Ce matin, la brume s’est immiscée au coeur de la forêt. Familier de l’adage après la pluie vient le beau temps – que le sud respecte si bien – j’aurais pour habitude d’attendre le retour du soleil avant de sortir à nouveau pour rouler ce Devinci Troy. Oh le sudiste ! Pourtant, cette fois, mon intuition me dit d’y aller…
Comme si les heures passées au guidon du Troy m’avaient fait changer d’état d’esprit. Comme si elles inscrivaient en moi l’idée que l’ambiance serait forcément magique, et que je ne le regretterais pas.
J’ai pourtant les photos de cet essai à assurer ce matin là, mais dehors, c’est un peu Beautiful British Colombia. En sirotant le smoothie que m’inspire le tout récent Instantané de Yoann Barelli, je me remémore les moments passés sur ce vélo. Et là, quelque chose me dit que je ne regretterais pas d’aller m’amuser au fond des bois…
Devinci Troy RR 2016
[cbtabs][cbtab title= »Prix »]6799 euros [/cbtab][cbtab title= »Poids »]13,330kg (vérifié, taille L, sans pédales, pneus d’origine, monté en chambre à air)[/cbtab][cbtab title= »Fiche produit »]http://www.devinci.com/bikes/bike_705_scategory_166[/cbtab][/cbtabs]
Entre deux eaux…
Sur la route qui mène au spot, mon esprit navigue entre deux eaux. Une part de moi interroge ma prudence et mon bon sens : le terrain sera-t-il praticable ? Quel temps ferait-il demain ? Une autre part repose sur mon inspiration et mon enthousiasme : l’ambiance va être folle ! Tellement dans l’esprit du vélo et de la tenue…
Avec le recul, je pense que j’ai tenté ce pari sur la même inspiration que celle qui guidait la mise en tuyaux de cet essai : et si ce Troy avait en lui de quoi repousser certaines limites, et penser les choses différemment ? J’évoquais il y a peu mon intuition quant à sa capacité à inspirer des enduros modernes en 150mm ultra-polyvalents. Et je ne me suis visiblement pas trompé…
L’embarras du choix
Les premiers essais m’avaient laissé aussi enthousiaste que perplexe : le Troy fonctionne, quelque soit les 25 à 40% de SAG arrière, 20% à 30% avant. Que choisir finalement ?
D’origine, le Troy est livré avec 3 spacers dans l’amortisseur. Mes premiers relevés m’indiquaient qu’il s’agissait d’une bonne option pour rouler entre 35 et 40% de SAG, couplé à 30% devant. Chez Sabma, on m’indiquait même que Damien Oton n’hésite pas à utiliser cette configuration. C’est donc sur cette idée que je suis parti, détentes relativement peu freinées en conséquence.
Grip phénoménal, sensation d’avoir plus de débattement que les 140mm annoncés, progressivité toujours très présente… J’ai le sentiment qu’ainsi, le Troy peut affronter une journée en station, à rouler placard dans les alpages, entre autre. Mais je dois provisoirement me rendre à l’évidence : les pneus livrés d’origine ne peuvent décidément pas suivre ces folies…
Il me faut donc en utiliser d’autres, plus costauds, pour tenir le rythme. Les Michelin Wild Race’R et Wild Rock’R viennent en renfort. Leurs caractéristiques, que je commence à cerner, grossissent certains traits du Troy. Précis et solide sur ses bases, il requiert des carcasses toutes aussi rigoureuses pour s’exprimer : Les Michelin, comme les DH Casing Maxxis et ou les Super Gravity Schwabe… Mais surtout, j’ai la sensation qu’à 40% de SAG, le vélo n’est plus aussi vif qu’il n’y paraissait en début d’essai, alors même qu’il était déjà chaussé de ces imposantes carcasses…
Un peu collé dans les appuis, j’ai parfois du mal à enchainer les courbes qui se suivent sans prendre de retard. Un peu scotché à la relance, j’ai la sensation que le vélo n’est pas aussi vif qu’il a pu l’être. Je trouve une grande partie de la solution en réduisant le SAG à 32% et en supprimant un spacer. Plus réactif, plus joueur, le Troy n’en perd pas pour autant cette géométrie magique : celle qui donne la sensation de toujours pouvoir appuyer sur le vélo pour augmenter l’adhérence tant il y a de reach, de stack et d’angle devant. Invincible ou presque, le cintre restera devant, quoi qu’il arrive…
Alors forcément, je me prends au jeu. Au départ, je ne ressentais pas le besoin de Tokens dans la Pike. Pour une utilisation All Mountain, je reste persuadé que ce n’est pas indispensable. Mais face à une telle invitation, je n’ai pas résisté : me voilà de nouveau avec 2 cales dedans ! Je vais finir par croire que ça devient une habitude…
Réglages | Avant | Arrière |
---|---|---|
SAG | 25% | 35% |
Détente | -3/18 | -10/18 |
Compression | ouvert | ouvert |
Token / Spacers | 0 | 0 |
Clics de détente comptés depuis la position la plus vissée des molettes. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaule à l’aplomb du guidon.
Des hauts et des bas…
Le Troy offre deux positions de géométrie. Les réglages de suspensions idéaux valent-ils pour la position Hi ? pour la position Lo ? À mon sens, pour les deux. Dit autrement : ces deux positions ne requièrent pas de chambouler les settings. Les plus tatillons pinailleront sur 2 à 3% de SAG et 2 clics en détente, mais il ne s’agit pas là d’une révolution ou d’un fardeau. Tout comme la selle creuse qui permet d’envisager les deux sans avoir à modifier sérieusement son orientation.
Je n’ai pourtant pas dit qu’il n’y a aucune différence entre Hi et Lo : il y en a belle et bien !
En liaison, au pédalage, assis sur la selle, sur chemin encombrés, le choix de trajectoire diffère. En position Hi : l’angle de direction plus vertical augmente la maniabilité, et l’appui sur le cintre plus important assure une bonne adhérence de la roue au sol. On a alors tendance à choisir de serpenter entre les obstacles et les contourner. Le boitier plus haut évite efficacement d’heurter les manivelles.
En position Lo, il suffit d’une légère traction des bras pour soulever et poser la roue sur les obstacles. Bassin bien calé dans la selle, on a alors le choix d’user ou non du blocage pour jouer sur la manière qu’a la suspension de gommer les aspérités du sol. Même dans les plus fortes pentes en position Lo, le Troy ne cabre pas. Bien au contraire, le répondant de ses bases courtes pousse à grimper l’impossible.
Quand la pente s’inverse, la différence entre les deux positions me rappelle ce que j’ai pu mettre en évidence lors de l’essai du Meta AM V4. J’y comparais sa position à celle induite sur le Spectral AL EX. L’un offre une situation «centrale» du pilote, l’autre, le déporte vers l’arrière. C’est exactement cette différence que je retrouve sur le Troy, entre les positions Hi et Lo. Pouvoir passer de l’une à l’autre, en quelques instants, sur un seul et même vélo qui élimine implicitement tout autre élément perturbateur, m’a convaincu : c’est positionné sur l’arrière, boitier bas, que le Troy m’a offert le plus d’occasion d’exprimer mon tempérament…
Une lettre en trop…
En position Hi, le Troy est l’archétype du All Mountain. Vif de direction, c’est un régal de tricoter entre les arbres. Même avec les «gros» pneus, on sent l’influence des bases courtes sur la nervosité du vélo : il suffit d’un coup sec pour sentir qu’il est possible d’accompagner le tout, pour « brusquer » son pilotage et bondir d’un obstacle à l’autre. De quoi s’amuser dans la garrigue ou au fond des bois, à tournicoter à basse et moyenne vitesse. Lorsque l’allure augmente encore, en courbe notamment, je ressens comme une appréhension : le Troy incite à attaquer, mais j’ai la sensation qu’à un moment ou un autre, la roue avant va serrer ou que le cintre va accrocher une branche, et stopper net ma progression.
Il est alors temps de passer en position Lo : tout est décuplé ! Le Troy passe dans une autre dimension. L’angle de chasse, le reach, les bases courtes, le boitier bas… Tout incite à charger le cintre et pousser le vélo vers l’avant dès qu’un virage se présente. Jouer avec le guidon, mettre de l’angle sans appréhension… Non content de donner l’assurance qu’il faut pour entrer fort en courbe, le Troy me le rend bien et sort plus fort encore !
À la relance, le vélo est un jouet ! En 2013, Steve Smith avait inauguré le premier Troy à Whistler, sur A-Line, en plein Crankworx… Ça paraissait fou, mais maintenant, je comprends ! En écrasant les pédales, il suffit de tirer sur le cintre pour que la roue avant décolle et se pose plusieurs mètres après ! Moi qui n’ai pourtant pas un passé de BMX ou de piste, j’en viens à prendre un plaisir maladif à sprinter dès qu’un bout droit se présente…
Dans la pente, bien appuyé sur le Chromag en 800mm, il ne manque qu’un poil de débattement à l’arrière, ou bien juste un peu plus de temps, pour m’assurer que la détente haute vitesse ne me fera pas défaut… Il ne manque pas grand chose pour me lâcher sur les plus gros chocs sans être désarçonné. Je touche certainement là une des limites de ce petit vélo, mais il lui en manque si peu pour en faire tellement plus..!
La roue arrière se manoeuvre avec une facilité déconcertante. Je prends un malin plaisir à la décoller du sol pour mieux la plaquer dans l’appui suivant. Genoux écartés, jambes fléchies qui touchent le sol, coudes prêt à charger le cintre, regard au loin qui cherche à voir à travers les arbres… Engage tant que tu peux, le Troy est un jouet !
Son prénom, c’est Juste ?!
Un jouet juste et fidèle, à bien des égards. D’abord par la précision et la rigidité de l’ensemble. Chaussé de grosses carcasses, de la poignée au bout du crampon, il n’a pas de maillon faible : grip, cintre, potence, cadre, pédalier, fourche, axes, roues, pneus… toute la chaine de rigidité est au rendez-vous pour assurer. Le moment venu, à plusieurs reprises, j’ai poussé, autant que possible, pour que ça passe, avec succès !
Dans ce cas de figure, la précision de l’ensemble est telle que ce sont bien les suspensions qui jouent le rôle d’amortisseur. Ici, tout passe dedans, et la cinématique y va de sa qualité intrinsèque. D’une progressivité hors pair, elle offre toujours un maintien en adéquation avec l’appui que l’on exerce : plus on pousse, plus elle s’affermit, sans fuir ou s’y refuser. Pas de question à se poser, la réponse est toujours pertinente et régulière. Plutôt prudent, du genre à en garder sous le coude au cas où, j’ai plusieurs fois osé en mettre davantage en me disant vas-y, ça passe ! avec succès !
La limite intervient lorsque, pris par le temps ou la fatigue, j’ai tendance à laisser filer. Quelques mouvements de terrain, rochers ou racines, que je devrais faire l’effort de survoler, tapent les roues. Sur ces chocs que je laisse venir à moi, face auxquels je ne fais pas l’effort d’être solide, le débattement vient à manquer. Ça tape, je ralentis. C’est vrai, le Troy n’a que 140mm derrière. C’est bien ici la limite de ce petit vélo qui, à tous autres égards, vaut un grand !
D’autant plus qu’il me suffit de quelques instants pour me ressaisir, et repartir de plus belle. Le Troy est juste, et demande à l’être. Si je fatigue, où si je m’oublie, il me rappelle à l’ordre et ne demande qu’une chose : que je m’applique à nouveau. Et dès que j’y parviens, même d’une once de lucidité, le rythme revient, et l’engagement n’attend que moi. Là où d’autres tenteraient faussement de compenser à ma place, le Troy montre la bonne trajectoire du doigt et me met une tape sur l’épaule pour dire allez mon gars, on y retourne ! Certainement ce qui m’a poussé, en plein mois de janvier, à oser chasser quelques chronos clés du secteur. Oups, voilà mes temps références du printemps dernier, au guidon du Spectral, menacés, presque égalés en quelques sorties seulement..!
Conclusion
Je crois que c’est clair, le Troy m’a plus. Ne serait-ce que parce qu’il a répondu à l’intuition et aux questions que je pouvais me poser à sa prise en main. Oui, le Troy a tout d’un grand, à un détail près. Me voilà donc avec une foule d’idées au moment de répondre à l’habituelle question : pourquoi voudrais-je garder ce vélo ?
«Le Troy est capable de bien plus que le terme All Mountain peut lui prêter. Il vient d’un pays ou s’amuser au fond des bois n’est pas superflu et il a dans ses gènes cette dimension plaisir, tout autant que le sérieux et la précision qu’un excès d’enthousiasme peut nécessiter. Chaque session à son guidon n’a été qu’une surenchère d’engagement de ma part. Et même lorsque le sentiment d’en avoir trop fait survient, il sait se monter droit dans ses bottes et me montrer la voie pour se reprendre. En ça, le Troy serait un allié, une arme, précieux. Le complément idéal à mon tempérament à la fois enthousiaste mais prudent. J’ai trouvé là un vélo que j’ai clairement envie de compter dans ma collection ! Non vraiment, mon seul regret lors de cet essai, aura été de devoir le rendre…»
Positionnement & usage
En synthèse, le tableau de positionnement et d’usages permet, en un seul coup d’oeil, de saisir les capacités du vélo.
Trail | All Mountain | Randuro | Rallye Enduro | Vélo de montagne | Station & navettes |
---|---|---|---|---|---|
Pratique inadaptée | Pratique ponctuelle | Pratique possible | Pratique régulière | Pratique de prédilection |
Comparées à celles des autres vélos à l’essai permettra de répondre à l’éternelle question > par rapport à l’autre, qu’en penses-tu..? rendez-vous sur la page du Comparateur d’essais VTT Endurotribe pour en savoir plus > https://fullattack.cc/comparateur-essais-vtt-2016/