Santacruz Hightower, Cube Stereo 140, Yeti SB5.5C, Trek Slash, Specialized Enduro… Ces derniers temps, les 29 pouces sont en vue. À tel point qu’on en vient à parler d’une nouvelle génération de vélo à grandes roues. Le 27,5 pouces n’aurait donc plus la côte ?! N’exagérons pas !
D’autant que dans le milieu, certains ont un malin plaisir à prendre tout le monde à contre pied. Ce n’est pas Max Commençal, fantasque patron de l’enseigne andorrane, qui dira le contraire ! À discuter avec lui des orientations de la gamme Fluo, on comprend même qu’il en fait une marque de fabrique. Explorer des domaines dictés par l’intuition de son équipe, plus que par celles d’un marché parfois aux abois…
Une voix contradictoire dans un débat qui a son poids. Première bonne raison d’accepter l’invitation. À quoi ? Prendre le temps de saisir en quoi le Commençal Meta AM V4.2 n’a plus rien grand chose à voir avec l’ancien. Et bien nous en a pris : on a mis la main sur quelques choses très pertinentes…
Photos : Nicolas Brizin / Commençal
Commençal Meta AM V4.2
« Plus grand chose à voir ?! » On va finir par croire qu’il s’agit d’une autre tendance 2017 : encore un vélo qui s’inspire (très fortement) de son prédécesseur. Esthétiquement, il n’y a qu’à voir les modèles cités en introduction de cet article ! À croire que les Chefs Produits du milieu se sont passés le mot…
Ou, plus sérieusement, que d’autres considérations les occupent. Celles d’aller plus loin dans certains développements, autour d’opportunités qu’offrent de nouveaux standards, plutôt que de se compliquer la tâche à repartir d’une feuille blanche ?! Peut-être bien. En un sens : tant mieux pour nous !
Comme le prône justement Commençal : on aime les Porsche pour leur style. Chaque nouvelle 911 ressemble à l’ancienne… et pourtant ! Des gammes entières d’ordinateurs Apple se succèdent sans que l’esthétiques chère à la marque ne soit remise en question. Voilà comment, d’une certaine manière, les Andorrans se sont persuadés d’oser la manœuvre.
Voilà pourquoi aussi, au premier coup d’oeil, le Commençal Meta AM V4.2 parait si proche du Meta AM V4 2016. Et pourtant…
Autant de détails, du plus évident au plus subtile, qui traduit effectivement un certain souci. Celui de faire mieux sans prétendre avoir réinventé l’eau tiède. Pourtant, déjà, des évolutions qui vont dans le bon sens. Il suffit de relire l’essai Endurotribe du Meta AM V4 Race 2016 et ses commentaires, pour s’en convaincre.
Des fleurs ?!
On ne dit pas ça pour s’envoyer des fleurs ou prétendre avoir la science infuse… Mais nous sommes, finalement, tous embarqués dans la même galère qui vogue au grès des orientations d’un milieu effervescent. Sans idée si précise de l’issue, juste quelques idées du cap à tenir.
Après coup, pourtant, la situation à l’issue de l’essai avait de quoi donner des indications. Des ressentis du testeur, aux travaux de développement de la marque, en passant par les commentaires constructifs des lecteurs. beaucoup de choses concordent. Petit résumé rapide, pour bien saisir la suite…
À l’usage, Le Commençal Meta AM V4 avait tendance à rester haut dans son débattement arrière. Avec les bons, et les mauvais côtés de la chose. Notamment le fait de devoir en tenir compte dans l’ensemble des ajustements. Que ce soit en matière de suspension, ou de géométrie : token et détente rapide devant, cintre au rise important, SAG important et spacers à l’arrière…
Une mission compliquée, mais pas impossible. Et après avoir fait le tour des réglages, un résultat convainquant, mais pas idéal. Et quelques impressions tenaces : celle d’un vélo intéressant mais parfois étroit, un peut haut, pataud ou nerveux du train avant, au compromis pas toujours évident.
De quoi classer le V4 en milieu de tableau. Passe partout intéressant, mais quelque part trop exigu pour être aussi accessible, facile et efficace que certains concurrents.
Nouvelle mouture !
Et pourtant, il ne m’a fallu que quelques mètres pour ressentir tout autre chose au guidon du Commençal Meta AM V4.2 ! Comment est-ce possible ? Comment un vélo, si esthétiquement semblable et à la géométrie si proche de l’ancien, peut être si novateur à l’usage ?!
Première ligne droite dans la pente, premier bunny-up dans les rochers, premier constat. Le vélo cabre, la roue avant prend les airs sans sourciller. Malgré le sol défoncé, la roue arrière encaisse, garde le cap, avale tout ce qui passe… Pas un choc, pas un bruit !
Non mais je rêve ?! C’est quoi la blague ?! Ai-je raté quelque chose à l’essai du précédent ?! Moi qui m’attendais à retrouver certains repères… Me voilà à la fois en plein brouillard et enthousiaste au possible. Il n’y a pas de doute, les gars d’Andorre n’ont pas manqué leur coup en m’attirant jusqu’ici…
En tête à tête…
Pour le lancement du Commençal Meta AM V4.2, la marque procède de manière particulière. Pas de présentation presse collective. Chacun son tour, une poignée de médias internationaux sont invités au siège de la marque, au rond point de Erts – La Massana, Andorre.
2 jours « comme à la maison, » pour échanger avec les différents interlocuteurs impliqués dans le développement du vélo. Chacun se relaie à mes côtés pour couvrir un morceau du territoire, et tailler le bout de gras au sujet du nouveau venu : présentation en compagnie de Max Commençal, premières trajectoires de l’espace sous les yeux de Thomas, leçons de sauts dans la roue de chocho, photos sous l’objectif de Nicolas, le tout chouchouté par Ulysse…
En procédant ainsi, chaque média a l’occasion de mener l’enquête comme il l’entend. En l’occurence, chez Endurotribe, on aime bien quand les infos se recoupent et s’expliquent. Autant dire qu’après de si bons premiers ressentis, j’ai voulu en comprendre davantage.
En ce sens, le second jour, passé en compagnie de Nicolas Ménard, vaut des points. Le bonhomme est responsable au sein du R&D Commençal. Entre conception et mise en production, il rythme son quotidien de bonne tranches de ride. Ça tombe bien, lui et moi partageons donc un goût prononcé pour le pilotage et pour l’ingénierie mécanique, nos formations d’origine…
Au cœur du sujet
Autant dire que les remontées mécaniques de Vallnord ont été témoin de quelques échanges intéressants. De ces instants précieux qui font le lien entre ressentis et développements techniques. Qui explique rationnellement tout ces ressentis si subjectifs. Des échanges qui donnent une autre légitimité à certains standards. De réels répercutions mécaniques au delà de simple arguments parfois commerciaux.
À commencer par cette fameuse tendance à mieux prendre le débattement arrière. Trois axes permettent d’expliquer le phénomène.
L’usage de l’amortisseur au format Metric d’abord. En la matière, une certaine confusion règne – nous y reviendrons. Une chose est sûre : pour les RockShox Deluxe et Super Deluxe, il permet d’écarter les éléments qui participent au guidage. En début de course notamment, l’amortisseur est moins sujet à l’arc boutement. Meilleur guidage, donc meilleure sensibilité, donc course de tige d’amortisseur prise plus facilement. Une aubaine, surtout lorsque la suspension utilise un pied d’amortisseur, comme c’est le cas pour les Commençal Meta AM V4.2.
Autre différence apportée par le Metric version RockShox, un volume et un espace dédié à l’hydraulique différent, qui suggèrent certaines garanties en matière de gestion de l’amortissement. Au point de pousser le R&D Commençal à modifier la courbe de ratio de leur suspension. Désormais, c’est davantage via l’hydraulique, et moins via le volume d’air, qu’est générée la progressivité. Le ratio absolu – rapport course d’amortisseur/débattement à la roue – est élevé au départ. Il génère une grande vitesse de tige, que l’hydraulique contrôle. Elle assure une bonne sensibilité avant que le ratio ne diminue plus loin dans la cinématique.
Troisième point qui permet à la suspension de prendre davantage de débattement : l’usage du Sram Eagle. Oui ! Avec un pignon de 50 dents derrière, on peut désormais utiliser un plateau de 34 dents et avoir le même rapport de transmission qu’un plateau de 30 dents couplé à un pignon de 42 dents – rapport de 1,4 et des poussière dans les deux cas. Sauf que sur le Commençal Meta AM V4.2, le plateau de 34 dents oriente la tension de la chaîne plus proche du point de pivot des bases. Qu’on pédale ou non, la tension de la chaîne limite moins l’enfoncement de la suspension. Moins de kick-back et d’anti-squat.
Trois points intéressants qui complètent nécessairement, et vont au delà du simple fait, que le Commençal Meta AM V4.2 passe à 160mm de débattement arrière et conserve une géométrie proche de son prédécesseur…
Full gaz !
Mais alors, qu’apporte cette foutue tendance à mieux prendre le débattement ? À l’usage, de la confiance, et une certaine dose de liberté supplémentaire. C’est fou comme parfois, de petits riens font un grand tout. Pour ma part, il s’agit d’un détail qui incitent à lâcher les freins. C’est le cas sur le Commençal Meta AM V4.2.
Pourtant, 48h avant, j’étais encore en pleine semaine de la Megavalanche, sur un 29 pouces. Un vélo à bord duquel j’étais convaincu qu’il ne pouvait rien m’arriver. Autant dire que j’avais de quoi appréhender ce retour sans ménagement au 27,5. D’autant plus dans la pente Andorrane. Celle qui ramène au fond de la vallée après avoir écumé les pistes du Bike-Park sur les hauteurs de la station.
Qu’importe, dès qu’il s’anime, j’ai l’impression d’un vélo plus grand. Plus de place pour se déplacer d’avant en arrière, jouer avec les mouvements de terrain, prendre appui, faire varier la pression de chaque roue au sol. Il me suffit d’une moitié de run, de bon matin, pour déjà lâcher les freins. Et d’un seul second run pour tenter des trajectoires délirantes, truffées d’inspiration spontanée. Pourtant, j’utilise un L, comme l’ancien. Et le reach n’a pas bougé d’un millimètre…
L’impression d’un vélo plus bas, plus racé, et d’une position plus sur l’arrière, ensuite. En courbe, un régal de tirer sur le cintre pour sortir en manual. Pour sauter, c’en devient plus simple et limpide de tasser les suspensions dans l’appel pour prendre les airs. Avoir osé aller au delà de mon appréhension intrinsèque dans ce domaine est un signe pour moi.
Dans la pente, la forte pente, le vélo gagne en capacité. Là où le besoin de garder le contrôle via le train avant est presque vital. Puisque le boitier descend, c’est bien plus facile de rester derrière le vélo, du moins derrière la roue avant qu’il ne faut pas dépasser, sous peine d’OTB. Un peu comme au passage sur un 29, je me sens plus inscrit dans le vélo qu’au dessus. Tout juste ce qu’il faut pour profiter des 0,5° d’angle et les 8mm de stack que prend le Commençal Meta AM V4.2 avec l’usage d’une fourche plus haute.
De quoi se permettre, sans se percher, d’utiliser la Rockshox Lyrik en 170mm. Avant ça, je n’avais pas vraiment trouvé à redire à la Pike, même en 160mm 29 pouces. Mais force est de constater que la Lyrik ouvre à tout autre chose. À compter sur les roues qui suivent notamment. Du Boost à parapluie plus large. Des jantes plus larges en 27mm entre crochets. Des carcasses Exo, bien aidées à développer leur ballon, leur surface et leur maintien sur un tel support.
Si une erreur dans les cailloux suffit toujours à trancher un flanc, il y a du mieux, beaucoup mieux en terme d’appuis et d’adhérence de ce côté-ci. Là aussi, en matière de train roulant, le Commençal Meta AM V4.2 gagne énormément. Au point de dévaler les pentes les plus trépidentes sans retenue. Celles où freiner ne suffit plus pour s’arrêter. Où taper le moindre appuis est salvateur avant, déjà, de porter le regard au loin, bien plus bas, vers le nouvel endroit escarpé où je pourrais ralentir la « cavalcade… »
Il y a d’ailleurs un signe qui ne trompe pas. À force d’attaquer et de pousser le bouchon toujours plus loin – je n’y suis pas allé avec le dos de la cuillère – ce sont les freins, qui ont fini par crier. Sram Guide et disques en 200mm avant montrent des limites que je ne leur connaissais que très peu sur les millésimes 2016. Je comprends désormais mieux pourquoi certains vélos de l’atelier Commençal sont montés avec levier Guide et étriers Code… Oui, les freins du groupe Sram EX1 dédié à stopper les gros électriques, le combo que certains pilotes de coupe du monde de descente aiment tant…
La gamme
Pour autant, le Commençal Meta AM V4.2 2017 reste raisonnablement monté en Sram Guide dès le modèle Ride, 2ème des 5 niveau de gamme sur ce segment. 5 modèles, ou plutôt 6, en distinguant le Race Eagle qui, comme son nom l’indique, propose le groupe phare 12 vitesse. Chacun a son approche de la pratique…
Voilà donc à quoi ressemble donc la gamme Commençal Meta AM V4.2 pour son apparition sur le site Commençal et sa dispo annoncée pour novembre. Il n’en reste pas moins que l’équipe andorrane est friande des éditions limitées et des évolutions en cours d’année. Notamment en matière de répartition et d’offre des finitions. Elle l’avait déjà fait en 2016 avec ses versions Black & Brushed. Elle promet déjà d’en faire autant en P2, P3 et P4, ses vagues de production des Commençal Meta AM V4.2 2017.
De quoi avoir l’opportunité de s’offrir un vélo qui ne sera jamais exactement le même que celui des copains… Et pourquoi pas, de goûter, à un moment ou un autre, à la magnifique finition « brushed » mise en avant dans cet article. Juste un peu de vernis sur un matériau qui n’a pas à rougir… Et des coloris désormais sobres, qui laissent la part belle à l’imagination pour s’accorder avec n’importe quel tenue..!
Qu’en penser ?!
Pour les coloris qui mettent au placard le fluo, comme pour l’idée de pousser plus loin un développement plutôt qu’en débuter un nouveau. Il fallait oser ! Quitte à se faire railler. Le reste du marché donne de toute façon toujours en partie raison.
Toujours est-il que sur le terrain, pour une prise en main, le Commençal Meta AM V4.2 donne de très bonnes impressions. Celle de rendre plus accessibles, faciles et joueuses les prestations de son prédécesseur. Celles surtout, de laisser penser que le 27,5 pouces n’est pas (déjà) mort.
Avec cette évolution, le Commençal Meta AM V4.2 démontre des capacités que je pensais, sincèrement, jusque là réservées au 29 et à ses avantages ! En matière d’encaissement, de confort, d’adhérence, d’assiette, d’équilibre. Chapeau.
Si l’on en croit les conclusions de l’enquête comparative 27,5 / 27,5+ / 29 pouces menées plus tôt cette année, le Commençal Meta AM V4.2 est de toute façon sur le bon chemin. Il y va par une évolution logique et naturelle, plutôt que par grands écarts et itérations.
« Le 27,5 n’est pas mort. Cette fois-ci, la pertinence semblait ailleurs. Belle initiative ! »
Toujours est-il que ces bonnes impressions ne remplacent pas un bon essai. Et c’est tant mieux. Ça veut de toute façon dire que ce vélo a du caractère, et qu’il mérite l’intérêt. Notamment parce que sa prise en main ouvre la porte à quelques bonnes expérimentations.
Après tout, quel est la part de chaque évolutions dans le bon comportement du Commençal Meta AM V4.2 ? Notamment le plateau de 34 dents du Eagle, qui n’est pas généralisé à toute la gamme… Ou encore les plages de réglage qu’offre l’hydraulique RockShox, et ses réelles influences sur la capacité de personnalisation du Commençal Meta AM V4.2 ?
Dans tous les cas, il y a déjà de quoi valider l’idée. Non, le 27,5 n’est pas mort. C’est du moins ce à quoi cette évolution du Commençal Meta AM V4.2 fait penser ! Il gagne tant en descente, sans perdre dans les autres compartiments. Quoi qu’on en dise, certains nouveaux standards – Metric et Boost – vont permettre à TOUS les vélos de progresser. Pas seulement ceux qui optent pour des formats de roues novateurs.
Ça ne veut pas non plus dire que la marque d’Andorre n’y viendra pas. Elle aime d’ailleurs parfois tant prendre le contre pied… Mais pour l’heure, elle a su rester sage et surtout, pertinente ! Elle avait mieux à proposer, et c’est réussi. Surtout, elle a su faire autre qu’un changement de format de roue ou de géométrie, fausses facilités. Cette fois-ci, la pertinence était ailleurs, pour libérer de bonnes côtes bridées jusque là, qui se révèlent désormais pour notre plus grand plaisir. Chapeau ! Belle initiative !