Au jeu du chat et de la souris (remplacez, c’est selon, le chasseur ou le chassé par “renard”), RockShox et Fox sont particulièrement prolifiques. Évolutions après évolutions, les deux géants américains de la suspension VTT positionnent leur pions sur l’échiquier, répondant du tac au tac à chaque manœuvre offensive.
Diamètre de châssis, compromis rigidité/poids, ressort pneumatique personnalisable avec des cales, simplicité d’ajustement de la cartouche hydraulique, standard d’axe et d’entraxe, offset, couleur des plongeurs, déco plus ou moins criarde… voici quelques uns des plus récents théâtres d’opérations.
Le premier trimestre 2018 est encore inachevé que les premières nouveautés millésimées 2019 pointent déjà le bout de leur nez. Chaque année c’est pareil… Ou presque. Coutumier dans l’art de dégainer tôt ses avancées, le groupe SRAM abat ses cartes RockShox. Notamment au menu, un nouveau ressort pneumatique DebonAir ainsi qu’une nouvelle cartouche hydraulique RC2.
Endurotribe est l’un des très rares médias internationaux à avoir pu tester ces nouveautés sur ses propres sentiers. C’est l’heure des présentations et de découvrir nos premières impressions…
Temps de lecture estimé : 11 minutes – Photos : Endurotribe/SRAM/J. Reuiller
La RockShox Lyrik RC2 voit rouge
Après avoir remis au goût du jour sa Pike au printemps 2017, désormais positionnée Trail/All Mountain, RockShox poursuit sur sa lancée et s’attaque à son étendard en Enduro : la Lyrik.
S’appuyant sur l’architecture actuelle (châssis et plongeurs complètement remaniés depuis la collection 2016), la fourche introduit deux grandes nouveautés : une cartouche DebonAir à ressort pneumatique grand volume ainsi qu’une toute nouvelle cartouche hydraulique Charger 2 RC2. On vous précise tout cela plus bas.
Cette nouvelle génération se démarque par sa robe rouge BoXXer si singulière (si l’on peut en rassurer certains, elle existe aussi en noir…), sa décoration gris métallisée et ses marquages de plongeurs désormais côté gauche.
La nouvelle Lyrik (comme la Yari) est disponible en 27,5 et 29 pouces, de 160 à 180mm de débattement, en entraxe Boost uniquement et disque de 180mm minimum. Différents offsets de fourche sont proposés, notamment 51 ou 42mm en 29 pouces.
Comptez 2044g et 1109 euros pour une Lyrik RC2 29 en 170mm de débattement. Commercialisation prévue courant avril.
Un ressort DebonAir qui n’en manque pas
RockShox généralise sur la nouvelle Lyrik, ainsi que toutes ses fourches en 35mm (Pike, Yari et nouvelle Revelation), sa cartouche DebonAir à ressort pneumatique grand volume.
Introduite l’an passé sur la Pike, la technologie DebonAir à grand volume d’air évolue encore avec une chambre négative bien plus importante ; de l’ordre de 40% d’augmentation. Désormais scellée à la tête de piston, la tige offre un volume supplémentaire de ressort négatif. La tête d’étanchéité (rouge) est désormais montée sur un bushing pour considérablement diminuer les frictions.
Ces évolutions doivent permettre une grande réactivité au déclenchement, jamais atteinte sur ses produits dixit RockShox, et un excellent maintien en milieu de débattement via une pression plus élevée pour davantage de contrôle.
Le système permet l’usage de cales « Token » classiques pour jouer sur la progressivité de l’ensemble.
Cartouche RC2, pour tous les goûts et les couleurs
Longtemps focalisée sur la simplification des ajustements pour l’utilisateur final, d’où la cartouche RCT3, RockShox prend une nouvelle direction pour répondre aux attentes des enduristes les plus pointus.
Jusque-là, RockShox ne proposait avec le RCT3 en mode ouvert qu’un réglage de compression basses vitesses, couplé à une plateforme de verrouillage intermédiaire puis ferme. Sans se soucier de la compression hautes vitesses.
La nouvelle cartouche RockShox RC2, technologie éprouvée et disponible chez les p’tis copains concurrents, rectifie le tire et permet désormais d’ajuster de façon indépendante les compressions hautes (HV) et basses vitesses (BV). Proposant ainsi une large plage d’ajustements.
La marque a particulièrement travaillé la précision de chaque clic, offrant depuis la position fermée 5 clics de compression hautes vitesses et 20 de basses.
Couplé à un ressort pneumatique très linéaire et chargé, la cartouche hydraulique est volontairement très libre en compression. Ainsi sur la cartouche RC2, le troisième clic de compression HV équivaut au paramétrage ouvert de série du système RCT3.
Des fourches désormais évolutives
C’est un petit pas pour SRAM, un grand pas pour le consommateur… Grande première chez RockShox, la marque va désormais proposer des kits d’upgrade qui permettront à votre fourche RockShox en 35mm de bénéficier des dernières nouveautés.
La nouvelle cartouche pneumatique DebonAir, détaillée ci-dessus, est accessible à tous, en deux versions : une pour Yari/Lyrik, une autre pour Revelation/Pike. Tarif unique : 47 euros.
En complément de la cartouche Charger 2 RCT3, il est désormais possible d’acquérir la nouvelle cartouche hydraulique Chargeur 2 RC2. Celle-ci est pour l’heure, du fait de son encombrement vertical, uniquement disponible pour les Lyrik et Yari. Ce n’est pas officiellement annoncé mais les premières générations de Pike en 35mm (160mm, Charger 1) peuvent aussi recevoir l’upgrade.
La fourchette de tarifs annoncée pour l’upgrade RC2 (259 à 349 euros TTC) est dans la norme des kits « artisanaux » de préparation équivalents proposés sur le marché.
Mise à jour du RockShox Super Deluxe
Pour seoir au mieux à la proue qui se bonifie, RockShox fait quelque peu évoluer son amortisseur enduro SuperDeluxe (RCT et RC3).
Tout d’abord, pour gagner en sensibilité sur les premiers millimètres de course, la marque a fait le choix d’intégrer un mini ressort métallique à la tige d’amortisseur. Il répond au doux nom de Counter Measure.
Précédemment embouti, désormais usiné CNC, l’intérieur de la chambre d’amortisseur gagne en précision, notamment les fossettes qui font l’interface entre chambre positive et négative. Ces évolutions de production optimisent la lubrification et accélèrent ainsi les mouvements du piston pour gagner en réactivité.
Inchangé, l’amortisseur permet un empilement de cales internes pour jouer sur la progressivité.
La marque annonce également avoir affiner ses ajustements de détente, avec une plage de réglages plus large et des clics plus précis pour optimiser le contrôle de la roue arrière.
Reste maintenant à vérifier tout cela sur le terrain..!
Les nouveautés à l’épreuve du terrain
Pour découvrir et tester ces nouveautés, j’ai rendez-vous à domicile avec Simon André, ambassadeur SRAM et responsable marketing Orbea pour le marché français. Pour l’occasion, il s’est déplacé avec un flambant Orbea Rallon R5 taille L paré d’une peinture spécifique du plus bel effet.
A l’avant une Lyrik RC2 160mm, à l’arrière un Super Deluxe RCT avec un prototype de blocage au guidon par poignée tournante (dont on reparlera sous peu !).
C’est donc en Ardèche, sur mes trails habituels à deux pas de la Rédaction que l’on va rouler. Un terrain de jeu cassant, qui pardonne peu, sur lequel j’ai d’innombrables repères et mes temps de référence. Une aubaine pour comprendre et affiner les produits, là où d’ordinaire en présentation presse, les journalistes roulent à vue en terre inconnue.
Atelier suspensions !
Pour l’occasion, nous organisons la journée tels les Ateliers Endurotribe, en mode randuro, en optimisant les réglages spéciale après spéciale.
Le run de référence est assez court, varié et intense. Pédalage sinueux sur le haut avec des courbes à plat, le tracé devient rapide et cassant, glissant au freinage, s’en suivent deux sections aériennes dans les rochers, de belles enfilades à l’aveugle, pour déboucher dans deux épingles pentues et une sortie chaotique mêlant marches en rondins et éboulis. 500m de distance et 80m de dénivelé qui s’avalent raisonnablement en un peu plus d’1 minute 30s.
J’ai roulé d’innombrables vélos ici, mon meilleur chrono s’établit à 1min 30s tout rond. « Record » de la piste qui tient (bizarrement) depuis près d’un an, sans jamais réussir à l’égaler ces derniers temps. 1min 33s, 1min 34s au mieux ces temps-ci.
Nous sommes lundi et j’ai le vélo depuis le week-end. J’ai eu l’occasion de le roder dimanche, d’affiner quelques peu ma position et mes réglages de suspension (à l’aveugle sans les détails de la présentation) sur ce tracé rendu glissant des pluies de la veille.
Je mets Strava en marche, davantage pour comptabiliser les données de roulage que de viser quelconques chronos. Le but de la journée étant de se focaliser sur les ressentis de suspensions, d’évaluer les bienfaits ou non des ajustements, pas de rouler à 110%, au dessus de ses pompes pour terminer tanqué dans un buis. Quoi qu’avec Simon aux trousses, ça peut donner des ailes…
Envolées Lyrik…
* Cliquer sur chaque onglet ci-dessous permet de découvrir les propos spécifiques à chaque situation 😉
[cbtabs][cbtab title= »1er run »]
Nous voilà partis pour le premier run. Simon ferme la marche, analyse mon pilotage, la manière dont le vélo se comporte avec mes réglages initiaux et la piste qu’il découvre.
On débriefe, on croise nos ressentis. Je ne prends pas tout le débattement, à l’avant comme à l’arrière, et avec un rythme plutôt élevé le vélo sautille.
On freine les détentes de 2 clics avant/arrière, je libère la fourche d’un clic en BV et toute la compression HV. On maintient les même SAG, sans Token à l’avant et toujours trois cales dans l’amortisseur.
Je ne le saurai qu’en fin de journée au moment de synchroniser Strava mais dès le premier run, j’égalise mon temps de référence : 1:30.
[/cbtab]
[cbtab title= »2ème run »]
Le vélo est plus confortable, il perd un peu en dynamisme. Et malgré quelques millimètres de gagnés, je ne prends toujours pas le débattement.
J’ai la sensation d’avoir pris moins de risque du fait du vélo plus sécurisant et stable.
Sans aucune indication de chrono, à l’avant, je baisse légèrement en pression pour atteindre 28% de SAG, je ré-ouvre d’un clic la détente, on maintient les réglages de compressions BV/HV (2 et 0). A l’arrière, on décide d’enlever deux des trois cales et de ré-ouvrir d’un clic la détente pour compenser la plus grande linéarité.
Chrono : 1:29, record battu..!
[/cbtab]
[cbtab title= »3ème run »]
Les sensations sont bonnes, les trajectoires plus tendues avec davantage de prise de risques, je retarde les freinages, le vélo colle au terrain, j’attaque plus sereinement le final fuyant.
J’ai à ce moment-là la sensation de rouler à bon rythme, à la manière de l’année passée lors de mon temps de référence (1:30). Résultat des courses : 1:25 ! Trois runs, trois temps de référence améliorés. Ce sera la surprise de l’after-ride.
On valide de maintenir les ajustements mais, pour prendre l’ensemble du débattement, de baisser encore en pression, à l’avant (30% de SAG) comme à l’arrière (35%).
On décide alors d’enchaîner deux runs supplémentaires sur des tracés différents, plus longs, plus cassants, plus rapides avec des marches et des épingles.
[/cbtab]
[cbtab title= »4ème run »]
Tracé différent…
On attaque le run suivant. C’est sinueux et glissant sur le haut, ultra rapide au milieu et cela se termine par une succession de 5-6 marches à pleine vitesse.
Je connais bien cette spéciale et j’attaque très serein la descente tout en me méfiant des parties traîtres à l’ombre.
A l’arrivée, j’ai vraiment la banane avec la sensation d’avoir été globalement plus efficace et consistant partout, sans « débrancher » et trop prendre de risques.
Le chrono sera sans appel, avec ces ultimes settings, j’égalise mon temps de référence (1:39) avec une pointe de vitesse nettement inférieure, à 49,7km/h, là où j’avais atteint 58km/h au milieu des buis avec le même chrono à l’arrivée et une toute autre sensation d’avoir été sur le fil du rasoir…
[/cbtab]
[/cbtabs]
On terminera la journée avec 23km au compteur pour 1100m de dénivelés +/-, six runs en tout, et la sensation agréable du travail « accompli » et d’une journée qui a porté ses fruits. Et encore une fois, sans aucune notion et indication de chrono.
Évolutions des settings
Suspension avant | ||||
SAG | 27% | 27% | 28% | 30% |
Tokens/cales | 0 | 0 | 0 | 0 |
Détente (depuis tout vissée) | 10 | 8 | 9 | 9 |
Comp BV (depuis tout dévissée) | 3 | 2 | 2 | 2 |
Comp HV (depuis tout dévissée) | 3 | 0 | 0 | 0 |
Suspension arrière | ||||
SAG | 30% | 30% | 30% | 35% |
Tokens/cales | 3 | 3 | 1 | 1 |
Détente (depuis tout vissée) | 6 | 4 | 5 | 5 |
Comp BV | - | - | - | - |
Comp HV | - | - | - | - |
Qu’en penser ?!
Le travail effectué correspond bien évidemment à une situation donnée, à un style de pilotage, une piste, des conditions climatiques particulières et un vélo bien entendu. Ca n’a rien de scientifique. Reste que tout ce travail permet de mettre au moins une chose en avant : l’importance des ajustements du ressort pneumatique et la cohérence de l’avant/arrière.
Finalement c’est bien plus sur le travail de l’air que celui de l’hydraulique que nous avons joué. Des SAG peaufinés au pourcentage près, peu ou pas de cales, des compressions assez libres, des détentes en milieu de plage… Et le résultat est à la hauteur de mes espérances, voir bien au-delà. L’ensemble est cohérent, le vélo garde l’assiette, se maintient bien dans la course, s’ancre dans les virages, tout en prenant au final tout le débattement lorsque cela s’impose.
Il nous faudra davantage de temps et d’expérience avec la cartouche RC2 pour en tirer tout le potentiel. En l’état, elle offre une large plage d’ajustements pour s’adapter à tout type de terrain tout au long de la saison et pourrait bien se révéler comme un allié, au fur et à mesure que mon pilotage progresse.
Enfin, une chose est certaine, à 47 euros l’upgrade, la cartouche DebonAir est une affaire…
Pour en savoir plus > www.sram.com