2018 - La fourche Motion E18, à deux pas du modèle de série définitif ! Quelques points esthétiques, et les settings de l'amortisseur doivent encore être ajustés pour atteindre la série.

Visite chez Motion – Fourche à parallélogramme E18, décryptage…

Il y a des jours qui nous semblent familiers, voir parfois routiniers. Et il y a des jours totalement différents, enrichissants ou singuliers. Ma visite chez Motion Engineering, la start-up qui fait actuellement parler d’elle avec sa fourche à parallélogramme déformable un peu hors du commun, fût un de ces jours nouveaux, voir novateurs !

Je vous livre ainsi son histoire, son épopée, son aventure avant de devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Une journée riche, qui me permet ensuite d’aborder leur fourche, les technologies et les vrais questions que soulèvent une telle découverte. 

 


Temps de lecture estimé : 8 minutes


 

Au sommaire de cet article :

 

 

L’avant MOTION

Matthieu Alfano est passionné de physique et ingénieur diplômé. Il travaille dans un des plus grands groupes français et a tout de l’ingénieur contemporain : parcours idéal, perspective d’évolution… Il rentre parfaitement dans le moule ! Mais finalement, s’y sent rapidement à l’étroit. 

C’est un innovateur né, il a un cerveau bouillonnant, qui a besoin de créer sans cesse. Il est aussi un pratiquant assidu de moto sur piste et de VTT. Quelques questions lui taraudent donc l’esprit. Depuis des années, on parle, surtout dans le GP, de l’anti-plongée des suspensions avants. C’est là que Matthieu se penche sur la question, se renseigne, se documente et s’informe sur le sujet. Les prémices d’une longue aventure…

 

 

Le comment du pourquoi

Pourquoi remettre en question les suspensions actuelles ? Résoudre ce problème qu’est l’anti-plongée ? Et comment s’y prendre ? En fait, les choses se sont plutôt déroulées dans l’autre sens.

Par curiosité, par passion et par ennui lors d’un déplacement au début de l’année 2013, Matthieu se lance dans de savants calculs. Et au bout de dix jours et nuits d’acharnement, de vérification et d’énième vérification, il trouve une solution singulière à l’équation de l’anti-plongée :  une solution qui ne dépend pas de la masse !

Elle pourrait alors fonctionner quel que soit le pilote et le véhicule engagés. Le voilà en possession d’une solution à l’un des problèmes récurrent de l’anti-plongée. Et voilà tout le secret de la Motion E18 : cette fameuse équation gardée strictement confidentielle. Elle permet de déterminer les positions des différents points d’articulation du parallélogramme de cette fourche au look si particulier.

 

 

 

Premier prototype, premier brevet

Convaincu par ses heures de calculs, Matthieu dépose le brevet du système anti-plongée et se lance dans la fabrication de son premier prototype. Il est encore salarié, mais profite de son temps libre pour réaliser ce qui semblait impossible jusqu’à présent.

C’est entre sa terrasse parisienne de deux mètres carrés et le jardin d’enfant d’à côté que les premières pièces voient le jour, début 2014. Un an après, le premier prototype est né ! Reste à l’essayer. L’heure de vérité a sonné. Le système anti-plongée fonctionne-t-il vraiment ?

Non sans quelques doutes, Matthieu se lance sur son premier freinage sur le parking le plus proche. Et stupeur, ça marche ! Pour s’en convaincre vraiment, il essaiera tous les cas de figure possibles et imaginables, nuit et jour encore une fois. Désormais, sûr de lui, tout bascule !

 

 

La motion E18 : produit vitrine

C’est ainsi qu’est née la Motion E18 : une fourche anti-plongée à parallélogramme déformables. Depuis, les prototypes se succèdent, le look inimitable de la Motion apparait progressivement dans les médias et l’air de rien, la curiosité nourrit progressivement l’intérêt grandissant porté à tous ces développements…

* Cliquer sur les images de la galerie ci-dessous permet de profiter de leurs commentaires en légende ?

À l’aube de sa commercialisation, la Motion E18 s’apprête à rejoindre le marché avec deux versions et les standards actuels de la pratique Enduro :

  • 27,5 pouces, 150, 160 ou 170mm de débattement, offsets respectifs de 44, 45 et 46mm, hauteurs de 545, 555 et 565mm, pneus jusqu’à 2,5 pouces de section – 2,1kg
  • 29 pouces / 27,5 pouces +, 140, 150 ou 160mm, offsets courts de 44, 45 et 46mm, hauteurs de 555, 565 et 575mm, pneus jusqu’à 2,6 pouces (29) et 3 pouces (27,5+), 2,1kg

Bien sûr, les plus anciens d’entre nous ont à l’esprit les Fournalès et autres fourches à parallélogrammes déformables des années 90. Mais à l’époque, elles cherchaient de la sensibilité et de la rigidité, pas l’anti-plongée…  

 

 

Les principes clés

D’une certaine manière, l’historie est belleMais qu’en est-il de son produit ? En quoi consiste toute cette débauche ? Et en vaut-elle la peine ?! Il faut un œil averti pour saisir les principes clés qui régissent la conception de la Motion E18. Voyons plutôt…

[toggler title= »Chassis anti-plongée » ]

C’est le premier brevet déposé. Il est basé sur la fameuse équation secrète dont une trentaine d’inconnues peuvent en rebuter certains, au départ. Reste qu’au final, elle a un objectif : encaisser les trois actions mécaniques extérieures qui s’appliquent à la fourche lors d’un freinage – en provenance du sol via la roue, en provenance du pilote/vélo via la douille de direction, et en provenance du frein avant, via le support de l’étrier.

Elle implique l’usage d’un parallélogramme déformable. Et qui dit parallélogramme, dit cinématique et point de pivot virtuel… Et oui, comme certaines de nos suspensions arrières, la fourche Motion fait usage d’un centre instantané de rotation, dont la position est projetée à l’intersection des deux axes passant par les points de pivot de chaque bras qui articulent la Motion E18. Ici, vers le bas, et en arrière du point de contact de la roue avant au sol…

À savoir que l’action anti-plongée n’est pas totale, certains essais ayants démontrés que conserver un léger mouvement facilitait la préhension du système et le confort perçu. Et quand bien même cette solution diffère de nos habitudes, la trajectoire de la roue avant reste relativement commune : d’abord dans l’axe, comme sur les fourches télescopiques, puis légèrement vers l’avant, ce qui augmente temporairement l’empattement du vélo.

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[toggler title= »Lame composite » ]

Le second brevet est l’utilisation d’une lame composite – fibres de carbone + fibres de verres – en guise de ressort. Il se démarque de ce qui a déjà été fait par le passé, par son utilisation en traction et non pas en compression.

En effet cette lame courbée travaille d’abord en flexion/traction jusqu’à tendre vers de la traction pure. Ces deux phases sont ici très intéressantes car elles permettent d’obtenir une courbe de compression naturellement progressive.

Tout ce travail se fait sur une course de déformation de 35mm, alors que la lame, elle, pourrait subir plus. C’est la raison pour laquelle, après avoir mis à l’épreuve plusieurs prototypes de lame, la Motion E18 n’en retient qu’une seule, unique. Sa plage, précontrainte comprise, couvre le nécessaire pour préconiser des pilotes de 50 à 100kg.

Le SAG, lui, ou du moins la précontrainte, s’ajuste via une vis qui tend ou détend la lame sur quelques millimètres. Dans tous les cas, elle se veut insensible à la température et aux frictions, tout comme l’ensemble des points de pivots de la fourche, montés sur paliers, annoncés sans entretien.

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[toggler title= »L’amortisseur à double piston et centre de laminage central » ]

C’est le troisième brevet exploité pour la création de cette fourche. Il est encore en cours de dépôt, c’est pourquoi nous ne pourrons pas encore tout révéler à son sujet. Reste que pour l’heure, il permet de gérer l’hydraulique de la suspension : la détente et les compressions.

Il utilise une technologie de type Thru Shaft, comme nous en avons déjà parlé dans nos colonnes. Sa particularité c’est qu’ il est à pression atmosphérique, ce qui permet de repenser, et grandement simplifier l’étanchéité et par ricochet heureux, de diminuer les frictions.

Sa construction reste proche de ce qui se fait actuellement en matière d’amortisseur, à l’organisation et l’agencement des pièces près. Il lamine toujours de l’huile pour dissiper l’énergie – sous forme de chaleur – et amortir les chocs. Mais les réglages, eux, demandent encore à être ajustés pour convenir parfaitement à nos attentes et habitudes.

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[toggler title= »Qu’en penser ? » ]

Sur le terrain, à quoi ça pourrait bien servir ? Quand une fourche télescopique consomme du débattement au freinage, la fourche Motion n’en consommerait pas. Ce qui laisserait une réserve de débattement plus conséquente, donc une capacité d’amortissement plus importante, pour absorber un choc qui pourrait survenir pendant la phase de freinage. Le véritable intérêt serait donc d’utiliser le débattement pour ce à quoi il est réellement destiné et éviter au pilote d’être désarçonné.

Vu autrement, l’idée que le vélo ne plonge pas rejoint l’idée que le vélo conserve une meilleure assiette. Dans ce cas, le pilote qui a pour habitude de compenser ces mouvements parasites n’aurait plus à dépenser de l’énergie pour ça, et pourrait la dépenser plus utilement, à faire autre chose. Intéressant…

Reste que cette découverte pose les bases d’un essai terrain plus que jamais nécessaire. Du point de vue de la pratique et des pratiquants : Qu’est-ce que l’anti-plongée apporte réellement dans le pilotage ? Dans quelles circonstances précises ? À qui peuvent profiter ces progrès ? Et du point de vue concepteur des vélos susceptibles d’accueillir la Motion E18 : Quelle part d’influence a-t-elle véritablement sur le comportement du vélo ? Certaines cinématique de suspension arrière sont-elle plus favorables que d’autres ? Ou bien quelles nouvelles portes ce concept peut-il ouvrir en matière de cinématique, de géométrie et de maîtrise des rigidités ? 

Voilà en tout cas quelque chose qui ressemble à un coup de pied dans la fourmilière ! Motion Engineering bouscule et innove. D’ailleurs, quelque chose nous dit que les dernières questions laissées en suspend pourraient trouver réponse dans un certain avenir…

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Une fourche, mais pas que…

Depuis le début, l’idée de Matthieu, avec Motion Engineering, n’est pas uniquement de concevoir cette fourche mais bien de remettre en question l’existant, de voir et de penser avec un œil nouveau, d’œuvrer pour la novation. En fait, d’innover. La Motion E18 et l’approche décryptée ici en sont les plus fidèles démonstrations.

À l’avenir, cette fourche doit aussi être une vitrine, faisant étal de toutes leurs capacités et passée à l’épreuve du marché. Leurs capacités ? Oui, maintenant Motion Engineering a grandi. C’est une start-up qui, grâce à l’association de plusieurs personnes et à des levées de fonds réussies, embauche et subsiste avant de pouvoir voler de ses propres ailes.

Motion Engineering se veut maintenant lancer dans l’innovation. C’est une boite qui tend vers le bureau de recherche. Un cocon d’innovation, d’ouverture d’esprit, de créativité. En fait, vers une fonction novatrice, avant-gardiste et audacieuse qui pourrait tirer tout le monde vers le haut ! On ne manquera pas de s’en assurer 😉

 

Fiche produit, communauté et présentation officielle de la marque sur www.motion-ride.com/fr/

Rédacteur Testeur
  1. j’aime bien l’idée de l’ « anti-plongée » par la cinématique, mais es qu’un système comme le « live valve » de FOX peut avoir le même effet?

  2. Bonsoir,
    Impossible car le live valve agit sur l’hydraulique et bloque donc la fourche quand la Motion reste pleinement fonctionnelle… 😉

  3. Ayant connu les fourches a parallélogramme des années 80 (j’ai eu une AMP F4 !) le point faible est la tenue a la torsion (et aussi la pression dans l’amortisseur avec des fuites récurrentes). Combien de fourches vrillées suite a une chute, OTB etc … ? Et l’entretien des pivots ? Même si la technologie a fait des progrès, une fourche encaisse beaucoup plus (et différemment) que le triangle arrière …
    Elles ont toutes disparues car la fourche « coulissante » est bien plus fiable.
    Voyons si cette fourche resiste au temps … sinon beau concept et réalisation.

    1. La tenue de l’amortisseur est réglée ici puisqu’il est a pression atmosphérique. Concernant la torsion, vu les avancées depuis les Fournales et autres, je pense qu’il n’y a pas a s’inquiéter. On a bien une Lefty simple té!

  4. Il me semble bien avoir eu des retours sur les Fournalès des années 90, comme étant peu sensible à la plongée au freinage… En tout cas, belle réinterprétation du concept !

  5. Vivement un essai de votre part . Le concept anti plongée taraude pas mal de monde dans le milieu de la moto depuis longtemps ; mais les grand constructeur (sauf BMW et son telelever) rechignent a lacher les fourches conventionnelles. Peut etre que le monde du vtt sera plus ouvert a l’innovation ? A bientot donc !

  6. Oui pour sûr, un essai endurotribe que ce soit par Tom ou Antoine, ce serait top 😉 ce concept m’attire sur le principe ! Et toutes les questions qui vont avec au niveau de la géométrie du vélo équipé d’une telle fourche (angle de fourche, Offset etc…). BMW avait sorti des vélo avec leur fameux « telelever » tant plébiscité en moto de route. Mais le vélo d’alors avait un angle de fourche bien trop redressé qui rendait le vélo bien trop instable. A l’inverse, avec un tel système, peut on imaginer redresser un peu l’angle de direction (65 degré couramment aujourd’hui en enduro) pour gagner en maniabilité sans rendre le vélo instable au freinage grâce a l’anti plongée ?

  7. Avez-vous eu l’occasion de la tester ?
    Je serais curieux de comparer votre retour et à noter qu’en cette rentrée le tarif a été revu

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