Spe s’attaque au VTTAE
Quatre ans après avoir dévoilé son premier vélo de ville à assistance électrique baptisé Turbo, Specialized nous a convié la semaine dernière en Autriche à la présentation officielle de son tout premier VTT à assistance électrique (VTTAE) : le Turbo Levo.
Attendu au tournant en arrivant tardivement sur le marché du VTTAE en plein boom, Specialized se devait de proposer quelque chose de suffisamment novateur pour justifier son retard, marquer les esprits et faire bouger les lignes. C’est le minimum que l’on attend d’une marque leader.
Pour se faire, la marque au S a déployé de grands moyens avec un centre de recherche en Suisse spécifique « e-bike » et c’est une escadrille de 19 personnes en tout (sur trois continents) qui s’est impliquée dans le projet Turbo Levo depuis 3 ans.
Après 2,5 journées ensoleillées passées sur les sentiers de Leogang et Saalbach, on vous dévoile aujourd’hui les détails de ce nouveau Turbo Levo ainsi que nos impressions à son guidon !
Rien n’a été laissé au hasard
Le Levo est un vélo de montagne typé All Mountain qui dispose de roues au format 6Fattie (27,5+) et d’un cadre alu M5 sur toutes ses déclinaisons tarifaires (pas de carbone donc, même sur le S-Works). Avec la volonté de l’équipe Specialized de proposer un VTTAE au look le plus « naturel » possible, c’est en toute logique que le Levo reprend la ligne globale du nouveau Stumpjumper.
Comme le Stumpy 6Fattie, le Turbo Levo propose 135 mm de débattement arrière couplé pour l’occasion à une fourche de 140 mm de débattement. Comme son grand frère sans assistance, le Levo dispose d’un amortisseur Fox RX « tuné » (rebond très lent, volumes spécifiques…) par le gourou « maison » de la suspension Mike Andrews (à qui l’on doit les BoXXer, Fox40, Brain, tige de selle Command…).
Pour ce programme de vélo de montagne polyvalent, le Turbo Levo reçoit une géométrie bien pensée avec 67° d’angle de chasse (ne vous fiez pas au tableau, c’est bien 67°), des bases courtes (pour un VTTAE !) en 459 mm, un boitier perché à 342 mm et des côtes globales contenues plus orientées fun que performance.
Au niveau des composants et périphériques, le Levo adopte les roues Roval Traverse 38 (alu sur Comp et Expert, carbone sur le S-Works) disposant d’une largeur de 38 mm entre-crochets (il n’y a d’ailleurs pas de crochets puisque les bords sont droits) couplées au duo pneumatique Purgatory/Ground Control 650b x 3.0.
On retrouve également sur chaque Levo une transmission Sram 1×11 avec plateau en acier, la tige de selle Command IRcc et un cintre large en 750 mm (nouveau cintre carbone sur le S-Works). Selon la taille du cadre, des bumpers en plastique souple permettent de protéger le tube diagonal des retours de guidon en butée.
Le Turbo Levo (limité à 25 km/h) est doté d’un moteur de 250 W (530 W en sortie) disposant d’un couple (le plus élevé du marché VTTAE) de 90 Nm. Le moteur propose un engagement/désengagement quasi instantané sans friction. On en reparlera. Ce bloc ajoute 3,4 kg au vélo.
Specialized ne souhaite pas communiquer officiellement sur la marque du moteur employé pour la simple et bonne raison que le cerveau du Levo, le software interne, a été développé à 100% par Specialized. La gestion électronique, c’est en grande partie ce qui fait la réussite du fonctionnement d’un VTTAE. Ce n’est donc pas parce que des concurrents se mettraient par « opportunisme » au moteur Brose (oups…) que le résultat et les performances seraient forcément au niveau du Levo. Et oui on sait aujourd’hui que c’est Brose, mastodonte Allemand de l’industrie automobile (moins connue que Bosch du grand public puisque Brose ne propose pas de produits BtoC comme les produits de bricolage/jardinage) qui équipe le Specialized. Une valeur sure… assurément.
Le moteur et le bas de la batterie sont protégés des impacts par un large sabot en plastique souple…
Specialized utilise une batterie spécifique Li-ion de 504 wh (sur les versions S-Works et Expert ; 460 wh sur le Comp) complètement intégrée dans le tube diagonale. La batterie est étanche à 1 mètre pendant 30 minutes (norme IP67). Comptez 3,5 heures pour recharger complètement la batterie (sur ou en dehors du vélo).
Particularité très intéressante, le Levo se passe de commande/ écran de contrôle au guidon (OURAHHHH !) grâce à une commande intégrée sur le côté gauche de la batterie/tube diagonal. Des boutons + et – permettent de jouer sur trois modes d’assistance (Turbo, Trail ou Eco). Dix LED permettent de visualiser simplement l’autonomie restante (1 LED = 10%).
Dans cette même logique d’intégration absolue, l’aimant du capteur de vitesse (habituellement fixé à un rayon de la roue arrière) est très intelligemment adossé à la fixation 6 trous du disque. Le capteur est logé lui dans la pièce forgée qui supporte la fixation postmount. Une somme de détails qui font la différence visuellement.
Grâce aux fonctionnalités sans fil ANT+/Bluetooth, la batterie et le contrôleur peuvent être couplés à un compteur GPS de marque Garmin et à l’appli smartphone « Mission Control » spécialement développée pour l’occasion par Specialized.
Cette application (disponible en août sous IOS/Android) permet de jouer sur la programmation de la « cartographie » moteur, diagnostiquer l’état de fonctionnement du système (durée de vie de la batterie notamment), gérer de façon automatique le mode d’assistance grâce à un algorithme, suivre un itinéraire via la navigation GPS, connaitre ses statistiques et historique (cumul de km, dénivelés…) et devenir le « roi de la montagne » grâce à la synchronisation Strava (avec la nouvelle catégorie e-bike).
La gamme Turbo Levo
Malgré cette présentation « stratégique » relativement précoce, les vélos ne seront disponibles qu’au printemps 2016 en magasins. Le premier Levo tout-suspendu démarre à 4999 euros…
Turbo Levo FSR S-Works 6Fattie – 8999 euros
Turbo Levo FSR Expert 6Fattie – 6499 euros
Turbo Levo FSR Comp 6Fattie – 4999 euros
En parallèle des Turbo Levo 6fattie, Specialized dégaine une version hardtail 6Fattie féminine spécifique, un semi-rigide 29 pouces plus accessible financièrement et même un Fatbike.
Sur le terrain
En statique et nous avons fait le test avec les riders que nous avons croisé, c’est le premier VTTAE qui ne ressemble pas à un VTTAE. Le tube diagonal est certes sacrément imposant mais la ligne globale du vélo n’est pas gâchée par l’habituelle batterie fixée en place du porte-bidon. Pour nous, le pari est rempli du côté du style.
Autre excellent point, le poste de pilotage nu de tout artifice ! Nous avons testé avec et sans le Garmin durant la présentation et on peut vous dire qu’on l’a vite abandonné au fond du sac. Avec le Levo au moins, on n’a pas l’impression d’avoir un poste de pilotage de vélo de Trekking entre les mains.
La commande sur le côté de la batterie n’est pas très pratique à utiliser (on ne s’en sert pas souvent non plus en roulant), les LED illisibles en plein jour (elles seront plus fortes sur les vélos de série) et on aurait aimé la même chose sur le top tube.
Au premier coup de pédale, la sensation est assez bluffante. L’engagement instantané au millimètre prêt et la quasi absence de friction se ressentent directement. C’est mieux sur ces points que les derniers Bosch et Yamaha testés. Revers de la médaille (notamment dû au couple élevé), on a l’impression que la transmission est plus en tension que chez les motoristes concurrents.
Il faut faire attention au passage souple des vitesses, éviter les passages à la volée de plusieurs pignons sous peine de craquement impressionnants voir de coincement de la chaîne. Après quelques minutes de prise en main, on réapprend à shifter plus tranquillement et tout se passe bien. En tous les cas force est de constater que personne n’a cassé de chaîne (une chaîne classique 11 vitesses, pas spécifique aux VTTAE) durant les différentes sorties.
De tous les modes d’assistance testés, l’intermédiaire « Trail » nous semble largement suffisant. Le mode Eco (le moins gourmand) est tout à fait adapté à une sortie sans notion de performance ou de chrono.
En descente, on a engagé sans aucune retenue des parties bien techniques sans même penser aux « petits »135 mm de débattement arrière. On a même étonné des riders sur le bike-park de Saalbach qui nous disaient « mais vous n’allez pas descendre là quand même en e-bike ?? ». Le poids « élevé » de l’engin (dans les 22 kg certainement en Expert ; à confirmer sous peu) colle littéralement le vélo au sol et confère un grip incroyable. On redécouvre les bienfaits des vélos lourds ! Les freins en 200/180 mm ne sont pas de trop pour freiner la bête…
Dans l’ensemble le vélo est relativement facile à manier et placer au regard du poids, attention tout de même à ne pas se faire embarquer par l’embonpoint du vélo dans les épingles serrées notamment. Sur un renvoi d’eau, en tirant un manual, on a eu l’occasion de tester la protection plastique du moteur qui a réussi à amortir l’impact d’une grosse pierre qui a avait pris les airs au passage de la roue arrière.
Les pneus 6Fattie sous-gonflés (1,2 bar en chambres) en carcasses Control apportent une adhérence phénoménale au freinage si bien qu’on peut freiner fort sur une surface dure sans forcément bloquer et faire déraper l’arrière. Le profil du Ground Control n’est pourtant pas le mieux armé dans cet exercice. Sur des gravillons, le poids important du vélo combiné au faible cramponnage des pneus peut en revanche vite vous jouer des tours. On note aussi que le Purgatory à l’avant apporte davantage de contrôle et un maintien plus progressif en glisse que le pneu arrière. On a hâte de pouvoir tester des carcasses Grid plus rigides et plus adaptées au montage Tubeless (pour encore baisser en pression).
Comme vous le voyez on s’est régalé en descente mais là où le vélo est le plus exceptionnel c’est sur des faux plats montants techniques recouverts de racines. En gros des passages où la plupart des vélos butent et une bonne partie des pratiquants posent en général le pied à terre. Avec le Levo et ses 6Fattie, que nenni. On se prend à piloter (comme avec pas mal de VTTAE) en montée avec en prime la capacité de franchissements des 29 pouces, un grip à toute épreuve et surtout un confort impressionnant. La hauteur du boitier est parfaitement adaptée pour ne pas taper les manivelles.
Lorsque la marche est trop haute, on fait passer l’avant et un peu comme sur une moto avec le pied sorti, on met les gazs (un quart de coup de pédale dans notre cas) et l’arrière suit. On a enchaîné des runs montant défoncés de 2 kilomètres à 15 km/h de moyenne avec le sourire aux lèvres. A l’arrivée et en plus des avant-bras en feu, notre palpitant qui bat la chamade nous rappelle qu’on est bien sur un vélo ! Et qu’on fait bien du sport…
Ce Turbo Levo offre un combiné technologique encore jamais testé qui vous ouvre sacrément l’esprit et offre de nouvelles sensations. Tous les singles et cols deviennent accessibles. Le vélo porte bien son nom (Levo est la racine latine de « lift »), c’est une véritable remontée mécanique qui s’offre à vous, déployable où bon vous semble. Le 27,5 Plus apporte un vrai bénéfice sur ce genre de vélo. Ce combo Specialized est une vraie réussite et on est maintenant impatient de tester d’autres vélos du même genre pour comparer ! En tous les cas, le Levo risque bien de bouleverser l’offre actuelle…
Pour finir et rassurer les « ayatollah » de la montagne, pas de panique, sans bagage technique et une bonne condition physique, on n’est pas prêt de voir des touristes en combo sandales/chaussettes sur nos singles préférés les plus éloignés. Maintenant vous n’êtes franchement pas obligés de nous croire et on ne peut que vous inciter à tester ! Même après 30 ans de VTT, vous risquez bien de découvrir de nouvelles sensations…
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