Aaron Gwin rempile, non sans avoir fait le point…

La question pouvait se poser : après quelques temps difficiles, et alors qu’il va sur sa 35 année, quel serait l’avenir d’Aaron Gwin pour les saisons à venir : rempilera ? rempilera pas ?! Le co-recordman de victoire au général (x5), et recordman de victoires en une saison de Coupe du Monde de Descente (x5), vient de couper court aux spéculations : il roulera encore à haut niveau, au moins les deux prochaines saisons, et sur Intense…

Les plus acerbes diront que le bonhomme a certainement passé l’apogée de sa carrière, ou ne manqueront pas de souligner que le team Intense Factory Racing, pour lequel il roule, lui appartient, et qu’il y bénéficie donc d’une liberté de choix… Il n’empêche qu’à sa manière, Aaron Gwin a bien écrit une part non négligeable de l’histoire de la Coupe du monde de Descente VTT. C’était au moment de basculer dans la deuxième décennie des années 2000. En deux saisons à peine, Aaron Gwin est apparu sur la scène internationale et a titillé le top 10. Lors de sa troisième saison (2011), il remportait sa première manche de Coupe du Monde, puis quatre autres, pour s’adjuger son premier général. 4 nouvelles victoires et un général de plus, l’année suivante, et en l’espace de 18 mois, Aaron Gwin avait marqué le sport de son empreinte !

À l’occasion d’une très longue conversation – près de 4h !- dans le podcast anglo-saxon Gypsy Tales, l’Américain est d’ailleurs revenu sur les raisons de ce succès très soudain, notamment la culture MX/SX US dans laquelle il baignait alors…

J’ai commencé à m’entrainer avec John Tomac fin 2010, et il a fait progresser mon programme d’entrainement comme jamais auparavant. Je n’avais jamais été sur quelque chose d’aussi structuré jusque-là. M’entrainer avec lui et partager des séances avec Eli a clairement fait progresser mon jeu… Et je pense que ça a fait progresser le sport dans son ensemble. À cet époque, je pense que je m’entrainais plus que quiconque. J’étais vraiment très appliqué pendant tout l’hiver. Je faisais des progrès chaque mois. Je prenais ça très au sérieux ! Comme si j’étais sur un programme factory pour rouler en Motocross, alors que j’étais pilote de Descente VTT. […] Le MX/SX US a connu une évolution similaire quand Ricky Carmichael est arrivé fin des années 90, début des années 2000. C’était plus détendu et RC est arrivé, a travaillé plus que n’importe qui, et a dominé le sport.

Aaron Gwin, Gypsy Tails Podcast

Un succès sauce US donc, fait de dur labeur, aussi tonitruant que l’engouement et la pression qui s’en suivent. C’est d’ailleurs ce caractère très soudain et le décalage de culture qui expliquent, toujours selon Aaron Gwin, les difficultés rencontrées par la suite…

Remporter ma première course en Afrique du Sud était déjà quelque chose d’incroyable. C’était ce que je voulais : être le meilleur ! [Avant ça…] Les gens étaient très sympa avec moi quand je suis arrivé dans le milieu. J’en ai forcément dégouté certains parce que je réussissais plus vite que prévu, mais globalement, les gens étaient bienveillants. […] Je m’attendais à plus d’hostilité. […] Je venais de la moto, un monde où certains sont prêts à te couper en deux pour gagner. Où tous les pilotes prennent ça très au sérieux, sont tous très rapides. C’est le monde dont je venais. [En même temps…] Parler aux gens que je ne connaissais pas me rendait nerveux. J’étais donc très discret. J’essayais de rester concentré sur moi. […] C’en est venu à un point où en 2015, je gagnais des Coupes du monde, mais je n’arrivais pas à dormir plus d’une heure les nuits d’avant-course. […] C’était devenu très difficile pour moi de maintenir le niveau que j’avais atteint. […] Ça devient très lourd à supporter si tu n’es pas mâture pour gérer ça.

Aaron Gwin, Gypsy Tails Podcast

On comprend donc qu’avant de rempiler, et alors que les dernières saisons ne l’ont pas non plus épargné – entre une saison 2020 difficile à gérer face à la pandémie et ses effets, et une blessure au dos en cette fin 2021 – Aaron Gwin a pris le temps de faire le point, et de se questionner sur ses réelles motivations…

La pression est quelque chose d’abstrait. C’est purement ce que tu en fais, et comme tu la ressens. Au final, tu es simplement là pour rouler et faire ce que tu sais faire, faire de ton mieux. Tu peux simplement être heureux de tes efforts, quels que soient les résultats. Mais émotionnellement, être en accord avec ça, peut s’avérer très difficile ! Il y a eu des années où j’adorais faire du vélo tous les jours, mais je ne voulais plus être au départ des courses. Je voulais qu’on me sorte de là. […] Un jour j’ai eu mon pote Greg au téléphone […] Je me souviens lui avoir dit que je vivais des moments difficiles, j’étais nerveux… Il m’a dit que j’avais qu’à arrêter. Que personne ne me forçait à rester. Que bien sûr il y aurait des répercutions : ma paie allait diminuer, je ne pourrais plus rouler et faire ce que j’aime, je devrais faire autre chose pour vivre… Mais que si c’était ce que je voulais, après avoir construit tout ça, il n’y avait pas de problème pour arrêter ! […] Quand il a dit ça, j’ai réalisé, et je me suis dit que c’était ridicule !

Aaron Gwin, Gypsy Tails Podcast

À l’entendre en parler, on comprend maintenant que Aaron Gwin, qui s’est marié il y a quelques temps, a mûri, et s’est recentré sur ce qui compte le plus : la tâche plutôt que le résultat. Une approche non sans rappeler un édito publié il y a quelques temps déjà, dans nos colonnes. C’est d’ailleurs ce qu’il conseille lorsqu’on vient lui demander ce qu’il retient de sa carrière jusqu’ici, et ce qui fait le succès selon lui…

La compétition est quelque chose d’ingrat. 99,9% des compétiteurs échouent, et seuls certains l’emportent. L’important n’est donc pas d’avoir des résultats à tout prix, mais bien de rester concentré et de prendre plaisir sur la tâche à accomplir, et les progrès réalisés.

Aaron Gwin, Gypsy Tails Podcast

Des progrès, Aaron Gwin semble donc convaincu de pouvoir encore en faire. Il admet d’ailleurs avoir grandi et être devenu plus mature tout au long de sa carrière à haut niveau. Il a néanmoins le sentiment d’avoir encore à faire lors des prochaines années. Il semble donc en phase avec le fait d’avoir renouvelé son engagement avec Intense.

La durée du contrat n’est pas précisée, mais le propos évoque simplement les prochaines années, soit minimum jusqu’à 2023. On se doute de toute façon qu’en étant à la tête de l’équipe, il soit en bonne position pour décider lui-même de la suite à donner en fonction des sensations. En attendant, le voilà parti pour une carrière au delà des 35 ans, ce qui n’est pas sans rappeler un autre monstre sacré du sport avec lequel il a ferraillé plus d’une fois… Greg « The Goat » Minnaar, qui lui, vient de souffler ses quarante bougies !