Enduriste grenoblois au sein du Team Rocky Sports, Damien Saint-Patrice nous raconte comment il a vécu son tout premier Shimano Epic Enduro…
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Texte : Damien Saint-Patrice # Photos : A. Bussier/Wildtrack et D. Saint-Patrice
Habitué depuis plusieurs années aux enduros « fédéraux », j’avais envie pour cette saison 2016 de voir autre chose. Plébiscité par les participants des années précédentes la décision est prise en automne 2015, j’ouvrirai la saison 2016 par le Shimano Epic Enduro. 5 mois plus tard me voici enfin à Olargues pour le retrait de la plaque et le marquage technique. L’ambiance est détendue et cela fait plaisir de retrouver des visages connues. Une fois les formalités effectuées, je fais une halte « taillage de moustache » à « l’Anglaise » svp sur le stand du barbier. Après un dîner rapide, c’est l’heure de faire les dernières vérifications : le sac est prêt, les frontales bien fixées, les batteries chargées et le réveil réglé à 3h du matin !
Le réveil sonne ! Ca y est, c’est le grand jour. Un thé, un bout de gâteau sport et je file en direction de la ligne de départ. A 4h15 la mise en grille est ouverte, le speaker et la musique nous mettent dans le bain. Ça tombe bien dans moins de 30min ce sera le départ. La pression monte un peu, il est 4h45 et c’est parti pour la Liaison 1 de 540m de dénivelé. Ça roule vite, bien plus vite que le rythme que je m’étais fixé. La dépense d’énergie permettra de gagner des précieuses secondes dans la spéciale en n’étant pas gêné. A peine arrivé j’allume ma seconde frontale. C’est partie pour la SP1 « Mézeilles ». Je pars par hasard derrière Laurent Meunier et décide de me caler sur son rythme. La spéciale est tout d’abord ludique entre les arbres puis devient nettement plus rapide. Je ne lâche pas mon éclaireur. Les quelques relances passent plutôt bien et c’est déjà l’arrivée. Je suis content de moi et me suis fait plaisir sur cette spéciale nocturne. Après quelques minutes de pause je prends la direction de la spéciale 2 mais décide de calmer le rythme. J’attaque donc tranquillement cette liaison. Finalement je me fais doubler par vague et suis donc obligé à contre cœur d’accélérer.
Une petite heure plus tard, toujours de nuit me voilà au départ de la SP2 « Les Ecoliers ». La spéciale zig-zag entre les arbres avec des appuis fraîchement retravaillés, c’est vraiment plaisant. Je rattrape rapidement un groupe de 2 coureurs qui n’arrivent pas à me laisser passer mais prends mon mal en patience. A mi-spéciale on rejoint une piste qui me permet de passer avant d’attaquer une section vraiment rapide. Je ne sais pas si le fait de rouler de nuit amplifie la vitesse mais les sensations sont décuplées.
La fin est technique, raide avec de grosses marches mais il faut rester concentré. J’arrive en bas plutôt satisfait de ma performance. J’ai rencontré en moins de 12 minutes tout ce que j’aime : du technique, du rapide, du pédalage (un peu) bref le top. En route vers la SP3, il est 6h45 la liaison se fait comme les précédentes sur une piste pas trop raide mais cette fois à mon rythme. Le ciel devient tout orangé, l’aurore pointe le bout de son nez. 10 minutes plus tard je contemple, le mot est faible, le lever du soleil qui restera pour moi un moment fort de cette journée. C’est magnifique !
Après de nouveau 1 heure de liaison, je suis au départ de la SP3 « La Mienne » qui est pour moi la plus belle de ce Shimano Epic Enduro. Le terrain est totalement différent, les cailloux font place à la terre. C’est ludique, j’ai le sourire aux lèvres pendant toute la spéciale. A l’arrivée ce sentiment est partagé par tous. Fin de cette boucle 1, il est 8h00.
Petite pause au paddock pour se restaurer et direction la longuuuuuuueeeeeeeeeee liaison qui nous emmène au bout du monde, heu non pardon, à Saint-Martin du Froid. La fatigue commence à se faire sentir. J’applique la maxime « doucement mais sûrement ». Les autres coureurs sont dans le même état d’esprit ce qui permet de « taper » la discute et faire oublier la fatigue. 2h plus tard où je pense avoir fait autant de marche à pied que de vélo nous arrivons enfin en haut. Les paysages sont sublimes et le potentiel de chemins donne le vertige !
Cette spéciale est la plus longue de ce Shimano EPIC Enduro. La vidéo de Greg Noce publiée sur le site la semaine précédent l’épreuve annonce la couleur : il va falloir tenir jusqu’en bas sans s’arrêter. Après un départ dans les sapins on découvre une voie romaine à flanc de montage à ne plus en finir (ils sont vraiment fous ces Romains). C’est visuellement sublime mais ce n’est pas de l’avis de mes avants bras et cuisses. J’essaye de me relâcher, d’être souple pour rouler à l’économie. J’avais vu qu’il y avait à mi-spéciale un pédalage de rémission et l’attendait presque avec impatience. Sauf qu’une fois arrivée c’est au tour des jambes de dire stop. Impossible de relancer, j’ai des crampes qui me viennent dans les cuisses. Je force ma respiration, tourne doucement les jambes en espérant que ça passe mais ça me reprend si j’essaye de forcer. Je cherche le positif et me dit que cela me permettra de récupérer pour mieux attaquer la seconde partie (l’espoir fait vivre). Je bascule pleins de bonnes résolutions mais j’ai rapidement les avant-bras en feu. Je lutte pour tenir le cintre, fais tout mon possible pour atteindre mon objectif « ne pas s’arrêter ». Je vis ma marche vers l’enfer. Je découvre la ligne d’arrivée comme une libération après plus de 23 minutes. Les autres concurrents ont également une mine défaite… et les bras qui touchent par terre. Cette spéciale nous laissera des souvenirs c’est indéniable.
Direction l’avant dernière spéciale de cette boucle 2, « Colombières ». Je suis clairement dans le dur, il me faut une heure trente pour en arriver à bout. Je prends le temps de faire une pause de manger et boire l’eau qu’il me reste. 10 minutes plus tard me voilà partie dans cette spéciale annoncée physique, j’espère que les jambes suivront ce coup-ci. Je pars donc prudemment à l’économie. La première remontée passe plutôt bien, mes jambes ont l’air compatissantes. Me voilà dans le vrai coup-de cul de la spéciale une bonne minute de montée, je donne tout ce qui me reste et dépasse Laurent Meunier qui semble dans le dur lui aussi. La suite de la spéciale est magnifique, le passage des concurrents précédents a permis de faire remonter la terre et les appuis sont bien marqués, je me régale. Cette descente est pour moi mon deuxième coup de cœur.
Le retour vers Olargues se fait sur la voie verte soit 10km de plat. Heureusement le vent est favorable. Il ne reste plus que la spéciale urbaine qui part du haut du château et arrive sur la place du village pour achever la boucle 2. Je n’ai pas eu le temps de la repérer la veille et demande des informations aux coureurs qui en terminent. Le départ s’effectue dans les ruines du château avant de plonger dans un chemin pour rejoindre les ruelles. Les spectateurs nous encouragent et félicitent. De quoi se croire sur la coupe du monde de Lourdes !
La boucle 2 est terminée, cela fait déjà 9h de vélo et 3350 m de dénivelé. Il est temps de manger du solide car mon estomac n’en peut plus des gels et de la boisson énergétique.
20 minutes plus tard en route vers la liaison 7 qui est la même que la première du matin mais que j’effectue à un rythme presque deux fois moins rapide. Je me mets en mode « navigation automatique » à la banderole bleu Shimano. Une grosse heure et demie plus tard je suis au départ de la SP7 « Les Crêtes XXL ». Ca attaque directement dans le raide avec des épingles, des arbres à donner envie de recouper son cintre. Puis j’arrive devant une marche de 4 mètres au milieu de rocher où la chute n’est pas une option. La voie de la raison a pris le dessus sur celle du compétiteur, c’est à pied que je passe. La suite est encore tout simplement superbe, alternant des passages techniques et rapides. Je prends énormément de plaisir. Décidément cette spéciale est encore un grand cru.
Sans perte de temps je prends la direction de la montée finale où se trouve au pied de celle-ci la dernière barrière horaire. Il est 16h00, je suis passé avec 45 min de marge ! Pour la première fois de la journée, je sens que la journée touche à sa fin. J’en profite pour faire une pause, manger une barre et tout simplement apprécier ce moment. C’est dans un état presque euphorique que je repars mais je vais passer clairement plus de temps à pousser le vélo qu’à pédaler. Je suis au départ de l’avant dernière spéciale « Mini-Jurassic ». Le terrain change de nouveau, je retrouve la terre qui m’est nettement plus familier en tant que Grenoblois. Je me surprends à relancer, à rouler à bloc malgré les 12h passé sur le vélo. Finalement cette mini-spéciale est un plaisir malgré son faible dénivelé négatif. J’y suis presque. Après 30 minutes de liaison, je suis enfin en haut de la 9ème et dernière spéciale de ce Shimano Epic Enduro, « Les Pylônes ». Une trentaine de coureur se reposent, l’ambiance est détendue. Comme pour faire durer cette journée exigeante.
Je masque fixé, je suis prêt à donner le meilleur de moi-même. Je me régale sur la partie haute qui est restée humide et procure un grip optimal. J’ai la sensation de rouler vite, c’est grisant. Je ne pensais pas d’ailleurs pouvoir rouler à ces vitesses dans cet état de fatigue. Décidément j’aurais beaucoup appris sur moi en un we. La suite est plus typique du terrain rencontré avec des passages techniques dans des pierriers, des épingles et des traversées rapides. Mes avant-bras me rappellent de ne pas trop en demander. J’essaye de garder une marge de sécurité dans les parties rapides. Je donne tout ce qui reste (vraiment plus grand chose) dans les relances et vois enfin la ligne d’arrivée avec un soulagement mais un pincement au cœur.
Le retour s’effectue sur la voie verte où de nombreuses d’images de cette journée exceptionnelle font surfaces. Tout d’abord la gentillesse des bénévoles qui par un encouragement et leurs sourires ont fait oublier la douleur physique puis ce levée de soleil après 2h de vélo en nocturne, la qualité des chemins et leur préparation par Vélo Caroux, les coureurs avec qui j’ai partagé une partie de la journée…
La vue de pont rouge d’Olargues signe d’arrivée me sort de ma rêverie. C’est avec émotion que je retrouve ma famille et mes amis qui sont venus m’applaudir.
Il est 18h09, ma puce bip pour la dernière fois de la journée sur ce Shimano EpicEnduro 2016. Les résultats seront publiés plus tard dans la soirée car il reste encore de nombreux concurrents en course. Ne rentrant que le lendemain matin, je ne suis pas pressé et il me tient à cœur d’être présent pour applaudir le vainqueur de cette course. Ce sera Damien Escalier, chapeau bas Monsieur, vous êtes un guerrier.
Pour finir j’aimerais remercier le magasin Rocky Sports de l’Alpe d’Huez qui m’aide depuis plusieurs années ainsi que les partenaires du Team : Lapierre, Court’ea Credits, Mavic, ION, Smith Optics, Prism Offroader Packs, AVS Racing, Clearprotect, Itineride et Savoye.
Damien