Double (et unique) vainqueur du Shimano Epic Enduro, c’est au guidon d’un VTTAE que le Suisse Florian Golay avait décidé de prendre le départ cette année, dans la nouvelle catégorie Moustache E-Pic Enduro. Il nous conte ce soir en exclusivité pour Endurotribe le parcours qui l’a mené jusque-là ainsi que sa course « mouvementée » au guidon de l’Overvolt…
Texte : Florian Golay # Photos : A. Bussier/Wildtrack
Survolté
Lorsque l’on enchaîne les saisons de compétitions depuis une paire d’années, il est conseillé voire indispensable de varier les plaisirs, d’affûter un peu son mécanisme de motivation afin de conserver un brin de disponibilité « cérébrale » , une certaine élasticité du ciboulot, histoire d’éviter à tout prix de devenir blasé, cramé ou pire, aigri ! C’est en tout cas ma façon de fonctionner.
Pour cela, on peut changer de monture, varier le type d’épreuves , d’entrainement mais rarement de moteur ! Pourtant, c’est bien l’opportunité que j’ai saisi au vol fin 2015 alors que la saison s’achevait. Après trois années passées à rouler pour BMC, où j’ai pu profiter pleinement des joies et des privilèges d’un vrai team « usine », une page s’est tournée. Il faut avouer que ce « jonglage » entre mes rôles de professionnel et de sportif était devenu usant, même si le fait de partager tous ces moments intenses bien propres à la compétition risquait de me manquer profondément. Si mes objectifs ont été parfois atteints et d’autre fois manqués, j’ai partagé, humainement parlant, tout un lot de moments forts en compagnie d’amis avec qui il faisait « bon vivre » ! Cependant début novembre, 3 certitudes s’imposaient assez clairement :
+ J’avais toujours une grosse envie de pilotage à vélo.
+ J’étais plus proche de la quarantaine que de la vingtaine.
+ Et la plus sûre des 3 : j’attendais Charlotte, ma 1ère fille, pour la quinzaine à venir.
En tant que néo papa vieillissant, c’est à ce moment que l’option du VTTAE s’est clairement profilée dans un très proche horizon. Vincent Julliot de Moustache m’avait déjà vendu l’idée quelques semaines plus tôt lors de la World Series de Finale. En quelques mots, il m’expliqua qu’une catégorie E-bike s’ouvrait pour la fameuse Shimano Epic Enduro dont je ne m’étais encore pas du tout lassé. Il ne me restait plus qu’à m’acheter un vélo afin de me convaincre de l’efficacité de ces machines à pédales… Cela, tout en sachant intérieurement que mon pote Giordy n’affichait pas sans raison une « banane » aussi généreuse à l’issue de chaque course d’E-bike auxquelles il participait. Bref, 2 essais suffirent à ouvrir en moi un tout nouveau registre de sensations, nouvelles et grisantes pour ne rien gâcher. Et comme je suis quelqu’un de nature indécise, un coup de fil de Nico Vouilloz accéléra le processus de tergiversation. Il cherchait à monter un team pour participer à l’Epic ainsi qu’à la Transvé, il proposait du joli matériel et visait le haut du podium… Challenge et pilotage tout-en-un ! Dans la liste des propositions qui ne se refusent pas, celle-ci en fit partie. Il a dit : GO ? J’ai répondu : GO !
Dimanche 10 avril, 5h50.
On vient de monter la liaison vers la SP1 à une allure qu’on qualifiera de vive, j’ai beau m’être habitué à grimper les sentiers à 2000m/h ces dernières semaines, reste que l’expérience nocturne mêlée à cette nuée de lampes frontales au travers de laquelle nous nous faufilons est assez magique.Partis en vague 2, nous sommes prêts à en découdre pour cette spéciale d’ouverture. D’un commun accord, les boys de « La Roue libre » m’emboîtent le pas afin de ne déranger qu’une seule fois les potentiels dépassés.
Le Bip résonne et c’est parti, grands phares et turbo assistance enclenchés, les virages s’enchaînent sur ce terrain fuyant mais oh combien grisant.
Une dizaine de minutes plus tard, nous passons la ligne quelque peu débordantes de monde, toujours groupés et arborant les 4, un sourire niais mais heureux, nous nous sommes régalés ! Etant le seul à avoir reconnu le parcours, j’ai maintenu mon poste de poisson pilote. Personne ne semble se plaindre, on repart donc en direction de la SP2 .
La liaison se termine par un joli portage empruntant le tracé de la raide SP7, les 23 kilos de l’Overvolt sont pour le coup bien présents mais je n’oserais aucun commentaire, je sais trop bien l’effort qu’il faut produire « normalement » afin d’atteindre ce point.
Alors que les premières lumières orangées se montrent à l’horizon, nous démarrons la SP2 dans le même ordre, Giordy à mes basques, Mehdi suivant de près les gestes de son team mate. Le fait d’ouvrir le bal me motive doublement car les sensations sont bonnes. J’ai l’impression de contrôler mon vélo avec une finesse toute nouvelle, cette mini frustration de ne pas pouvoir placer parfaitement mes roues à l’endroit désiré a disparu et les virages s’enchaînent à un rythme soutenu voire euphorique.
Petite « gommette » favorite dans la partie finale composées de dalles légèrement humides qui s’avalent sans complexe, gaz en grand ! Olivier, malgré aucune reco parvient à tenir son modeste « 127mm » jusqu’en bas et passe la ligne dans mon pare-choc. Il est temps de ranger les loupiotes, place à l’aurore qui nous gâte ce matin .
La SP3 s’est déroulée sans encombre, toutefois deux faits marquants sont à signaler : le crash de Manu Allaz, que je dépasse, le regard quelque peu hagard, arrêté sur le bord du sentier, mais surtout privé de sa lutte vers une victoire à sa portée. Il repartira après réparation vers la marathonienne SP4 mais le cœur n’y est plus, ce sera partie remise pour le talentueux pilote valaisan. L’autre fait, plus technique concerne le pari osé et réussi d’avoir franchi en mode « Tour+ » la montée de la SP1 et de parvenir à clôturer la Boucle 1 sans pousser le vélo. 1500m de D+ et 1km d’autonomie au compteur. A ce point de la course, je n’ai plus aucun doute sur mon choix de monture et, par cette belle matinée qui s’annonce, le moral est au beau fixe. Un petit tour au paddock sur le stand Lapierre où Thierry Sordello m’attend pour un contrôle de la machine.
Départ SP4 10h43. Ceci est le 1er gros morceau de la course, 20 bonnes minutes de pierres fixes entrecoupées d’une montée relativement technique de 4 minutes pour les meilleurs. Le tout dans une ambiance Rodeo où tout se bouscule, si bien que les 2 roues du bike semblent continuellement se disputer un Round à mains nues ! Durant la montée vers le départ, j’ai été prudent afin de préserver un maximum ma batterie, ceci en alternant poussage et pédalage en mode Eco. Cette boucle comprend 1800m de D+ et 47km ce qui représente la plus longue boucle, de plus, 2 des 3 spéciales comportent des « coups de cul » conséquents où il faudra être capable d’être « turbo-propulsé »… du moins jusqu à 25 km/h. Sur ce point, je me surprends à souffrir plus que prévu, l’effort une fois le moteur bridé est douloureux et épuisant, j’ai un peu l’impression de nager dans une mare de mélasse ! Mais ce n’est qu’un détail qu’il faudra travailler dans le futur, le vrai incident viendra d’ailleurs…
A l’instant où je démarre la spéciale, tout est encore optimal. J’ai choisi de monter une fourche de 170mm afin de gagner en confort sur cette partie du parcours, j’ai déjà roulé ce parcours l’an passé et je l’apprécie, je me situe à 1 seconde d’Olivier au terme de la Boucle 1, bref tous les voyants sont au vert pour réaliser un chrono. Cependant après 1 minute de course à peine, ma chaîne danse la java et décide de sortir du pédalier. Calmement, je m’arrête, replace la chaîne et repars. Le pignon sort la chaîne une seconde fois, puis 4 fois , à la 5ème le terme « calme » a quitté mon être en claquant la porte ! Le bilan est un peu salé : 37 secondes de perdues sur Giordy, la remontée s’annonce difficile, la dégringolade de mon moral, quant à elle, bat son plein.
Session mécanique improvisée au bas de la spéciale afin de parer à ce problème immédiatement. Mais oh surprise bienvenue, ma Femme et ma Fille ont rejoint le bord du parcours et tentent de me remonter le moral… avec succès. Cette brève parenthèse familiale me remet en selle.
La SP 5 s’enchaîne cette fois sans embûche et c’est les freins encore bouillonnants que l’on se refait le film de ce joyau de spéciale ! Ah « Colombières », quel pied ! On déroule gentiment avec Oliv’ jusqu’au village d’Olargues afin de clôturer la Boucle 2 par la courte mais sympathique descente urbaine. Second et dernier arrêt au paddock, Thierry le mécano de ce week-end, peaufine les détails afin de s’assurer que mon Overvolt avalera cette dernière ronde d’une seule bouchée ! A propos de bouchée, je décide d’anticiper la potentielle fringale en faisant main basse sur le gratin dauphinois-rôti de porc prévu par l’organisation. Miam !
Cette dernière série de 3 spéciales s’annonce pentue et engagée et j’ai hâte d’en découdre. Secrètement, je me réjouis aussi de comparer les chronos avec la catégorie « reine », car si les sensations sont grandioses au guidon du Lapierre, je n’ai que peu de références concernant le chrono pur. La reco faite sur la SP9 « des Pylônes » m’a aussi montré à quel point il fallait faire preuve de finesse pour franchir les zones trialisantes.
Sur le chemin de la 7, nous dépassons armés de nos batteries survoltées (merci le team Moustache) les braves qui attaquent leur dernier rempart afin de gagner leur Epic doré. Je dois avouer que même après avoir réaliser l’épreuve à la force du mollet à 2 reprises, je ressens une légère gêne en constatant la facilité qu’apporte la motorisation électrique. Je le répéterai encore mais : Bravo les finishers, vous vous êtes transcendés !
Voie Verte de Mons la Trivalle, 16h55
Voilà, on y est, le fameux retour vers Olargues, l’ultime triplette de spéciales a été consommée, toute l’énergie concentrée dans cette épreuve dépensée. Je ressens petit à petit monter cette sensation grisante, désormais connue, bien propre à l’Epic. Celle du travail bien fait toute une journée durant, sans pour autant connaître l’issue du classement. La spéciale « des Pylônes » fut d’une intensité rare, une véritable débauche physique afin de grappiller la moindre seconde qui aurait pu traîner par là. Nous nous sommes livrés avec Olivier un duel dont je ne soupçonnais pas l’intensité, et encore moins l’issue. Depuis une douzaine d’années maintenant que nous nous battons souvent à la seconde, on s’amuse alors à imaginer le cas d’une égalité, car nous savons tous les 2 au moment de présenter nos cartes magnétiques, que l’addition sera serrée.
Giordy présente sa carte le premier et le public peut déjà constater qu’il vient de battre le meilleur temps de la journée. Son score est alors de 1h18 minutes 18 secondes. A mon tour, je tends mon transpondeur et le ticket sort de la machine quasi instantanément… 1h 18 minutes 18 secondes ! Egalité parfaite ! C’est l’explosion de joie, tant par la rareté de la chose que par le clin d’œil que le jeu du chronomètre nous offre aujourd’hui. Je suis ravi !
Je tiens à remercier particulièrement l’Organisation pour n’avoir pas tenté d’obtenir un seul vainqueur en chassant les dixièmes de secondes, conservant pour l’occasion cette jolie anecdote plutôt inhabituelle. Un GRAND merci aussi à Vincent Julliot pour l’énergie investie au travers cette « Moustache E-pic » mais surtout pour le dépannage de pièces offert entre la B2 et la B3… A charge de revanche.
Finalement, un énorme Bravo aux finishers qu’ils soient bronzés, argentés ou dorés, merci également pour le fair-play démontré durant les dépassements parfois « sportifs ». Je reviendrai sûrement en 2017 mais ne me demandez pas sur quelle type de monture, car cette question me hante déjà l’esprit depuis dimanche sans l’ombre d’une réponse pour l’instant… Affaire à suivre !
Flo
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