Évasion : Confinement Trail, le virus du trailbuilding en 1h/1km

Alors que d’ordinaire il nous trimballe dans ses valises aux quatre coins de l’Asie lors de ses aventures « Constraste », Thomas Lecoq nous raconte cette fois-ci sur Endurotribe ses récentes aventures de passionné de VTT confiné.

C’est parti pour Confinement Trail, ou comment s’occuper à shaper son secret spot au quotidien, pendant 1h et à moins d’1km de la maison quelque part en Ardèche…

 


Temps de lecture estimé :  13 minutes – Photos : Adrien Villemagne


 

 

Introduction

La nouvelle tombe : Confinement général. Chacun chez soi à partir du 17 mars. Nous n’avons pas été tous égaux face à cette situation, dépendant de sa situation familiale, de l’endroit où l’on habite (ville vs campagne), du type de logement (maison vs appartement), si on a un jardin ou simplement en fonction de son niveau de créativité ! La règle par contre est claire et c’est la même pour tout le monde : les sorties sont limitées à 1h par jour, à moins d’un kilomètre du domicile, pour le reste c’est RESTEZ CHEZ VOUS !

C’est dans ce contexte particulier que l’imagination du cycliste a été débordante ! La grande majorité s’est ruée sur Zwift, même ceux que l’on n’aurait pas cru, parfois même avec des vélos électriques éteints (si si). D’autres se sont créés des « défis Jardin », des « défis confinement », ceux qui avaient un terrain ont fait leur pumptrack à la cool. On en a même vu qui ont tout cumulé, ce qui est assez balèze.

 

 

 

Genèse du projet

En ce qui me concerne j’ai évidemment laissé le vélo au garage, pour de bon. J’ai malgré tout de la chance, j’habite à la campagne et la nature reste à proximité même si le périmètre autorisé est restreint. Je dois l’admettre, je suis clairement un privilégié !

Pour pouvoir prendre l’air et optimiser mon heure quotidienne de liberté j’ai dû chercher une activité de remplacement au vélo… Zwift non merci (beeeeuuurk), mon jardin est trop petit pour les « défis jardin » ou pour une pumptrack. Reste la course à pied… mouais bon eh bien il va falloir s’y remettre…

En regardant sur la carte IGN pour voir ce qu’il est possible de faire à proximité de la maison, je repère la petite colline se situant à vol d’oiseau à 400m de chez moi dont j’avais complètement oublié l’existence. Il s’agit d’un petit bois avec pas mal de dénivelé (80m entre le point bas et le point haut) que je n’avais jamais vraiment pris le temps d’explorer. Je décide de m’y rendre en courant pour voir s’il y a des sentiers pour y faire de la course à pied et pour me changer les idées.

 

 

Je pénètre dans ce bois et constate qu’il y a deux chemins existants, pas vraiment fun, ils sont sans réel intérêt pour la course à pied, ni même pour le VTT et c’est probablement pour ça que je ne suis jamais venu par ici auparavant ! On devine à droite et à gauche d’autres sentiers mais qui se sont refermés avec le temps.

Des gens devaient rouler ici dans la passé car je tombe sur un saut abandonné qui mériterait d’être remis en état. Un peu plus loin je repère aussi des vieilles traces de bombe de peinture laissant suggérer qu’une rando est passée par ici il y a fort longtemps. Tiens mais pour le VTT… Un ancien saut, des traces de rando… Je n’y avais pas pensé mais il y aurait peut-être moyen d’optimiser tout cela finalement ?

Le soir suivant j’y retourne, et je me dis que ça serait cool de remettre en état ces sentiers qui se sont refermés, d’en aménager d’autres si besoin et surtout de préparer le grand jour, le jour où on pourrait enfin re-rouler ! L’idée de partir sur un projet à long terme avec l’aboutissement qui correspondrait à la fin du confinement et le retour sur le vélo me plait beaucoup !

 

 

Tous les soirs à partir de fin mars pendant 1 heure maximum je suis donc allé (ré)ouvrir des chemins existants et en creuser d’autres, toujours à moins d’1 km de la maison. C’était le fil rouge de mon confinement, c’est le début du Confinement Trail !

Après un repérage un peu plus approfondi, je constate qu’il y a moyen de partir du sommet de la colline et de remettre en état 3 descentes que je ferai connecter par les deux chemins existants et dont je me servirai pour la montée.

Compte-tenu du profil et du dénivelé ça sera idéal pour le VTTAE ; ça tombe bien je roule (aussi) en VTTAE. Les descentes seront sûrement courtes mais en modifiant un peu ce qui existe et en optimisant, ça devrait être sympa ! Bon bah « y a plus qu’à » comme on dit !

 

 

 

 

Il s’en suivra une quarantaine de sorties sur le terrain (ça ne fait « que » 40 heures de travail effectives dans le contexte). Après le télétravail, je chausse donc mes baskets et je rejoins en 6/7 minutes le spot pour creuser, couper, aménager, ratisser. Mes outils restent sur place bien cachés et moi je me déplace en courant.

 

 

Cette sortie quotidienne pour le « Confinement Trail » c’est tous les jours une bouffée d’oxygène. Je profite de la nature qui se réveille au printemps, je porte un regard différent sur les paysages que je pensais déjà connaître.

J’apprécie chaque moment de ce court instant. Une heure c’est rien, mais c’est déjà énorme de pouvoir en profiter dans ce contexte.

 

 

Je découvre le charme d’un petit bois qui se situe à moins d’1 km de la maison et que j’avais toujours ignoré, et me je laisse peu à peu séduire par l’endroit.

Cette sortie c’est aussi un moyen de maintenir la forme et de se changer les idées.

 

 

 

 

Et puis dans un coin de ma tête je ne peux pas m’empêcher de me dire « oh ! mais là, sur le vélo ça va être trop boooon ! »

 

Sur place il faut parfois se creuser la tête, optimiser le profil. Il faut aussi faire des trucs pas fun qui demandent de revenir trois fois pour un tout petit truc (une heure ça passe vite).

Très souvent en coupant des branches qui entravent le passage je constate que je ne suis pas le premier à avoir coupé ici, bien avant moi quelqu’un avait lui aussi taillé des branches qui gênent le passage… Je tombe sur des endroits étonnants comme une ancienne carrière (« Et si on faisait passer le sentier dedans ?« ) ! Et même des points de vue que je ne soupçonnais pas.

 

 

Le but du projet initial c’est de faire des sentiers sympas à rouler mais aussi, autant que possible, beaux à regarder. Alors je prends le temps de soigner les détails en coupant soigneusement les branches (pas à l’arrache), en délimitant les chemins avec des troncs de bois mort, en remettant en avant des jolies pierres…

A la fin de chaque session, je rebrousse chemin en courant et je fais le même constat : « Bordel ça avance pas vite quand même… » ! Mais à force de persévérance, le projet prend forme.

 

Après une dizaine de jours, je termine enfin un sentier, première petite victoire ! Cinq jours plus tard je remets en état le jump, deuxième victoire ! Je termine le deuxième sentier et ouvre même une extension, encore de la satisfaction !

A chaque jour suffit sa peine et juste pouvoir être dehors sous le soleil printanier c’est déjà top.

 

 

Il y en a du monde dans ce bois !

En soirée dans ce bois, on fait parfois des rencontres, des personnes qui se baladent et qui sont ravies de voir ces vieux sentiers à nouveau accessibles. Je rencontre aussi des animaux qui participent à l’entretien des bois avec moi à leur façon ! Je comprends pourquoi les sentiers ne sont qu’à moitié fermés, les chèvres plus ou moins sauvages installées ici font leur vie, et c’est tout simplement leurs traces que je suis la plupart du temps… Un sentier de chèvre !

 

 

J’ai bossé sur les deux premiers sentiers dans un endroit isolé et relativement éloigné des habitations, mais le dernier chemin que je souhaite remettre en état bascule sur un versant avec des habitations un peu plus bas. Il y a moyen de ressortir mais nous sommes vraiment à proximité de maisons et très probablement sur des terrains privés, même s’il n’y a aucune clôture. J’avais repéré sur le cadastre tous les propriétaires, mais avec le confinement je ne pouvais pas les contacter, la mairie étant fermée ; je comptais le faire plus tard. Mais finalement je n’ai pas eu besoin…

Alors que j’étais en pleine séance de sécateur, j’aperçois des promeneurs eux aussi dans leur balade quotidienne. Apres s’être salués nous attaquons la discussion : il s’avère que ce sont les propriétaires de l’une des parcelles et ils me confirment qu’il n’y a pas de souci pour moi à passer tant que je suis seul et que cela ne devient pas trop fréquenté. Nous échangeons nos coordonnées et je leur propose de rester en contact et qu’ils m’appellent s’il y a la moindre gène. Du coup je continue de plus belle à avancer sur cette dernière section.

Un soir alors que j’étais en train de bosser, écouteurs sur les oreilles, j’aperçois deux personnes qui s’approchent. Avec leur pas décidé et compte-tenu de la vitesse à laquelle ils arrivent, ils ont clairement quelque chose à me dire, et ça n’a pas l’air d’être des bonnes nouvelles ! La rencontre est moins cordiale que la dernières fois et d’entrée ils me demandent de partir en me disant que je suis sur un terrain privé. « Oh ! C’est privé ici ! » « Oui mais j’ai l’autorisation de M. et Mme… » « Je connais pas, et tu fais quoi à couper les branches et à gratter là ?!! etc« . Le ton monte un peu… et retombe très vite. Finalement après discussion la tension disparaît, et nous faisons connaissance. Les deux compères sont bien sympas et on tape la discute. Ils ont surtout été surpris de me voir ici alors que c’est le plus grand calme d’habitude. Je leur laisse mon nom et mon numéro et ils me donnent le droit de passer sur leur terrain et de continuer à ouvrir la trace.

L’un des deux qui habite le plus à proximité (Adrien) me demande simplement que je lui envoie un texto quand je passe, pour le prévenir à l’avance et qu’il ne soit pas surpris s’il entend du bruit derrière chez lui, ce qui est complètement légitime. Yeah, c’est donc acté ! J’ai maintenant l’autorisation des 3 propriétaires pour rouler (seul) sur ce chemin après le confinement, ce qui est plutôt cool !

A chaque fois que je passe sur le terrain pour continuer l’entretien du chemin, j’envoie un message à Adrien. A force d’échanger par texto on fait un peu plus connaissance. Il est bien cool et me dit qu’il fait de la photo. Il me demande même s’il peut venir prendre des photos lorsque j’essaierai le chemin en VTT pour la première fois…

Au départ j’ai trouvé ça louche comme proposition et je me suis dit qu’il voulait sûrement me prendre en flagrant délit chez lui (je plaisante !), mais j’ai accepté sans vraiment savoir à quoi m’attendre.

 

 

Les 3 sentiers sont maintenant ouverts mais il faut encore patienter, alors je peaufine dans l’attente du grand jour. Je recoupe une branche, je refais un appui, je ratisse, je replace des pierres en bordure. Je trépigne de remonter sur le vélo que j’ai quitté pour la dernière fois le 14 mars.

 

 

Et soudain cela finit par arriver. Il est enfin temps d’essayer le Confinement Trail ! Il y a un mélange d’excitation et d’appréhension. Depuis plus de 15 ans, je ne suis jamais resté aussi longtemps à côté du vélo ! Inutile de dire que ça démange, et je suis aussi un peu anxieux à l’idée d’essayer les chemins. Et si c’était nul ? S’il n’y avait pas de flow ?

 

 

Comme prévu on se donne rendez-vous avec Adrien pour la grande occasion. Il est fidèle au poste et m’attend pour commencer le shooting. C’est parti !

La situation est quand même drôle, je me retrouve pour la première fois à rouler sur ces chemins qui m’ont demandé beaucoup de travail et en même temps je me fais prendre en photo par le proprio de l’un des terrains que je ne connaissais pas avant le confinement et avec qui ça avait plutôt mal commencé !

La situation est improbable mais c’est tellement cool…

 

 

Et surtout comme c’est bon de se retrouver derrière le guidon de son vélo, les petites gouttes de sueur qui tombent du casque, la sensation des poignées en caoutchouc sous les gants, le bruit de la roue libre en descente, le paysage qui défile avec la vitesse, ce sentiment de liberté retrouvé, le cœur qui monte, l’approche de la double sur laquelle j’ai passé des heures… Y’a pas à chier, on fait un beau sport quand même !

 

 

Avec Adrien, on passe en revue les chemins et on shoote. Il a l’air tout aussi content que moi et c’est un petit moment de bonheur simple. Du ride, de la photo. Basta.

 

 

Plus tard dans la journée Adrien m’envoie les photos et j’en crois pas mes yeux ! C’est un excellent photographe et ses clichés immortalisent vraiment bien le projet !

 

 

L’heure de vérité

J’ai parcouru environ 165km à pied en 7 semaines, pour ouvrir environ 3km de sentiers : alors ça vaut le coup ou pas ?

Bon on va pas se mentir les copains… L’histoire est belle, c’est gentil à rouler mais c’est pas non plus les meilleurs sentiers du monde, haha ! L’endroit est relativement petit et on a quand même vite l’impression de tourner en rond ! Pour les descentes c’est du technique, ça tournicote autour des arbres qui sont toujours à proximité du cintre car j’ai pas trop voulu couper non plus… Il faut rester vigilant.

Ceci dit, il y a quand même quelques sections atypiques bien sympas, de jolis passages engagés et de beaux paysages. A la fin de la session photo, j’ai aussi réussi à me faire un circuit en connectant plusieurs sections, une boucle idéale pour le VTTAE avec de la descente engagée, deux belles montées dont une hyper technique, et une jolie double à sauter. Avec 1km et 80m de D+ il faut oublier le vélo musculaire, c’est clairement orienté pratique VTTAE moderne : montée technique & descente engagée. Pour ça c’est vraiment cool !

Pour le coup, cette boucle est parfaite pour un ride « quick and dirty » après le boulot où l’on arrive, on met tout et on repart !

Et puis il y a quand même la satisfaction de rouler sur un truc qu’on a fait soi-même et ça, ça n’a pas de prix !

 

 

Conclusion

Que faut-il retenir de tout ça (s’il y a d’ailleurs quelque chose à retenir) ?

L’aventure est au coin de la rue ! Moi qui roule souvent (très loin) de la maison (cf la série Contraste) je me retrouve bloqué et à construire des sentiers à moins d’un kilomètre de chez moi, c’est paradoxal !

Ensuite on ne soupçonne pas de quoi on est capable. Quand la situation le permet avec un peu de volonté, on peut parfois transformer des contraintes en possibilités et/ou en projet ! Ce fut le cas pour beaucoup d’entre-nous pendant ce confinement, et chacun à notre manière nous avons essayé de tirer des choses positives de cette situation ! Enfin on voit qu’une crise peut offrir des opportunités : j’ai découvert un endroit à côté de chez moi que je ne connaissais même pas et j’ai fait des rencontres sympas, voir même qui sait, de nouveaux amis ?

C’est tout ça qui m’a donné envie de partager cela au travers de cet article : des contraintes du confinement nous sommes passés à la création d’un projet en faisant des rencontres riches qui débouchent sur des photos top, et enfin l’envie de raconter mon histoire. C’est une petite tranche de vie, des choses simples. Mais ça fait du bien.

 

 

A bientôt et portez-vous bien !

Thomas

 

PS : L’article est publié avec l’aimable autorisation des propriétaires, merci à eux !