Un Édito s’impose ! Il y a, comme ça, des sujets qui tiennent à coeur et qui, au fil du temps et de nos activités journalistiques, finissent par s’incruster. Essentiels, forcément polémiques s’ils sont abordés de travers… De ces sujets qui amènent à tirer la sonnette d’alarme si l’on pousse la pensée commune > OÙ VA-T-ON ?!
Il y en a un paquet peut-on dire… Oui ! Et on ne refera pas le monde en 5 minutes à coup de clavier. Mais il y a tout de même des idées bonnes à partager, d’où l’Édito Endurotribe ! Cette fois-ci ?! La COMPÉTITION ! Gros mot pour certains, drogue pour d’autres… Attention, ceux qui lisent ces lignes n’auront plus de grain à moudre ou de sucre à casser à ce sujet..!
Temps de lecture estimé : 7 minutes – Photos : Enduro World Series & Endurotribe
Au sommaire de cet article :
- Les clichés ont la peau dure !
- Du rapport à la compétition !
- Résultat vs Performance..!
- Nature même…
- Distingo
- Les débats qui n’en sont pas…
- Chanceux que nous sommes…
Les clichés ont la peau dure !
En matière de compétition, le paysage actuel se réduirait à l’affront de deux camps : ceux qui s’y refusent, et ceux qui s’y livrent. Dans le meilleur des cas, chacun fait sa vie de son côté. Dans le pire, les uns dénigrent les autres. Comme si deux mondes, deux castes, devaient s’affronter…
Les premiers, ceux qui s’y refusent, traitent les autres d’abrutis ! Un simple dossard aux fesses ou une plaque au guidon suffit à se faire traiter de grands gamins, d’êtres à peine plus intelligents qu’un âne courant derrière une carotte, ou un chien derrière un bâton. Sans même s’interroger sur leurs raisons profondes, à eux, de ne pas oser s’y prêter. Peur ? Déni ?? Refus d’obstacle ?!
« Dopage et millions, à la bonne heure ! »
Chez les seconds – qui prennent les premiers pour des pinpins – une espèce prolifère avec virulence : celle de ceux qui font ça pour la gloire ! Une obsession qui peut tourner à la dépendance voir l’aliénation, de faire mieux que les autres. Les fameux champions du monde de quartier. Sans rire ! Au point d’en devenir pathologique chez certains qui ne s’interrogent pas non plus sur le pourquoi ? Une reconnaissance ou un exutoire dont ils sont privés par ailleurs ?!
Tout ce beau manège est allègrement alimenté par les clichés sur le dopage et les millions gagnés par certains sportifs de haut niveau, dressés en icône par les multinationales qui les emploient. MAIS OÙ VA-T-ON ?! Pourquoi se faire autant de mal..?
Du rapport à la compétition !
Que nos lecteurs qui se reconnaissent dans l’un ou l’autre des camps, où qui aimeraient se jeter à corps perdu dans le débat tel que je viens de le dépeindre, m’excuse par avance… J’aimerais leur ouvrir les yeux sur une autre vision. Parce qu’à concevoir et entretenir les choses ainsi…
on a tout faux !
Une telle situation est même indicatrice d’un rapport à la compétition symptomatique et erroné. Des intentions mal identifiées et mal orientées, qui ne font qu’entretenir un marasme ambiant. Celui qui, in-fine, impacte l’ambiance sur les courses, la motivation des organisateurs et pourrait même pourrir jusqu’à l’essence de notre pratique dans sa dimension sportive.
Alors même qu’une question essentielle, et sa réponse, devraient guider n’importe quel sportif qui se respecte : pourquoi est-ce que je m’engage ? Quel est mon rapport à la compétition ? Quelles sont mes motivations ? Quelles valeurs gratifiantes puis-je en tirer ?! Humainement, qu’ai-je à y gagner ?!
Résultat vs Performance..!
Des questions simples qui, bien posées, ouvrent une toute autre voie. Il faut pour ça y déceler une nuance clé, fondatrice d’une toute autre conception de la compétition : la nuance qu’il y a entre résultat & Performance !
Le résultat, c’est la carotte, le prétexte qu’on se fixe pour faire jouer sa propre ambition, son orgueil. Il en faut, mais comme toute substance aphrodisiaque, à consommer avec modération ! Ça ne doit surtout pas être le moteur premier du rapport à la compétition. Sans quoi, excusez-moi encore, on joue à se faire mal et ce serait bien con !
« 200 participants = 1 vainqueur + 199 perdants ?! »
Allons, prenons l’exemple d’une course de 200 compétiteurs : 1 vainqueur, 199 perdants. 0,5% du lot qui tire les marrons du feu, 99,5% de frustrés, à différents niveaux ?! À quoi bon jouer ce jeu, courir après un résultat si hypothétique ? Lui qui tombe à la fin, ne devrait être que la cerise sur le gâteau.
La Performance, elle, a des vertus bien plus gratifiantes. Elle n’est pas l’aboutissement de la démarche, mais la démarche même ! En d’autres termes, nourrissons-nous de la manière de participer, plus que du résultat ! Il faut savoir définir ses objectifs…
Nature même…
La Performance, c’est la manière de se mobiliser pour relever un challenge à sa propre mesure, quel qu’il soit. Si l’on revient à la raison même de se prêter à la compétition, on distingue alors que ce rapport à la Performance a du sens. Une certaine utilité, à certains moments de la vie de chacun : pour apprendre, se structurer, se construire, se forger, développer sa propre confiance, saisir sa chance… Il n’y a pas d’âge pour ça !
Attention ! Je ne joue pas là le culte de la Performance, ou de la compétition permanente à laquelle certains souhaiteraient nous faire participer continuellement en société. Mieux, je nous pousse à nous armer pour savoir l’identifier, l’analyser. Être maître de notre propre participation, ou savoir dire non ! Dans tous les cas, en pleine connaissance de cause, dont les règles et le contexte, du jeu… Essentiels !
Tout est Performance ?!
Mais on ne peut pas pratiquer le VTT, qui plus est l’Enduro, sans accepter que ce soit, en soit, une Performance. Certes, chacun à son niveau et à sa mesure, mais c’en est-une ! Chaque cailloux, chaque racine, chaque arbre nous met au défi. Il n’y à qu’à voir le regard de ceux qui ne pratiquent pas pour s’en convaincre. Quoi, tu fais ça toi ?
Qu’on le veuille ou non, la Performance est dans notre nature même. Nous étions animaux avant d’être humains. Chasser (!), se reproduire, s’abriter, ne pas se faire manger à son tour… S’y refuser à vélo, tôt ou tard, c’est se mettre en danger et vivre dans la peur. S’handicaper de cette fraction de seconde dont on dira après que je ne le sentais pas ! Là il y a danger !
Distinguo
Nous avons donc tous notre propre rapport à la Performance. Ambitieux ou prudent, timide ou exacerbé, maladroit ou pertinent… Il se respecte ! Et c’est bien parce que parfois, nos propres libertés semblent atteintes par l’attitude des autres qu’on les sent menacées. La compétition devrait simplement être l’occasion de se recentrer sur sa propre performance individuelle, et pouvoir la mettre à l’épreuve du collectif dans un cadre qu’y s’y prête !
« Le chemin, plutôt que la destination… »
Tirer plaisir de la manière de faire les choses, plutôt que du simple aboutissement. Trouver du plaisir à s’entraîner plutôt que s’imposer d’en chier. Tirer parti de la concurrence plutôt que la subir. Savoir rester focus sur sa propre prestation malgré le challenge et les éléments perturbateurs qu’apporte la course. Avoir un regard honnête et fiable sur soi-même plutôt que de chercher milles excuses… C’est ca, être focalisé sur sa Performance plutôt que sur le résultat !
Les débats qui n’en sont pas…
À bien y regarder, tous les débats stériles qui accompagnent la compétition volent en éclats sous cette approche ! Le débat entre les sexes ?! Une Performance est une Performance, et sous cet angle, les critères pour l’apprécier n’ont pas de genre… Les reconnaissances autorisées ?! Qu’un paramètre de plus à gérer et des qualités à développer. Rouler à vue ?! Une spécificité de l’activité qui donne un autre saveur à la Performance. Strava ou pas ?! Un cadre dont il faut mesurer les contours pour cerner les Performances raisonnables qu’il permet vraiment… Choisir son matériel ?! C’est apprendre à se connaitre et créer des liens. L’avantage matériel ?! Si tu sais reconnaître les vrai signes de Performance, tu sais faire la part des choses. Tricher – se doper, couper… ?! C’est se faire mal et se mentir à soi-même !
« Il existe une justice, quoi qu’il arrive… »
Bien sûr, cette approche n’enlève pas la frustration de voir un tricheur devant, et le besoin de justice… C’est d’ailleurs l’exigence première de la Performance vis-à-vis de la compétition : offrir le cadre nécessaire à sa pleine expression. Mais j’aime surtout à penser qu’il existe une justice quoi qu’il arrive. Celle des amateurs de performance eux-même qui savent en reconnaître une quand ils la voient. À bien y regarder, c’est ce qui ressort toujours des bonnes histoires qui lient le cercle des athlètes et de leur entourage, dont les sponsors. En clair : épanouissons-nous dans nos propres performances et partageons-le ! On finit toujours par rencontrer les partenaires que l’on mérite.
Chanceux que nous sommes…
Et croyez-moi, pour observer depuis très longtemps le milieu sportif sous cet angle, peu sont ceux qui ont cette chance. Même chez les top-pilotes du moment… Petite question simple : combien roulent le vélo de la marque qui veut les faire signer avant de s’engager ?! Peu, très (trop?) peu… Certains sont même admirablement doués de capacités d’adaptation hors du commun !
C’est bien pour ça que l’on ne fait pas de classement à l’issu de nos essais Endurotribe. Tout au plus avons-nous une sélection des bons vélos du moment, dans laquelle piocher pour correspondre à tel ou tel profil de pilote, telle ou telle pratique. Et c’est bien pour ça que l’on ne fait pas le distinguo compétition vs le reste du monde. On préfère simplement essayer de cerner les projets de chacun, et y apporter les conseils qui peuvent y jouer un rôle le plus constructif qu’il soit, sans ségrégation stérile.
« Conscience & intelligence propre au genre humain… »
Une chose est sûre : chrono ou pas, classement ou pas, podium ou pas, gloire ou pas, c’est avec cette approche que la pratique est la plus gratifiante et que l’on touche à ces moments de plénitude où l’on fait corps avec la machine, que l’on tient le Flow, etc… Tout dépend donc du rapport que l’on a à la Performance. Celui que l’on conçoit ou que l’on s’autorise.
Dans ce cas, on se respecte, on respecte les autres, on a conscience des règles, on les rappelle quand c’est nécessaire, on fait des choix réfléchis et raisonnés, y compris en matière de matériel. Bref, repensons tous notre rapport à la compétition sous cet angle, apprenons à nous connaitre… Mettons aussi à profit notre conscience et notre intelligence, propres au genre humain 😉
Antoine