Bon partout, mauvais nulle part…
Aux mains d’un cador de l’Enduro, Jesse Melamed en l’occurrence, un proto Rocky Mountain a fait son apparition en 2020 sur le circuit des Enduro World Series et a même trusté les podiums, avant d’être officialisé sous le nom de Rocky Mountain Altitude à l’automne dernier.
À ce moment, il faisait figure de renouveau pour la marque qui l’a, malgré les ressemblances, conçu différemment de l’ancien Instinct BC, l’Enduro 29″ de l’époque, que l’on a d’ailleurs passé à l’essai. Il méritait donc de passer au crible de notre protocole d’essai pour en connaitre le vrai du faux, et surtout, le bon du moins bon…
Et justement, du bon il y en a ! Ce nouveau Rocky Mountain Altitude a véritablement quelque chose d’unique pour plaire à tous. On voit pourquoi tout de suite…
Rocky Mountain Altitude Carbon 90 Rally Edition
- Enduro
- 29 pouces
- 170/160 mm, Fox 38/X2
- Full carbone
- Reach 480 mm (taille L) & offset 44 mm
- Roues Race Face Turbine R
- Maxxis Minion DD 2.5/2.4 WT
- Shimano XTR Trail, 203 mm AV/AR
- 7 modèles, 4 tailles, de 3359 à 10950 €
- 14,7 kg (L, pneus tubeless, sans pédales)
- Fiche technique sur bikes.com/
Première impression !
Je ne vais pas y aller par 4 chemins : les premières sorties – en position 2 du RIDE-9 – comme toutes les suivantes m’ont poussé à penser que ce Rocky Mountain Altitude est d’une polyvalence extrême : il est bon partout, efficace et facile. À la pédale au train, en relance où une certaine légèreté se dégage. En descente quand ça file ou que ça tabasse où sa stabilité et son équilibre restent toujours de la même trempe. Ou encore, quand ça tricote, que ça trialise, que les nose-turns sont de rigueur où son adhérence et son côté pop aident. Voir même quand ça saute où tout semble facile, sans avoir à lui forcer la main… Bref, il est bon vraiment partout !
Au point même d’avoir du mal à lui trouver une situation qui le mette véritablement en défaut… Il n’y a bien qu’une fois en main, que j’ai pu lui trouver une limite. Celle quand on hausse vraiment le rythme : c’est à ce moment que le Rocky Mountain Altitude monte lui aussi d’un cran et que par sa présence, plus tonique, il devient moins facile à dompter. Notamment à l’impact où il demande à redoubler d’effort – par un poil plus de gainage, d’engagement et de confiance – pour tenir la cadence et en tirer parti ! C’est ainsi qu’il est bon partout sans jamais vraiment être mauvais ! Mais alors pourquoi ?
D’où ça vient ?
Peut-être parce qu’il est bon sous bien des angles… D’abord par sa géométrie – en position 2 du RIDE-9 – dans la bonne moyenne en tous points. Reach, hauteur de boitier, angle de selle, angle de direction… tous sont conformes à cette idée. Ça tombe sous la main !
Puis, la construction du cadre n’y est pas pour rien aussi : il se tient, il est rigide ce qu’il faut. Le travail qui permet un certain confort, une certaine adhérence mais aussi un certain dynamisme est au rendez-vous. Même s’il finit par se raidir…
Enfin, sa suspension arrière, très sensible contribue elle aussi, dans une autre dimension, à son confort et la bonne adhérence de la roue arrière. Cependant, très progressive en fin de course, donnant l’impression de se raidir d’un coup, elle participe aussi à le rendre un poil exigeant quand on hausse le rythme. Le passage par la case réglage permet d’en saisir sa dimension fatale…
Comment ça se règle ?
Justement, le Rocky Mountain Altitude ne manque pas de réglages, même si la base est très facile à trouver. En effet, le sacro-sain 30 % de SAG lui va très bien. Une excellente base ! Quelques clics de compressions basses vitesses en plus pour contrer son côté plush du début de course – comme sur tout bon Rocky Mountain – et lui permettre de réaccélérer ou de mieux conserver sa vitesse.
Et, à l’intérieur, aucun spacer puisqu’il est déjà très progressif de nature : le dernier centimètre de course constitue une véritable réserve. C’est rare de s’y frotter. Quand j’ai ouvert l’amortisseur, il n’y en avait déjà pas, alors que mes ressentis me donnaient envie d’en retirer… C’est ainsi que ça participe fatalement à le rendre plus exigeant quand on hausse le rythme !
C’est pour ces 2 raisons (forte progressivité, maintien peu prononcé en début de course) qu’un amortisseur à ressort serait le bienvenu. D’ailleurs, à mon avis, ce n’est pas pour rien que le team canadien de la marque en fait exclusivement usage…
Avant | Arrière | |
SAG | 24% | 30% |
Détente | BV : mi-plage HV : ouverte | BV : mi-plage HV : ouverte |
Compression | BV : ouverte HV : ouverte | BV : ouverte HV : 3/4 ouverte |
Réducteurs de volume | sans | sans |
Clics de détente et compression comptés depuis la position la plus vissée des molettes. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaules à l’aplomb du guidon.
Reste que le Rocky Mountain Altitude offre d’autres réglages :
Pour un usage Enduro j’ai préféré la position 2. J’ai aussi apprécié les positions allant jusqu’à 5. Notamment lorsque je voulais un vélo plus joueur et plus sensible et que le terrain n’était pas forcément pentu ou défoncé. Entre chaque position c’est fin, mais c’est perceptible.
Au delà de la position 5, l’intérêt est assez limité tant la géométrie correspond bien moins aux composants taillés pour l’Enduro : Fox 38, X2, disques en 203 mm AV/AR… Le boitier parait haut, l’angle de direction vraiment ouvert… Il en devient presque trop vif et pas assez posé pour ce à quoi il se prédestine.
Comment ça se pilote ?
Difficile de ne choisir qu’une situation tant il est intéressant partout, on va donc se concentrer sur ces moments où il est à l’aise, et ceux où il demande une attention particulière…
Au pédalage
Au train ou de manière plus vive, j’ai toujours fait usage du blocage de l’amortisseur Fox X2 pour éviter qu’il ne pompe. Très sensible le Rocky Mountain Altitude oscille facilement, offrant d’un autre côté une motricité agréable.
Pas des meilleures, comme un Specialized Enduro par exemple, mais lui assurant une nouvelle fois un comportement du bon côté du spectre.
Quelque soit la façon de pédaler, rond ou plus dynamique, on profite alors d’un bon rendement, et de la motricité quand c’est nécéssaire.
Quand il faut le bouger…
En plus d’un certaine légèreté entre les mains, l’Altitude fait preuve d’un équilibre très intéressant entre adhérence et jouabilité. Il profite d’un grip constant et son caractère pop lui évite d’être collé au parquet pour autant.
Du coup, quand le terrain devient plus joueur, plus technique et qu’il demande de bouger l’Altitude c’est là qu’on peut se faire plaisir ! Il y a de la vie, sans revers de médaille : on peut ouvrir un épingle en sautant, ou faire un nose-turn facilement, si le virage est moins serré on peut poser un appui sans rester coller dedans ou tenir l’inter’ et plus se faufiler. Parfois, on ose même un manual par-ci ou un gros saut par là, où il ne demande pas d’effort particulier…
Bref, c’est de son côté joueur, léger, fun et facile dont il faut profiter à fond ! C’est le moment et bien des terrains s’y prêtent selon notre aisance, notre style de pilotage et les envies du jour…
Quand ça s’emballe !
Reste que quand le rythme s’emballe, l’Altitude, lui aussi, s’emballe. Même si ça ne concernera que les plus rapides et les plus fougueux… C’est d’ailleurs pour ça que ça ne peut pas être considéré comme un défaut : ceux là s’en accommoderont très bien.
En plus de conserver son côté pop en toute situation, il se raidit, s’affermit et exige d’être tenu. Il demande à être plus précis, plus fort et plus endurant. Bref, il n’y a pas le choix : il faut la caisse et l’expérience pour tenir la cadence longtemps à son guidon. Tel un Jesse Melamed en fait… ceux qui l’ont déjà vu rouler comprendrons !
Au freinage
C’est probablement l’unique point faible de ce Rocky Mountain Altitude. De part son anti-rise élevé en début de course et une progressivité marquée en fin de course, il n’est pas du genre posé et peine parfois à s’assoir au freinage… du moins avec un amortisseur à air.
Donc, comme ça ne rassure pas quand on attrape tard les freins, il est plus raisonnable d‘attaquer le freinage plus tôt que d’habitude et d’étendre la zone de freinage. En plus d’accentuer la freinage sur l’avant ! Mais il n’est toutefois pas judicieux de s’attarder sur les leviers tant il peut buter dans les obstacles à ce moment et perdre de la vitesse…
Il convient donc de relâcher les freins tôt pour reprendre au plus vite la vitesse, qu’il a du mal à conserver dans cette phase. C’est un véritable challenge que d’adapter son pilotage à ce niveau, mais le Rocky Mountain Altitude le mérite vraiment !
Pour qui ? Pour quoi faire ?
Pouvoir rouler partout, de belle manière, c’est avoir une certaine polyvalence en somme… Ne serait ce d’ailleurs pas l’essence même d’un vélo d’Enduro ? C’est le cas ici, avec le Rocky Mountain Altitude : vélo d’Enduro par excellence ! De loin le vélo d’Enduro le plus complet que j’ai pu rouler jusqu’ici…
Certes, il n’excelle nulle part, mais est bon partout. Le pilote lambda comme le cador sauront, chacun à leur niveau, en tirer parti. Entre les mains d’un débutant il aidera par sa facilité, son confort et son incroyable aisance. Entre les mains d’un excellent pilote voir même du racer, il saura répondre présent et être efficace dans presque toutes les situations… malgré le revers de la médaille, où l’Altitude montre qu’il est présent, qu’un pilote de ce niveau saura largement s’en accommoder et même apprécier !
La Concurrence ?
Commencal Meta AM 29
L’Andorran est clairement plus fade. Il n’est pas aussi fun que le Canadien à rouler… L’Altitude demande aussi moins d’expertise en matière de pilotage pour être vraiment apprécié et exploité. Mais quand on hausse le ton, le Commencal ne maltraite jamais son pilote.
Yeti SB150
Le Yeti SB150 a tendance a rendre toutes les situations plus faciles qu’elles ne le sont alors que le Canadien retranscrit le terrain tel qu’il est et s’en accommode, rendant encore une fois le pilotage plus fun mais aussi, parfois, plus exigeant que le Yeti, un poil canapé sur les bords.
Specialized Enduro
Face à l’Américain, l’Altitude se démarque par plus de dynamisme, plus de rendement, plus de légèreté… Il est aussi plus polyvalent, là où le Specialized Enduro demande un terrain exigeant – défoncé et rapide – pour s’avérer vraiment utile.
Mondraker Foxy
Le cadre du Foxy a tendance à être souple, puis ensuite à se raidir d’un coup. C’est un peu ce que fait aussi l’Altitude. C’est de cette manière qu’ils se montrent tous les 2 exigeants quand ça s’emballe. Le Canadien reste tout de même plus facile par ses dimensions, là où l’Espagnol est plus atypique et demande plus d’expertise au pilotage.
Si le Rocky Mountain Altitude n’excelle pas dans un domaine particulier, il excelle dans sa globalité : par sa polyvalence. C’est justement pour ça que je l’ai adoré et que je le considère comme un véritable coup de coeur. On lui trouve des qualités dans toutes les situations même si lorsqu’on arrête de chiller à son guidon, les choses se corsent… Le Rocky Mountain Altitude est le vélo avec lequel on aimerait rouler tout le temps, quelques soit le terrain et le profil de la sortie : simple, efficace et fun. Bon partout, mauvais nulle part il n’y a franchement pas mieux pour le décrire !
Enfin ! C’est tellement rare que ça mérite d’être dit : l’Altitude est directement monté avec des pneus en adéquation avec sa pratique de prédilection : des Double Down pour de l’Enduro là où beaucoup jouent encore la carte des EXO/EXO+… Là ou ailleurs le passage des gaines est propre. La finition est soignée. La large protection sous le cadre fait le job, même si elle pourrait s’étendre jusque sous le boitier.
Ce montage est prêt à rouler dès la sortie du carton. Rien est à changer, mais c’est le haut du panier à 8699 €. D’autre part, les roues Race Face Turbine R d’origine exacerbent le caractère léger mais parfois exigeant de l’Altitude. Malgré un rapport poids/rigidité/robustesse/qualité très intéressant, elles ont aussi tendance à être élastiques par moment et à rendre le pilotage plus complexe. Elles demandent souvent à corriger une trajectoire ou une position là où on aimerait être plus serein et plus posé : à ces moments où la vitesse n’est pas excessive, où le terrain n’est pas si difficile, là où même on pourrait le trouver facile, elles viennent rendre les choses plus difficiles qu’elles ne le sont vraiment et demandent une attention de tous les instants… Ce sont d’excellentes roues, mais demandent un certaine adaptation. La suspension, pas aussi performante que chez certains concurrents, pourrait progresser pour assurer une meilleure conservation de vitesse et donner un comportement plus posé au vélo.