Scott Ransom – Le gros enduro qui fait aimer la montagne ?!

Plus haut que les Alpes ?!

Avec le Ransom, Scott signe un vélo d’enduro pensé pour voir grand : grandes sorties, grands dénivelés, grands terrains. C’est en tout cas l’impression qu’il donne après quelques tours de roue à tenter de comprendre le tempérament du gros Enduro de la marque. C’est en tout cas dans ce cas de figure que cette version 910 à l’essai sur FullAttack, a fini par révéler son plein potentiel. Le Scott Ransom, mode Randuro XXL ?!

Scott Ransom 910

  • Enduro
  • 29 pouces
  • 170/170 mm, Fox 38 & FloatX
  • Carbone & alu
  • Reach 483 mm (L) & Offset 44 mm
  • Syncros Revelstoke 2.0 30mm
  • Maxxis Assegai & Dissector EXO+/DD
  • SRAM Code RSC, 200/200mm
  • 3 modèles, 4 tailles, 3899 à 7599 €
  • 16,32 kg (L, sans pédales, TL + Préventif)
  • Dispo depuis printemps 2024
  • Fiche sur scott-sports.com

Première impression !

Avec ce Scott Ransom, même en version 910 moins élitiste, Je retrouve d’entrée ce que j’avais déjà senti lors de la présentation du vélo, au guidon de la version « Tuned » très haut de gamme : à 30 % de SAG sur l’indicateur, ça ne colle pas. Trop haut perché, pas assez d’assise… Et une fois encore, la séance d’essai confirme qu’il faut descendre un peu plus, vers les 35 % à l’indicateur, pour que le vélo prenne vraiment vie. Rien d’illogique quand on se rappelle que l’indicateur se base sur le débattement à la roue arrière, et non sur la course d’amortisseur comme on en a l’habitude avec des montages plus classiques. Ratio de suspension qui évolue au cours du débattement oblige, les deux ne sont pas tout à fait équivalents.

Passé ce premier réglage, le caractère du vélo se révèle. Et je retrouve la sensation marquante de la présentation : une suspension qui s’ouvre en deuxième partie de course, plus qu’elle ne rampe sur une progressivité trop marquée.Résultat, on roule avec cette impression rassurante d’avoir toujours du débattement en réserve pour encaisser l’imprévu. Même quand le boîtier est déjà bien tassé, ou qu’on est verrouillé dans un appui, la suspension arrière garde cette capacité à s’ouvrir, avaler, et sauver la mise. Clairement, Scott franchit un cap par rapport aux Spark et Genius en la matière, et c’est plutôt logique compte tenu du caractère résolument Gravity du Ransom…

Et en affinant le SAG, une évidence se confirme : à 30 %, le vélo peut sembler un peu raide… Mais à 35 %, cette raideur s’efface et laisse place à un comportement plus souple, moins sec que ce qu’on connaissait des derniers Spark ou Genius. Un joli tour de force, surtout avec un cockpit full carbone et un triangle avant qui ne renie pas la recette maison. Ça aussi, j’en avait fait l’expérience au lancement du vélo, avec, toujours, l’incertitude liée à la découverte en terrain moins connu. Mais cette fois pas de doute. En terrain conquis, là où j’ai tous mes repères, ça se confirme et mieux, ça me revient alors que j’avais un peu tout oublié – il s’en est passé des choses, depuis !

D’où ça vient ?

À mes yeux, ce comportement particulier vient clairement du passage au 6-bar. Contrairement aux traditionnels 4-bars maison, cette cinématique ouvre de nouvelles possibilités : elle permet non seulement de jouer sur la courbure de la progressivité, mais surtout d’orienter différemment l’ensemble de la courbe de ratio à sa guise. On l’a vu récemment sur le Gambler : ce système change la donne, et ça se comprend dans le rendu. Ici, il donne au Ransom ce supplément de réserve et cette manière de libérer du débattement quand on en a besoin, sans forcer.

Côté rigidité, c’est tout aussi intéressant de remettre le Ransom dans son contexte. C’est lui qui a, quelque part, ouvert la voie au sein de la gamme Gravity Scott. Tout ce qui a été peaufiné plus tard sur le Gambler trouve ses racines ici. Pendant longtemps, bosser sur l’épaisseur, l’orientation ou la rigidité des fibres carbone rimait surtout avec quête de poids et de précision chirurgicale. Aujourd’hui, Scott sait que ça peut aussi servir une autre cause : travailler la tolérance, la filtration, et le confort ciblé, sans forcément sacrifier le reste…

Comment ça se règle ?

Une fois le SAG arrière ajusté autour des 35 % à l’indicateur, c’est clairement l’avant qui devient le facteur limitant. La Fox 38 Performance Élite demande de l’attention : à pression classique, le vélo bascule vers l’arrière, ça tape et le grip disparaît. Il faut donc oser baisser – de l’ordre de 7 à 10 PSI de moins que d’habitude – pour retrouver un avant qui travaille et redonne de l’homogénéité à l’ensemble. Retirer les réducteurs de volume aide aussi à casser cette raideur initiale. La bonne zone se situe alors quand on obtient le compromis suivant : assez de maintien pour ne pas plonger, mais suffisamment de souplesse pour que le train avant colle enfin au terrain. Quelques essais back-to-back permettent de trouver la limite, et les bons repères… Reste la question de la chauffe de l’amortisseur arrière, sensible quand on enchaîne des runs longs. En mode Randuro/vélo de montagne, avec pauses relativement fréquentes, pas de problème. Mais pour ma part, passées les 5 à 6 minutes à pleine charge – allure de compétition qui vaut Top 100 en Coupe de France environ – le cas de figure se présente. La première solution consiste à réduire la pression : on peut pousser jusqu’à 37 % de SAG à l’indicateur, et/ou retirer les réducteurs de volume internes. Ça peut représenter 10 à 15 Psi de moins. Dans tous les cas, il faut garder en tête qu’au-delà d’une certaine limite, on finit par tomber trop tôt sur la rampe de progressivité, et le vélo perd alors la réserve qui faisait sa force. Un bon repère. Si ça ne suffit pas, l’alternative consiste alors à passer sur un amortisseur à ressort hélicoïdal. On perd alors le montage d’origine avec pied sur roulement spécifique au Ransom, mais le gain en sensibilité d’un ressort hélicoïdal compense. On sent que l’huile chauffe – compenser avec 1 à 2 clics de détente plus freiné a du sens – mais la constance du ressort hélicoïdal fait disparaître la chauffe de l’air et offre ce qu’il faut pour pousser les runs plus longtemps…

AvantArrière
SAG30% (bien tassé 😉 35% (à l’indicateur)
Détentesmi-plagemi-plage
Compressionsouverteouverte
Réducteurs de volumesanssans

Pour un gabarit moyen de 75/80kg. Clics de détente et compression comptés depuis la position la plus vissée des molettes. SAG arrière réalisé assis/selle haute – SAG avant réalisé debout/bras en appui sur le cintre / épaules à l’aplomb du guidon. Voir notre vidéo explicative > https://fullattack.cc/comment-faire-les-sag-la-methode-et-les-conseils-fullattack/

Comment ça se pilote ?

À l’usage, c’est à la pédale, en l’air, en courbe et bien évidement quand ça brasse que le Scott Ransom se distingue. On détail ça, point par point…


À la pédale…

Contre toute attente au vu du poids mesuré – 16,32kg en taille L – le Ransom a de la giclette. Dès qu’on appuie, il y a ce petit effet waouh qui surprend et rappelle qu’au fond, les Scott ont toujours eu ce talent pour bien pédaler. On ne parle pas ici d’un vélo taillé pour la Coupe du Monde de XC, mais d’un gros enduro qui a gardé un peu de ce gène maison. Et ça ne s’arrête pas au premier coup de pédale. Au train, le Ransom continue sur sa lancée : il sait tenir une vitesse de croisière solide, et même plus que ça. Là où d’autres gros vélos plafonnent à une allure “liaison”, lui garde un peu de marge. C’est le genre de vélo qu’il faut avoir entre les jambes si on est une force de la nature et qu’on a la caisse pour emmener longtemps un gros vélo sur des longues distances et sur des gros dénivelés, assurément.En relance, le constat est le même : en sortie de courbe ou sur un pétard, le Ransom répond. Ce n’est pas lui qui plafonne, mais bien les jambes de celui qui est dessus. Et une fois le sommet passé, il se relance tout de suite, sans inertie, comme s’il n’attendait que ça. Enfin, côté franchissement, la position sur la selle et l’assise générale font le job. Tant qu’on ne s’égare pas dans les réglages, le maintien est suffisant pour grimper propre. Mais ce qui marque, c’est la manière dont la suspension arrière reste active malgré l’effort au pédalage : pas de blocage parasite dû à l’effet de chaîne. On retrouve même un côté “tracteur” appréciable, qui tasse et absorbe l’obstacle au lieu de buter dedans. Un vrai plus quand il s’agit de se sortir d’un mauvais pas ou d’un cas de figure un peu technique sur une trace escarpée…

En l’air ?!

La réserve de débattement offerte par la suspension arrière prend tout son sens dans un cas de figure bien précis : les sauts. À l’impulsion, le Ransom profite du travail du 6-bar pour garder une stabilité remarquable. La suspension s’ouvre juste ce qu’il faut sur les appels, et ça change la donne quand ceux-ci sont trop courts pour l’empattement du vélo, ou quand le shape laisse un peu à désirer – ça arrive… Là où d’autres machines demanderaient plus de finesse ou de poigne, le Scott avale et pardonne.

Résultat : même sur des terrains chaotiques, avec des réceptions incertaines, le vélo garde ce côté accessible. Quand la technicité grimpe d’un cran, il rend les choses moins exigeantes qu’elles ne pourraient l’être. On décolle avec une belle amplitude, et on se pose avec une suspension qui bosse vraiment pour le pilote. C’est l’une des vraies forces de ce Ransom : transformer des situations compliquées en séquences plus fluides qu’il n’y paraît, et où on reste maître de ce qu’on fait…

En courbe…

C’est en virage qu’on retrouve une bonne part du caractère du Ransom : c’est un vélo qui se pilote avec les jambes. Il faut l’ancrer dans le sol, appuyer sur le boîtier, pousser dans les pédales… Bref, faire corps avec lui. On a de la place pour bouger, mais on se surprend à chercher naturellement un point d’équilibre quelque part entre la potence et la selle : c’est là que le vélo tourne le mieux, là que le lien entre pilote et machine se fait vraiment.

Sur les grandes courbes, il s’agit alors de verrouiller l’ensemble en chargeant la main intérieure sur le cintre, pour garder la ligne. Et quand il faut resserrer, la configuration mullet aide : la roue arrière plus petite rend le vélo plus vif et plus serré dans son rayon. En full 29, forcément, ça s’ouvre un peu plus large, mais on garde malgré tout de la précision. Dans tous les cas, le Ransom est clair : ce sont les jambes qui commandent.

Quand ça brasse…

C’est dans le gros du terrain que le Ransom exprime une bonne partie de son ADN. Toute la logique des réglages évoqués plus haut – assouplir au maximum les suspensions – prend ici son sens. Mais ça demande aussi de surveiller l’assiette : quand ça brasse, quelques clics de compression basse vitesse peuvent être utiles pour garder le vélo à plat et éviter qu’il ne tangue de trop.

Une fois ça posé, l’arrière fait le reste. La suspension avale littéralement le chaos, sans broncher. On se retrouve dans une situation claire : si la roue avant passe, l’arrière suit. À condition d’avoir un train avant à la hauteur, on peut se permettre de viser uniquement son placement, l’arrière se cale sans jamais poser de problème. C’est même là que le 6-bar prend toute sa valeur : il gomme, filtre, laisse au pilote la liberté de se concentrer sur les gros éléments du terrain plutôt que sur les détails.

Et c’est dans ces circonstances que le Ransom rappelle une fois encore son mode d’emploi : ça se pilote avec les jambes.On laisse la suspension encaisser une bonne part des aspérités, et on s’appuie sur ses appuis pour générer de la vitesse. On retrouve ce côté “pump track grandeur nature” qui caractérise les gros vélos quand ils sont bien conçus. Ici, Scott livre une machine capable de rendre le chaos presque simple – tant que l’amortisseur suit, cf. paragraphe sur les réglages du vélo 😉

Pour qui ? Pour quoi faire ?

À mon sens, le Scott Ransom 910, dans sa configuration d’origine, est un très bon vélo de montagne et de Randuro XXL. Il pédale bien, il garde de la marge pour encaisser du gros terrain, et il se révèle quand il s’agit d’affronter de longs dénivelés ou des passages techniques, parfois exposés. J’en ai personnellement fait l’expérience en montagne durant l’été, avec un plaisir fou. Descendre des sentiers reculés et escarpés, y croiser des piétons – qui se demandent comment est-ce possible de tenir sur deux roues ici – et « sortir » un tel run fait forcément partie des highlights au guidon du Ransom…

Dans ce registre, il fait exactement ce qu’on attend d’un gros enduro : accompagner sans plomber, et rassurer quand la pente ou le chaos montent d’un cran et qu’il faut un allié pour gommer certains des plus gros trous de la trace…Pour les compétiteurs en revanche, la donne change. Pour exploiter tout le potentiel du vélo en course, difficile de faire l’impasse sur un amortisseur à ressort, qui apporte la constance nécessaire pour rouler à bloc. Il faut aussi fignoler quelques détails de montage – ceux qu’on détaille en fin d’article – pour espérer jouer les premiers rôles face au chrono.

La Concurrence ?

Santa Cruz Megatower 2

Dans le gabarit, le Scott Ransom me fait penser au Megatower. Au coup de pédale aussi. Mais sur le terrain, comparer les deux met en évidence que le Megatower exige du pilote de hausser son niveau de jeu, là où le Scott Ransom le rassure et lui inspire de prendre les choses à son rythme, à sa main, sans se brusquer.

Yeti SB160

Là aussi, deux vélos dans le même registre ou du moins, le même format. Ils partagent ce côté « gros vélo capable de prendre une bonne part du boulot à son compte pour faciliter la donne ». Mais le Yéti a ce petit côté magique d’être plus « canapé confort » encore à bas régime, et de savoir répondre et hausser le ton quand le pilote le demande.Dans les mêmes circonstances, le Ransom est plus monocorde, demandant à être ajusté pour changer de registre.

Transition Spire

Si l’on parle de gros Enduro, comment ne pas évoquer « la ref » du moment en la matière. Ça permet de montrer que les deux ont en commun de rendre les choses plus faciles, mais dans des registres différents. Le Scott encaisse/avale le terrain, là où le Spire s’en nourrit pour propulser/aller de l’avant. En matière de filtration/tolérance, le Spire va un ton plus loin, tout comme dans ses proportions. Sur les sauts, le Spire aide à prendre les airs de par sa dynamique, le Ransom aide de par sa suspension qui encaisse sans broncher…

Le Scott Ransom est peut-être le gros Enduro du marché le plus à propos pour une grosse journée de vélo en montagne, ou une randuro XXL. Pas seulement pour son coup de pédale, mais aussi pour son supplément d’âme et de bienveillance quand le terrain se déchaîne. Un vélo que j’apprécie de pouvoir compter parmi mes alliés, même si ce n’était pas forcément évident au départ…