Vous l’aurez remarqué, l’avenir de la Coupe du Monde de Descente est un peu flou ces derniers temps. Tout comme la pandémie en avait déjà, logiquement, impacté le cours, c’est maintenant le recul de RedBull et de l’UCI au profit d’ESO/Discovery/Warner qui font que les enjeux et échanges qui entourent la saison 2023 commencent à prendre de l’ampleur. Au point que les pilotes de Coupe du Monde de Descente évoquent le fait de créer un syndicat pour faire entendre leur(s) voix. Explications !
Posons le contexte, pour commencer. Début 2022, et un peu à la surprise générale, Enduro Sport Organisation (ESO) – sous la direction de Chris Ball, et dans le giron de Discovery/Warner Bros – a remporté les droits d’organisation et de promotion de la Coupe du Monde VTT UCI pour 2023 et les huit saison à venir. Exit RedBull à la promotion donc, et exit l’UCI à l’organisation, qui prend du recul sur le sujet et se concentrera donc désormais sur l’aspect règlementaire et législatif qui lui revient.
La nouvelle est d’abord tombée tôt dans la saison, laissant augurer du temps pour que chacun se mette au travail. Pour autant, il s’agissait en fait d’annoncer l’entrée en négociation exclusive. Comprenez par là : c’est sûr qu’on va faire affaire, reste à s’entendre comment, dans les détails, et se mettre au travail ! Si bien que depuis, les discussions et travaux trainent un peu. Il faut savoir qu’habituellement, le milieu a pour coutume d’être fixé pour l’an prochain entre les mois de mai et juin.
C’est là que les managers, les athlètes, les partenaires, sites d’accueil et autres parties prenantes de la saison à venir ont une première idée précise de la saison suivante, notamment par le calendrier qui est officialisé. Ça n’a peut-être l’air de rien, mais ça permet, dès cette période, à chacun de travailler sur la saison à venir : quantifier et dimensionner les choses, monter des budgets, négocier, se projeter, se préparer, progresser. C’est d’autant plus efficace que la saison en cours permet de s’appuyer sur des cas concrets et de se voir régulièrement, d’une course à l’autre.
Or, cette saison, la passation de pouvoir traine en longueur. Enfin plutôt, la mise en place du dispositif qui doit gérer l’avenir de la Coupe du Monde de Descente. De par nos sources au sein du paddock, le calendrier était d’abord prévu pour la mi-mai. Finalement, à cette période, ce sont les discussions pour mettre en place les différentes commissions de travail qui se sont enclanchées. On parle de trois mois de retard dans le timing. Ensuite, une première ébauche de calendrier, qui ne précise que des périodes, des continents, des disciplines et une fourchette de nombre d’événement, a circulé. Mais pour l’heure, tout ça reste très flou et aux dernières nouvelles, le calendrier précis doit être connu à la fin juillet au mieux…
Ok, mais que viennent faire les pilotes dans tout ça ? Soyons prudents, il ne s’agit pas d’affirmer avec certitude que ce soit ce flou qui ait fait germer l’idée d’un syndicat des pilotes. Il s’agirait plutôt de préciser que c’est l’élément catalyseur. La bonne opportunité pour concrétiser une idée de plus longue date. Pour être plus précis, Loic Bruni et Finn Iles, qui semblent porter ce projet, ne cachent pas que c’est même la période Covid, il y a deux ans de ça, qui a fait germer l’idée. À cette époque, les annulations, reports et autres dispositions pour lutter contre la pandémie ont logiquement fait sentir aux athlètes, peu consultés pour donner leur avis, qu’ils étaient partie prenante d’un système qui se soucierait trop peu de leur point de vue pour agir.
Quoi qu’il en soit, voilà le contexte dans lequel les athlètes du paddock commencent à parler ouvertement de la mise en place d’un syndicat des pilotes. Pour l’heure, certains contours restent encore à préciser. Notamment s’il ne concerne que les descendeurs, ou s’il peut avoir vocation à englober des athlètes d’autres disciplines. On sait notamment que le besoin s’est aussi, un temps, fait sentir en Enduro, sans que l’initiative se soit pour le moment concrétisée. Ce que l’on entend pour le moment, c’est le terme utilisé pour désigner ce rassemblement. On parle ici et là d’une « union des riders » le terme syndicat ayant une connotation pas forcément évidente à manier.
Il n’empêche qu’au sein d’une organisation, quelle qu’elle soit, lorsqu’un groupement d’individus du même rangs se rassemblent pour porter des revendications, c’est bien d’un syndicat dont il s’agit. Et des revendications, il y a matière à en avoir. Compte tenu du contexte, on pense forcément à l’intégration des athlètes dans les dispositifs de gouvernance du sport qui sont en train de se mettre en place. On sait notamment, que plusieurs commissions thématiques seraient mises en place, et qu’au final chacune serait représenté par un unique mandataire au sein d’une commission supérieure, au près des dirigeants.
Un schéma assez vertical qui soulève notamment la question de la représentation de chaque discipline. Il se murmure en effet que la Descente, le Cross et l’Enduro seraient ainsi représenté, in fine, par un unique référent ! Rien que la nomination de l’heureux élu semble donner du fil à retordre tant le profil est rare et compliqué à trouver dans le paddock ! Rien ne dit, pour l’heure, qu’un syndicat des pilotes ait d’ores et déjà sa place dans le dispositif qui se met en place, mais son existence doit au moins avoir le mérite de porter une voix, et pas des moindres !
Car pour l’heure, certes, les pilotes avaient des représentants auprès de l’UCI – Greg Minnaar et Myriam Nicole – mais l’efficacité du dispositif et l’écoute n’ont pas toujours été salués. Des progrès semblent cependant être faits sur la sécurité depuis la semaine dernière, à Lenzerheide. La sécurité, effectivement, fait partie des revendications des pilotes. On en a déjà parlé dans nos sujets auprès d’eux, et forcément, voir ce qui se fait dans d’autres sports à risque – Moto GP, MX/SX, F1, route, etc… – soulève des questions. D’autant que ça commence parfois par des choses simples, comme des observations au moment du trackwalk, où les pilotes ont souvent un mot à dire sur un arbre, une racine, un rocher, mal placé, qu’il soit en piste, ou aux abords.
La sécurité n’est pas tout. La gouvernance du sport compte aussi. Et ça commence, forcément, par l’information des principaux concernés. À l’heure actuelle, le discours dominant pour rassurer tout le monde, porte l’idée que 2023 serait une année sans gros bouleversement, avant tout centrée sur la prise en main des choses par les nouveaux venus, avant d’entamer des évolutions les années suivantes. Il n’empêche qu’en l’absence d’information, les pilotes craignent forcément pour leur avenir. Où et quand pourront/devront-ils rouler ? À quelles conditions ? Si les meilleurs semblent assez protégés par leur statut, c’est tout le reste du plateau, qui n’a jamais été aussi dense, qui s’interroge… Le « cut » serait-il le même, ou va-t-il changer, et comment ?!
Autre revendication, et pas des moindre, on peut aussi suggérer que les pilotes aient à évoquer leur propre droit à l’image. Notamment parce qu’on l’a encore vérifié récemment, le règlement des Enduro World Series actuel est clair et assez restrictif à ce sujet : en participant aux courses, les meilleurs mondiaux ne sont pas propriétaires des droits d’exploitation des caméras embarquées qu’ils réalisent en course, par exemple ! Pourtant, on pourrait penser qu’en toute circonstance, l’athlète, qui est celui qui pilote et porte le dispositif de prise de vue sur lui, soit considéré comme auteur des images. Sans course, un bon pilote pourra toujours filmer des runs un peu fou aux 4 coins du globe et faire étalage de son talent. Sans athlète par contre, la course n’a pas lieu d’être…
Bref, vous le voyez, il suffit de poser le sujet d’un syndicat sur la table quelques minutes, pour qu’un nombre important d’éléments se mette en branle et justifie de parler de l’initiative qui nait actuellement dans le paddock. Les Pilotes s’organisent. Ils se sont rassemblés à Lenzerheide, et de nouveau en Andorre. Pour info, une telle initiative existe par exemple, et de longue date, en Formule 1. Les pilotes se réunissent d’ailleurs à chaque grand prix, et leur représentant à son rond de serviette à la table de certaines réunions, notamment sécuritaires. Alors certes, il est plus facile de réunir 20 pilotes, que cent. S’organiser fait donc partie des défis du moment. Mais nul doute qu’il y ait un intérêt !
Comme on l’écrivait il y a peu, justement à propos d’un sujet qui concerne aussi les pilotes : quand il y a développement d’une activité qui met en oeuvre plusieurs corps, plusieurs entités, et plusieurs intérêts, la gouvernance, la démocratie et la politique – prenez le terme qui vous parle le plus – est une élément clé. Le modèle en place définit alors s’il y a collégialité, collectif, échange, écoute, ou autorité, despotisme et/ou verticalité. Avec les avantages et inconvénients de chacun. L’histoire est abondamment là pour en témoigner en dehors de notre sport…
Quoi qu’il en soit, pour l’heure, nous n’avons pas reçu de communication officielle de la part des pilotes, mais si le cas de présentait, ils trouveraient forcément une tribune chez nous, pour suivre avec intérêt le développement du sport qui nous concerne tous, et pour lequel nous sommes convaincus, pour les voir à l’oeuvre aux premières loges, qu’ils sont bien les premiers acteurs, et concernés par tout ce qui se passe. Affaire à suivre !