Marine Cabirou, sur le retour…

Ceux qui sont sensibles aux performances de Marine Cabirou ont suivi l’actualité chargée de la pilote du Scott DH Factory, entre le milieu de saison 2021, et ce début 2022 : grosse chute aux Gets, retour à la compétition douloureux à Maribor, podium aux mondiaux de Val di Sole et à SnowShoe… Avant de constater, finalement, que son genou était toujours blessé, le soigner, et se briser une vertèbre dans la foulée, ou presque !

Pourtant, Marine Cabirou était bien au départ à Lourdes, et même sur le podium – 5e – à l’arrivée ! Une performance qui valide tout un travail de Marine, et de son staff, au sujet duquel on a voulu en savoir plus. Résultat ? Un sujet Inside qui jette un oeil en arrière pour mieux saisir ce qui s’annonce devant… Et une plongée au coeur du staff de Marine, illustrée d’images pleines de détermination, d’application et d’engagement, lors de son retour à la compétition, à Lourdes..!

La blessure… Coup dur ! Bien souvent, c’est le raccourci que le commun des mortels, que nous sommes, fait dans son esprit lorsqu’il apprend, via les médias, qu’un athlète s’est blessé en pratiquant son sport. Et on ne va pas se le cacher, c’est effectivement le lien de cause à effet le plus évident qui vient à l’esprit dans le processus d’identification ou d’empathie qu’on tente parfois d’établir avec ces champions.

Néanmoins, sans suivre aveuglément l’adage qui dit que tout ce qui ne tue pas rend plus fort, se laisser abattre ne constitue logiquement pas la meilleure manière de se remettre d’une blessure. Plus facile à dire qu’à faire, mais se remotiver, avoir les idées plus claires que jamais, et mettre toutes les chances de son côté, pèsent dans le game. Quelque part, c’est le premier enseignement, aussi évident que remarquable, que l’on apprend auprès de l’entourage de Marine Cabirou, au sujet de la longue période de blessures qu’elle a connu ces derniers temps…

[Marine] n’a pas vraiment eu de bas. C’est une grande force chez elle ! Elle fait confiance à son entourage, elle a un cap et elle ne le lâche jamais.

Nicolas Filippi, entraineur de Marine Cabirou

Marine à des objectifs clairs, une bonne expérience de la compétition et de la gestion de son physique et de sa forme. Elle est bien entourée et a pu rapidement mettre en place ce qu’il fallait pour revenir. Il y a bien sur des hauts et des bas mais sachant ce qu’elle veut, elle est déterminée et le moral suit […] Elle s’était fracturée deux vertèbres à Lenzerheide en 2015, saison qui s’est terminée par le titre de championne du Monde de DH Junior !

Patrice Afflatet, Team Manager du Scott DH Factory

Mieux que de la détermination, certains parlent de résilience. C’est le mot utilisé par Ulysse Daessle, son interlocuteur privilégié chez Bluegrass – photographe passionné à ses heures, auteur des images que vous découvrez ici. Le terme de résilience, s’il n’est pas récent, a connu un essor certain ces dernières décennies, précisant le processus d’acceptation et d’adaptation pour mieux se reconstruire, dont il s’agit. Un cheminement nécessaire quand en moins d’un an, il est question de tenter, deux fois, de retrouver la forme…

Je peux dire qu’on a tous été impressionnés, en interne, par la détermination et la résilience de
Marine. Rouler comme elle l’a fait à Val Di Sole malgré la douleur, poursuivre avec Snowshoe et revenir pour Lourdes… Chapeau bas […] Les deux points convergents entre Val Di Sole et Lourdes sont pour moi le dépassement de soi,
et la résilience sur le week-end de course. Marine n’est jamais expansive sur ses douleurs, même avec nous : elle roule, elle fait le job, elle donne tout sur la piste. Ce n’est pas une pilote qui va se plaindre, s’apitoyer sur son sort ou se trouver des excuses, même en off. Si elle court c’est qu’elle l’a décidé et elle donne tout en conséquence.

Ulysse Daessle, Bluegrass

On le sent, il y a pour chacun, dans le propos, la part qui vient de la motivation, de l’application, et de la détermination de l’athlète. Mais c’est intéressant, aussi, de mesurer à quel point c’est réciproque. Les relations humaines, la vie en société, sont ainsi faites, n’est-ce pas ?!

La vertèbre a spécialement été un coup dur moralement pour moi. Sur le moment c’est la désillusion totale car après les premières examens ils annoncent 3 mois sans rien faire […] Quand on enchaîne comme ça les blessures, forcément on se remet en question et on se demande si le problème ne vient pas de nous. On essaie de comprendre pourquoi encore… On se pose des questions, on analyse et on essaie de comprendre. Nico [Filippi, son entraineur, ndlr] m’aide pas mal là dessus. J’ai également la chance de toujours avoir ma famille et mes proches qui me soutiennent encore plus dans ces moment là, car ils savent que c’est dur pour moi ! Du coup ça fait du bien au moral et ça permet de se remobiliser rapidement, de voir qu’on est pas seul et qu’ils croient en nous malgré tout !

Marine Cabirou, herself !

Se remobiliser. Pas évident, après une telle succession de coups durs, et plus encore quand on fait partie de l’entourage d’un athlète. Passé les tous premiers instants, il y a comme un certain fil de crête à trouver pour ceux qui sont à son contact direct…

Clairement, on préfère quand les crash tests se déroulent dans notre laboratoire interne ! […] Quand une blessure arrive, la première préoccupation est bien sûr de savoir si l’athlète va bien, le soutenir moralement et enlever une pression de ses épaules. La chose qui me paraît la plus importante c’est d’être positif et à l’écoute […] Ensuite, on cherche à récolter le plus d’information sur la chute pour pouvoir la mettre dans le contexte. […] Cela nous permet d’assurer un support à l’athlète et de lui apporter des informations
techniques […] On évacue ainsi toute incertitude avec une analyse factuelle et objective, ce qui permet une reprise du bike totalement sereine.

Ulysse Daessle, Bluegrass

Bien sur, une blessure en cours de saison est toujours complexe a gérer, l’athlète veux revenir au plus vite pour ne pas « gâcher » sa saison mais je savais très bien que ce serait long. [En cas de blessure] on est d’abord inquiet pour la santé et l’intégrité physique de l’Athlète, le reste passe après… On s’occupe de gérer l’immédiat : les secours, les examens médicaux, puis la mise en place d’un programme de retour à l’activité […] La Descente est aussi un sport mécanique et même si je pense que l’athlète fait une très grande partie du résultat, il y a des choses que l’on met en place pour aider à revenir : des réglages spécifiques, une certaine adaptation de « confort », une présence plus importante pour guetter les moindre moment de doute ou de difficulté […] Les meilleurs apports possibles coté partenaires est un soutien sans faille, l’athlète doit se sentir soutenu et réconforté. C’est le meilleur moyen, éviter le doute et se projeter sur la suite.

Patrice Afflatet, Team Manager du Scott DH Factory

Se remobiliser dans un tel cas de figure, n’a rien de simple d’autant qu’il s’agit de chambouler ses habitudes. Du moins, de faire appel à des connaissances et des savoir faire différemment. Il s’agit toujours de se préparer pour la suite, mais le contexte, les données de départ sont forcément différentes. Ça donne un hiver hors du commun, tel que celui connu par Marine, avant que ne débute la saison 2022, à Lourdes…

En intersaison, on observe normalement une période de repos pour laisser l’organisme et le mental récupérer de la saison intense de course, qui s’étale sur environ 6 mois. Il y a ensuite une remise en charge de travail progressif avec de la préparation physique en salle, puis la pratique de vélo de route, d’Enduro, de moto et bien évidemment de DH. 

Thomas Lemoine, ostéopathe du Scott DH Factory

Après cette « coupure » on reprend la préparation et là on travaille sur tous les points physiques, techniques… On fait pas mal de muscu, route, VTT Enduro, moto, BMX et aussi pas mal de roulage en DH, toute les 3 semaines à peu près ! […] Pour ma part rouler régulièrement en vélo de Descente me permet d’être de mieux en mieux ! J’adore aussi faire de la moto car c’est assez similaire au final […] Il y a les sensations de vitesse, le côté technique, puis il faut être fort pour rester accroché sur la moto. Après, quand on reprend le vélo, on trouve presque que c’est facile !

Marine Cabirou

Ça, donc, c’est la théorie ! Celle que l’on suit quand tout se passe comme sur des roulettes. Mais forcément, quand la.es blessure.s s’en mêle.nt…

A ce moment là, tu essaies de tout faire pour mettre toutes les chances de ton côté. On a essayé de mettre un gros protocole de rééducation en place notamment avec beaucoup de cryothérapie au début, pour diminuer l’inflammation et me calmer la douleur […]

Marine Cabirou

Marine a beaucoup travaillé en Kiné. L’utilisation de VAE a également été privilégiée pour une reprise en douceur par rapport à son dos. Tout au long de l’hiver, elle a eu recours à la cryothérapie avec l’aide de Pascal Grillon du Cryopôle qui a considérablement accéléré sa récupération.

Thomas Lemoine, ostéopathe du Scott DH Factory

J’ai passé ma vie chez le kiné, à la cryothérapie. Je peux dire que Pascal m’a bien sauvé sur ce coup là et il a vraiment été important pour moi cet hiver ! […] Il m’a commandé des combinaisons d’électro spéciales pour renforcer les muscles profonds et me permettre de récupérer tous les muscles du dos que j’ai perdu plus rapidement […] J’ai repris progressivement tout d’abord en faisant de la natation, puis du vélo de route et ensuite un peu gym mais juste en faisant les bases (gainage, flexion, proprio). J’avoue que je n’avais pas l’impression que ça ressemblait au séance dont j’ai l’habitude…

Marine Cabirou

En gros, on a rien fait comme d’habitude ! [Après avoir soigné son genou, et sa vertèbre fracturée,] du fait qu’il fallait éviter toutes vibrations et charge sur le dos, on a mis en place des séances de natation, des séances de muscu qui ne sollicitaient pas son dos, et du home trainer. A chaque examen et feu vert du médecin, on faisait un pas en avant avec de nouveau « exos » et de nouvelles activités, vélo de route, puis vtt sur chemin facile…

Nicolas Filippi, entraineur de Marine Cabirou

Mon entraîneur a fais un gros travail d’adaptation pour pour que je continue de progresser physiquement. On a aussi fait un stage avec pas mal d’enduristes qu’il coache également, comme Isabeau, Alex Rudeau… c’était intéressant de rouler tous ensemble et ça m’a permis de voir autre chose […] Et bien sûr Patrice, mon team manager, ainsi que les ingénieurs chez Scott, qui ont continué à travailler pour adapter au mieux mon vélo à mon pilotage et me permettre d’avoir un vélo prêt pour mon retour ! 

Marine Cabirou

De quoi se remettre en selle, ou du moins, sur de bons rails, et suivre pas à pas donc, les feux verts des médecins. Pour Marine, celui pour remonter sur son vélo de Descente est tombé une petite semaine tout juste avant Tarouca, l’ouverture de la saison nationale portugaise, où nombre de top-pilotes mondiaux ont fait leur rentrée…

Lorsqu’elle a eu le feu vert du médecin pour reprendre la DH […] nous avons discuté des objectifs à très court terme sur Tarouca, Brioude et Lourdes. L’objectif n°1 était de reprendre des repères et de la confiance sur le vélo. Plus de 2 mois sans rouler c’est long et c’est d’autant plus compliqué de reprendre sur une course… L’objectif n°2 était l’interdiction de se refaire mal, donc là c’est compliqué de rouler à 100% de ses moyens. Mais l’objectif N°1 était le plus important.

Nicolas Filippi, entraineur de Marine Cabirou

Objectifs atteints puisque Marine termine la course de Tarouca, puis celle de Brioude, sans encombre. Il est donc temps de retrouver le grand bain, celui de la coupe du Monde, à Lourdes…

Pour Lourdes, on savait que c’était encore juste coté préparation […] Même si les deux courses de préparation (Portugal et Brioude) avaient montré qu’elle était en bonne forme, elle était loin d’être à son maximum… […] Lourdes était très tôt dans la saison, avec une deuxième manche deux mois plus tard, il était inutile de trop se focaliser la dessus. L’objectif était de faire du mieux possible sans se mettre en danger et dans ce contexte, un podium est déjà une belle performance. Ce d’autant que Marine s’est retournée le pouce aux essais, cela l’a handicapé pour les qualifications et la course.

Patrice Afflatet, Team Manager du Scott DH Factory

Pour Lourdes nous ne nous étions pas fixé d’objectif de résultat mais d’être de mieux en mieux tout au long du week-end et de marquer des points pour la Coupe du Monde. Nous savions qu’un podium était inespéré, sans se priver d’une éventuelle opportunité […] le Top 5 était ce que je m’étais mis dans un coin de ma tête.

Nicolas Filippi, entraineur de Marine Cabirou

Je pense que j’étais probablement à 70% environ [de ses capacités, à Lourdes, ndlr] Mon entraîneur m’avait préparé mentalement et m’avait dit que je ne serais pas prête à jouer devant ! Je pense que ça a été quelque chose d’important qu’il m’en parle et me prépare à ça car quand on roule habituellement pour gagner il est difficile de se satisfaire d’une 5e place et d’aborder une course en sachant au fond de nous qu’on est pas forcément là pour gagner…

Marine Cabirou

Podium, 5e… Voilà donc Marine Cabirou de retour sur le podium, après une saison et un hiver galère. Tout n’a pas pour autant été de tout repos sur cette course. Le matériel et les méthodes utilisées en témoigne d’ailleurs…

[Pour aider Marine à Lourdes, le vélo a été adapté :] essentiellement des réglages différents (pneus / suspensions) pour ménager un peu l’athlète mais aussi quelques aménagement sur la position (selle, leviers, shifter, freins).

Patrice Afflatet, Team Manager du Scott DH Factory

A cause du retard dans la préparation, l’accent a vraiment été mis sur la récupération après chaque journée car Marine « forçait » un peu plus musculairement pour compenser le manque de rythme. Beaucoup de massage et d’étirements ont donc été mis en place. [Par dessus le marché] Marine a tout de même roulé cette manche avec une entorse au pouce gauche depuis les entrainements du vendredi. […] On a pratiqué la cryothérapie en application locale sur son entorse du pouce, puis ensuite en terme de drainage pour faciliter l’élimination de toxines.

Thomas Lemoine, ostéopathe du Scott DH Factory

Quoi qu’il en soit, une bonne reprise sportivement parlant. De celles qui encouragent à poursuivre sur la voie du retour. Chacun semble avoir les idées claires sur le chemin qu’il reste encore à parcourir pour que Marine Cabirou soit de retour à 100%.. Notamment sur l’avancement des travaux décalés compte tenu de l’hiver particulier dont chacun sort…

On est en train de tester, en ce moment, des évolutions techniques que l’on n’a pas pu valider cet hiver, et la préparation physique se poursuit avec une montée en charge qui va la mener au meilleur de sa forme cet été…

Patrice Afflatet, Team Manager du Scott DH Factory

Pour que Marine revienne à son meilleur niveau il faut qu’elle reprenne de la force et de la résistance au niveau du haut du corps […] Elle sait déjà qu’elle doit avoir un engagement à 100% sur les séances de musculation/renforcement. A Fort William elle ne sera pas loin de son meilleur niveau et elle l’aura [effectivement] retrouvé pour l’été.

Nicolas Filippi, entraineur de Marine Cabirou

Il faut également qu’elle retrouve une confiance à 200% en son physique suite aux traumatismes subis à la saison 2021. Mais pas d’inquiétudes, tous les ingrédients sont mis en oeuvre pour que ces paramètres reviennent le plus vite possible.

Thomas Lemoine, ostéopathe du Scott DH Factory

Je penses que j’ai pas mal de déficit au niveau du haut du corps. Etant donné ma blessure au dos, je n’ai pas beaucoup pu travailler le haut de mon corps et sur une piste physique et engagé comme à Lourdes, ça se ressent directement ! J’ai encore vraiment besoin de rouler, de reprendre confiance, de retrouver ma fluidité. J’ai encore l’impression d’être verrouillé sur mon vélo. Je pense qu’il va me falloir un peu de temps pour arriver à retrouver mon vrai pilotage mais je vais tout faire pour que ça revienne rapidement.

Marine Cabirou

Dans le sport de haut niveau, rien n’est jamais acquis. Ce n’est pas à Marine, athlète et championne qu’elle est, qu’on l’apprendra. Mais c’est bien un des messages que son expérience, et le regard qu’elle nous offre dessus, nous apportent. On lui souhaite, néanmoins, que la maitrise de la situation, et des paramètres qui régissent son état de forme et son niveau de performance, lui permettent de retrouver son meilleur niveau. Celui qu’on lui connait lorsque, déterminée comme jamais, elle sait poser des runs FullAttack !