Introduction
Texte : Adrien Mantez/Quentin Chevat # Photos : Quentin Chevat
Après une bonne année d’attente à se demander ce qui pouvait bien se cacher derrière le fameux néoprène sur le vélo de Fabien Barel, Canyon a finalement levé le voile en juin 2014 lors de la présentation officielle de son nouveau Strive carbone : le Shapeshifter, une ingénieuse technologie pneumatique permettant de faire varier le débattement et la géométrie du vélo.
Curieux de connaitre ce que cette technologie et le Strive (complètement revu à cette occasion) ont dans le ventre, nous avons sollicité Canyon France pour tester un Strive. Le VPCiste allemand nous a donc confié un flambant Strive carbone 9.0 pour notre essai sur les sentiers du Haut-Doubs…
Le montage
Notre modèle d’essai est donc un Strive carbone (CF pour Carbone Frame) dans sa livrée 9.0, la version carbone intermédiaire (sur cinq déclinaisons) du modèle enduro Canyon. Il est actuellement en vente via Canyon France au tarif de 4299 euros.
Ce vélo entièrement en carbone, doté de roues en 27,5 pouces et d’un débattement avant/arrière de 160 mm, dispose d’une jolie ligne et d’une superbe finition noir matte. Les détails sont soignés (embouts plastique bien propres pour les passages en interne, clips de maintien des durites…) et en bonne marque allemande qui se respecte, le color matching est au rendez-vous.
Avec notre mètre 78, nous avons choisi de tester une version M Race c’est-à-dire dotée d’un triangle avant rallongé par rapport à la plupart des géométries actuelles. De mémoire de vététiste, jamais une marque n’avait proposé un panel de tailles aussi large, qui plus est sur un cadre carbone ! Canyon ne lésine pas sur les moyens…
Intéressons nous maintenant au cœur de la bête, le dispositif Shapeshifter. On ne va pas vous faire le topo intégral, on vous l’avait expliqué en détails au moment de son officialisation et on vous invite à y jeter un coup d’œil (lien vers l’article). Le procédé est tout bête mais il fallait y penser ! Le Shapeshifter repose sur un petit vérin pneumatique (actionné mécaniquement par une manette au guidon) qui permet de faire varier sur deux positions (d’avant en arrière sur 15 mm) le point d’ancrage de l’amortisseur. Cela permet de faire évoluer simultanément le débattement (160/130 mm) et la géométrie/position.
On peut signaler au passage que le système est compatible avec n’importe quel amortisseur du marché (à contrario des systèmes Scott ou Cannondale par exemple), c’est un gros plus si on souhaite faire évoluer son montage par la suite. On notera aussi le poids modeste de l’ensemble (+200 g), le faible encombrement du système et sa belle intégration sous la biellette.
Pour le régler, rien de très compliqué, il suffit d’ajuster la pression de l’air une fois pour toute. La pression moyenne recommandée est de 14 bars. Plus on augmente la pression, plus le piston reviendra vite en position ouverte/XC mais plus il sera difficile de le contraindre pour passer en mode DH.
La version 9.0 Race propose un montage cohérent, de bon goût et prêt à courir : suspensions RockShox Pike et Monarch Plus, poste de pilotage Renthal, freins Sram Guide, transmission Sram X01, roues Sram Rail 50, composants Ergon… Que du bon ! 12,615 kg l’ensemble sans pédales, what else ?
On est bien conscient que pas mal de nos lecteurs ne pourront jamais dépenser 4299 euros dans une bicyclette mais sincèrement à ce prix-là, c’est (presque) donné… Ce Strive n’a rien à envier à des vélos de la concurrence 2 ou 3000 euros plus chers !
En action
Lorsque l’on enfourche notre monture, on ne trouve pas exagérément long le Canyon. Les poignées Ergon respirent le confort tandis que le cintre Renthal extra-large (780 mm ; notre guidon est en alu mais il est bien en carbone de série) inspire l’ « arsouille ».
A l’arrêt, on se baisse pour jeter un œil à l’amorto ; un indicateur vert nous montre (si on n’est pas sûr de son coup) dans quelle position est le dispositif : indicateur vert/amortisseur vers l’avant = position XC, pas d’indicateur/amorto replié = mode DH. C’est simple…
Pour switcher d’un mode à l’autre c’est une autre histoire, surtout en action. Pour passer en mode DH, il faut simultanément actionner la manette avec le pouce, pousser sur les talons comme pour faire talonner l’amortisseur et relâcher la manette au bon moment. Autant vous le dire, ça n’a rien d’intuitif et il faut un temps d’adaptation. A l’inverse, pour (re)passer en mode XC, il faut actionner la manette, basculer son poids vers l’avant/alléger la roue arrière et relâcher au bon moment. Avant de maîtriser cela en spéciales, il y a du boulot.
Passons au comportement général du vélo. Avec son empattement général long, son avant interminable, sa géométrie agressive en mode DH, le Strive CF ne demande qu’à engager et rouler vite, très vite même. Le vélo n’a vraiment pas froid aux yeux, il encaisse à peu près tout, même des runs clairement hors-sujet enduro.
Lorsque ça penche, que ça tabasse, que l’on soit droit dans la pente ou en dévers, le vélo est hyper rassurant : un rail.
Lorsqu’il s’agit de tournicoter, sur des runs sinueux, le Canyon demande à être brusqué. Sa taille M Race nécessite de charger l’avant si l’on veut diriger l’engin. Une fois que l’on a compris cela, on s’en sort. A posteriori si vous avoisinez les 1,78 m et si vous ne faites pas vraiment de compétition, on vous conseille d’opter pour une taille L standard (plus courte que le M Race), qui sera certainement plus docile pour un usage rando…
A l’usage, la technologie Shapeshifter confère bel et bien deux réelles facettes bien distinctes au vélo : un vélo de Trail et un mini-DH. Cette technologie est d’ailleurs plus intéressante selon nous à aborder de ce point de vue là, une solution permettant deux vélos (pour le prix d’un…) plutôt que comme un système type blocage pour grappiller des secondes en spéciale. L’utilisation de la « plateforme » de l’amortisseur (réglage de compression via la position intermédiaire du Monarch Plus RC3) est beaucoup plus efficace et rapide dans cet exercice.
Après vérification dans nos archives photos, il s’avère que Fabien Barel utilisait une commande au guidon pour actionner son Fox CTD en spéciale lors de son week-end EWS victorieux sur les sentiers de Finale Ligure en octobre dernier… CQFD.
Ces réglages de compression sur l’amortisseur sont en outre indispensables pour améliorer les capacités de grimpeur du Strive en position XC. Le Shapeshifter permet une bonne position pour pédaler sans cabrage intempestif et apporte du dynamisme (amortisseur au fonctionnement plus ferme), les positions intermédiaire/verrouillé de l’amortisseur limitent le pompage et vous apportent vraiment le rendement nécessaire pour grimper à peu près partout.
Conclusion
Sans artifice à débattement variable, le Strive serait un très bon gros enduro. En le parant du Shapeshifter, Canyon a réussi (après trois ans de développement) à faire de son Strive un vrai vélo polyvalent 2 en 1. C’est de loin le système de géométrie/débattement variable le plus réussi que nous ayons testé ; aucune marque n’avait réussi jusque-là à aller aussi loin dans la démarche.
Avec son châssis bien conçu, ses composants bien choisis, son comportement exemplaire (pour peu que l’on choisisse la bonne taille), ses tarifs à faire pâlir la concurrence et une technologie au-dessus du lot, ce Strive CF a toutes les chances de devenir un best-seller dans ce milieu grandissant de l’Enduro. C’est un sans-faute, bravo.
Vu que l’on peut toujours s’améliorer, on attend avec impatience de voir comment Canyon réussira à miniaturiser son système et le rendre plus intuitif et simple d’usage. Dernier point, avec un dispositif mécanique/pneumatique de plus sur le vélo, on est en droit de se poser des questions quant à la fiabilité et l’endurance du « bousin ».
Canyon est apparemment sûr de son coup et la marque a décidé de nous confier un Strive CF pour toute la saison à venir histoire de se faire une bonne idée de la longévité du système ! A suivre donc…
Les équipements du testeur : Casque MET Parabellum // Lunettes Scott Obsess ACS // Maillot Royal Racing Dart // Genouillères Racer Profile D3O.