionnelle, ndlr). A l’inverse si tu viens du cyclo-cross ou de la route, tu peux participer aux mondiaux de VTT et en plus être replacé sur la grille, c’est vraiment n’importe quoi.
Peter Sagan a bénéficié de cette règle à Glasgow alors qu’il ne rentrait même pas dans les critères. Ce sera ton coéquipier cette saison chez Specialized factory racing, est-ce que vous avez eu l’occasion d’en parler ensemble ?
J’en avais déjà discuté avec lui l’an dernier. On lui a offert un privilège, il n’allait pas dire non… Qu’aurait-il pu faire d’autre ? Les coureurs qui ont été aidés n’y sont pour rien dans cette décision, je n’ai absolument rien contre eux. C’est contre l’UCI que j’en ai, qui a pris cette décision sans concerter les athlètes.
[…] Il y a des athlètes qui se retrouvent avantagés alors qu’ils n’ont pas plus mérité que les autres d’être replacés. Ce n’est absolument pas fair-play.
Ça fait longtemps qu’on ne t’a pas vu faire des gros tricks en BMX ou en dirt, la paternité t’a assagi ?
Pas vraiment, c’est juste que j’ai moins de temps pour en faire maintenant ! (rires)
J’aime toujours, quand je peux, faire un peu de technique. Ce n’est pas la paternité qui m’assagit, ou peut-être qu’elle agit sur mon subconscient, mais moi en tout cas je n’y pense pas quand je suis sur le vélo. Je fais toujours un peu de dirt et de pumptrack. J’ai un peu manqué de temps ces deux dernières années en faisant route et VTT, peu être que cette saison j’en aurai plus.
Là je viens de recevoir un Stumpjumper, c’est vraiment sympa pour s’amuser ! Dans le garage j’ai aussi un enduro… et un P3 ! (Le modèle de dirt de chez Specialized, ndlr)
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