En début de semaine, les observateurs étaient unanimes : sur une telle piste à Leogang, dans de bonnes conditions de course en final, la gagne se jouerait davantage sur le pilotage et l’engagement de chacun, que sur des choix de trajectoires… Et ils n’avaient pas tort ! Pourtant, ces approches ont livré deux courses aussi différentes que folles, en finales élites pour la deuxième manche de Coupe du Monde de Descente 2023 à Leogang !
À couteaux tirés chez les garçons !
Sur une semaine de Coupe du Monde de Descente, une des questions qui se pose habituellement parmi les plus intéressés par la course, porte sur le temps à réaliser en final pour l’emporter. En combien ça va se rouler ? Une question qui a plusieurs intérêts, au fur et à mesure que la compétition progresse, mais qui n’a qu’une réponse, au final. Celle livrée par le meilleur temps du week-end. Ici, à Leogang, la gagne masculine s’est jouée juste en dessous des trois minutes. Et on en parle dans cette analyse pour plusieurs raisons… D’abord, pour noter qu’ils ne sont que deux sous cette barre symbolique. Andreas Kolb, vainqueur du jour, et Loic Bruni, deuxième. C’est dire la portée de leurs performances respectives. Ensuite, pour souligner que c’est la première fois de l’histoire que la course se joue sous cette barre symbolique à Leogang. C’est bien simple, cette course de 2023 est la plus courte de l’histoire ici même. Les conditions météo et de piste n’avaient jamais été aussi favorables, et le parcours n’avait jamais été aussi direct. La course se gagne donc cette fois près de sept secondes plus rapidement que le meilleur chrono de l’histoire jusqu’à présent – signé Aaron Gwin en 2017, sur l’ancien tracé. Sur le nouveau, couru jusqu’ici avec un bois du bas terriblement glissant, la meilleure marque était en 3min 26s – contre 2min59s cette fois-ci…
Cette course a beau être la plus rapide de l’histoire chez les garçons, le chrono signé par Andreas Kolb pour la gagne n’est pas pour autant le chrono parfait. Si un pilote avait été en mesure d’égaler le meilleur temps dans chaque secteur pour s’imposer, son chrono aurait été de 2:56.655 ! Cette observation a son importance parce qu’elle permet d’apporter un angle intéressant sous lequel observer les courbes de la course de Leogang 2023. Elles s’entrecroisent particulièrement, chacun y allant de son secteur mieux géré que les autres. À ce petit jeu, c’est Thibaut Daprela qui ouvre le bal, en trouvant deux dixièmes de mieux que Finn Iles. Dans le secteur d’après, c’est là que Jackson Goldstone trouve presque une demi-seconde sur son teammate, Laurie Greenland, dans un secteur clé où les deux sections de souche et la transition entre elles ont largement semblé poser soucis aux pilotes cette année. C’est ensuite Luca Shaw qui signe le meilleur motorway, une grosse demi-seconde devant Loic Bruni.
À ce stade de la course, Jackson Goldstone est parti pour confirmer tout ce qui se dit autour de lui et de Jordan Williams depuis un moment, et plus encore depuis la victoire du Britannique la semaine d’avant. Il occupe la tête devant Loic Bruni, et Thibaut Daprela… Mais le pilote Commençal/Muc-Off nous l’a confié au micro du Débrief FullAttack, il a eu peur dans le dernier bois, et sa courbe qui plonge l’illustre. C’est là que Luca Shaw, à la faveur de son très bon motorway, est resté dans le coup pour le podium, et passe juste devant le frenchy. Dans le fameux bois de Leogang, Jackson Goldstone signe son deuxième meilleur secteur de la course. Sa légèreté, son dynamisme, sa précision, la manière avec laquelle il a donné le sentiment de jouer avec son vélo payent… Et Pourtant… Val Höll le dit aussi au sujet de Jackson Goldstone dans le Débrief FullAttack. Le jeune Canadien n’a logiquement pas encore atteint l’apogée de sa carrière et de sa forme physique. Et c’est là, aussi et comme souvent à Leogang, que la différence se joue. L’Autrichienne le sait mieux que quiconque, elle qui a justement déjà tout perdu dans ce fameux dernier vrai virage de la piste… Comme Jackson, ce week-end, qui aurait sinon, très certainement répondu à Jordan Williams, coup sur coup, et aurait assommé les derniers plus pessimistes au sujet des deux meilleurs espoirs de la génération 2004. Ce n’est que partie remise ?! Attendons de voir si l’aisance de Jackson Goldstone dans la pente à Leogang, peut se tenir sur la longueur d’un run de finale à Val di Sole, sans faire une Sam Hill et casser son guidon dans les derniers virages… À moins que Jordan Williams réitère son chrono de l’an passé, meilleur que celui des élites pour plusieurs secondes rondes…
Quoi qu’il en soit, on s’égare un peu dans l’enthousiasme, parce que si l’on en revient à cette course de Leogang, le vainqueur du jour n’est pas sans mérite. Andreas Kolb n’est pas que celui qui signe le meilleur chrono au final. Il est aussi celui qui signe le meilleur dernier secteur. Celui dont on vient de dire qu’il a déjà tellement fait et défait des courses à Leogang ! Ça s’est clairement vu à l’image pour ceux qui ont pu voir la course. Dans ses derniers freinages comme dans ses dernières relances, Andreas Kolb n’a rien lâché. Et sans faire injure aux autres pilotes présents en finale ce jour, l’Autrichien donnait le sentiment d’être celui qui en voulait le plus, et jusqu’aux derniers centimètres de piste. Ça paye ici !
Le run (quasi) parfait chez les filles !
Le run parfait dont on parlait en début d’article, n’a pas eu lieu, et de loin, chez les garçons… Il n’a pas eu lieu non plus chez les filles. On pourrait s’arrêter là sur cette info, et poursuivre l’analyse, mais ce serait passer à côté d’un fait très important. Le run parfait, Vali Hôll ne le signe pas, pour un petit centième que lui chipe Monika Hrastnik… Dans le dernier secteur ! Vous savez, celui dont on vient déjà de parler. Celui qui a déjà coûté si cher à Vali Höll par le passé ?! Celui qui aurait dû la mener plus tôt à la victoire chez elle, devant sa famille et ses amis ?! Alors certes, selon la logique mathématique la plus stricte, Vali Höll n’a pas signé le run parfait pour ce fameux petit centième… mais dans les faits, si ce petit centième correspond à un léger excès de prudence dans le dernier virage, celui qui fait la différence entre la chute et la gagne… Du point de vue sportif et de la performance, on lui accorde ! Parce que partout ailleurs, dans tous les autres compartiments du run, la prestation de Vali Höll ne laisse de place à personne d’autre.
C’était déjà le cas si l’on se penche sur le déroulé de sa semaine ! Coup du chapeau, avec les meilleurs temps signés en qualification, demi-finale et finale. Et c’est donc le cas sur ce dernier run plus particulièrement. La peur ou la pression, si elles ont été présentes à un moment dans la semaine, ne se sont pas ressenties dans le run final de Vali Höll. C’est même tout l’inverse, avec un engagement, une attaque et un style tout en force, qui se dégagent à l’image, et se traduisent dans les chiffres. Devant du début à la fin, et largement, que ce soit sur le haut, dans les souches, sur le motorway ou dans le dernier bois. Un dernier bois qui a une nouvelle fois fait la différence. C’est là, piégée par l’appui qui creuse sous le rondin, que Nina Hoffmann perd une nouvelle fois l’occasion de signer un gros résultat. Plus de six secondes perdues via son excursion dans les filets. Sans ça, la pilote du Santa Cruz Syndicate pouvait prétendre à la deuxième place à près de trois secondes et demie de la gagne.
La course est ainsi faite et le dernier bois, lui, sait sourire à Camille Balanche. Du moins, la Suissesse sait y être à son aise, et y capitaliser l’avance déjà gagnée dans le motorway. Et puis un dernier effort dans le dernier secteur sait cette fois la mettre à l’abri d’une Rachel Atherton une nouvelle fois sur la boîte, et qui savait pertinemment qu’avec son niveau physique du moment, il ne fallait pas une course plus longue encore. Sans quoi Monika Hrastnik et Phoebe Gale auraient fini par la devancer. Quoi qu’il en soit, ça permet aussi de poser des certitudes pour la Britannique. Fort William, son objectif de base, est dans six semaines. Nina Hoffmann, en mai dernier, y a gagné en cinq minutes et dix secondes… Alors même si les circonstances pourraient mener à passer sous la barre des 5min, ça fait toujours près d’une minute trente secondes d’effort en plus à gérer. Push, push, push !