Bilan après un an
Fin 2019 je prenais la décision de changer de vie. En juillet 2021, je quittais mon poste de concepteur en bureau d’études pour passer le diplôme de moniteur/guide VTT et au 1er janvier 2023 je lançais mon entreprise pour travailler à 100% dans le milieu du vélo. Vous ne comprenez pas de quoi je parle ? Je vous invite à (re)lire les trois premiers articles qui traitent de ma reconversion professionnelle afin de donner un peu de contexte à celui qui suit.
Texte : Théo Meuzard – Photos : Romain Laurent, Victoire Joncheray, Lucas Leufen, Keno Derleyn
Les chapitres précédents
- Chapitre 1 – Génèse et reconversion
- Chapitre 2 – La formation DEJEPS VTT
- Chapitre 3 – Création de l’entreprise et lancement de l’activité
Introduction
Dans le chapitre précédent, j’évoquais le lancement de mon activité d’indépendant en tant que moniteur/guide VTT et mécanicien cycles. En tant que fidèles lecteurs de FullAttack, il ne vous a pas échappé que ce chapitre 3 omet la troisième facette de mon activité professionnelle : celle de journaliste pour la partie XC de votre cher média fun, fast et frenchy.
Même si au moment de l’écriture du chapitre 3, les projets FullAttack en XC avaient déjà démarré en sous-marin, nous souhaitions annoncer la nouvelle en bonne et due forme à travers un article dédié à l’aube du début de saison (lire Théo Meuzard rejoint la rédac’ pour vous parler de XC !).
De deux activités conjointes prévues à l’origine du projet, le hasard et l’opportunité ont fait que le job de journaliste est venu s’ajouter juste avant le coup d’envoi de ma nouvelle vie professionnelle. Dans cet article, je vous propose un bilan d’ensemble après 1 an. Coups durs, bonnes surprises, rémunération, vous saurez tout !
Équilibre de vie
Je l’expliquais au début du premier chapitre, ma reconversion n’a pas seulement été impulsée par une volonté de changer de métier. J’étais davantage animé par la quête d’un meilleur équilibre de vie global. Cela devait passer par une activité professionnelle plus épanouissante et en phase avec mes valeurs, mais aussi par une manière d’exercer qui m’autoriserait plus de flexibilité et qui laisserait plus de place à mes activités extra professionnelles. Alors, pari réussi ?
Au global, oui. Sur l’ensemble de l’année, je suis satisfait du rythme cadencé par mes choix de vie.
Je me suis senti un peu dépassé par les évènements entre mars et mai, période durant laquelle j’ai eu beaucoup de travail et où j’ai eu la sensation de subir. Après avoir trouvé un rythme et affiné l’organisation, j’ai mieux encaissé les autres périodes de charge et je suis davantage resté maître de mon emploi du temps. Le fait de principalement travailler depuis chez moi m’offre la possibilité d’organiser mes journées comme je le souhaite. Cela me permet par exemple d’aller faire un tour de vélo entre deux réparations à l’atelier et ainsi prendre du temps pour moi, même lors d’une période chargée. Au quotidien, je trouve que c’est un véritable luxe. Je peux organiser mes journées en fonction de la météo, d’un rendez-vous chez le médecin… Comme tout le monde, j’ai des impératifs et des délais à tenir mais j’ai indéniablement plus de libertés qu’avant.
En fait, le plus gros défi a été de trouver une organisation pour jongler efficacement entre mes trois activités. J’avais tendance à me disperser en passant d’une activité à l’autre, alors pour limiter cet effet j’ai commencé à dédier des laps de temps définis pour une activité en particulier, allant d’une demi-journée à quelques jours.
Il n’y a pas mieux qu’un petit tour de vélo pour aller se vider la tête pendant une journée chargée…
Le deuxième effet kiss cool, c’est que je dors plus qu’avant. Je vois déjà venir les railleries, mais je suis heureux de pouvoir dire qu’en ayant plus de flexibilité, j’ai bien plus de facilité à respecter mon quota biologique de sommeil. A toute règle son exception, les week-ends de reportage FullAttack engendrent des dettes de sommeil que je mets plusieurs jours à rattraper ! Mais vous le savez, c’est pour la bonne cause… 😉
Enfin, dernier pilier de mon équilibre de vie : l’épanouissement. S’il y a eu des périodes de forte charge de travail, pas toujours faciles à gérer, je peux me targuer de n’avoir travaillé que sur des choses qui me plaisent. À aucun moment je n’ai eu l’impression de faire un travail alimentaire et cette année a été incroyablement riche en apprentissage et en rencontres. Côté encadrement VTT, j’ai eu la chance de transmettre ma passion aux jeunes du club d’Annecy. Côté atelier, j’ai eu la satisfaction de trouver des solutions adaptées pour mes clients et de réparer plus d’une centaine de vélos. Pour terminer, les reportages FullAttack m’ont offert la possibilité de rencontrer des personnes que je n’aurais jamais eu l’opportunité de côtoyer autrement et de vivre des expériences incroyables comme le test event des jeux olympiques ou la première manche de la coupe du monde en immersion au sein de l’équipe Rockrider Ford.
C’est pour revivre des moments comme ceux-là que j’ai hâte que la saison reprenne !
Vivre avec l’équipe Rockrider Ford leur premier podium international grâce à la deuxième place de Joshua Dubau à Nove Mesto restera une expérience gravée dans ma mémoire… Les lacs du Connemara et la virée dans un bar de Prague le dimanche soir également.
Les risques du métier
Par deux fois cette année j’ai lourdement chuté, et si je n’avais pas besoin que ça arrive pour le savoir, j’ai été confronté à l’implacable réalité selon laquelle le métier de moniteur/guide VTT ne peut s’exercer qu’avec un corps en état de marche.
La première chute a eu lieu en février, trois jours avant un stage de cinq jours que j’organisais pour le groupe XC performance du club d’Annecy. Deux jours avant de partir je pouvais à peine marcher à cause de grosses contusions à la cuisse et au dos. L’option d’annuler le stage était hautement probable et cela aurait bien impacté ma rémunération mensuelle. Pendant trois jours j’ai maximisé la récupération et les soins, et en empruntant un vélo électrique j’ai finalement pu encadrer le stage comme prévu. C’est bien la seule fois où j’ai apprécié rouler en elec’ !
La seconde chute a eu lieu fin juillet en bike park. J’ai accroché une souche avec la pédale droite et j’ai été projeté en avant. Le choc a été violent et je me suis cassé une côte. Je n’ai pas pu rouler en VTT pendant un gros mois et j’ai mis un peu plus de deux mois à récupérer complètement.
Côté timing, cette blessure est plutôt bien tombée car j’avais prévu de ne pas encadrer en VTT en août afin de me ressourcer et rouler pour moi. La blessure ne m’a pas empêché de travailler en atelier, donc elle a finalement peu impacté mon activité professionnelle.
Ces deux chutes m’ont fait une bonne piqûre de rappel à propos de deux choses. La première étant l’importance d’avoir des assurances personnelles et professionnelles adaptées pour compenser les pertes de revenus en cas d’incapacité à travailler, et la seconde concernant la nécessité de prendre soin de son corps pour limiter le risque de blessure. Cela passe par une bonne hygiène de vie et un entraînement régulier.
Moins grave, mais entrant tout de même dans la rubrique des risques du métier, je peux citer les prestations qui s’annulent au dernier moment pour X ou Y raison. Avoir un fonds de roulement permet d’encaisser les fluctuations d’activité.
En incapacité de rouler, le mois d’août a été consacré au repos et à la mécanique. Les risques du métier, comme on dit…
Opportunités et bonnes surprises
Des bonnes surprises, il y en a eu plein ! La première à laquelle je pense, la plus notable, a été la proposition que m’ont faite Alice et Quentin fin 2022 de rejoindre la rédaction de FullAttack pour vous parler de XC. Avoir carte blanche pour vous parler de ma discipline de cœur était une opportunité que je ne pouvais pas manquer. J’en reparle ici car, si je n’avais pas fait la démarche de travailler en indépendant dans le vélo, il y a peu de chance que cette opportunité se soit un jour présentée à moi. Impossible de marier métier salarié à 100% et activité de journaliste. J’aime à penser que les opportunités se saisissent autant qu’elles se provoquent.
Devenir journaliste FullAttack ne faisait pas partie de mon plan de carrière mais cela s’inscrit dans les belles opportunités qui se sont offertes à moi.
Si nous étions plutôt confiant à l’idée que le XC soit bien accueilli sur FullAttack, nous n’étions pas certain que le contenu associé à cette discipline ait un succès immédiat. Nous avons rapidement été rassurés par les retours que vous nous avez faits, et par les statistiques de notre chaîne Youtube. Parmi les dix vidéos les plus vues en 2023, sept sont des vidéos de cross-country, dont les trois premières. Pour un média qui s’était jusque-là dédié aux disciplines gravity, nous n’aurions pas forcément parié là-dessus !
Au rang des bonnes surprises également, j’ai été heureux de constater une première année bien remplie et une activité qui décolle rapidement. Le mot surprise n’est peut-être pas tout à fait le bon, dans la mesure où je savais où je mettais les pieds et que j’avais suffisamment préparé le terrain en amont pour démarrer confiant. J’ai toutefois été soulagé de constater que mes prédictions étaient fondées. Si parfois des prestations ont été annulées au dernier moment, d’autres à l’inverse se sont rajoutées et ont contribué à cette année réussie.
Et du coup, tu es riche ?!
Riche en expériences vécues, c’est une certitude ! Quant à la rémunération, je vais tâcher d’être pragmatique dans les informations que je vais donner, et vous serez libre de les interpréter comme bon vous semble, partant du principe que nous n’avons pas tous le même référentiel sur ce qu’est une bonne ou une mauvaise rémunération.
Avant de rentrer dans le détail, permettez-moi de remettre quelques éléments de contextes. J’ai créé mon entreprise fin 2022 pour un début d’activité officiel au 01/01/2023. J’ai fait le choix de l’entreprise individuelle au régime micro social et micro fiscal (micro entreprise). Les raisons de ce choix sont détaillées dans le chapitre 2. Les chiffres que je vais donner concernent donc mon année fiscale du 1er janvier au 31 décembre 2023. J’ai créé mon entreprise en étant inscrit à Pôle Emploi (nouvellement appelé France Travail), et en étant bénéficiaire des allocations-chômage. Dans cette situation, j’ai bénéficié de l’ACRE (aide à la création d’entreprise), qui se traduit par des cotisations sociales divisées par deux pendant 1 an. De plus, je suis resté inscrit à Pôle Emploi (et je le suis toujours, jusqu’à ce que mes droits soient épuisés). Cela signifie que j’ai déclaré chaque mois mon chiffre d’affaires mensuel à Pôle emploi et que celui-ci m’a versé, ou non, un pourcentage de mes allocations-chômage de sorte à atteindre mon salaire de référence. Je ne rentrerai pas ici dans le détail des calculs permettant à Pôle Emploi d’estimer ma rémunération nette à partir de mon chiffre d’affaires. Mon salaire de référence correspond plus ou moins au salaire que je touchais lorsque je travaillais dans l’industrie. Il me semble important de souligner que tout ce que Pôle Emploi ne vous verse pas à la fin du mois n’est pas perdu. Le montant est converti en jours qui repoussent d’autant la date de fin de vos droits aux allocations-chômage. C’est la raison pour laquelle à l’heure où j’écris ces lignes, ma date de fin de chômage initialement prévue au 6 septembre 2023 est repoussée au 22 Juin 2024. Et chaque mois où je déclare du chiffre d’affaires repousse un peu plus cette date. Cela permet de démarrer sereinement.
Afin que les chiffres ci-dessous soient représentatifs des résultats de l’entreprise et rien d’autre, ceux-ci prennent en compte l’ACRE, mais PAS les versements d’allocations-chômage. Pour terminer ce long, mais nécessaire, paragraphe de contexte, le chiffre d’affaires correspond à tout l’argent qui rentre (montant facturé), et la rémunération est ce que j’ai pu me verser après déduction de toutes les charges (cotisations sociales, transports, achats de pièces etc…).
Je ne vous ai pas perdu ? Alors rentrons dans le vif du sujet…
- Chiffre d’affaires annuel « objectif » : 30 000€
- Chiffre d’affaires réalisé en 2023 : 35 500€
Répartition du CA par activité
- Moniteur/guide VTT : 45%
- Mécanicien cycles : 31%
- Journliste FullAttack : 24%
En 2023 c’est l’encadrement VTT qui m’a le plus occupé. J’ai travaillé presque exclusivement avec le club d’Annecy pour lequel je suis prestataire. J’ai eu entre 7 et 11h par semaine sur les périodes de mars à juin puis de septembre à octobre. Aux séances de cours hebdomadaires se sont ajoutés les différents stages. Parallèlement à cela j’ai effectué quelques prestations pour diverses entreprises ou particuliers.
Côté mécanique, j’ai travaillé uniquement depuis mon atelier situé contre mon domicile (plus de détails dans le chapitre 2). Un peu plus de cent vélos de tous types sont passés entre mes mains durant l’année.
Enfin, j’ai pris part à 10 projets FullAttack dont 3 portraits de pilote et 7 courses, auxquels sont venus s’ajouter quelques articles écrits.
Comme je l’écrivais un peu plus haut, l’activité globale a été un peu plus élevée que prévu, le chiffre d’affaires et ma rémunération l’ont donc également été. Je précise que cette répartition du chiffre d’affaires ne reflète pas forcément la demande. Ces trois activités sont des vases communicants et si je veux faire un peu plus de l’une, je dois faire un peu moins d’une autre, en gros.
En moyenne sur l’année, j’ai pu me dégager une rémunération mensuelle 15% supérieure à ma rémunération « objectif », qui elle-même correspond à la rémunération que j’avais lorsque j’étais salarié. Je rappelle que ce résultat prend en compte l’ACRE mais pas les allocations-chômage. Je parle ici de rémunération nette d’impôts pour qu’elle soit comparable à ma précédente rémunération de salarié qui l’était aussi.
L’an prochain je n’aurai plus l’ACRE, mais j’aurai quelques charges en moins (achat de pièces ou d’outils pour l’atelier) et je peux raisonnablement prévoir une légère hausse de chiffre d’affaires. J’entame donc l’année qui débute sereinement.
Le chiffre d’affaires, la rémunération, c’est bien beau tout ça, mais il s’agirait de ne pas oublier l’essentiel : Se garder du temps pour arpenter la montagne.
Conclusion
En deux mots, je suis très satisfait de cette première année qui s’est globalement très bien passée à tous points de vue. Il y a eu des périodes plus difficiles que d’autres, mais jamais le moindre doute ou regret, bien au contraire. Je suis heureux et fier du chemin parcouru ces dernières années. Je suis heureux car grâce aux choix que j’ai faits je suis plus proche que jamais de mon idéal de vie. Et je souhaite à tout le monde te trouver l’équilibre qui lui convient.
Désormais, l’objectif est de pérenniser tout ce que j’ai mis en place. Très impliqué dans tout ce que j’ai entrepris cette année, j’ai fait face à pas mal de fatigue psychologique. Je travaille donc sur mon lâcher prise et l’expérience engrangée cette année devrait me permettre d’aborder les choses avec plus de légèreté. Plutôt que d’éviter l’orage, il faut apprendre à danser sous la pluie.
Je vais effectuer de petits ajustements pour mieux gérer mes différentes activités. Parmi eux, j’ai décidé de prendre un peu moins de créneaux d’encadrement avec le club d’Annecy. Cela laissera un peu plus de place à la mécanique et réduira la fatigue. L’encadrement VTT est de loin l’activité qui me mange le plus d’énergie.
Je serai aussi probablement un peu plus présent sur le terrain pour vous faire vivre les évènements cross-country sur FullAttack.
Je tiens à chaleureusement remercier mes clients pour la confiance qu’ils m’ont accordée, mes partenaires pour leur soutien depuis des années, mais aussi les athlètes, les équipes qui se sont prêtés au jeu des interviews.
Enfin, j’adresse une nouvelle fois mes remerciements à Alice et Quentin, les « boss » de FullAttack, pour m’avoir embarqué dans l’aventure avec eux et pour me laisser carte blanche dans la façon d’aborder les sujets.
Rendez-vous dans quelques années pour faire le bilan après 10 ans ?
Comme pour les autres articles, n’hésitez pas à me contacter via mon site Internet ou mes réseaux sociaux si vous avez des remarques ou questions. Je me ferai un plaisir d’y répondre !
Théo
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