Probikeshop placée en redressement judiciaire…

Suite au dépôt de bilan de sa maison mère, l’enseigne de VPC française Probikeshop est en difficulté. Le tribunal de commerce de Lyon a placé l’entreprise en redressement judiciaire avec comme date butoir le 1er décembre. On fait le point sur la trajectoire et le contexte qui ont mené Probikeshop à cette situation…

Il faut remonter quelques années en arrière, pour bien saisir la situation actuelle. Aux débuts de Probikeshop, plus précisément. Nous sommes au milieu des années 2000 lorsqu’Olivier Rochon lance le fameux site de vente par correspondance d’articles cyclistes. À l’époque, internet est en plein essor, et les sites de vente en ligne sont en passe de mettre un sacré coup de pied dans la fourmilière, bien tenue jusque-là par le schéma courant marque > distributeur > détaillant. Le cyclisme est loin d’être le seul domaine qui connaît le même destin face au développement de la toile et de ce qu’elle apporte comme disruption : sport, outdoor, automobile, outillage, Hi-tech, culture, électroménager et jusqu’aux médias – pour ne dresser qu’une liste des plus évidents – font partie de la vague qui démontre bien l’ampleur du phénomène.

Si bien qu’au fur et à mesure des années, Probikeshop se développe. De son premier entrepôt de la périphérie de Saint-Etienne, l’enseigne prend des bureaux en centre-ville… Puis la logistique s’étend à Lyon, tout comme les bureaux. Mais dans ces milieux d’affaire, c’est bien connu, le rythme de développement visé, les objectifs fixés, et les fonds qu’ils impliquent, sont au cœur des projets. Des poches de son fondateur, l’entreprise passe donc par différentes participations. Parmi elles, on retiendra le fait d’appartenir un temps au groupe qui détient notamment l’enseigne suisse Migros. C’est entre autres là que l’enseigne sera allé trouver des fonds pour accélérer sa croissance, comme le milieu aime à le formuler…

Pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, néanmoins, il faut se situer un peu plus tard, en 2017. Cette année-là, Probikeshop est rachetée par le groupe allemand Internet Stores. Un groupe auquel appartient notamment une autre enseigne bien connue du marché de la VPC : Bikester. C’est que du point de vue du pratiquant, il ne faut pas se tromper. Depuis toujours ou presque, la concurrence internationale est présente et prend des parts non négligeables sur le marché francophone. Probikeshop s’est ainsi monté sur un créneau qui était alors dominé par les Britanniques de Chain Reaction qui, un an plus tôt, venaient de fusionner avec leur concurrent majeur : Wiggle… Tandis que face au phénomène, les Allemands et leur marché du cycle monumental n’auront pas tardé à réagir. Avec les marques de vélo (Canyon, YT, Rose, Radon…) et les accessoires équipements (Bike discount, Bikester, Rose, Bike Components, Bike 24…) Voilà clairement le marché français pris dans un étau : entre les mors britanniques et germaniques.

Quand on sait les volumes négociés par chacun – l’un via son aisance à l’internationale, l’autre par l’exceptionnelle taille de son marché – on peut d’ailleurs concevoir que le rapprochement avec l’un d’eux soit tentant. C’est donc du côté allemand d’abord, que Probikeshop va se rapprocher. À cet instant, et jusqu’à la crise COVID, ses bureaux et sa logistique – qui auront progressivement glissé de Saint-Etienne à Lyon – sont encore français. Vous l’avez lu sur FullAttack à l’époque, la pandémie a alors un certain impact sur le marché du cycle. Après la mise à l’arrêt, le rebond est soutenu. La demande dépasse largement l’offre. Tant et si bien que du côté des ventes, tous ceux qui ont quelque chose en stock font des chiffres vertigineux. Ainsi pour Probikeshop, l’enseigne passe de 80 à 110, puis 153 millions d’euros de chiffre d’affaires entre 2019 et 2021, avant se stabiliser à 143 millions l’année dernière.

Dans le même temps, se passe un autre fait notoire parmi toutes ces enseignes. Il se réfère à un phénomène bien connu des financiers et autres habitués des affaires. Le marché de la VPC du cycle est en pleine concentration. C’est-à-dire que ceux qui en ont les moyens, s’offrent tour à tour les différentes enseignes, pour ne former, après quelque temps, plus qu’un grand groupe. L’intérêt ? Mutualiser les moyens, faire des économies d’échelle, peser plus lourd dans les discussions et in fine, épaissir les retours sur investissement. Ainsi, en 2021, WiggleCRC (Chain Reaction Wiggle, Nukeproof, Vitus…) devient la propriété d’Internet Stores, et se retrouve donc dans le même groupe, aux côtés de Bikester et… Probikeshop ! Vu sous cet angle, on peut encore cerner une logique dans le projet. Avec une enseigne de VPC bien placée sur chacun des trois marchés les plus porteurs d’Europe, Internet Stores se positionne de manière habile.

Pour Probikeshop néanmoins, la mutualisation fait son œuvre. La logistique, qui avait été une des marques de savoir faire de l’enseigne, quitte le sol français. La mise en route depuis l’Allemagne est d’ailleurs source de dysfonctionnement que certains expérimentent un temps. De plus de 300 employés – intérimaires compris, en 2021 – Probikeshop retombe à 120 personnes, puis 83, au moment d’écrire ces lignes. Autre effet collatéral non négligeable de cette intégration au groupe allemand, le fait que depuis quelques années, Probikeshop était aussi devenu un client/partenaire important des distributeurs nationaux. Sans tenter de généraliser sur un sujet qui laisse tout de même la place aux négociations au cas par cas, nul doute que depuis un certain temps, le dialogue entre distributeurs et VPCistes se penchait sur les notions de marché gris, de cohérence des réseaux et de structure des marges. En intégrant le groupe Internet Stores, Probikeshop a forcément une nouvelle fois interrogé une part de l’organisation du marché francophone.

Quoi qu’il en soit, la contraction du marché n’a pas les effets escomptés ces derniers temps. Internet Stores est elle-même propriété du groupe Signa Sport United – porté sur la VPC dans le cyclisme, le tennis et l’outdoor, basé à Berlin et coté en Bourse à New York. Il y a quelques semaines, Signa Sports United s’est effondrée, en commençant par sa branche tennis, via le dépôt de bilan de Tennis Point. Le groupe Signa Sports United s’est désengagé de la bourse et un engagement de financement de 150 millions d’euros offert en caution par la holding Signa a été retiré. Par effet domino, les dépôts de bilans et redressements se succèdent depuis lors. Signa Sport United, puis Internet Stores, puis WiggleCRC et donc, pour ce qui nous intéresse ici, Probikeshop. Pour l’enseigne française, c’est d’abord un redressement judiciaire qui est prononcé le 7 novembre.

À l’heure d’écrire ces lignes, difficile de préciser l’issue de la procédure. En l’état actuel, le chiffre d’affaires 2023 est estimé à moins de 57 milions d’Euros. Probikeshop dispose toujours d’une enseigne représentative d’une force de frappe commerciale et marketing qui a fait ses preuves sur le marché européen ces dernières années. Une force qui doit (re) trouver une capacité logistique à laquelle s’adosser pour reprendre toute sa valeur en face de la concurrence francophone que constituent Alltricks, materiel-velo et Purebike. En attendant, elle s’attelle à gérer la situation qui impose de suspendre le passage de commande, gérer celles déjà passées, ainsi que le SAV des produits vendus jusqu’à présent. Le tout, sur fond d’un rush des fêtes de fin d’année auquel l’enseigne ne prendra de toute façon pas part comme elle pouvait l’espérer. Le tribunal de commerce de Lyon fixe au 1er décembre la date limite de dépôt des dossiers de reprise de potentiels candidats. Potentiels dossiers à étudier avant de statuer sur l’issue de l’enseigne et la suite à lui donner.

Une suite au plus tôt en début d’année à venir ? On ne sait pas, pour l’heure, estimer la proportion des stocks de produits réellement en possession de Probikeshop. Quoi qu’il en soit, l’effondrement de la branche vélo de Signa Sports United se fait dans un contexte commercial particulier. Souvenez-vous le rebond du marché post-COVID, évoqué en début d’article. L’offre et la demande ayant fait leur œuvre, l’industrie a fortement produit pour répondre à la demande. Cette dernière s’est néanmoins tassée, ces derniers temps, phénomène notamment lié aux situations internationales du moment et de l’inflation qui en découle. Bref, il y a embouteillage dans les entrepôts. Les produits s’y entassent et attendent désespérément de trouver preneur. De ce point de vue, certains considèrent donc déjà les stocks cumulés de Wiggle, Chain Reaction, Nukeproof, Vitus, Farradh, Bikester et Probikeshop comme une nouvelle bombe à retardement si toutes ces enseignes sont amenées à tout liquider avant fermeture. Les soldes qui suivent les fêtes pourraient alors avoir une dimension toute particulière, tout début 2024…

Rédac'Chef Adjoint
  1. Un peu les boules, commande d’un vélo à 3000 euros mi-octobre. Aucunes nouvelles depuis, jamais reçu le vélo.. impossible de les joindres..

  2. Et voilà ce que c’est d’acheter sur internet !!! pour gagner 4 ronds au lieu d’aller chez un velociste local qui en plus vous apporte des services et produits complémentaires que ne vous offre pas ce genre d’enseigne sans parler des garanties, SAV, et de les faires vivres . Et après on s’étonne que les petits Shop se meurent et/ou n’offre pas les mêmes tarifs. Le marché est allez trop loin. Et c’est en partie à cause des consommateurs et du système des boursicotteurs. Bien fait !!! Fallait acheter son bike dans un shop.

    1. C’est l’engorgement du marché du cycles après covid, qui produit ce phénomène et ce n’est nullement l’achat sur internet.
      L’envolé du cycle et la forte demande de produit d’Asie avec un arrêt brutal causé covid à incité toutes les enseignes de velo ,à surstocker pour répondre à la demande et l’inflation et l’envolée des prix cette fois ont freiné la demande avec un gros stock à écouler qui se paye et ça touche les plateformes logistiques de velo mais malheureusement, les magasins aussi..
      Il y a tellement de références à cause de l’ inexistence de norme et cela aggrave ce phénomène
      Chaque constructeur, notamment de transmission fait ce qu’ils veut avec des compatibilités entre fabricants de moins en moins réelles et un stocke important à avoir pour tenir la demande.

    2. @mister Robinet
      Pour gagner 4 ronds ? Quand tu peux avoir du fox factory et du axs au lieu de suspension basique et de nx chez certaines marques ? C’est du simple au double sur des vélo à 5000 euros.
      Tout le monde a pas les moyens de mettre 10 000 euros dans un vélo.
      Et si encore tous les vélocistes étaient à la hauteur et les marques avec en SAV, mais c’est loin d’être le cas.
      J’achetais toujours en magasin à une époque, mais j’ai été plusieurs fois très décu par le service et le SAV. si je suis passé à la vente directe c’est vraiment avec leur « aide » et de mon expérience, quand j’ai eu de la casse, ils ont été beaucoup plus réactif et généreux pour remplacer les pièces (spécialized vs Propain, match gagné haut la main pour Propain…).
      Je pense que beaucoup trop de marques et de vélocistes n’ont pas compris à quel point le service était capital pour conserver leurs clients.

  3. Ouai c’est ptet pas la peine d’avoir un tel ton moralisateur non ?
    Perso, j’ai toujours acheté mes vélos en magasin, mais j’achète la plupart des pièces sur le net, soit de la pièce détachée (transmission, freinage, gris, pneus…). Pas uniquement mais souvent. Mais je fais entretenir mes vélos en magasin et j’essaie aussi de participer à les faire vivre, ça me semble important aussi.
    Après, Juju a commandé un vélo, il est en droit d’attendre qu’il arrive, et ça aurait pu arriver pareil avec un magasin d’ailleurs. Pas la peine d’en rajouter…

  4. Bjr, je partage ton point de vue olivfr, d autant que c est pas si simple comme veut bien le dore dit robinet, si on fait abstraction du prix on ne s y retrouve pas forcement en magasin:
    – temps d attente d un mois pour reparer, sympa pour la condition physique
    – parfois des conseils tres limite, plus presse de vendre que conseiller
    – stock de marque limite, pas forcement de choix, et parfois ne souhaite pas commander une marque ou modele particulier
    Bien sûr il ne faut pas generaliser, je veux juste dire qu il ne faut pas tomber dans les cliches, on achete pas forcement sur internet pour le prix actuellement

  5. Primo, on peut noter que le fondateur, au lieu de rester peinard dans sa boite, a pris quelques cours par correspondance dans le business et décide une stratégie de groupe pour grossir grossir grossir … Son porte monnaie perso, ce qui laisse sur la caro une 100aine de salariés au profit d’une logistique allemande. Bravo. Ensuite, Crc wiggle ont essayé un gros revers avec le brexit et la perte quasi totale du marché européen..il ne fallait pas être grand clerc pour prévoir cela. Entrainant dans la spirale le groupe: qui, comme il appartient à des actionnaires, lorsqu’il n’y a plus de rentabilité à 2 chiffres, dégraissent. Au final, une super enseigne comme probike, sacrifiée sur le milieu de la finance pour des appétences purement mercantiles. C’est dégueulasse du patronat. Enfin, pas de panique, Probike et compagnie ne vont pas larguer sur le marché du matoss à -90%. Ne nous inquiétons pas que les autres groupes vont racheter en volumes à prix cassés le matoss, pour l’écouler sur leurs plateformes et éviter la débandade des prix.

    1. Se pose effectivement la question de ce que les responsables de l’entreprise devienent à l’issue de la situation actuelle. De notre point de vue de journaliste, la question se pose évidement. Pour l’heure, nous avons choisi de ne pas en parler dans cet article, et attendons la suite des évènements, notamment ce qui sera annoncé par le tribunal de commerce de Lyon après la date butoir du 1er décembre, pour deux raisons. La première, c’est qu’il se peut qu’ils fasse partie des reprenneurs potentiels. Nous n’avons pas suffisement d’information à ce sujet pour l’heure, et souhaitons tenir compte de cette possibilité dans ce que l’on relaie. Nous souhations entre autre éviter d’interférer dans ce domaine, si tel était le cas. La deuxième hypothèse/raison étant qu’il se pourrait très bien, aussi, qu’ils fassent partie de ceux qui perdent tout, ou une très grosse partie de leur capital, dans la situation actuelle. Pour l’heure, les informations dont nous disposons sont contradictoires et non confirmée à ce sujet. Patience donc, il est prudent de ne pas tirer de conclusion hâtives 😉

    2. Au sujet de la branche cycliste et britannique de Signa Sports United (Wiggle & CRC) il est indéniable que le brexit a eu un impact sur les chiffres et l’organisation du groupe. Avant brexit, c’était clairement des entités à rayonnement international qui ont dû se recentrer en partie sur leur marché domestique. À l’échelle Européene – à laquelle j’inclu volontairement le marché britannique même si la réalité administrative en est désormais autrement – le marché UK reste chez de très nombreuses marques, l’un des leaders avec l’Allemagne et la France/Francophone. GR/UK/FR reviennent très souvent comme les trois grands pôles quand on questionne les marques sur leurs implantations/chiffres/résultats en « Europe ». Si l’on se réfère à ça, avoir une entité par pôle reste donc logique dans l’approche. Et jusqu’ici, rien ne confirme que le brexit soit la raison à l’origine de la situation actuelle. Son effet peut avoir participé, mais ne semble pas être à l’origine. Qui plus est, à l’échelle du groupe Signa, il semble bien que ce soit la branche tennis qui ait montré des signes de faiblesse en premier, entrainant le reste.

      1. Merci de ton éclairage et recentrage. Toujours intéressant d’apporter des complements d’infos pour mieux comprendre les tenants et aboutissants.

        1. Avec plaisir. On fait au mieux au moment d’écrire entre différents impératifs et parfois, ça amène à faire des choix qu’on ne peut pas expliquer directement dans l’article. Ça fait donc partie de notre rôle de veiller à ce que les commentaires soient un espace qui permettent de compléter et avoir ces échanges de qualité 😉

  6. Pour finir, au sujet des petites enseignes. Notons quand même que les marques elles mêmes leur plantent un couteau dans le dos. Que ça soit commençal qui, à une époque, jurait devant l’autel qu’il n’y avait rien de mieux que le réseau de petite distribution, a fini par ne faire exclusivement que de la vente en ligne. Et je ne parle pas des z’autres (spé, santa, etc). Qui, sur leurs sites, font des promos que les shops ignorent. Bref. Vive le wide open business market. Et pour quelles raisons? Pour le friiiiiiiic. Donc, si vous voulez leur dire merde: roulez avec vos vieux clous et arrêtons de craquer qui pour la dernière roue carbone, qui pour le tige de selle wireless, qui du stealth new design mon c… On se dit les victimes alors que le client est en fait le bourreau. Comme disait Coluche: il suffit que ça se vende plus pour qu’ils arrêtent d’en produire.

    1. Oui, quelques nouvelles. Deux offres « complémentaires » de reprise ont été déposées. Materiel-velo.com (basé à Villefranche sur Saone) se proposerait de reprendre Biked, la plateforme de revente d’occasion de PBS – 4 salariés. Troika International LTD se proposerait de reprendre Dolphin France (la société éditrice de PBS). Pour notre part, on l’apprend à cette occasion, mais Troika International LTD aurait été investisseur dans PBS avant le groupe Migro, dont on parle dans l’article. Cette reprise permettrait de sauver 24 postes. Le tribunal a placé PBS en observation, afin de vérifier que la trésorerie/les fonds dont PBS dispose permet bien à l’entreprise de poursuivre l’activité. Cette période d’observation, et l’issue de cette tentative de sauvetage/reprise, doit au plus tard connaitre une issue le 19 décembre.

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