Tour du Mont Blanc VTT – Récit d’une folle journée pour battre le record du tour

Un nouveau record avec la manière

Alors que la fête de la basket bat son plein à Chamonix, Florent Besses nous conte son gros morceau d’aventure, entre copains, à l’assaut du Tour du Mont Blanc VTT et son record de vitesse…

Récit & photos : Florent Besses

Genèse

Inspiré par le record de Nicolas Filippi qu’il a réalisé en 2018 autour du Mont Blanc (19h19) ; amoureux de VTT en montagne, de bambées interminables et compétiteur… J’ai très vite eu envie de m’y frotter.

Première tentative en septembre 2019, on prend avec Yoann Sert un « but » météo qui restera dans les annales… alors qu’il nous reste 600 m de D+ à couvrir : un orage de grêle puis des bourrasques de neige nous couchent dans le Val Ferret et nous contraignent à un repli catastrophe sur Courmayeur. Seconde tentative l’an passé, je casse une pièce dans la descente du Col du Bonhomme, je rebrousse chemin à pied à 3h du mat. Bref, il était temps d’enrayer cette spirale et de remettre l’église au milieu du village.

Après une saison de ski-alpinisme bien remplie, un printemps et début d’été productifs sur le vélo entre compétitions marathon, gravel et belles virées en montagne, la forme est bonne et l’idée resurgit naturellement. Je réactive début août le groupe Whatssapp dédié, en espérant que des fêlés se motivent à m’accompagner. La philosophie est simple : navigation GPS, sans assistance, sans stop, on roule vite mais bien. Les copains en forme qui ont envie de rejoindre cette petite sauterie sont les bienvenus et advienne que pourra !

Hugo Maillet avec qui nous avions eu le temps de faire connaissance l’an passé lors de la MB Race Ultime en équipe (2nd en 22h sur le tracé de 230 km 11 000 m de D+,) signe des deux mains ainsi qu’une autre force de la nature iséroise : Julien Brottet. Le faire c’est bien ; le partager avec des bons potes c’est encore mieux.

Le tracé

Pourquoi ce tracé ? Il est évident que l’on peut réaliser un tour du Mont Blanc de différentes manières. Certains prennent leur pied en combinant route et VTT, d’autres en suivant scrupuleusement le tracé des coureurs à pied de l’UTMB… si les efforts sont remarquables ils sont à peu près tous synonymes de non-sens pour les vététistes que nous sommes.

À l’inverse, les bases posées par Nico Filippi font la part belle au pilotage. Après 12 ans de haut-niveau et plusieurs titres nationaux et internationaux en XCO, il a conservé un sacré coup de guidon et aime rouler tout simplement. Il donne toute sa légitimité à ce tracé d’exception. Nous sommes donc partis sur cet itinéraire en faisant trois modifications qu’il me semble bon de préciser, avis aux futurs répétiteurs :

  • Nous avons « upgradé » la section Les Houches-Chamonix en roulant sur le beau chemin du balcon Sud (contre la route initialement),
  • Descente sur Courmayeur depuis la traversée Bonatti-Bertone par Leuchey et non via Bertone, désormais interdite aux VTT (cf encadré)
  • Ville des Glaciers/Chapieux, nous sommes remontés en rive gauche pour prendre le superbe monotrace qui descend aux Chapieux (contre la route initialement).

Au global, ces changements améliorent la trace initiale sans vraiment l’affecter en termes de difficulté. Pour les amateurs de chiffres, notre tracé est 0,6km plus court, avec 20 m de D+ supplémentaire et 4 km de sentiers en plus.

Le parcours demande un engagement physique et technique certains. Des portages coriaces, des montées raides… Oui, mais à chaque fois la récompense fait oublier les efforts consentis. On tourne ici dans le sens horaire, à l’inverse des traileurs et autres randonneurs ; afin d’optimiser au maximum les montées sur le vélo et les belles descentes.

Mon matériel

Le Scott Spark RC est pour moi le vélo ultime sur ce genre de projet. Ultra léger et performant à la montée, joueur et sécurisant en descente. C’est un vélo de cross-country moderne typé race avec un comportement downcountry, le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en quelque sorte. J’ai roulé la version World Cup Evo d’origine. J’ai simplement changé le pneu avant en préférant un Maxxis Reckon 2.4 WT en gomme Terra au Reckon Race 2.4 d’origine (que j’utilise à l’arrière par contre). Côté transmission, XX1 Sram AXS avec un plateau de 32 et une cassette 10-50.

Côté éclairage une lampe Hope R4 sur le guidon et une Petzl Swift RL sur le casque bien utile sur les phases de portage. J’ai confié la navigation au GPS Hammerhead Karoo2 et la prise de données à ma montre GPS Suunto 9 Baro. Une petite sacoche de guidon a permis de déporter les batteries des éclairages et une batterie additionnelle.

La veille du départ, on finalise le matériel avec Hugo. Chacun emmènera un nécessaire de réparation classique, une veste light, une couverture de survie, un peu de cash et une CB, sésames pour de providentiels ravitaillements « boulange ». J’ajoute une pharmacie collective qui je l’espère restera au fond de mon sac.

Niveau nutrition, comme d’habitude on prend dix fois trop mais bon les types sont gourmands. Deux trois sandwichs maison au beurre de cacahuète, des boissons énergétiques, quelques gels pour le finish et des sels/électrolytes pour compenser les pertes importantes en sels minéraux. Le tout est d’avoir de la variété et d’emporter des produits que l’on aime pour les avaler avec envie. On devrait consommer environ 10 000kcal sur la durée et boire une douzaine de litres sur la durée de l’effort.

Interdit et cohabitation

Quand on sait que 20 à 25 000 piétons réalisent le Tour du Mont Blanc chaque année (en réalité concentré sur une période courte de 4-5mois) ; la question de la cohabitation et du partage du terrain de jeu se pose forcément.

Depuis 2021, du 15 juin jusqu’au 30 septembre, la pratique du VTT est interdite par la commune de Courmayeur sur trois sentiers (lien vers l’arrêté). Deux secteurs concernent ce tour VTT : Bertone/Courmayeur que nous avons évité par la très belle descente de Leuchey et Lac Checrouit/Arp Vieille/ Lac Combal (interdit de 10h à 16h).

Les raisons invoquées sont la limitation de l’érosion, l’amélioration de la sécurité et de la cohabitation entre usagers. Pour avoir eu la chance de rouler avant 2021 la descente de Bertone ; cet interdit est sûrement un mal pour un bien, étant donné le caractère cassant, encaissé et le nombre de personnes qu’on y croise même en septembre.

On paye ici la surmédiatisation de ces espaces notamment via l’UTMB (Ultra trail du Mont Blanc), et d’une manière générale l’engouement des bipèdes pour le tour pédestre de cette grande bosse blanche, mais aussi les conséquences d’organisation d’évènements VTT et VTTAE peu scrupuleux et de pratiquants qui oublient trop souvent que nous évoluons sur un terrain de jeu partagé.

Alors, roulez, répétez l’itinéraire, améliorer le chrono… Mais ne le faites pas au détriment du respect des règles de courtoisie élémentaires, si nous voulons continuer à rouler dans ces espaces d’exception.

Le déroulé

Résidant dans le Beaufortain, le choix de partir des Chapieux s’impose comme une évidence plutôt que de faire beaucoup de voiture pour partir de Chamonix. Julien moins matinal partira plus tard depuis le Tour et prendra le train en route.

Après une courte nuit de 3h, on enfourche nos bécanes à 1h du matin aux Chapieux et ce sont par des lacets bien réguliers qu’on débute un premier gros morceau : le col de la Croix du Bonhomme. La montée devient rapidement très raide entrecoupée de portions de poussages mais on s’efforce à passer pas mal de parties sur le vélo. Plus haut, on tire de leur torpeur deux patous, petit coup de stress mais ils ont la bonne idée de rester dans leur parc à moutons.

On papote et ça progresse sur un bon tempo, il nous faudra moins d’une heure pour faire les premiers 1000 m de D+. Après le refuge de la Croix du Bonhomme ; au sommet (2479 m) il fait 21 degrés, c’est officiel la veste restera tout le tour dans le sac. Avant de vraiment basculer, il faut se défaire d’une sympathique traversée « roule pousse » chaotique. La section ravira les trialistes et amateurs de franchissements divers et variés jusqu’au Col du bonhomme. Cette partie bien piégeuse réclame pas mal d’attention surtout de nuit ; la suite sera beaucoup plus facile à rouler. Privilège nocturne, on dévale plein phare à toute vitesse jusqu’aux Contamines un sentier puis chemin habituellement bondé en journée.

Le prochain morceau n’est débonnaire que sur le papier. On se cogne rapidement à un mur de 28% entrecoupé d’une belle descente technique sur single puis d’un nouveau mur infâme : bienvenue au col de Voza ! Descente rapide et adhérence précaire, le sol s’est mué en poussière avec la chaleur écrasante des dernières semaines. Biche, renards, blaireaux, la nuit toute la ménagerie est de sortie et nous surprend parfois.

L’arrivée aux Houches est marquée par les encouragements tonitruants d’un supporter aveyronnais qui est apparemment tombé du lit, sacré JB ! Le chemin du balcon sud s’avale à toute vitesse, on peut remettre du braquet et ça roule vite jusqu’à Chamonix. La traversée de la capitale mondiale de l’Alpinisme est difficile pour nos sens, tiraillés par les premières odeurs de croissants des « lève-tôt » et celle de houblon des « couche-tard ». Juste avant les Praz de Chamonix, on retrouve les toboggans du balcon sud. C’est plaisant mais usant à rouler, ça monte, ça descend, ça tournicote jusqu’à l’Argentière. Ensuite un peu de goudron pour grimper jusqu’au Tour au pied du Col de Balme.

La prochaine difficulté sera franco-suisse car il est temps d’aller voir si l’herbe est plus verte chez nos voisins helvètes. Le début de Balme est loin d’être une partie de plaisir. La piste est raide et le rendement pas fou, heureusement que les premières lueurs du jour qui irradient les sommets nous donnent le petit coup de boost nécessaire pour ne pas faiblir. 5h34 pour parcourir 61 km, nous voilà en Suisse.

On descend à Trient par les Herbagères, en mode secouage de pulpe. C’est cassant du début à la fin avec une belle série de pif-pafs dans les bois sur le bas. La descente via la Croix de Fer est sans doute plus sympa à rouler, mais les Herbagères empruntées par Nico Filippi est plus directe. La remontée au Col de la Forclaz est une formalité, on y retrouve notre Juju qu’on aura mis un moment à rattraper, il est en forme le bougre.

Le trio poursuit l’ascension en direction de la Croix de Portalo. Le single dans le mélézin est magnifique ça passe bien sur le vélo au début puis peu à peu les zones techniques combinant marches et racines nous invitent à garder des cartouches et à pousser. La descente qui suit est dingue. On débute par un superbe chemin à flanc d’alpage hyper rapide, juste le temps d’apprécier la vue en contrebas sur Martigny minuscule. La suite est beaucoup plus sinueuse sur un sentier assez cassant mais bien fun à rouler. Encore une fois, notre départ très matinal nous offre une descente jusqu’à Plan de l’Au sans piétons. Un luxe que nous saisissons mais un peu trop euphoriques et emportés par notre élan, on manque une bifurcation pour Champex : +1 km supplémentaire et 50m D+, c’est cadeau !

À Champex le Lac, on refait le plein d’eau. 1h49 d’avance sur le timing prévu… On ne se serait pas un peu emballés là ? A vrai dire, on ne se focalise pas trop sur le chrono. On essaye simplement de garder un bon rythme régulier, de rouler vite mais propre et d’être efficaces dans les arrêts. Hugo habitué du raid multisport veille au grain.

La suite jusqu’à la Fouly est somptueuse. Un gros pétard où il faut s’arracher pour passer à vélo puis plus de 7 km de single à flanc avec un court passage à pied (main courante), des coups de culs, des marches, des virages serrés. Une section régalade à piloter, qui selon Hugo résume bien la philosophie du parcours privilégiant souvent de beaux singles comme celui-ci, au lieu de chemins carrossables ici 20 m en contre-bas.

La Fouly : 9h qu’on roule, 100 km et près de 5000 m de D+ engloutis ; d’un commun accord on fait sauter la pause panini pressés de s’attaquer au Grand Col Ferret. Deux nouveaux paramètres sont à prendre en compte : le monde sur les sentiers et la chaleur qui tour à tour nous met un bon coup sur le casque. La montée du Grand Col Ferret se fait capot ouvert sur une large piste, arrêt rapide au refuge de la Peule pour remettre du liquide de refroidissement. Ça sent le joint de culasse, mais l’arrêt est salvateur.

On poursuit la grimpette sur un beau sentier jusqu’au sommet, 29 degrés relevés au col à 2537 m on vous laisse imaginer en bas… Mont Dolent, Triolet, Talèfre… le panorama sur ce versant italien du massif du Mont Blanc est époustouflant. Rapide photo, quelques encouragements sympa et on se laisse glisser dans la descente qui débute à flanc par une belle traversée.

Même si le sentier multitraces permet de dépasser facilement, on lève le pied vu les nombreux piétons et on profite de cette descente qui vaut des points.

En bas à Arnouva, on reprend de la hauteur avec un bon portage des familles. Ce n’est pas long (300 m de D+) mais ça picote les cannes. L’effort est largement récompensé, la traversée Bonatti-Bertone est un pur bijou. C’est lisse, joueur à souhait, le sentier accroché à plus de 2000 m d’altitude virevolte pendant près de 9 km, pour notre plus grand bonheur.

La descente de Peuchey qui suit est dans la même lignée, c’est un régal la vue sur les grandes Jorasses en prime !

Courmayeur, on refait le niveau d’huile ; les voyants sont au vert, on poursuit en faisant sauter la pause « gelati » tandis que le mercure affiche maintenant 35° degrés. Le gros morceau suivant pour grimper au col Checrouit est un four thermostat 180°C, pente à plus de 20% ; un régal. On a beau s’arroser ça sent à nouveau l’embrayage. On active le mode robot jusqu’au refuge Maison Vieille avant de poursuivre à nouveau sur un sentier incroyable. Le monotrace est très exigeant jusqu’à 2400 m d’altitude mais roulable quasi intégralement.

La descente sur le lac Combal est l’un des trois sentiers interdits par arrêté (de 10 à 16h). On l’aborde sereinement hors de ces horaires, il y a forcément moins de monde donc ça roule vite sur un revêtement terreux et bien lisse au début, plus cassant ensuite sous l’impressionnant glacier de Miage et la face italienne du Mont Blanc.

L’arrivée au Lac Combal annonce la dernière grosse difficulté pour Hugo et moi : le Col de la Seigne. Si l’air est plus respirable, le rendement sur une voie pavée est minable et en bonus le fort vent de face calme bien nos dernières ardeurs. On retrouve plus haut un sentier qui roule un peu mais ça se finit en poussage à partir de la Casermetta, ce sera le dernier alors on vide le réservoir jusqu’au Col de la Seigne.

Désertée par tous les bipèdes, la descente jusqu’à Ville des Glaciers est très rapide. Grisés par l’arrivée proche, on ne sent même pas passer le dernier talus qui remonte en rive gauche du torrent des glaciers. Un dernier monotrace joueur avant un ultime kilomètre sur bitume. 16h58’03’’, 160 km, 8100 m de D+… La boucle est bouclée, les bras et jambes en compote mais tellement heureux d’avoir enchaîné ce fameux TMB-MTB avec les copains. Réguliers, homogènes techniquement et physiquement et surtout ultra motivés auront été les ingrédients de cette belle bambée réussie.

Une rapide embrassade et voilà notre Juju qui nous quitte en solo pour finir son job. Après avoir pris le départ du premier UTMB à pied il y a 20ans et réalisé le tour VTT en 2 jours en 2007, il l’enchaînera ce coup-ci en un peu moins de 18h. Vive le vélo à crampons et vive le TMB MTB !

Un immense merci à Veloclic.com qui me permet de rouler sur une machine qui va vite, Scott Sport France et à 226er France.

Florent Besses

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La trace

Avis aux répétiteurs, régalez-vous

https://maps.suunto.com/move/florentbesses/64e1085918f8c40c72c122e0