Lenzerheide, DH – 2023 I Les bases du mental game sont posées !

Mental game is on ! C’est un peu ce qu’il faut retenir de cette première manche de la Coupe du Monde à Lenzerheide. Que ce soit chez les garçons, où les meilleurs ont fait de jolis cadeaux à un Jordan Williams qui n’en demandait pas tant, ou chez les filles, où une Rachel Atherton sur le retour n’a pas manqué de marquer les esprits… On revient sur le pourquoi du comment, et on met quelques chiffres sur tout ça, histoire de mieux saisir qui a fait quoi, et fait quelles promesses pour la suite de la saison !

Chez les garçons

Chez les garçons, la première observation concerne la répartition des courbes du top 10. Clairement, une seconde a minima sépare le top 5 du reste du plateau. Et clairement, c’est une seconde prise au rythme, de manière régulière et continue, sur les trois premiers secteurs de la piste. Avant un sursaut d’orgueil, ou un peu de relâchement des meilleurs, entamé par tant d’efforts. Quoi qu’il en soit, cette première observation permet de désigner clairement qui était dans le coup, en finale, à Lenzerheide, et peut donc être considéré comme favoris à Leogang : Jordan Williams, Loris Vergier, Loic Bruni, Laurie Greenland & Finn Iles. À quelque chose près – Amaury Pierron – les favoris dont on parlait dans les enjeux de ce début de saison sont au rendez-vous !

Après ça, les courbes du top 5 offrent une autre opportunité de préciser le déroulement de la course. À commencer par le rythme affiché par Loic Bruni. Dans l’Émission FullAttack, Loic confie avoir le sentiment de ne pas en avoir mis autant que la piste le permettait par endroits. Sa courbe le confirme, avec son profil en dent de scie. Sur les quatre premiers secteurs, c’est un peu lui qui souffle le chaud et le froid, en fonction de sa prestation. Et c’est entre les secteurs 3 & 4 que l’on mesure l’ampleur de son freinage raté après le saut en sortie du dernier pierrier, qu’il était le seul à poser si proprement en course. Presque une seconde – 0,7s précisément – lâchée à ses concurrents. C’est beaucoup, mais avec l’avance dont il disposait – 0,483s – il restait au contact…

Ceux qui ont pu voir la course l’ont certainement ressenti comme nous. Il y avait de la fatigue chez de nombreux pilotes dans les derniers secteurs… Est-ce que c’est elle qui a coûté un freinage crucial à Loris Vergier ? On l’a vu à Lenzerheide cette année, certains pilotes profitaient de l’enchaînement passerelle/inter-inter/replat avant la pente pour tenter de trouver un second souffle… C’est là justement, que Loris Vergier a flanché. Lui n’a pas semblé se relâcher mais au contraire, peut-être trop en faire, trop vouloir en gratter. Grâce aux courbes, on sait combien cette erreur lui coûte : une seconde pleine – 1,039s perdue entre les intermédiaires 2 & 3. Sachant qu’il termine deuxième à 0,495s de la gagne, on comprend clairement ce qu’il perd ici…

La Gagne ! Celle qui revient donc à Jordan Williams, pour sa toute première manche de Coupe du Monde parmi l’élite. Comme l’ont exprimé ses concurrents, un beau cadeau pour le Britannique qui n’en demandait pas tant… Mais qu’on ne s’y trompe pas. Les plus fins observateurs de la scène internationale l’ont déjà noté par le passé. Jordan Williams et Jackson Goldstone ont démontré une qualité majeure ces dernières années en junior : ils ont une qualité d’exécution impressionnante. C’est-à-dire qu’ils savent se mettre dans leur bulle, et claquer des runs propres et saillants, de manière précise et répétée. En d’autres termes, des pilotes sur lesquels il faut compter dans le money time. C’est d’ailleurs ce que l’on voit ici. Jordan Williams est parti prudemment dans son run final. On ne donnerait pas cher de sa peau au premier intermédiaire… Mais il sait ensuite imprimer un rythme que personne ne sait suivre. Jusqu’à porter le coup de grâce, sur la fraîcheur, dans le dernier secteur. D’autant plus remarquable qu’à l’image, Loris Vergier avec qui il partage le meilleur temps au dernier intermédiaire – pour 1 millième – n’a pas l’air particulièrement fatigué, et fait un bon dernier secteur. Toute la question est désormais de savoir ce que les meilleurs mondiaux lui réservent. Par deux fois, ceux avec qui Jordan Williams partage la tête de la course aux différents intermédiaires, n’ont pas su la garder, et lui en ont fait cadeau. Mais comme Loic Bruni le duit lui-même : direction Leogang, fini les cadeaux… Mental game is on ?!

Chez les filles… 

Même observation de base, pour commencer, à la vue des courbes féminines : parmi le top 10, deux groupes se distinguent. Celles qui ont su tenir le rythme et prendre le bon wagon en début de piste, et les autres. Elles sont donc quatre sur lesquelles on peut avoir un œil avisé et averti au moment de suivre la deuxième manche de la saison à Leogang : Rache Atherton, Camille Balanche, Nina Hoffmann & Vali Höll. Mais avant de s’intéresser à elle, deux petites observations derrière, pour préciser des choses intéressantes. D’abord, le début de course quasi-identique entre Marine Cabirou et Thanee Seagrave – deux pilotes sur le retour après de longues absences – avant que dans ce match dans le match, ce soit Marine qui prenne le meilleur dans les sections les plus techniques et engagées. Autre observation, celle du profil de courbe de Gracey Hemstreet – fraîchement promue parmi l’élite – et qui finit sur le rythme le plus important au cumul des trois derniers secteurs, celui tenu plus haut par Nina Hoffmann par exemple. La vitesse est donc là, par moments…

En attendant de voir comment elle finit ou non par s’exprimer plus encore durant le reste de la saison, revenons aux quatre filles les plus rapides du jour. D’abord, pour voir où Rachel Atherton a fait la différence : en début de course ! Plus de deux secondes capitalisées à l’issue des deux premiers secteurs. Quand on repense aux propos de Camille Balanche, pas toujours à l’aise dans ses débuts de runs ce week-end, cette observation a toute son importance. D’autant que les résultats des demi-finales montraient déjà ce même déficit pour la Suissesse. En demie, Camille parvenait à reprendre la main ensuite. Sauf que cette fois, en finale, Rachel Atherton parvient à trouver près de deux secondes dans le deuxième secteur par rapport à son run des demi-finales. Alors, même si Camille Balanche parvient ensuite à reprendre régulièrement du temps dans la pente, comme elle sait faire, le mal est fait. D’ailleurs, les courbes nous montrent aussi qu’au jeu du pilotage dans la pente, il y avait un petit peu mieux à faire, ce qui aurait pu valoir la gagne. C’est Vali Höll qui signe le meilleur temps entre les intermédiaires 2 et 3, avant d’être plus en difficulté sur la fin de son run.

Quoi qu’il en soit, on boucle par deux dernières observations pour finir d’analyser le podium final. Ce n’est pas courant mais chez les filles comme chez les garçons, là aussi, deux pilotes font quasi jeu égal au moment d’entamer le dernier secteur. 2 centièmes entre Camille Balanche et Nina Hoffmann, avant que 26 petits centièmes ne les séparent au final… Un écart infime, tout comme la petite demi-seconde qu’il reste à Rachel Atherton sur la ligne, elle qui en a compté plus de deux à un moment donné. Bref, là aussi, les bases de la saison sont posées. Rachel peut-elle se sentir menacée ? Camille et Nina vont-elles réagir à la hauteur de la pique reçue ce week-end ?! On arrête là pour le ton téléréalité, mais au fond, c’est bien des bases du mental game qui s’installe en ce début de saison, dont il s’agit.