Ah, les recos ! Tant de débats, tant d’aspects, tant d’approches. C’est néanmoins une clé de notre sport. D’autant plus quand leur formatage fait partie intégrante du charme de la discipline. Que ce soit en Descente comme en Enduro, le sujet peut paraître simple au départ, mais s’avérer riche et varié, au final. Il était donc temps de poser les choses, pour que chacun puisse piocher ce qui peut lui être utile, et y revienne quand bon lui semble. Dossier complet sur les recos en Enduro & Descente, de A à Z, sur FullAttack !
#1 – Savoir à quoi s’attendre !
Savoir à quoi s’attendre, c’est l’utilité de base des recos ! C’est la plus évidente, la plus connue et reconnue de toutes. Savoir à quoi s’attendre, c’est même l’objet premier des reconnaissances. D’ailleurs, s’il fallait résumer l’utilité des recos en une phrase, ça serait ça. Au petit dictionnaire du VTT gravity, cette phrase serait favorite, et cet article pourrait d’ailleurs s’arrêter là. C’est néanmoins dans les détails, les nuances, et les subtilités, que tout le charme des recos se trouve.
D’abord, qu’implique de savoir à quoi s’attendre ? En premier lieu, de se faire une idée du parcours. Ça paraît encore une fois facile à dire, mais une fois les reconnaissances effectuées, on sait où l’on va. Ça veut dire que l’on sait précisément par où passe le parcours. Les meilleurs en orientation doivent d’ailleurs être capables de retracer le parcours sur une carte, et le parcourir à nouveau, sans balisage. On a une bonne idée de sa distance et de la durée qu’il faut pour l’effectuer. Mieux, on connaît son profil. Quand ça monte, quand ça descend, Quand ça penche, et à quel degré…
Enfin, et surtout, on sait où sont les difficultés techniques, et précisément en quoi elles consistent. Ça veut dire qu’au passage, on en a profité pour, a minima, déterminer une trajectoire qui permet de franchir la difficulté. Et dans le meilleur des cas, on a eu l’occasion d’envisager toutes les lignes, et de déterminer laquelle est la meilleure. Mieux encore, on a pu s’exercer dessus, y prendre des repères, et l’on a la certitude de maîtriser la trajectoire, le geste et l’engagement nécessaires pour le jour J.
Savoir à quoi s’attendre, c’est aussi prendre la mesure du challenge qui nous attend. Et par effet miroir, avoir une idée de nos propres compétences face à lui. Facile, compliqué, difficile, insurmontable ?! L’air de rien, les recos permettent de se faire une première idée de la prestation que l’on va devoir/pouvoir fournir pour signer un bon résultat, ou a minima, terminer la course. Une première idée qui, on va le voir par la suite, ouvre aussi la porte à d’autres utilités des recos, permettant de mieux préparer la compétition à proprement parler…
Caméra embarquée ?!
Fut un temps, la caméra embarquée n’existait pas. Le débat non plus. Mais depuis leur avènement, la question de l’usage des caméras embarquées pour les recos se pose. Il se pose forcément parce que sur le papier, l’avantage est certain. Une caméra embarquée permet d’enregistrer ses reconnaissances. Après coup, on peut donc revoir ce que l’on a fait, et s’en servir à plusieurs égards. D’abord, c’est l’occasion de se repasser le parcours et donc, des opportunités de plus de travailler à sa mémorisation. Ensuite, c’est l’occasion de se repasser ce que l’on a soi-même fait. On peut donc non seulement se remémorer un endroit, mais aussi une ligne, un geste, une attitude. Attention cependant, au piège que la caméra embarquée peut constituer. La fausse facilité. Ne pas croire que si ça peut aider, ça va simplifier les choses. Une caméra embarquée déjà, c’est un outil de plus à mettre en œuvre. C’est donc des batteries à charger, des cartes mémoires à formater/vider, des images à stocker quelque part, un écran à regarder… Avec à chaque fois, la possibilité que ça génère un problème supplémentaire qui peut compromettre le processus et faire plus perdre de temps qu’autre chose. Au point, parfois, que si l’on a fait les recos un peu vite, en comptant trop sur la caméra, et qu’au final, on ne peut pas regarder les images, on a doublement perdu. Les images, que l’on ne peut pas revoir, et la mémoire, que l’on a moins pris soin de travailler au moment même des reconnaissances, en se disant qu’on le ferait au moment de regarder les images. Mauvaise pioche ! C’est d’ailleurs là un autre point important. La caméra embarquée, ça prend du temps en dehors du vélo. Une fois rentré. Du temps qu’il faut repasser, devant un écran, à regarder à nouveau les images. En fonction de la quantité de runs/spéciales, ça peut vite faire grimper la note, et il faut en tenir compte dans le programme de la journée/du week-end. Parce qu’au moment de regarder les images, là aussi il faut être disponible, attentif, concentré, etc…
Track walk
Dans le jargon du VTT gravity, les mots anglais sont légion. Et parfois, ils n’ont pas forcément leurs équivalents dans notre langue. Le Track Walk l’a. En français dans le texte, il s’agit des reconnaissances à pied. En Descente, c’est un moment clé d’une compétition. C’est là que l’on découvre la piste, que l’on prend le temps de la faire en entier, à pied, et de regarder à chaque endroit, les difficultés, l’état du terrain, sa possible évolution/dégradation, les lignes disponibles, et comment elles vont se connecter à l’instant d’avant/après. Il se fait parfois sur plusieurs heures, en prenant le temps de mémoriser, de photographier, de découper les secteurs, d’identifier les transitions… Et plutôt à la descente, dans le sens de la marche. Pour la mémoire, c’est plus facile, et pour le corps, ça use moins d’énergie.
Shakedown
Le shakedown, en anglais, ça signifie ici un essai, un vol d’essai. Sur certaines compétitions, c’est une séance, un roulage, qui a lieu avant les débuts officiels, pour se faire une idée du terrain en lui-même. En Enduro, sur les Enduro World Series, il a parfois lieu en début de semaine, avant le début des recos, sur une piste différente de celles empruntées pour la course. L’organisation en profite pour faire des images qui serviront à la promotion de l’évènement. Le terme est, entre autres, emprunté à la course auto. En F1, le Shakedown ce sont les premiers tours de roues d’une toute nouvelle voiture en tout début d’année, pour voir si tous les systèmes fonctionnent. En WRC, c’est un premier chrono à blanc, fait après les recos, et avant la première spéciale, qui sert souvent à peaufiner les réglages…
#2 – Se faire au terrain
Là, on commence à rentrer dans le vif du sujet, aller au-delà de l’évidence. Les recos, parfois, sont aussi appelées entraînements. C’est le cas en Descente notamment. Et pas pour n’importe quelle raison ! Rouler sur la/les piste(s) où va se dérouler la course, c’est aussi l’occasion de se faire au terrain. Je parle ici de s’y faire soi-même, pilote, en matière de pilotage. Bien sûr, mieux vaut arriver fin prêt, en maîtrisant au mieux un large éventail de gestes et de techniques, sur une compétition… Mais la course ultra-complète, qui balaye l’ensemble du portefeuille, n’existe pas.
Chaque terrain a ses spécificités, ses exigences, ses charmes, ses pièges… À m’en donné, il y a bien un petit quelque chose qui va se détacher, paraître plus évident, plus récurrent, plus redondant, plus important que le reste. Ça peut être la présence ou non d’appuis dans les virages, le fait que le terrain soit très sec ou très humide, très compact ou très mou, qu’il y ait beaucoup de cailloux ou de racines, des sauts, des réceptions ou non, des arbres très proches de la piste, des dévers, de la pâture, des épingles, des pédalages, des franchissments, des trous de freinage… Et j’en passe !
C’est infini, pour la bonne et simple raison que c’est aussi, voir surtout, propre à chacun. Parce que l’on maîtrise mieux, ou moins bien, certains domaines, on va plus s’y intéresser, y faire attention, et en faire une des clés de sa propre course. Les recos sont aussi là pour ça. C’est l’occasion de cerner ce que le terrain demande en matière de pilotage. Quelle gestuelle, quelles nuances, quelles astuces, quel engagement… Elles offrent une opportunité clé de peaufiner le geste, l’adapter aux spécificités de l’endroit et des circonstances, s’assurer qu’il est maîtrisé en vue du jour J.
Après coup, avoir réussi ça, y compris dans le feu de la course, fera même très certainement partie des satisfactions, ou du moins des souvenirs importants, que l’on gardera de l’expérience… Vous savez, ceux qui parfois, reviennent à l’esprit, même plusieurs mois après, comme des fulgurances et dont on se remémore que c’était « bon ça, quand même » 😉
Enduro vs Descente
L’Enduro et la Descente ont en commun de compter sur certaines recos dans le programme des courses. Mais les évoquer permet de préciser une des différences fondamentales entre les deux disciplines. Sur le papier, les chronos de course diffèrent d’un ordre de grandeur ! 2-3 min en Descente, contre 20-30 min en Enduro, facteur 10 pour résumer. Ce simple facteur change alors toute la physionomie de la compétition, et l’usage que l’on fait des recos.
En Descente, il n’y a qu’une piste, et un run unique de course, qui détermine la victoire. Et l’objectif est de sortir le meilleur run possible, sur cette piste, à l’instant T. Les recos permettent donc, au final, de connaître la piste par cœur, y compris ses différentes options, et la prestation du pilote a valeur d’un récital. Il connaît chaque mètre, chaque geste, et peut se repasser le film de son run avant même de l’avoir effectué. Au bout du bout, il s’agit pour lui d’y mettre la bonne interprétation, le bon engagement, et de jouer très finement autour de la limite, sachant que la dépasser ou faire face à des circonstances exceptionnelles peut parfois amener à improviser l’espace d’un instant, avec toute la dimension bénéfice/risque que ça implique. D’où le mental game que constitue ce sport, notamment le pari sur la prise de risque et ses gains potentiels.
Le Descendeur interprète, l’Enduriste compose !
En Enduro, il y a plusieurs spéciales à reconnaître, et globalement moins de temps à passer sur chacune. L’exercice de mémorisation et d’entraînement demande donc des qualités proches, mais adaptée à la discipline, et mises en œuvre différemment. L’analyse nécessite une stratégie, un tri, une approche spécifique pour rester dans des proportions en rapport avec les capacités du cerveau humain. Dans le feu de l’action, l’exécution des gestes demande beaucoup plus de capacités d’anticipation/d’adaptation aux circonstances de course changeantes, variées, et globalement de toute façon moins bien répétées, maîtrisées. L’état de fatigue, qui augmente aussi au fur et à mesure de la compétition, est aussi un facteur à prendre en compte. La part d’incertitude est forcément plus importante, amenant à des choix de rythme/engagement différent, et augmentant forcément le risque/l’improvisation possible. Au final, la prestation de l’Enduriste revêt une dimension de gestion exacerbée. Quel rythme, quel engagement, à quel instant. C’est constamment ce curseur avec lequel l’enduriste doit composer, quitte à ce que parfois, ce soit avec une part d’improvisation.
Un peu d’histoire…
Petit brin d’histoire utile pour maîtriser pleinement le sujet des reconnaissances. En Enduro, aux débuts de la discipline – en France, au tout début des années 2000 – l’Enduro se pratiquait à vue ! Sans reconnaissances donc. C’était même un de ses fondements clé. Sur un week-end Enduro Series, il y avait certes plusieurs passages sur une même spéciale. Généralement 3 fois par spéciales le samedi – soit 6 chronos – et jusqu’à 4 fois sur la même – et longue – spéciale, le dimanche. Mais tous les passages étaient chronométrés, et donc tous les runs comptaient. Le premier se faisait donc à vue, face au chrono.
Dans ces circonstances, deux principaux enjeux entraient en ligne de compte dans ce que l’on évoque ici, en matière de reconnaissances. En premier, les capacités du pilote à savoir rouler vite, à vue, sans même savoir à quoi s’attendre à la sortie du prochain virage, pour signer un premier chrono déjà compétitif. Puis, ses capacités de mémorisation, d’analyse et d’ajustement, pour qu’il sache améliorer, nécessairement, ses chronos au passage suivants. Sur certains évènements, le roulage à vue fait toujours partie du jeu, dans des proportions plus ou moins importantes. C’est par exemple le plus bel argument des évènements itinérants et au long cours. Il incarne au mieux l’esprit d’aventure, de découverte, d’exploration et de dépassement de soi qu’ils représentent. Mais globalement, la part de roulage à vue a considérablement diminué au fur et à mesure du développement de la discipline.
Plusieurs raisons à cela, dont il serait bien hasardeux de tirer une hiérarchie claire, définitive et précise. Mais notons tout de même l’équité de la compétition qui fait encore, aujourd’hui, consensus parmi les athlètes. En Coupe du Monde d’Enduro par exemple, ils sont 80% à penser qu’une course ne doit pas se faire totalement à vue. Et 70% estiment que les recos leur permettent justement de réduire l’avantage que les locaux peuvent avoir sur eux. Notons aussi la prise de risque encourue par les organisateurs. La présence de reconnaissances constitue une forme de couverture vis-à-vis des institutions et assurances qui soutiennent leurs évènements. Notons enfin les moyens mis en œuvre, possiblement réduits, quand sur un week-end par exemple, on réduit le temps de course très gourmand en contrôleurs, chronométrage, ravitaillement, et que l’on en remplace une partie par des reconnaissances où seule une partie du balisage peut-être nécessaire.
#3 – Ajuster le matériel
On a parlé d’ajuster le pilote au terrain, et ses exigences. Alors, comment ne pas parler du vélo, qui est – tant que tout se passe bien – le premier et normalement seul élément au contact du sol ?! Petit cas de figure très simple pour démontrer toute l’utilité des recos en matière de réglages : les settings maison sont rarement ceux du roulage en station… À moins d’habiter en station ! Tout ça pour dire que quand on roule régulièrement chez soi, forcément, on finit par prendre ses petites habitudes.
Ça peut être celle, plutôt bonne, de peaufiner les réglages de son vélo pour qu’il corresponde parfaitement à son terrain de jeu majeur… Mais peut-être moins à d’autres, différents, du coup… Ça peut aussi être celle, moins bonne – quoi que – de compenser certains traits de caractère de son vélo… Que le terrain de la course va par contre, lui, exacerber au point qu’il soit bien plus difficile de s’y faire. D’ailleurs parfois, le terrain est similaire à ce que l’on connaît, mais l’enjeu de la course lui, fait que le rythme, la vitesse, l’engagement que l’on met sont un cran au-dessus, et que là aussi, ça mérite d’ajuster certaines choses. Et puis, chez soi, parfois, on évite d’aller rouler quand c’est la cata dehors. Mais à moins de circonstances exceptionnelles, les courses de VTT ont généralement lieu même quand la météo est difficile et ça aussi, ça peut demander à ajuster certaines choses en matière de matériel.
Vu sous cet angle, ça peut donc être très large. Ça peut nécessiter des petites astuces d’équipement du pilote. Les plus évidentes sont les tenues de pluie, de quoi nettoyer son masque, garder ses mains et poignées propres, de quoi rallonger une visière, avoir chaud quoi qu’il arrive, avoir toujours de quoi manger et boire en bonne quantité… Tout ça, puisque le déroulement de la course peut différer de ce à quoi l’on est habitué pour ses sorties d’entraînement, mérite d’être réfléchi. Et les recos peuvent servir à valider certaines solutions.
Mais bien sûr, ce à quoi l’on pense le plus en matière d’ajustement du matériel, c’est en au niveau des réglages du vélo. Réglages au sens large. Ça peut être les SAG, les détentes, les compressions, les tokens, les profils, les pressions, les carcasses, les gommes, la taille du plateau, la taille des disques, la texture des plaquettes, la largeur/hauteur/matière du cintre, le matériau/le nombre de rayon/la tension/la largeur des jantes/roues, la hauteur de la selle, les options de géométrie du vélo – flip chip et/ou angleset/reach adjuster, le format de la roue arrière – Full 29 ou MX/Mullet… Et j’en passe !
Dans tous les cas, un vélo ne se règle pas de la même manière que les pistes soient lentes ou rapides, compactes ou molles, lisses ou défoncées, rectilignes ou sinueuses, sèches ou humides, etc… Il y a donc là tout un pan du travail où les recos peuvent permettre pour trouver de la performance. Et sans même parler de maîtriser chaque paramètre comme les meilleurs mondiaux, simplement garder à l’esprit que parfois, un simple gain minime sur un petit point clé, peut constituer la solution qui permet de réussir un passage et/ou un geste clé, et peut faire la différence entre une chute malheureuse et un week-end victorieux !
#4 – Définir une stratégie
Une fois que l’on sait à quoi s’attendre, que l’on sait quoi faire, et que l’on a ajusté le matériel pour se mettre dans les meilleures dispositions, il n’y a plus qu’à… Plus qu’à définir une stratégie ! Parce que quelque part, ce serait dommage d’avoir mis tout ce travail en œuvre, pour partir bille en tête, à fond, en mode ça passe ou ça casse – à ce petit jeu-là, autant ne rien préparer du tout, les sensations n’en seront que plus fortes !
Quelque part, les reconnaissances constituent une occasion de récolter des informations. Définir une stratégie, c’est faire quelque chose de ces informations. C’est notamment trouver des corrélations utiles pour optimiser sa performance. Tout dépend bien sûr des objectifs, des ambitions et des moyens de chacun. Mais dans tous les cas, ces corrélations existent. En avoir conscience est la première étape pour bien cerner sa propre situation, l’espace dans lequel performer en toute sérénité.
La corrélation entre le terrain et le matériel peut être gourmande. Mais bien entendu, c’est elle qui détermine le niveau, l’ordre de grandeur d’une partie du résultat. La corrélation entre le pilote et le matériel aussi peut être gourmande. Mais si déjà, le premier cerne les capacités du second, il sait dans quel espace évoluer. Et dans ce cas, la corrélation entre le terrain et le pilote, elle, tient au talent, à l’envie, à l’application, de l’athlète.
Cette notion de corrélation peut paraître pompeuse ou abstraite, mais elle a son importance parce que c’est elle qui permet d’aboutir, de manière très concrète, à une stratégie de course. La stratégie, c’est avoir décidé à l’avance : où attaquer, où assurer, où s’appliquer, où jouer, pour mettre ses forces à profit, minimiser ses faiblesses, et mettre un maximum de chances de performer de son côté…
Méthodologie des recos en Enduro
Maintenant que l’on a défini les 4 grandes utilités des reconnaissances, il est temps de donner des astuces, des conseils concrets pour tirer pleinement parti du process des reconnaissances. Là encore, le sujet est riche, et on ne doute pas que certains d’entre vous auront des témoignages intéressants en commentaires. Le sujet est infiniment vaste. Mais le premier éclairage que l’on peut apporter, c’est la part de chaque aspect des recos. Certes on l’a dit, les recos doivent servir à savoir à quoi s’attendre, se faire au terrain, ajuster le matériel et définir une stratégie. Mais combien de temps, d’énergie, d’attention consacrer à chaque aspect ? On se place ici dans le cas de la pratique de l’Enduro… Voilà une bonne base en matière de proportions…
Savoir à quoi s’attendre, plus de 50% du job !
Savoir à quoi s’attendre, ça commence avant même d’être sur le terrain. Les cartes de l’organisation, les descriptifs des parcours, les courbes de niveau, les altitudes de départ et d’arrivée, les profils, les traces GPS, Trailfork, Strava, Youtube, Météociel/France, les années passées… J’en passe encore, et des meilleurs. La pêche aux infos, c’est la clé ! Plus t’en sais, et plus tôt t’en sais, plus tu augmentes le temps que tu as pour faire les choses, et réduit le niveau de tension dans lequel tu dois prendre des décisions pour la course, t’y préparer. Et être plus à l’aise, plus tranquille, c’est une des clés pour performer.
Quoi qu’il en soit, avoir l’opportunité de rouler les recos ne doit pas être gâché. L’objectif, c’est de retenir un maximum de choses sans que l’effort n’en devienne usant. Il faut être frais le jour J, pas moralement et physiquement cramé. Et qui qu’il arrive, la mémoire est le meilleur outil dont on dispose, parce qu’à moins d’un drame, on l’a toujours sur soi. Prendre le temps de la travailler, et de l’organiser, est donc utile. Des pauses pour se repasser les cheminements et/ou passages clés a donc du sens. Tout comme identifier les moments où l’on peut couper, laisser la mémoire et l’esprit se reposer. Ça vaut sur le vélo, pendant les recos, mais aussi pendant toute la période qui suit, jusqu’au départ de la course. La clé, c’est de ne rien oublier d’essentiel.
La caméra embarquée peut-être utile – voir l’encadré à ce sujet par ailleurs. Mais dans tous les cas, elle ne doit pas remplacer la mémoire. Elle est à son service. Pour revoir un passage clé, revoir comment on l’aborde, ce qui précède, prendre un repère, se remémorer… Tout ça, au service du point suivant…
La stratégie de course !
Elle occupe pour 15 à 25%, dans la part de la performance finale. Quelle que soit l’étendue des informations récoltées, il faut en faire quelque chose. Et ça passe en premier lieu par l’analyse. Comment peut-on découper les spéciales ? Quels sont les secteurs clés ? Les transitions pour y entrer ? En sortir ? Comment je me sens ? Comment fonctionne le vélo ? Donc comment j’aborde chaque endroit ? Secteur ? Plus on aura de réponses avant le départ, mieux ce sera.
Avant le départ de la course, mais aussi avant le départ de chaque spéciale. En fonction des circonstances, savoir s’adapter, et ajuster le tir, c’est aussi voir surtout, la clé. Mais dans tous les cas, ça implique de se poser ces quelques questions, et d’y répondre avant qu’il ne soit trop tard 😉
Petite remarque au passage : faire ce travail de tri, en Enduro, permet d’alléger la quantité d’infos utiles à conserver en tête pour le jour J. Attention simplement, à ne pas éliminer dans ce processus, des informations qui pourraient finalement être utiles. Notamment les trajectoires et autres infos importantes à connaître en cas… de pluie ! Si l’on s’est depuis le début projeté sur un scénario grand ciel bleu…
Cette analyse, ce découpage du parcours, se fait donc nécessairement en plusieurs fois. Avant les recos, avec les informations préalables dont on dispose. Ça permet de dégrossir, d’avoir une base. Pendant les recos, au fur et à mesure que l’on découvre plus en détail ce qui nous attend. Et après les recos, quand on a la meilleure vue d’ensemble, ce qui permet de consolider l’analyse.
Se faire au terrain, 10 à 20% du truc !
Dans tous les cas, si l’on roule aux recos, se faire au terrain intervient forcément. C’est 10 à 20% selon les pilotes, et ça reste propre à chacun. Mais là encore, un peu de méthodologie permet d’être plus efficace. Notamment réfléchir à ça spéciale par spéciale. Du moins, ne pas attendre la fin des recos pour se poser la question. Identifier quoi ajuster dès le premier run, voir la moitié du premier run, ça peut permettre de se mettre plus vite à le travailler, et donc avoir plus de chance de le maîtriser d’ici la course. Tout ça, une fois encore, dépend des infos dont on dispose en amont, mais aussi de la capacité d’analyse et d’adaptation. Dans tous les cas, cette gestuelle est toute aussi importante que les trajectoires à retenir. Il faut donc l’intérioriser, la mémoriser, pour qu’elle ressorte d’elle-même, le moment venu. Elle peut et doit faire partie des éléments à se remémorer, avant la course. Faire partie des notes 😉
Ajuster le matériel, en dernier mais capital…
Enfin, régler le matériel, vient logiquement en dernier. Non pas que l’importance soit plus faible. Ça reste capital. Simplement, ça ne doit pas prendre un temps fou en Enduro. Il y a déjà tout le reste à gérer. Et si l’on connaît son matériel, et l’effet de chaque réglage disponible, on gagne un temps fou, et précieux. Raison pour laquelle, plutôt que d’enquiller les bornes à outrance durant l’hiver, prendre un peu de temps aussi, juste pour cerner chaque réglage, a son intérêt pour la suite de la saison.
Avant même de débuter les recos, ça permet de définir le setup de base avec lequel partir. Quels pneus ? Quelle pression ? Est-ce que j’ajuste ou pas mes settings de suspension ? etc… Une fois dans le feu de l’action, un petit clic ou deux en détente, pour ajuster une assiette, un dynamisme ou un niveau d’amortissement, en haute ou basse vitesse, ça peut par exemple faire mouche. Pour compenser une difficulté, l’imprévu, la fatigue, ou la spécificité d’une spéciale versus les autres, c’est selon…
L’ordre et la méthode…
Quoi qu’il en soit, on le voit, plusieurs utilités des recos viennent se superposer en un temps donné. Et toute la clé, c’est donc de ne pas y perdre son latin. Se concentrer sur son pilotage, c’est top, mais si c’est pour ne jamais se souvenir si ça tourne à gauche ou à droite après l’arbre, c’est peine perdue. Il faut donc trouver la bonne carburation, accorder l’importance nécessaire à chaque domaine. C’est encore une fois, propre à chacun. Ça dépend aussi du format/du règlement de la course – voir l’encadré ci-joint. Savoir composer avec les circonstances, pour s’assurer au final, que les recos aient rempli l’ensemble de leur rôle au mieux, en fonction des possibilités, doit rester l’objectif clé pour qu’elles soient réussies. Néanmoins, petite astuce pour les plus chanceux : avoir l’opportunité de faire un shakedown, officiel ou non, est un très bon conseil. Justement parce qu’il permet d’anticiper le travail sur le matériel et l’adaptation au terrain. C’est ça, principalement, que l’on va travailler pendant cette mise en route. Et idéalement, ça doit permettre de débuter les recos avec un pilote et un vélo qui se sont faits au terrain. C’est alors l’opportunité de se concentrer plus encore sur la mémorisation, mais aussi de monter en puissance pendant les recos, pour faire des essais de rythme, d’intensité, d’engagement… Parce que c’est là, aussi, un des enjeux des recos : monter en puissance, se placer dans une bonne dynamique, en confiance, qui doit aboutir à une course au sommet de son potentiel. Pour boucler la boucle donc, on attaquait cet article en disant que les recos peuvent se résumer, en première approche et pour les plus néophytes, comme l’occasion de savoir à quoi s’attendre... Mais pour les meilleurs, c’est surtout l’occasion de monter en puissance, se placer dans les meilleures dispositions pour performer ! C’est, quelque part, ce qui fait toute la différence 😉
On fait comment, à vue ?!
D’un certain point de vue, on pourrait penser que faire sans recos, à vue, ça simplifie grandement la donne. On part la fleur au fusil, et puis advienne que pourra. Sauf que, en fait, ça retire simplement, certes la majeure partie de la récolte des informations, mais pas toute. La pêche aux infos préalable, elle est toujours bien présente.
Cette pêche aux infos prend alors une autre dimension, une autre saveur. Que ce soit sur le web, auprès de l’organisation, ou avec les autres pilotes participants. L’affichage, le briefing, les échanges en off, le bouche à oreille, les conversations dans les radios des contrôleurs et chronométreurs… deviennent la matière principale de l’analyse. Certes, bien moins solide, étayée et consolidée qu’en cas de reconnaissances, mais la matière à faire tourner l’ensemble du process, elle, est toujours bien présente !
Les effets du règlement ?!
On l’a dit juste à côté, rouler à vue, sans reco, a son influence sur le process de préparation de la course. Mais le format de course, ou les spécificités du règlement propre à chaque épreuve aussi.
Exemple en Coupe de France Enduro Series, où la compétition se déroule sur deux jours, où recos et chronos sont entremêlés. La gymnastique pour switcher du mode chrono au mode reco en est que plus compliquée, et il faut parfois faire des choix. Privilégier certains aspects plutôt que d’autres, en fonction des circonstances. D’autant, par exemple, qu’on n’a pas le droit de s’arrêter pendant l’unique run de reco, pour refaire un passage. Le vélo, lui – dont le triangle avant, le triangle arrière, les roues et la fourche – sont marqués dès le premier run, et ne doivent plus bouger jusqu’à la fin. Savoir s’adapter, être habile, réactif, identifier l’essentiel, et anticiper certaines choses, c’est donc clé ici !
C’est différent des Coupes du Monde ou la plupart des épreuves régionales où une journée de reconnaissance précède la journée de course. En coupe du monde, un seul passage par spéciale, en reco, avec une plage horaire assez large pour s’arrêter en spéciale et refaire des passages. Le matériel n’est marqué/figé qu’au départ de la course en elle-même. On peut expérimenter aux recos. En régional, c’est plus disparate.
Qui plus est, se pose la question des navettes et ou remontées mécaniques. Sur certaines courses, les routes ouvertes peuvent le permettre. Certains règlements l’autorisent en recos. Certains l’interdisent tout le week-end. D’autres laissent libre le jour des recos, et en prévoient pour le jour J. Parfois enfin, tout doit se faire à la pédale… Dans tous les cas, soyez malins, et regardez bien toutes les possibilités qui s’offrent à vous pour faire des recos à la fois efficaces et économes. Parfois, une remontée ou une navette autorisée et bien placée peut faire économiser un paquet de temps, et d’énergie…
Un peu pareil en matière d’usage de la caméra embarquée. Ça dépend notamment des règlements fédéraux et d’assurance en vigueur dans le pays en question. C’est parfois autorisé en reco, mais pas en course. Le plus souvent, interdit sur le plastron, autorisé sur le casque. Si possible, raccordé à la visière, ou avec support qui garantisse de faire fusible en cas de chute.
Quoi qu’il en soit, le meilleur conseil que l’on puisse donner, encore une fois, est d’aller à la pêche aux bonnes infos en amont. En l’occurrence, toute épreuve a son règlement, qui fait foi, et précise les points soumis à dispositif spécifique.
Dans d’autres sports…
Dans cet article, on est nécessairement resté cantonné au VTT. Plus encore, à ses sports gravity, la Descente, et en plus grande partie encore, l’Enduro plus largement pratiquée/accessible. Les recos ne sont pour autant pas l’apanage de notre sport. Elles existent dans d’autres disciplines. Autant dire que du coup, l’objectif de ce dernier paragraphe pour boucler l’article pourrait voler en éclat et se transformer en véritable encyclopédie du sujet à travers l’ensemble des sports qui y font appel. C’est-à-dire tous, quelque part, si l’on part du postulat de base qu’une majeure partie des compétitions offre des entraînements plus ou moins officiels aux athlètes avant le début des épreuves, pour s’acclimater. J’ai néanmoins passé ces derniers mois à récolter quelques observations pour mettre en perspective, prendre du recul, faire des parallèles utiles en guise d’ouverture finale de cet article…
Ainsi, l’échauffement a lieu sur le terrain du match en sport collectif. Parfois même, l’entraînement du capitaine, la veille du match, permet de prendre la mesure du stade, encore vide de spectateurs. En Athlétisme pourtant, la préparation se fait sur un terrain annexe au stade, avant de passer dans un protocole de chambre d’appel, comme en natation, pour enter dans l’arène en ébullition. Un protocole, il y en a aussi en ski, pour atteindre la cabane de départ dans les meilleures dispositions Le parallèle avec la Descente VTT est très intéressant. Mais ce qui a retenu mon attention en échangeant avec Victor Muffat-Jeandet en off après l’émission FullAttack aux Gets porte sur les recos dont les skieurs disposent. Elles sont bien plus réduites qu’en Descente VTT. Eux parlent donc bien plus de capacité de composition et d’adaptation. Qui plus est, chaque discipline ayant ses petites spécificités.
En F1, on parlait de pêche aux infos préalable. Le concept est poussé à son paroxysme. Les écuries disposent de simulateurs qui font tourner le modèle (3D) du circuit, mais aussi celui, virtuel, du comportement mécanique et aérodynamique de la voiture. Les pilotes – d’essai/de réserve, et/ou titulaires – enchaînent donc les tours virtuels avant même d’arriver sur site. Ils se font la main, mais ça permet surtout à l’équipe de déterminer la base des pièces et réglages à adopter pour débuter les vrais essais, en piste, en début de compétition. Quoi qu’il en soit, c’est la performance de la voiture que l’on cherche ici à maximiser. On attend du pilote qu’il sache exécuter à la perfection, ce qui constitue de faire rouler la voiture à son plein potentiel, sur un tour, puis sur un grand prix complet.
En Rallye-Raid, le roadbook décrit les points clés des spéciales et fait le tri entre infos utiles et futiles. Fut un temps, il était distribué la veille au soir aux équipages, qui avaient le temps de le potasser. Il l’est désormais quelques minutes seulement avant le départ. Dans les voitures d’ailleurs, il y a un pilote et un copilote, avec toute une dimension de communication entre les deux. Un langage spécifiquement développé pour communiquer sur l’instant.
En WRC, ils ont droit à deux passages par spéciale, à vitesse limitée, les jours précédant la course. Avec possibilité de filmer. La prise de notes a toute son importance, mais plus encore quand on comprend qu’elle a sa part de subjectivité induite par le pilote. Un « 90 gauche » en reco, est peut-être un 100 dans la réalité, ou du moins donner le sentiment d’un 100 ou 110 à vitesse de course. Il faut donc en tenir compte. On parle alors de notes trop rapides ou trop lentes. Les notes d’ailleurs, les copilotes ont à charge de les archiver, et donc, de les ressortir, lors de l’édition suivante, si la/les spéciale(s) est/sont à nouveau courue(s). On parle alors de l’expérience d’un équipage/pilote, et il est entendu que pour performer à haut niveau, plusieurs années sont nécessaires, justement, pour connaître les épreuves, et avoir toutes les armes en main pour gagner.
