Neutralité carbone…
Six ans et demi déjà, que le Orbea Occam arbore ce triangle avant si singulier, traversé par son renfort asymétrique… À sa sortie, je le disais volontiers avant-gardiste — un pionnier dans cette quête sans fin du vélo à tout faire, à l’aise partout, tout le temps. Sauf qu’en six ans, le monde du VTT a sacrément bougé : les marques ont aiguisé leurs armes, les gros Enduro se sont affirmés, les cinématiques se sont perfectionnées, les pratiques gravity se sont affranchies… et une nouvelle génération de pilotes a débarqué, bien décidée à repousser les limites du “trail bike”. Le temps passe, les choses évoluent — et l’Occam ? Lui aussi a suivi le mouvement, revu et corrigé en 2023. Mais je n’avais pas encore eu l’occasion de le remettre sérieusement à l’épreuve. Alors, que vaut-il aujourd’hui ? Toujours fringant, ou rattrapé par la meute ? Réponse, terrain à l’appui, dans cet essai complet du Orbea Occam LT, sur FullAttack !
Orbea Occam LT
- All Mountain
- 29 pouces
- 150/160 mm, Fox 36 & DHX2 Fact.
- Full Carbone
- Reach 480/5 mm (L) & Offset court
- Oquo Mountain Contrôle MC32LTD
- Assegai & Minion DHR II 2.5 carcasses DH
- Shimano XT 4 pistons, 203/180mm
- 5 modèles, 4 tailles, 2834 à 8034 € + MyO
- 14,94 kg, (L, sans pédales, TL + Préventif)
- Dispo depuis automne 2023
- Fiche sur orbea.com
Feutré, mais franc du collier
Dès les premiers tours de roues, un truc saute aux yeux – ou plutôt, se ressent dans les jambes : verticalement, le vélo est d’une étonnante complaisance. Et c’est d’autant plus surprenant pour un ensemble tout carbone — cadre, roues, cintre inclus. On retrouve bien la dynamique propre au matériau, ce retour d’énergie franc quand on appuie dans un appui, cette relance qui donne envie de charger. Mais à l’impact, le comportement reste feutré, presque moelleux. Les suspensions suivent avec une fluidité rare, lisant le terrain, effaçant tout ce qui relève de la petite aspérité et ne laissant filtrer que les irrégularités plus marquées.
Cette impression de douceur contrôlée me replonge directement en 2019, à la sortie du premier Occam de cette génération — celui qui m’avait déjà bluffé par cette prestation justement. Mais cette fois, dans cette version “remasterisée”, quelque chose renforce encore cette sensation : le LT semble faire travailler sa fourche plus librement, offrant plus de grip, plus facilement encore, à la roue avant. Résultat, un premier contact placé sous le signe du confort, de la facilité et d’une certaine efficacité tranquille…
Jusqu’à ce que l’envie d’accélérer le mouvement se fasse sentir. Et là, un trait de caractère bien marqué apparaît : la linéarité de la suspension. Elle reste constante tout au long du débattement, sans rupture franche, avant de se verrouiller assez sèchement en fin de course, quand les circonstances dépassent ses capacités. Rien de rédhibitoire, mais on sent bien cette limite, ce moment où la progressivité pourrait en donner un peu plus.
Autre constat, plus géométrique cette fois : ça taille moyen. En position haute, le vélo paraît un peu court de l’avant, comme si la roue méritait d’être un soupçon plus avancée pour offrir davantage de stabilité, et cette sensation d’être “dans” le vélo plutôt que “sur” lui. La position basse rétablit en partie cet équilibre, mais c’est alors le reach qui semble un peu limité. Rien d’anormal pour une taille L, mais pas de miracle non plus : sur le papier, les cotes sont assez modernes, dans la réalité, on sent qu’on est pile à la limite supérieure de la taille. Ça passe, clairement, mais ça donne presque envie d’essayer la taille au-dessus… ou mieux, de pouvoir conserver la position haute avec l’angle de direction de la position basse. Ça, je l’ai expérimenté récemment, sur un autre vélo me donnant des impressions qui s’en rapprochent, et avec lequel je peux mettre à profit cette combine pour vérifier qu’elle fonctionne…
D’où ça vient ?
Ça tombe plutôt bien : les dernières évolutions de l’Occam confirment en partie ce que mes premières sensations laissaient deviner. Pour 2026, Orbea dote son vélo à tout faire d’un angleset maison, permettant de jouer sur l’angle de direction. De quoi ajuster un peu plus finement le comportement du vélo en fonction du terrain et du pilote. J’aurais aimé que ce dispositif soit rétrocompatible, histoire de pouvoir l’implanter sur cet exemplaire d’essai — comme sur tous ceux déjà vendus sur le marché — en vain. Au moins, cette nouveauté valide l’idée que l’empattement avant un brin contenu n’était pas qu’une lubie : Orbea a visiblement ressenti le même besoin d’en offrir un peu plus.
Quant à la cinématique de suspension et à cette fameuse linéarité évoquée plus haut, le rappel historique s’impose. Lors de la présentation du Occam LT, Orbea n’avait pas caché sa source d’inspiration : le Rallon. Plus précisément, le Rallon R5/R6, ce modèle qui, à sa sortie, avait occupé une place singulière sur le marché — celle du “vélo d’enduro pas trop gros”, accessible, joueur, et bien plus tolérant que les machines d’attaque pure qui commençaient alors à apparaître.
Pour positionner l’Occam LT, Orbea annonçait une courbe de ratio légèrement plus linéaire que celle du Rallon R5/R6 de dernière génération. Et c’est là tout le sens de mes constats : ce caractère constant sur tout le débattement, puis ce verrouillage en fin de course, ce sont précisément les traits du Rallon de cette époque. Le nouvel Occam LT s’inscrit dans cette même logique, héritier direct de cette philosophie. Pas celle, plus progressive et moderne, du tout dernier Rallon R7 découvert sur FullAttack en mai dernier.
Ce constat a toute son importance, puisqu’il participe au début de réponse que l’on peut apporter à ce que le Orbea Occam LT devient sur un marché en constante évolution. Dans la gamme basque, le Rallon R7 a pris du grade – gros Enduro décliné en vélo de Descente – tandis que ce Occam LT reste un ton en dessous du rang occupé jadis par le Rallon R5/6… N’y aurait-il pas là, un espace qui s’ouvre et qu’une prochaine génération pourrait combler ?!
MyO
C’est désormais un fait bien connu des plus pointus : Orbea ne se contente pas de proposer des modèles de série. On peut aussi configurer son vélo à sa guise, via le programme MyO. Peinture, montage, composants, tout ou presque se personnalise – et cet essai du Occam LT s’est justement construit autour de cette liberté-là.
D’où quelques choix qui méritent explication. La couleur, d’abord : elle découle directement de la garde-robe du moment – maillots Animoz, lunettes Oakley, casque Fox. Si ça peut en aider certains à trouver l’inspiration et/ou le goût de bien faire les choses..! Côté finition, l’idée était d’évaluer ce que donne le vernis coloré plutôt qu’une peinture opaque, ici en version matte. De loin, le vélo reste discret ; de près et à la lumière, il révèle des reflets et les lignes de la fibre de carbone, presque hypnotiques, qui accrochent l’œil à chaque rayon de soleil. Ajoute à cela les jantes Oquo assorties, dont la teinte reprend exactement celle du cadre – le vernis matte n’était pas dispo – et le tableau prend des airs de configuration bien léchée.
Autre raison du choix de ce bleu : la compatibilité avec le kit de protection de cadre proposé en option par Orbea. Fin 2024, seules deux versions étaient dispo : un vert citron assez tranché, et ce fameux bleu. Un peu limité pour combiner avec certaines couleurs de cadre disponibles… mais c’était sans compter sur les nouvelles options graphiques MyO désormais offertes depuis cette deuxième moitié 2025 : plus de logos, plus de détails, plus de finitions, bref – une palette bien plus large pour accorder son vélo à son goût.
Côté montage, le ton est donné : FullAttack oblige, on lorgne naturellement vers les capacités gravity du châssis, donc vers la version LT. Fourche en châssis 36 mm, amortisseur à ressort (l’air est en réserve à l’atelier pour croiser les sensations), et composants maison pour jauger la maîtrise du carbone Orbea : cadre, roues et cintre signés de la marque. Les carcasses DH étant au catalogue MyO, banco ! Freins à 4 pistons, transmission Shimano XT mécanique – best seller qui méritait de faire un retour à l’essai – et le voilà, notre Occam LT FullAttack x MyO, prêt à passer au révélateur du terrain.
Comment ça se règle ?
D’origine, le Orbea Occam est sain, équilibré, plutôt bien calibré. On sent que le travail conjoint entre Orbea et Fox sur les settings internes n’a pas été laissé au hasard. En position haute, avec 30 % de SAG à l’avant comme à l’arrière, détentes à mi-plage et compressions ouvertes, on obtient déjà un fonctionnement homogène, fluide, cohérent.
À partir de là, pour stabiliser un peu plus l’assiette ou gagner en maintien quand le rythme s’accélère versus la concurrence, le plus judicieux est de jouer des compressions basse vitesse. C’est la solution qui se marie le mieux à la linéarité naturelle de la suspension évoquée plus tôt, tout en préservant ce que l’on peut de débattement disponible. Quatre clics à l’avant, trois à l’arrière : il n’en faut pas plus pour ajouter une dose d’amortissement dès l’attaque du débattement.
La position haute fonctionne très bien dans cette configuration, même si elle peut paraître un peu compacte de l’avant pour qui vient du monde Gravity. En position basse, l’équilibre global s’en trouve modifié. En gardant les réglages de la position haute, l’arrière s’écrase trop, tandis que l’avant perd en sensibilité. Il faut donc ouvrir légèrement la compression avant et refermer d’un ou deux clics à l’arrière pour retrouver une cohérence globale. Malgré ça, on reste parfois un peu trop tassé de l’arrière. Et c’est là que la solution la plus efficace apparaît : toucher au SAG. Avec l’amortisseur à ressort, ajouter un tour de précontrainte – pour passer de 16,5 mm à 15,3 mm – permet de faire remonter le vélo dans son débattement, de supprimer les chocs secs et de restaurer une assiette satisfaisante.
L’ensemble confirme une impression générale : le vélo est bien conçu et tolérant, mais il a une plage de fonctionnement optimale qu’il faut savoir respecter. Pas besoin d’être un maniaque du click, mais ignorer totalement les réglages, c’est se condamner à passer à côté de ce que le Occam LT peut faire de mieux.
Une fois cette mise au point terminée, le Occam LT montre tout son potentiel. Il peut donner envie de rouler vite, de le pousser vers un usage enduro, et dans ce cas, quand le terrain tabasse, l’assiette a besoin d’un petit soutien supplémentaire. En montant la compression d’un bon cran à l’avant comme à l’arrière – on parle de passer la mi-plage – le vélo se cale mieux encore, mais on y perd en confort et en adhérence ce que l’on gagne en stabilité. Pas de solution miracle ici, il faudra savoir compenser dans son pilotage…
Enfin, l’essai en version ressort et version air confirme les différences classiques, mais bien marquées sur l’Occam. Le ressort offre ce début de course “plush”, cette lecture feutrée du terrain et ce maintien mécanique qui limite toute impression de débattement excessif. L’air, lui, rend le vélo plus tonique, un peu plus sec sur l’impact, mais plus réactif à la relance. On gagne un peu de giclette, un peu de réserve de débatteme après le SAG, et la fin de course naturellement plus progressive vient bien suppléer la linéarité dont on a déjà longuement parlé. Le truc, c’est que le choix dépend de ce qu’on veut du vélo, et que l’on n’a pas, ici, le beurre et l’argent du beurre comme c’est désormais parfois le cas chez la concurrence. Une question de choix plus que de compromis.
| Avant | Arrière | |
| SAG | 30% | 30% |
| Détentes | mi-plage | mi-plage |
| Compressions | 1/4 fermées | 1/4 fermées |
| Réducteurs de volume | sans | avec (amortisseur à air) |
Pour un gabarit moyen de 75/80kg. Clics de détente et compression comptés depuis la position la plus vissée des molettes. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaules à l’aplomb du guidon. Voir notre vidéo explicative > https://fullattack.cc/comment-faire-les-sag-la-methode-et-les-conseils-fullattack/
Comment ça se pilote ?
Vous l’aurez peut-être senti dans ce début d’article : le Orbea Occam s’avère assez neutre dans son tempérament. Je parle de taille, de comportement de suspension, de comrpomis/choix à faire… Pas nécessairement d’un trait de caractère très affirmé, atypique ou évident. Il m’aura même fallu un moment pour trouver le mode d’emploi du Orbea Occam LT qui m’a longtemps paru neutre avant toute chose… Mais voix, au final, comment tirer son épingle du jeu de différentes circonstances qui méritent d’être précisées!
À la pédale
L’un des traits distinctifs du Orbea Occam, depuis sa création, c’est son anti-squat assez élevé. Une valeur que la marque a d’ailleurs fait évoluer à la baisse au fil des générations, suivant la tendance actuelle du marché. Sur le terrain, ça se traduit par un comportement très lisible : tant que la chaîne reste détendue, la suspension arrière vit, respire, travaille. Elle avale les petites aspérités sans retenue et trace un chemin confortable pour le pilote. Mais quand la chaîne se tend, la roue arrière se plaque au sol. Pas de blocage brutal, non – juste une accroche ferme, qui transforme le coup de pédale en motricité directe.
C’est un équilibre subtil : le vélo se joue de l’effet de chaîne, mais il faut savoir composer avec. Pour profiter pleinement du confort de la suspension, il faut savoir lever le pied, laisser filer un peu, laisser vivre la cinématique. À l’inverse, quand la traction devient prioritaire – dans les montées techniques ou les relances en sortie de virage – il faut pédaler franchement. Ce n’est pas un vélo pour grimper “en force” dans le cassant : à cadence égale, d’autres tractent davantage. L’Occam préfère qu’on anticipe, qu’on garde un peu d’élan et qu’on laisse le châssis faire son travail en pouvant lever le pied le moment venu, plutôt que de subir les trous ou les nids-de-poule en pleine phase de pédalage.
La position, elle, ne souffre d’aucune critique. Orbea fut parmi les pionniers du tube de selle redressé, et la géométrie du Occam LT en porte toujours la signature. C’est d’ailleurs écrit dessus – Steep ‘n Deep, littéralement. En pratique, on est bien centré sur le vélo, efficace à la montée, sans avoir à se battre pour garder l’avant collé au sol. Ce qui, à l’époque, faisait figure d’avant-garde est aujourd’hui devenu la norme. Mais la philosophie reste intacte : une position efficace et dynamique, qui permet de profiter de la giclette du cadre et de la légèreté du vélo à chaque coup de pédale. C’est simplement, là aussi, rentré dans le rang.
En courbe…
Avec le Orbea Occam LT, quand on est un peu à l’étroit sur la taille choisie, ou qu’on roule en position haute, il faut forcément s’asseoir un peu plus sur l’arrière, déplacer son poids derrière la selle pour retrouver l’angle et la couverture nécessaires derrière le guidon. Rien d’anormal, c’est la logique même d’un vélo au poste avant plutôt compact : on ajuste son placement pour redonner du dégagement et sentir le vélo respirer dans les virages.
Hormis ce détail, l’adhérence de l’avant inspire confiance. À moins d’évoluer sur un sol vraiment précaire, la roue avant reste bien ancrée, docile et prévisible. Si tel n’est pas le cas, c’est le SAG ou la pression du pneu avant qui est à revoir. Mis à part ça, on sent que c’est un vélo qui fait travailler sa fourche. Elle permet de charger franchement sans arrière-pensée.
C’est là tout l’intérêt d’un vélo qui ne taille pas trop grand. L’Occam LT garde cette réputation de maniabilité qu’on leur prête : il tourne court, sans forcer, se place d’un mouvement de hanche, et enchaîne les virages serrés comme s’il connaissait la trajectoire à l’avance. Un comportement sain, précis, et toujours plaisant quand le terrain sort les aiguilles à tricotter.
En l’air…
Avec son triangle arrière compact, le Orbea Occam LT donne immédiatement le ton : lever la roue avant est un jeu d’enfant, tenir un manual s’y prête. Ce caractère vif et bien recentré sur l’arrière facilite les mouvements de cabrage, les changements d’assiette et toutes les petites relances de terrain. C’est déjà un bon signe : un vélo qui se place bien en wheeling, c’est souvent un vélo qui se décolle du sol sans appréhension.
Dans les appels, en revanche, il faut apprendre à composer avec la cinématique et la linéarité de ses suspensions. Le Occam LT aime la finesse : arriver trop fort ou trop charger dans la compression revient à le tasser, voire à toucher le fond si la réception est appuyée. Il ne punit pas, mais il le fait sentir. À l’inverse, un appui doux, précis, bien dosé permet de profiter de tout le soutien disponible sans brutaliser le cadre ni écraser l’amortisseur.
C’est un vélo qui récompense la délicatesse : trop timide, on ne décolle pas franchement ; trop agressif, on traverse la course d’un bloc. Il faut trouver ce juste milieu entre légèreté et engagement, ce point de pression où le vélo répond sans se figer. Une fois ce rythme trouvé, l’Occam LT décolle droit, se cale naturellement, et revient au sol avec cette impression de contrôle typique des châssis bien équilibrés.
Quand ça brasse ?!
On l’a déjà évoqué : c’est dans le défoncé que le Orbea Occam LT peut atteindre ses limites. Pas une fatalité, mais un terrain où il faut savoir composer avec son tempérament. La première astuce tient au freinage. Sur ce vélo, le frein arrière influe sur le fonctionnement de la suspension. Point de pivot bases/haubans concentrique à la roue arrière ou pas, plus on tire fort sur le levier, plus la roue se fige, et tape dans le sol. À l’inverse, en dosant finement, en ne mettant qu’une légère pression — une lichette, la fameuse — on laisse la suspension travailler et on retrouve du grip. Il faut donc apprendre à relâcher un peu le frein, à le moduler plutôt que le bloquer, surtout dans les enchaînements de cailloux ou de racines.
L’autre paramètre à garder en tête, c’est la linéarité du système. Elle fait merveille sur les impacts “normaux”, dans la plage de travail idéale, mais dès qu’un choc demande plus de débattement qu’il n’en reste vraiment, la réaction devient sèche. On le sent dans les jambes, le vélo met un tir alors que ce n’était pas le cas précédement. Dans ces moments-là, inutile d’espérer que la suspension rattrape tout toute seule : mieux vaut accompagner, alléger, retrouver ce petit réflexe “old school” qu’on avait avant que les vélos modernes ne fassent tout à notre place.
C’est un vélo qui demande un peu de doigté, un vrai pilotage actif, mais il récompense ceux qui le comprennent. En restant souple sur les jambes, en laissant filer le frein arrière et en gardant le regard loin devant, le Occam LT garde son cap et conserve ce toucher de terrain feutré qu’on apprécie sur le reste de la course. Ce n’est pas un bulldozer, mais un châssis équilibré qui aime qu’on roule avec lui, pas contre lui.
Pour qui ? Pour quoi faire ?
C’est la question à cent mille : où placer la limite ? À quel moment le Orbea Occam LT, si séduisant à rythme raisonnable, touche-t-il à ses propres bornes — ou vous amène-t-il à toucher les vôtres ? C’est là que notre grille de lecture FullAttack, et cette façon de découper les nuances des pratiques “gravity”, aide à y voir clair.
Pour moi, le curseur se place quelque part entre le Randuro et le Rallye Enduro, puis entre les navettes et le bike park. Les premières cases, il les coche sans peine : l’Occam LT excelle dans ce rôle de compagnon agile et polyvalent, à la fois confortable et nerveux. Mais dès qu’on monte d’un cran dans la violence du terrain, la vitesse ou la fréquence des gros impacts, quelque chose finit par atteindre sa limite — le vélo ou le pilote, difficile à dire, mais l’un des deux finit par demander grâce.
Sur l’échelle des catégories telle que le marché nous y a habitués — Trail → All Mountain → Enduro → Gros Enduro → DH —, le Occam LT s’installe clairement dans la case All Mountain. Là où certains concurrents ont glissé, presque par réflexe, vers l’Enduro pur et dur, le Orbea Occam LT, lui, reste fidèle à l’esprit d’origine. À sa sortie, il y a six ans, l’Occam se plaçait pile entre deux mondes, à la frontière du All Mountain et de l’Enduro. Depuis, l’évolution du marché l’a replacé dans son couloir naturel : celui du all-mountain, celui du vélo qui sait tout faire, sans chercher à en faire trop, et surtout, sans fioriture.
Et c’est finalement très cohérent. Orbea est une marque généraliste, qui a su capitaliser sur un châssis réussi, bien accueilli, et qui parle à beaucoup de pratiquants. Inutile de réinventer la roue : l’Occam LT vit sa vie, celle d’un repère du segment. Un vélo qui n’a plus besoin de prouver qu’il est capable — juste de rappeler, sur chaque sortie, pourquoi il est resté une référence aussi longtemps. Une monture qui sait aussi et surtout se faire oublier quand on l’utilise dans sa zone confort. D’où le sous-titre de cet article, qui implique le concept de neutralité dans le propos…
La Concurrence ?
Commençal Meta V5
Comme le Meta, le Orbea Occam LT tire parti d’un meilleur fonctionnement de suspensions en position haute, avec cette capacité rare à faire travailler la fourche sur les sections de liaison comme sur les appuis dynamiques. On retrouve aussi cette impression de vélo raisonnable dans ses dimensions, qui donne le sentiment de tailler un peu petit sans trop brider la position. Mais en suspension, le Meta V5 a quelque chose de plus qui lui permet de voir plus grand, encaisser davantage, hausser le ton, et rouler partout, tout le temps…
Canyon Spectral
Le Canyon Spectral reste un concurrent historique. Présent depuis des années, il a suivi une trajectoire très proche, en gagnant progressivement du galon. Sa cinématique à trois phases lui confère plus de caractère et une meilleure tolérance à mesure que le rythme augmente. Là où l’Occam mise sur la cohérence et la fluidité sur laquelle il faut veiller, le Spectral se montre plus tolérant, plus apte à encaisser. C’est face à lui que le rendu du carbone diffère : celui du Canyon est plus souple, plus complaisant, offrant un confort appréciable, mais parfois un peu de flou aussi. L’Occam, lui, s’en tient à une moyenne plus soutenue, plus homogène dans son comportement global.
Specialized Stumpjumper 15
Avec ses tailles numérotées et au nombre de 5, Specialized contourne ce débat sur la perception des dimensions : on choisit un vélo à la longueur qui nous convient, point. Côté suspensions, le Stumpjumper mise sur un amortisseur spécifique, pensé pour amplifier la sensation d’un ressort pneumatique, et c’est précisément ce qui le place, lui aussi, à la croisée des mondes. Un vélo qui assume sa vocation polyvalente, même si pour en tirer pleinement parti, il faut s’en tenir à cet amortisseur spécifiquement développé pour lui, au risque sinon, de se confronter aux mêmes limites que le Occam LT…
Le reste de la concurrence
Et puis, il y a le reste de la meute. Le Trek Fuel EX/MX/LX illustre bien la tendance actuelle : celle des cadres compatibles avec plusieurs configurations de fourche et de débattement, capables de couvrir le spectre du All Mountain à l’Enduro sans changer de base. Même philosophie pour les Evil Offering et Transition Sentinel, le deuxième montrant comment une géométrie généreuse peut allier modernité et ludicité sans tomber dans l’excès. Au final, le Orbea Occam LT me rappelle le Scott Genius ST sur un point: un vélo très bon dans son domaine, mais dont le champ d’action reste un peu étroit. Différentes raisons, même conclusion : des vélos cohérents, performants, mais qu’on aimerait voir élargir leur spectre pour toucher plus de terrain, offrir davantage de perspectives à ceux qui s’en sont emparé.
Avant-gardiste à ses débuts, le Orbea Occam LT incarne aujourd’hui le neutre : ce point d’équilibre qu’une part marché vise, consciemment ou non. Ni trop radical, ni trop timide, simplement à sa place, là où le pilotage reste naturel et où l’on prend de bonnes habitudes. Certains vélos font mieux, plus vite ou plus fort ; d’autres peinent déjà à suivre. Le Occam, lui, trace la ligne médiane, celle sur laquelle s’appuie tout ce qui se compare. Et c’est peut-être là, finalement, la plus belle reconnaissance pour ce vélo : rester une référence, à sa manière.
