Prise en main – La Trust Message expliquée !

On en parlait l’été dernier avec la Motion E18, et encore à l’automne avec l’annonce de la Trust Message : et si l’âge d’or des fourches télescopiques touchait un jour à sa fin ?! Évidement, il resterait du chemin à parcourir avant d’en arriver là, et finalement bien malin qui dirait qu’il en est convaincu. 

Toujours est-il que si cette hypothèse se confirmait, il aurait été intéressant de se pencher attentivement sur ce que les nouvelles fourches ont à proposer. Et c’est le cas ces temps-ci avec la Trust Message désormais distribuée par Mohawks en France. 

Me voilà donc pour une journée sur les terres de l’importateur francilien, à la rencontre de l’équipe et de Rob Aguero – responsable Sales & Marketing de la marque – pour mieux cerner la Trust Message, et ce qu’elle propose en réalité… 

 


Temps de lecture estimé : 12 minutes – Photos : Trust, Endurotribe & Mohawks/Alex Bichard


 

Au sommaire de cet article :

 

 

Le Message de la marque…

En anglais, Trust pourrait se traduire ici par confiance… Et Message se passe de traduction. Le marketing qui entoure la Trust Message – premier produit de la marque – est en tout cas très clair. Mais pour en rajouter une couche, la marque n’hésite pas à parler de Trust Effect, pour désigner l’ensemble des sensations que leur produit doit apporter à l’usage.

Dave Weaggle en personne – gourou de cinématique et tête pensante derrière plusieurs marques et brevets du milieu – se charge d’en détailler les principaux traits : une suspension avant qui offrirait un maintien inégalé, une réactivité accrue en toutes circonstances, et une précision sans pareil. Voilà pour le message… 

 

 

Sur le papier

Il n’est pas question ici de paraphraser l’article paru à l’automne dernier au sujet de la Trust Message, mais bien d’aller plus loin dans sa compréhension. Les promesses du Trust effect sont alléchantes… Mais on apprécie par dessus tout lorsqu’elles se vérifient dans la conception du produit !

En provenance du réputé Dave Weaggle, on en attendait pas moins… Et c’est en répondant à différentes questions soulevées par la Trust Message, que l’on dresse une première cohérence intéressante…

[toggler title= »Pourquoi cette architecture ?! » ]

C’est une évidence, la Trust Message fait usage, non pas de plongeurs qui coulissent, mais d’éléments articulés sur roulements, qui actionnent l’équivalent de cartouches. Sur le papier, ce choix a une justification intéressante : chaque élément assure une seule fonction, plutôt que plusieurs.

La pièce principale, constituant l’ensemble pivot/té/bras est d’un seul tenant. Les basculeurs ne font que contrôler le mouvement de la roue, et les cartouches, elles, sont plus que jamais isolées des contraintes liées à la direction et aux appuis.

Surtout, il est évident qu’une telle architecture évite le phénomène d’arc-boutement inhérent aux serre-joints fourches télescopiques classiques. Phénomène qui ne cesse d’être mieux maîtrisé au fur et à mesure des progrès, mais jusqu’à quand ? Pourra-t-on s’en suffire ?

 

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[toggler title= »Comment se déplace la roue avant ?! » ]

À l’instar des fourches télescopiques qui font coulisser la roue avant le long de leur axe, la Trust Message dispose donc d’une cinématique propre, au sens du terme tel qu’on l’entend dans notre milieu : la trajectoire de la roue est travaillée, et les éléments qui y participent s’animent afin de jouer de différents phénomènes. Ici, la roue avant part vers l’arrière avant de se déplacer plus franchement vers le haut…

Cette trajectoire a pour principale théorie de décomposer les efforts perçus au contact de l’obstacle : la dimension horizontale/frontale dans un premier temps, puis la verticale, dans un second. Là où une fourche télescopique tente d’en faire passer le maximum dans le seul axe sur lequel elle doit travailler, et limiter l’arc-boutement que génère le reste…

 

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[toggler title= »Sur quoi joue sa cinématique ? » ]

Cette trajectoire particulière a un impact direct sur l’offset de la Trust Message. Habituellement, on peut considérer l’offset constant. Ici, il varie en fonction de la position dans le débattement. Quand on en prend, il réduit. Or plus il réduit, plus la direction se stabilise. Logiquement, la Trust Message doit donc limiter le guidonnage quand ça tape fort…

En présence de cette cinématique, on note également l’existence d’un ratio : le débattement de la roue est plus important que celui des cartouches qui gèrent ressort et amortissement. Surtout, ce ratio varie et dessine une courbe, comme sur une suspension arrière. Entre autre, il définit une certaine progressivité cinématique, en plus de celle procurée par l’usage de l’air, et de huck-puck, les tokens maison.

 

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[toggler title= »Qu’est-ce qu’il y a dedans ? » ]

Cette prise en main est l’occasion de mettre le nez dans la Trust Message. Histoire de voir ce que ses jambages en carbone renferment, et la qualité de fabrication de l’ensemble…

Sur le papier, la Trust Message pourrait se passer de la cartouche pneumatique à gauche, et ne reposer que sur celle de droite. Mais après les premiers essais, la fourche semblait plus équilibrée avec cette seconde cartouche pneumatique à gauche. Question de répartition des masses.

 

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[toggler title= »Comment la règle-t-on ? » ]

Les deux cartouches pneumatiques ne sont pas reliées entre elles. Elles nécessitent donc d’être équilibrées : il faut simplement veiller à y insérer les mêmes pressions. La Trust Message est dimensionnée pour que la pression soit facile à ajuster… Pour les anglo-saxons : la pression en PSI est égale au poids du pilote en livre. Qu’importe, pour nous francophones, la marque préconise de toute façon un SAG à 20% pour débuter.

Pour contrôler facilement, un indicateur est disposé sur une des articulations de la Trust Message. Il opère comme une mémoire de mouvement. Il est utile pour ajuster le SAG, puis en roulant, pour observer le débattement maximal utilisé. La marque préconise 85% en utilisation normale, les 15% restants en guise de marge.

 

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[toggler title= »Quelles sont ses spécifications ? » ]

Avec sa trajectoire de roue particulière, la Trust Message dispose de 130mm de débattement total. Qui équivaut, dans l’axe de la direction, à 120mm. Assez logiquement, la marque suggère qu’à l’usage, ça équivaut à une fourche classique en 130/140mm de débattement. Raison pour laquelle la Trust Message dispose d’une hauteur axe/té de 545mm.

Sur la balance, elle pèse 1950g prête à l’emploi. En tout, elle compte pas moins de 16 roulements spécifiques, tous garantis à vie par la marque. Une initiative qui va avec le crash remplacement à vie aussi. La garantie courante, elle, porte sur deux seules premières années.

À 2990€, la Trust se veut un produit premium pour ses débuts. Raison pour laquelle elle est livrée dans un packaging travaillé, et une flopée d’accessoires utiles. Dans le coffret spécifique : une pompe HP et des huck puck, mais aussi une clé dynamométrique, des patchs de protection, toute une série de connecteurs pour durites et la possibilité de customiser les autocollants suivant 8 couleurs…

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Prise en main

Architecture qui élimine l’arc-boutement, trajectoire de roue qui part d’abord vers l’arrière, cinématique qui engendre de la progressivité, offset qui réduit pour stabiliser la direction… Sur le papier, la conception de la Trust Message décline de manière cohérente le message marketing de la marque.

Qu’en est-il à l’usage ?! Ça fait tout de même un paquet d’éléments qui diffèrent de l’habituelle fourche télescopique. Une prise en main s’impose pour faire le tri. À l’usage, quels aspects prennent le dessus ? 

[toggler title= »L’aspect ? » ]

L’aspect justement. Il s’agit d’un point purement subjectif mais qui, immanquablement, revient sans cesse dans les débats. Ici, la Trust Message parait moins atypique que d’autres. Notamment parce qu’elle reprend (in)volontairement certains codes de ses homologues télescopiques.

Qu’importe, on ne roule de toute façon pas en regardant sa roue avant. À moins d’être vraiment, vraiment dans le dur… Dans tous les cas, moi qui suis plutôt sensible à l’aspect des choses, je n’ai pas été aussi perturbé que je m’y attendais. L’accoutumance est même très vite venue. Plus qu’à l’époque des premières roues de 29.

 

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[toggler title= »La sensibilité ?! » ]

Articulations, carbone, ratio, cartouches pneumatiques… On pourrait penser tout aussi bien que la Trust Message serait moins, ou plus, sensible que ses concurrentes. Réponses ?! 

En statique d’abord, la Trust Message est déroutante. Si l’on actionne le cintre comme d’habitude pour tâter le terrain, on sent de manière évidente le maintien vertical dont on parlait précédemment. Ça paraîtrait même très ferme !

Mais roue avant contre un mur ou un arbre, il suffit d’un doigt à chaque poignée pour la déclencher. La marque parle d’un effort dix fois moindre nécessaire. Pourquoi pas ?! La vidéo de démo est fidèle à mon expérience, raison pour laquelle je la partage sans mal…

https://www.youtube.com/watch?v=ahhNGRJAqc8

Dans tous les cas, à l’usage, cette distinction se révèle aussi présente… Verticalement, j’ai envie de parler de maintien, alors que frontalement, je ressens une capacité à avaler sans jamais buter.

 

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[toggler title= »Le maintien ! » ]

Une fois en selle, c’est d’emblée le maintien qui saute au yeux. La perception est clairement différente d’une fourche télescopique classique. Et ça a un impact direct sur nombre de nos gestes habituels. Il suffit de la première côte pour s’en rendre compte.

En danseuse, nous enduristes à vélos dotés de débattement conséquent, avons l’habitude que ça oscille. On y adapte nos appuis sur le cintre sans même s’en rendre compte… Mais là, très trop peu de mouvement vertical, c’en est déroutant de prime abord. Il faut revoir sa coordination.

La sensation est la même au premier virage en descente. Au freinage tout d’abord, où je constate clairement que ma gestuelle consiste habituellement à contrer une certaine plongée, ou la forcer pour aller trouver du maintien. Là, rien, mon geste est bien trop prononcé. Il suffit de rester tranquille !

Idem au moment de marquer l’appui l’instant d’après. Je constate qu’habituellement, j’ai tendance à porter le poids vers l’avant, tasser la roue au sol, avant de basculer vers l’arrière et plier le vélo. J’attends pareil ici, mais une fois encore, le maintien est bien plus présent.

Le vélo file tout seul. La débauche d’énergie et le transfert de masse nécessaire sont moindres. Il suffit de moins d’initiative pour obtenir le même résultat. Tandis que le maintien important fige énormément la dynamique du vélo au point de rendre déroutante les initiatives prononcées.

 

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[toggler title= »La lecture du terrain ! » ]

En lieu et place, la Trust Message offre une lecture du terrain de premier ordre, et à tous les sens du terme. D’abord, celui que l’on imagine, à savoir qu’avec autant de maintien, la forme du sol est clairement perceptible dans les mouvements verticaux du cintre. C’est bien plus fidèle et instantané qu’à l’habitude et je ressens une nécessité moindre de s’adapter ou de compenser. On peut clairement piloter comme sur une piste de BMX, en décomposant les poussées verticales et horizontales.

Ensuite, dans la capacité de la Trust Message à suivre le sol et s’y conformer. Notamment dans la dimension frontale des obstacles. Aussi bien à la montée qu’à la descente, je m’attends plusieurs fois à heurter une pierre, une racine ou un trou et d’en être désarçonné, stoppé… Rien ! Le vélo poursuit son chemin et je peux, finalement, me détendre !

À la longue, c’est assez flagrant. La Trust Message a beau être massive dans ses formes et faire usage de carbone, elle ne vibre pas frontalement. À l’œil d’ailleurs, on ne la perçoit pas travailler comme certaines de ses consœurs un peu frêles. Tout passe dans les mouvements des articulations, et passe aux cartouches.

 

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[toggler title= »La sensibilité au freinage… » ]

Finalement, c’est au freinage que la Trust Message me laisse pour l’heure perplexe. Dans la pente, terrain un peu chaotique, ça frappe fort dans les bras, alors qu’après coup, je constate que je n’ai pas utilisé tout le débattement. 80% à peine.

Il me semble, pour l’heure, que ce phénomène se mette en évidence lorsque j’actionne les freins. Mais c’est bien trop tôt pour conclure hâtivement sur les raisons de cette impression. Plusieurs idées me viennent à l’esprit pour définir la suite du protocole d’essai…

Jouer des SAG, puis des tokens… Travailler sur une modification de la méthode et la gestuelle de freinage – plus tard, plus fort, contre-poussée orientée différemment… Passer à l’essai une prochaine déclinaison avec plus de débattement… De quoi occuper et faire vibrer le testeur passionné que je suis.

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Ce que ça nous apprend ?

En attendant, la Trust Message nous apprend déjà quelques enseignements intéressants…

[toggler title= »Le DW-link n’était pas un hasard ! » ]

À l’essai du Ibis Mojo HD4 qui fait usage du DW-Link – la cinématique développée par Dave Weaggle, la tête pensante derrière la Trust Message – j’avais noté une suspension arrière qui ne consomme pas de débattement inutilement. Au point d’en figer l’arrière d’un vélo qui continuait à osciller devant.

On pouvait penser, après tout, que cette tendance n’était qu’un effet secondaire, ou une trouvaille fortuite de la part de son concepteur… Mais si tel était le cas, il a de toute façon jugé bon d’en faire une marque de fabrique.

Vu sous cet angle, la Trust Message et son maintien de premier ordre en sont les compléments idéaux, ou du moins, nécessaires. Et de toute façon, c’est désormais plus que jamais assumé avec l’arrivée d’une telle fourche sur le marché !

 

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[toggler title= »L’influence des fourches télescopiques ! » ]

L’autre enseignement, c’est l’influence insidieuse que les fourches télescopiques, leur plongée et leur arc-boutement, peuvent avoir sur le pilotage. Quelques tours de roues sur la Trust Message suffisent pour s’en convaincre ou du moins, pour ouvrir les yeux là-dessus.

Les premiers instants sont suffisamment déroutants pour être interpellé. Certains interpréteront ça comme quelque chose de désagréable, car perturbants des acquis et rendant la situation déstabilisante.

D’autres saisirons l’opportunité de progrès, d’en apprendre toujours plus sur leurs propres prestations, et ce qu’il peut être bon de travailler pour y gagner, quelles que soient les situations et le matériel mis à profit pour s’adonner à notre passion.

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Qu’en penser ?!

Bref, la Trust Message a le chic pour remettre pas mal de choses en question… Typiquement le genre de produit qui nécessite un test approfondi pour en prendre la pleine mesure. Notamment parce que cette prise en main soulève de nouvelles questions :

Comment faut-il modifier son pilotage pour en tirer parti ? À quel point ? Est-ce difficile, et si oui, en quoi ?! Stabilité d’assiette, lecture du terrain, conservation de la vitesse. Je perçois bien les intérêts possibles, mais ne cerne pas encore à quel point ils demandent une adaptation.

Et puis, qu’en est-il de l’impact que ça peut avoir sur d’autres vélos ? Les Pivot en DW-link se prêtent à ce tempérament qui consomme peut de débattement vertical… Mais quid avec d’autres cinématiques à la dynamique plus volage ?! Quelles modifications nécessiterait-elle ?! Et à quel point le milieu y serait ouvert ?! 

Pour tout ça, il va falloir être encore être patient… Et attentif ! C’est en tout cas ce que l’on se donne comme mission. Message marketing en phase avec les choix de conception et des premières impressions sur le terrain… La cohérence est au rendez-vous, voyons jusqu’où ça peut mener !

Rédac'Chef Adjoint
  1. Le retour des fourches a parallélogramme qui ont connu un petit succès il y a 25 ans. L’articulation était « en haut » et supportait mal la torsion lors d’une chute, ce qui a précipité la leur (de chute ,-)) en même temps que les fourches coulissantes progressaient.
    J’avais une AMP bien légère mais dont le vérin ne tenait pas les pressions internes, que de fuites. Espérons que ces vérins soient plus robustes mais ils ont moins de volume que les télescopiques donc normalement plus de pression interne.
    Bon a 3000€ le morceau, on ne va pas en voir des masses et donc les retours sur la fiabilité risquent peu nombreux mais belle démonstration d’ingénierie.

    1. Attention, ne nous y trompons pas ! Pour les avoir tenus en main, les cartouches de la Trust message ont des proportions tout à fait comparables à celles d’une fourche télescopique classique. Ce sont les courses qui sont plus faibles, puisqu’un ratio entre en ligne de compte. Les pressions elles, sont plus élevées que dans une fourche classique, mais de l’ordre de ce que l’on connait dans un amortisseur. Ce ne sont donc pas les proportions ou le concept qui sont à mettre en question ici, seulement le fait qu’en 25 ans, les suspensions, leurs méthodes de fabrication et la durabilité qui en découlent, ont bien progressé.

  2. Bonjour, quelles sont vos impressions vis à vis de la fourche Motion ? La comparaison est inévitable ! Quel sont les points communs et les différences de fonctionnent ? Et surtout pourquoi selon vous ? Merci encore pour vos articles, continuez.

    1. Salut,

      ça fait partie des questions qui se posent. L’angle joue effectivement sur la notion de stabilité… Mais combiné à l’offset, il partipe aussi à l’effet de cycle qui permet à un vélo de tenir debout en ligne droite, ou au contraire, passé un certain point, à la direction de basculer naturellement en mettant de l’angle… Bref, c’est pas aussi simple et directe que ça en a l’air > Oui, avec plus de maintien/moins de plongée, on pourrait envisager de redresser l’angle, mais que va-t-on perdre en matière de direction ? à suivre 😉

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