Avec ou sans assistance, la journée de course a été longue sur la manche de Coupe du Monde Enduro de Leogang 2023. Pourtant, les écarts sont à l’inverse de la manche précédente – à Pietra Ligure. Cette fois, ce sont les E-bike qui ont creusé de gros écarts tandis qu’en proportion, ils sont restés bien plus contenus sur l’EDR. Premier enseignement de cette analyse Entre les Chiffres, sur FullAttack.
[Mise-à-jour du 17/06 – 8h > petite erreur d’analyse entre les temps de Pietra et ceux e Leogang. Si le temps de course est bien suppérieur ici pour la course EDR-E, il était en revanche plus important à Pietra qu’à Leogang. Une mise à jour qui ne remet pas en cause la logique observée. Dans tous les cas, à temps de course proche, écarts plus faibles à Leogang. ]
Les courses EDR-E
Pour preuve de ce qui est dit en introduction de cet article, les écarts au final. À Pietra, 9s et des poussières séparaient Fabien Barel d’Antoine Rogge, 3 petites secondes entre Laura Charles et Flo Espiniera. Cette fois, le frenchy l’emporte pour plus de 27s sur Mick Hannah, et l’espagnol pour plus de 30s sur Ines Thomas. Alors certes, il y a un peu plus de temps de course à Leogang qu’à Pietra, mais pas tant. 16% de temps de course supplémentaires pour les garçons, 19% de plus chez les filles. Mathématiquement pas de quoi tripler ou décupler la mise. C’est donc que le terrain, le format et les efforts exigés auprès de chacun ont joué une tout autre partition à Leogang : en montagne, en altitude, dans la pente, avec de nombreux changements de rythme et sur un terrain parfois très exigeant techniquement et sur la durée…
C’est d’ailleurs le deuxième enseignement qu’illustrent les courses de Leogang chez les e-bikes. À Pietra, on titrait « à l’usure », l’observation est plus claire encore ici. Chez les filles comme chez les garçons, l’essentiel de la course et de l’ordre établi pour la gagne était posé dès les trois premières spéciales, au bas mot. La suite ne ressemble plus qu’à une longue journée où tenir le rythme et sa position fait l’autre charme d’une course d’Enduro. Notamment quand le rythme trouvé procure des sensations et du plaisir comme jamais… Pourvu que ça dure ! C’est tellement rare, qu’on aimerait que ça ne s’arrête jamais…
Quoi qu’il en soit, chez les filles comme chez les garçons, cet ordre établi en faveur de Flo Espiniera comme de Fabien Barel n’empêche pas de beaux sursauts d’orgueil chez les poursuivants. On pense à celui d’Ines Thomas qui coiffe Tracey Moseley pour 1,6s dans la dernière spéciale, alors qu’au plus fort de la journée, l’écart entre les deux était de 18s en faveur de la Britannique. Et à voir la relative régularité avec laquelle l’écart se comble ensuite, c’est la preuve que parfois, une légère différence de rythme peut suffire à faire la différence, à la longue…
À ce petit jeu-là, mais avec moins de réussite, c’est la courbe de Kevin Marry qui interpelle. Après trois spéciales, le pilote Lapierre faisait un peu figure de dernier rempart au rouleau compresseur Fabien Barel. Rythme moins bon ensuite, mais tout de même un dernier sursaut lors de l’ultime power stage du jour – SP7. Kevin y est le seul à passer sous la minute au chrono. Une performance qui lui permet une fois de plus de prendre le dessus sur les autres. En vain. Une mauvaise SP9 et c’est l’espoir d’un podium qui s’envole au profit de Mick Hannah et Tiago Lladeira.
Les courses EDR
Dans la logique écarts vs temps de course, même calcul sur les courses EDR [mais résultat inverse] : environ 15% de temps de course en plus moins à Leogang par rapport à Pietra Ligure, et des écarts équivalents – chez les filles – et plus serré encore – chez les garçons [- par rapport à ceux de la course E-Bike]. On pourrait supposer que les profils des courses soient très différents sur le papier, tant les lieux ne se ressemblent pas. Pourtant, même distance pour même dénivelé négatif avalé en spéciale. [Cette différence de temps] est donc à chercher du côté de la nature du terrain, [du rythme – plus rapide ici -] et/ou du déroulement de la course en lui-même.
À ce sujet justement, les courbes mettent différentes choses intéressantes en évidence. Chez les filles déjà, le fait qu’Isabeau Courdurier se soit emparée de la tête de la course très tôt. Une spéciale pour se mettre dans le bain, puis feu ! Isabeau prend l’avantage dès la deuxième spéciale, et ce n’est pas un hasard. Elle en disait, elle-même, dans l’avant-course, qu’il s’agirait d’une spéciale très dure, où les erreurs peuvent arriver mais où la clé c’est de trouver le bon rythme pour ne pas la subir, et pousser jusqu’au bout. La marque des grands champions qui maitrisent leur sujet ! Ensuite, Les courbes nous en disent plus sur la performance de Gloria Scarsi. À Pietra Ligure, on pouvait logiquement penser que la locale de l’étape profitait de sa connaissance de l’endroit. Mais cette fois, en terrain neutre – c’était la première fois qu’une manche de Coupe du Monde d’Enduro se déroulait à Leogang – il n’en n’est pas de même. Pourtant, l’Italienne est clairement devant Morgane Charre de bout en bout, ça en dit un peu sur son état de forme du moment. À suivre puisque la semaine prochaine, c’est de nouveau en terres italiennes connues – au Val di Fassa – que les débats doivent avoir lieu. Dernière observation enfin, chez les filles, pour constater qu’ici aussi, le top 10 est scindé en deux groupes. Isabeau Courudrier, Gloria Scarsi, Morganne Charre, Raphaela Richter, Harriet Harnden & Mélanie Pugin sont clairement un ton au-dessus du groupe formé par Noga Korem, Barbora Vojta, Bex Baraona & Andreane Lanthier Nadeau.
Chez les garçons aussi, quelque part, on peut parler d’un top 10 scindé en deux. Il faut alors placer Rhys Verner, Richie Rude, Alex Rudeau et Jesse Melamed dans le groupe de tête. En plus d’être une nouvelle fois en évidence sur cette course à Leogang, ils composaient déjà le Podium à Pietra. Un podium raté par Richie Rude la dernière fois, suite à une erreur et une chute dans la foulée. Cette fois, c’est du côté de Jesse Melamed que la défaillance arrive. Une défaillance mécanique certes – chaîne déraillée et pendante le faisant faire la draisienne un bon moment dans la spéciale 5 – mais une défaillance tout de même, qui montre que sous la pression des autres, les tauliers que peuvent être Richie Rude et Jesse Melamed ne sont pas infaillibles.
Quoi qu’il en soit, les courbes montrent aussi qu’avant ça, Jesse Melamed avait déjà eu un début de course en dent de scie, et que revenu au contact d’Alex Rudeau, ce dernier avait néanmoins su réagir avant que la défaillance n’intervienne. Le meilleur frenchy du moment est donc dans le coup, d’autant plus que lui aussi a fait une erreur, sans conséquence apparente, dans la fameuse spéciale 2… Bref, on en oublierait presque de parler de la tête, c’est pourtant le dernier enseignement du jour. Toujours dans cette SP2 – décidément – Richie Rude avait beau avoir fait une démonstration, ça ne lui a pas suffi pour écraser la course. Au contraire, c’est peut-être le contrecoup de cette prestation qui lui coûte ensuite face au rythme imposé par Rhys Verner. Je me permets cette observation parce que ce n’est pas la première fois que je me fais la réflexion cette saison. Par le passé, l’américain aurait plié la course après une telle prestation en spéciale. Cette saison, il y a du répondant…