Tout plaquer pour vivre du vélo – Chapitre 3

Dans ce troisième et dernier chapitre du dossier sur ma reconversion professionnelle, je vais vous parler de la dernière phase du projet : la création d’entreprise et le lancement de mon activité d’indépendant. Ce n’est pas forcément la partie la plus simple, mais c’est sûrement la plus excitante ! C’est la dernière ligne droite, celle durant laquelle le projet prend vie. Pour remettre les évènements dans leur contexte, je vous invite à lire les deux premiers chapitres : Chapitre 1 (Genèse et reconversion), Chapitre 2 (La formation DEJEPS VTT).

Chapitre 3 – Création de l’entreprise et lancement de l’activité

Texte : Théo Meuzard

Définir son projet pro

Avant de m’étendre sur mon projet en particulier, j’aimerais m’attarder sur quelques généralités concernant la création d’un projet professionnel. Loin de moi la prétention de tout connaître sur le sujet, j’aimerais revenir sur quelques éléments qui me semblent importants auquel j’ai été confronté durant mon projet mais qui par extension sont transposables à n’importe quelle situation.

Tout d’abord, cela peut sembler basique, mais il est primordial de faire le point sur ses envies et ses compétences. Qu’est-ce que j’ai vraiment envie de faire ? Qu’est-ce que je sais déjà faire ? Qu’est-ce que je vais devoir apprendre… C’est ce qui va définir tous les prérequis à votre lancement d’activité. Vous allez ainsi mettre en avant, s’il y a, les diplômes obligatoires et donc les formations associées. Cette phase de réflexion va permettre de considérablement affiner le projet.

Une fois les grandes lignes du projet dessinées et les prérequis identifiés, on peut rentrer un peu plus dans le détail et commencer à se renseigner. C’est le moment de se demander si on préfère travailler en salarié ou en indépendant, le cas échéant, choisir un statut juridique adapté, prendre conscience des coûts liés à l’exercice de ses fonctions etc.

Une fois tous les éléments rassemblés, il sera temps de planifier la création d’entreprise et le lancement de l’activité grâce aux éléments que vous aurez identifié précédemment.
C’est aussi le moment d’établir son business plan et d’analyser la concurrence pour évaluer la viabilité du projet.

Votre projet évoluera au gré de vos recherches et des informations que vous allez extraire. N’ayez pas peur de remettre en question votre idée initiale pour que votre projet vous plaise autant qu’il fonctionne.

Pourquoi vouloir changer de vie ?

À l’origine de ma reconversion professionnelle, il n’y avait pas que la volonté de changer de métier. C’est tout mon équilibre de vie que j’ai questionné afin de quérir le graal (le mien en tout cas !) : bonheur et bien être au quotidien.

Lorsque je travaillais dans l’Industrie, j’avais la désagréable sensation que la vie que je menais n’était pas celle que j’avais choisie et que le temps me filait entre les doigts. J’étais agacé d’être dépendant de jours et d’horaires de travail fixes, mais aussi d’être bloqué derrière mon écran les jours de grand beau temps, à travailler pour des gens qui n’avaient manifestement pas les mêmes valeurs que moi.

Synthèse de la réflexion et mise en place du projet

La synthèse de cette réflexion m’a amené à imaginer un équilibre de vie basé sur une activité professionnelle épanouissante et une certaine flexibilité au quotidien dans l’exercice de mon métier afin de plus facilement laisser place aux activités qui me rendent heureux en dehors du travail.

L’idée de travailler dans ma passion du vélo s’est rapidement imposée, toutefois je me suis longuement questionné sur l’approche à adopter pour éviter de transformer cette passion en banal métier alimentaire.

J’ai fait le point sur mes envies et mes compétences déjà acquises et j’en ai déduit que la pluriactivité serait le meilleur moyen d’étaler la charge de travail sur l’année et d’amener de la variété, nécessaire sur le long terme. Après discussions avec plusieurs amis moniteurs/guides déjà en place, j’ai compris que ce métier avait une multitude de facettes et qu’il pouvait être compatible avec la notion de flexibilité que j’évoquais plus haut.

D’autre part, ayant de bonnes connaissances en mécanique, j’étais très motivé à l’idée de travailler dans ce domaine également.

Tiraillé pendant un temps à l’idée de choisir l’une ou l’autre de ces activités, je me suis finalement mis en tête d’exercer les deux, en indépendant.

Allier passion et rémunération c’est tentant, mais gare à la partie immergée de l’iceberg.

À ce stade, deux difficultés se présentaient devant moi. La première était l’obtention du DEJEPS VTT, diplôme indispensable aux activités d’encadrement, et la seconde était de trouver un endroit pour exercer en mécanique cycles.

Parallèlement à mes démarches pour entrer en formation DEJEPS VTT (que j’évoque dans les deux premiers chapitres), je cherchais une solution pour la mécanique. Pour que le projet fonctionne, il fallait que je puisse jongler facilement et rapidement entre l’encadrement et la mécanique. En d’autres termes, l’idéal était d’avoir un atelier tout proche de chez moi, voire même chez moi, ce qui présentait également l’avantage d’alléger les charges liées à l’achat ou la location d’un local. Conscient de la difficulté que représentait ce critère, et ayant un budget réduit par rapport au prix de l’immobilier dans le bassin annécien, j’avais relégué l’idée d’avoir mon propre atelier au second plan.

Et puis un jour, au détour d’une visite immobilière qui ne s’annonçait pas spécialement prometteuse de prime abord, je suis tombé sur un lot composé d’un petit rez-de-chaussée de maison à aménager intégralement et… d’un garage vétuste, mais plutôt spacieux.

La configuration des lieux laissait entrevoir la possibilité de faire un accès direct entre le garage et le futur appartement. Immédiatement, j’y ai vu l’occasion rêvée de construire mon propre atelier, chez moi. Le bien étant dans mon budget, j’ai immédiatement fait une offre, qui a été acceptée. C’était à la fin de l’année 2019.

Il ne m’a pas fallu longtemps pour imaginer mon atelier lorsque le promoteur m’a ouvert la porte du garage.

Faisons un bon dans le temps : j’ai créé un appartement dans lequel je vis, au rez-de-chaussée de cette maison, et je viens de quitter mon CDI en bureau d’études pour entamer ma reconversion professionnelle (Voir Chapitre 1 « Genèse et reconversion »), nous sommes en juillet 2021.

Je profite des trois mois qui séparent ma démission du premier jour de la formation DEJEPS VTT pour construire ce qui deviendra mon atelier de mécanique cycles.

Il a d’abord fallu supprimer les infiltrations d’eau, puis amener l’eau et l’électricité avant de faire une bonne rénovation globale : peintures, pose du carrelage, plaquage des murs et aménagement des espaces de rangement. Début septembre 2021, mon atelier est opérationnel ! Toutefois, il ne verra son premier client qu’en janvier 2023…

Septembre 2021, l’atelier est opérationnel. Il évoluera légèrement par la suite avant d’accueillir son premier client un plus tard…

Choix et démarches pour la création d’entreprise

Une année s’écoule, durant laquelle je passe mon DEJEPS VTT (chapitre 2). J’avais à cœur d’attendre l’obtention de mon diplôme de moniteur avant de créer mon entreprise, même s’il est possible de le faire avant. En novembre 2022, j’obtiens le précieux sésame, et en décembre j’entame la phase de création d’entreprise après une phase durant laquelle j’ai affiné mes estimations de dépenses et recettes et le prix de mes prestations. L’objectif était de lancer officiellement l’activité au 1er janvier 2023.

Statut Juridique

Souhaitant être travailleur indépendant, j’ai fait le choix d’être en E.I (Entreprise Individuelle), sous le régime fiscal et social de la microentreprise (appelée avant autoentreprise).

Le régime micro présente de nombreux avantages mais aussi quelques inconvénients et même s’il est de plus en plus répandu et facile d’accès, ce n’est pas forcément la forme juridique la plus adaptée. En fait, la forme juridique choisie doit découler du travail que vous avez fait en amont pour définir votre projet et non l’inverse.

Parmi les avantages, le régime micro offre par exemple la possibilité d’être non redevable de la TVA en dessous d’un certain seuil de chiffre d’affaires, mais aussi des cotisations sociales faibles et il n’y a pas d’obligation de tenir une comptabilité.

En gros le régime micro est simple, facile d’accès, et peu coûteux (du moins s’il est adapté à votre activité !). Il faut savoir que les plafonds de chiffre d’affaires de franchise en base TVA et régime micro ont été rehaussés en 2023 et sont valables jusqu’en 2025. Vous trouverez plus d’informations en cliquant sur les liens en bas de l’article.

Au rang des inconvénients, on retrouve l’impossibilité de déduire ses frais de fonctionnement comme le ferait une société et l’imposition sur le chiffre d’affaires plutôt que sur les bénéfices. En résumé, si votre activité nécessite des investissements ou des frais de fonctionnement élevés, le régime micro ne sera probablement pas le plus adapté. Il y a un calcul à faire avant de se lancer.

J’ai donc créé une microentreprise non redevable de la TVA avec une activité principalement libérale (l’encadrement VTT), et la mécanique cycles en activité secondaire. Le choix entre principale et secondaire est défini par le chiffre d’affaires et on peut ajouter autant d’activités secondaires qu’on veut. On peut être jardinier, moniteur VTT et plombier sous la même microentreprise.

La démarche de création en elle-même est simple, rapide et gratuite. Depuis le 1er janvier 2023 les démarches se font via le guichet unique dont vous trouverez le lien en bas d’article.

Quelques semaines plus tard, vous recevez un numéro de SIRET grâce auquel vous pouvez facturer vos prestations. Si vous souhaitez commercer avec des entreprises européennes, en dehors de la France, il vous faudra demander un numéro de TVA intracommunautaire, même dans le cas où vous êtes non redevable de la TVA en France.

Aucune certification ne vous sera demandée au moment de la création d’entreprise, toutefois certaines activités exigent aux yeux de la loi une qualification. C’est le cas de l’encadrement VTT qui ne peut être fait sans un diplôme d’encadrement (type BPJEPS, DEJEPS…).

En revanche, aucune qualification n’est obligatoire, légalement parlant, pour exercer en mécanique cycles par exemple.

Le ticket d’entrée pour accéder aux professions d’encadrement VTT !

Si vous créez votre microentreprise alors que vous touchez les allocations-chômage (ce qui est mon cas, dans le cadre du dispositif démission pour reconversion), alors chaque mois vous déclarez votre chiffre d’affaires à Pôle Emploi qui après un calcul complétera ou non votre revenu afin d’atteindre votre salaire de référence. L’allocation-chômage étant un droit, la part d’allocation qui ne vous est pas versée est convertie en jours qui repoussent d’autant la date de fin de votre chômage. Ce processus permet de démarrer sereinement son activité.

Assurances et frais liés à l’activité

Avant de se lancer, il est important de se renseigner sur les coûts liés à l’exercice de l’activité. Pour l’encadrement, une responsabilité civile professionnelle est obligatoire et une assurance individuelle accident professionnelle est vivement recommandée. Pour tout cela, je me suis tourné vers le syndicat des Moniteurs Cyclistes Français qui propose des prestations parfaitement adaptées au métier à bon tarif. Pour donner un ordre d’idée, le combo adhésion au syndicat, assurance individuelle accident et responsabilité civile professionnelle coûte environ 400€/an.
Pour l’activité mécanique, j’ai souscrit une assurance pour protéger mon atelier et ce qu’il contient, mais aussi une responsabilité civile professionnelle, obligatoire également. Cela représente 535€ par an.

Il est vivement recommandé d’ajouter à cela une mutuelle dont le montant varie fortement en fonction des prestations proposées. Pour ma part le montant s’élève à un peu moins de 500€ par an.
Enfin, au-dessus de 10 000€ de chiffre d’affaires en microentreprise, il est obligatoire d’ouvrir un compte en banque séparé qui coûtera entre quelques euros et quelques dizaines d’euros par mois. 

À ces frais fixes, qui s’élèvent à plus de 1500€/an, il faut bien sûr ajouter les cotisations sociales (pourcentage du chiffre d’affaires généré), les impôts, les frais liés au site Internet, l’achat de matériel et d’outillage, les dépenses nécessaires à la réalisation des prestations etc. En indépendant la facture grimpe vite et il est primordial de tout compter pour faire des projections réalistes. Ces chiffres vous permettront d’établir le prix de vos prestations et de savoir si votre projet est viable ou non.

Les frais quand on veut travailler en indépendant peuvent vite s’additionner. Se renseigner et tout calculer permet d’éviter les mauvaises surprises en phase de création d’entreprise.

Lancement de l’activité

C’est avec envie et fierté que j’annonce sur les réseaux sociaux le lancement de ma nouvelle activité professionnelle le 1er janvier 2023, plus de trois ans après avoir remis en question mon quotidien. C’est l’aboutissement d’un long processus et je suis heureux d’arriver à cette étape que j’attendais avec impatience. Tout n’est pas gagné pour autant puisque désormais il faut faire tourner la boutique et tenter d’obtenir l’équilibre de vie tant convoité !

Nous sommes en mars 2023 et il est trop tôt pour tirer des conclusions, mais il est clair que je suis bien plus épanoui dans mon travail que je ne pouvais l’être quand je travaillais dans l’Industrie. Les deux premiers mois ont été bien remplis, plus que prévu même, et ceux qui arrivent le seront d’autant plus. J’aborde donc l’année sereinement. En vérité, mon plus gros challenge en ce moment est de trouver le temps de tout faire. Je considère qu’avoir trop de travail lors d’un lancement d’activité est positif dans l’immédiat mais je vais tâcher de gérer cela pour ne pas être dépassé par les évènements.

Malgré une charge de travail conséquente ces dernières semaines, j’ai apprécié la flexibilité qu’apporte la vie d’indépendant. C’était quelque chose auquel je tenais beaucoup et qui contribue à mon bien-être au quotidien. Grâce à cette flexibilité, j’ai la possibilité de répartir la charge de travail comme bon me semble. Je respecte beaucoup plus qu’avant mon rythme biologique et j’ai plus de facilité à donner du temps à mes activités extraprofessionnelles.

Un exemple tout simple, je peux choisir des créneaux pour aller m’entraîner en fonction de la météo, et je peux prendre la liberté de rouler de jour en semaine l’hiver, ce qui ne m’était pas arrivé depuis que j’ai commencé à travailler en 2016 !

Je ne travaille pas moins qu’avant, au contraire même, mais je travaille différemment. Lorsque je travaille, je le fais dans quelque chose qui me plaît, et au quotidien je suis moins contraint. Tout cela contribue à mon équilibre et depuis quelques mois je revis ! Je suis beaucoup plus en phase avec mes envies et mes valeurs.

Avoir une activité professionnelle épanouissante et la possibilité de se laisser du temps pour faire autre chose à côté : N’est-ce pas le « life goal » ultime ?

Mon objectif à terme n’est pas de faire grossir mon entreprise mais au contraire de trouver le rythme qui me permettra de dégager une rémunération suffisante pour vivre convenablement tout en me laissant du temps pour profiter de la vie. Pour moi la richesse ne se définit pas par un compte en banque bien garni mais par le fait d’avoir du temps à consacrer aux choses que j’aime. C’est en suivant cette ligne de conduite que j’ai élaboré mon projet et j’espère pouvoir vous dire dans quelque temps que cette volonté est devenue une réalité.

Ainsi s’achève ce dossier sur ma reconversion professionnelle, j’espère qu’il vous aura plu et qu’il aidera certains d’entre vous à mener à bien leur projet, quel qu’il soit. N’hésitez pas à me contacter via les réseaux sociaux si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d’y répondre. La vie est pleine de surprises alors qui sait, peut-être que d’autres opportunités se présenteront à moi à l’avenir… 😉

Théo

3 ans après avoir initié ma reconversion, début d’une nouvelle vie !

Liens utiles :

Site de l’URSSAF > www.autoentrepreneur.urssaf.fr
Portail création entreprise > Accueil | Formalités d’entreprises
Statuts juridiques > Quel statut juridique choisir pour son entreprise ? | economie.gouv.fr
MCF > Moniteur Cycliste Français – Moniteur Cycliste Français

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