Dirtlej Epic Enduro 2024 – Le compte rendu de Glenn MacArthur

Comme promis lors de ses derniers préparatifs et conseils, Glenn MacArthur nous raconte sur FullAttack le déroulé de sa très longue journée à l’occasion du Dirtlej Epic Enduro 2024 dans les montagnes du Caroux…

Récit : Glenn MacArthur / Photos : Glen MacArthur / Maixent Collado / Dirtlej Epic Enduro

3h30 le réveil sonne. Comme prévu, j’entends quelques gouttes sur le toit de ma voiture mais rien de gros, ça me rassure. En effet la météo pour ce dimanche 31 mars était très changeante à Olargues. Au final ça a l’air de pencher du bon côté pour nous. Je m’habille et traverse la route pour rejoindre Clément Charles pour le petit dej’. Je me sens bien, grâce à mon « acclimatation ». J’ai décalé mes horaires de sommeil progressivement pendant 10 jours avant le jour de course. Cette nuit malgré un réveil à 3h30 et le changement d’heure (-1h de sommeil) j’ai dormi 6h30. Un bon bol de flocon d’avoine une banane et c’est l’heure. Je profite de la nuit pour peaufiner les réglages de mes lampes et avec Clément on se dirige vers le départ.

4h15, mise en grille. Tout le monde sourit et est équipé mais il y a une tension dans l’air, nous sommes nerveux. Après 15 longues minutes Phil prend le micro, il y a de la musique, ça détend un peu l’atmosphère. « Départ dans 5 minutes… » Tout le monde monte sur son vélo, je m’installe en première ligne. À ma gauche en ebike Damien Oton et Alex Rudeau, puis en musculaire, Alexis Chenevier 4x vainqueur. À ma droite Greg Callaghan, Albin Cambos, Gabrielle Torralba, Arnaud Garanger, Jérôme Gilloux… bref il y a un sacré niveau !

4h40 top départ. Ça part doucement pour une fois et tant mieux ! Je pense que le deniv’ annoncé a fait peur à tout le monde. Première montée du Naudech, il tombe quelques gouttes mais rien de méchant. Sur le haut de la montée on rentre dans le brouillard, on ne voit pas grand-chose. On arrive au départ de la première spéciale. Je me prends un coin tranquille pour vérifier le réglage de mes lampes. Je suis prêt. Je m’approche du départ, Greg est devant moi et Albin derrière. C’est parti la course est lancée !

Je me retrouve seul dans la nuit avec mes lampes entre les rubalises la sensation est folle. Le terrain est très mouillé, plus que ce que je le pensais mais ça accroche bien ! Heureusement que j’ai mis un garde-boue la veille. La première partie est assez pentue et technique, je prends mes marques, je tâte le terrain. Après une grande épingle, j’aperçois une lumière derrière moi, Albin n’est pas loin. Puis, la spéciale devient de plus en plus rectiligne rapide et cassante, je me sens bien, je lâche les freins. Je vois une lampe devant moi je garde mon rythme, je reconnais Greg. Je me dis qu’avec Albin on doit être sur un bon run. Dès que ça s’élargit, « on your left » et je dépasse Greg. Il me suit sur les 5 dernières minutes de la spéciale. Entre mes lampes et les siennes, ma visibilité était top. Je me sens toujours soulagé en bas de la SP1. Tout est bon la course est lancée. Il est 6h. Je repars assez vite en liaison, j’ai trop chaud, je m’arrête enlever une couche et j’en profite pour regarder les chronos. Albin gagne la SP1, je suis 2e. Je suis dans le coup, je ne regarde pas plus et continue sereinement. Je me lance ensuite dans la SP2 toujours dans la nuit noire mais avec un brouillard très épais. Je ne vois rien, je freine trop tard, je prends les virages n’importe comment, c’est dur. Au fur et à mesure de la descente on y voit de plus en plus claire, j’arrive à faire une bonne fin de spéciale.

On fait un petit portage, il fait humide, je transpire beaucoup, je me force à bien boire. Une fois sur la piste mon camelbak est vide et il ne me reste qu’un tiers de ma gourde… Ce n’est pas top, il reste encore un gros morceau avant le passage au paddock. 7h15, le jour se lève et ça fait du bien. Les SP3 et 4 se passent bien, je vois où je vais et j’ai enfin l’impression de savoir faire du vélo. J’arrive au paddock à 8h40, déjà 4h de vélo et 1800 m de dénivelés positif/négatif !

On décharge les puces et valide la boucle 1. Je suis deuxième derrière Albin et devant Alexis, c’est serré. Je passe à la voiture, et là une autre course commence. J’enlève mes lampes du vélo et du casque, je passe un coup de chiffon, je vérifie mes serrages, la pression des pneus, c’est tout bon. Je graisse un coup ma chaîne et mince, je repère un maillon légèrement tordu. Je me revois pédaler de toutes mes forces dans les sorties d’épingles de la spéciale 3, je pense savoir d’où ça vient… J’essaye de l’ajuster, un coup à droite un coup à gauche, rien ne bouge il est un tout petit peu de travers. Il y a 99% de chance que ça tienne la journée mais hors de question de repartir comme ça. Je prends 5 minutes et je le remplace par un maillon rapide que j’avais dans ma Glovebox. Le vélo est bon, à moi maintenant. Je me change intégralement, on a pris la pluie ce matin. Je mange un peu de riz mais je n’ai pas faim, je me force un peu. Je refais le plein de barres gels etc, dans les poches et le sac et je remplis les gourdes à ras bord. Déjà 35 minutes que je suis arrêté, il faut y retourner.

Je pars pour la boucle 2 et ses fameuses calades de Bardou. Je passe au paddock et bon timing je pars avec mon pote Simeon Pleindoux, qui court en équipe avec Maël Feron et Tom Lesquir. Tant mieux parce qu’on part pour 2h de liaison vers St Martin du froid qui porte bien son nom. On monte bien, ça passe vite. J’ai faim, en haut de la montée, je prends le temps et mange beaucoup. Ça y est on est en haut de la SP5, d’après moi le plus gros morceau de cet Epic Enduro. Je souffle un coup et m’élance. On a beau s’y attendre ça frappe, ça frappe fort. Mes avant-bras tiennent bons, je roule au maximum en deathgrip, mains pleines sur les poignées, pas de doigt sur les freins. Toute ma force est là pour essayer de tenir le guidon. Je roule vite c’est trop bon. Au bout de quelques minutes de marteau-piqueur, mes jambes commencent vraiment à chauffer. Je sens la crampe qui n’est pas loin. Je serre les dents. J’attaque la relance prudemment, je lève ma selle et là paf…. D’un coup mes deux quadriceps se contractent violemment, je suis coincé les deux jambes tendues, je m’écroule sur le côté. J’essaye de reprendre le contrôle de mes cuisses tout en comptant les secondes que je suis en train de perdre. Quelques longues secondes plus tard, j’arrive enfin à plier les genoux, je remonte sur le vélo et termine la relance assis selle en bas pour ne pas que ça ne recommence. Je sens que ça va mieux je me dis que chaque seconde compte, que ça arrivera plus tard aux autres et je roule le plus vite possible sur le bas de la spéciale qui est magnifique. J’arrive en bas déçu, je regarde les chronos, je prends 40 secondes… Aïe ! Pas le choix, j’avale la pilule et je repars, je mange et bois tout ce que j’ai, je ne veux pas que ça arrive dans Bardou.

Je fais un très bon run dans Bardou malgré une fin de spéciale où il est difficile de doubler entre les deux murs mais tout le monde a été fair-play. J’arrive en bas et je vois Albin qui a crevé. Greg l’a aidé, ils ont fini de réparer. Je regarde les chronos c’est maintenant Albin qui a pris 30 secondes, la course est relancée on a tous les deux grillés notre joker. À Mons, je refais le plein d’eau, je regarde dans le sac, suite à mes crampes j’ai mangé tout ce que j’avais… Greg Noce, me passe gentiment une pâte de fruit que je mets précieusement de côté et on part ensemble vers « La mienne ». Tout le monde commence à monter plus doucement, en même temps, j’ai déjà 3300 m de dénivelé sur la Suunto…

À une dizaine de minutes du départ de la SP7, je mange la pâte de fruit, ça me fait du bien. La SP7 « La mienne » – outre sa relance horrible d’une minute – est un vrai bijou, ça roule vite, je me régale et j’arrive en bas avec le sourire. Je valide la boucle 2. Je passe 3e, Albin toujours en tête, mais l’Espagnol Gabriel Torralba, discret sur la première boucle, a fait une grosse remontée et passe 2e.

J’ai faim, je m’occupe de moi en premier ce coup-ci. Je m’assois et mange un jambon beurre, ça passe bien. J’attaque la salade de riz et je pense à autre chose, ça fait du bien de recharger les batteries. Je remplis le sac avec tout ce qu’il me reste, je ne veux pas manquer sur cette boucle. Je vérifie le vélo, tout est nickel, c’est parfait ! Je me change, je remange un jambon beurre et c’est reparti. Il est 14h45, j’attaque la boucle 3 et son menu copieux, des spéciales technique et piégeuses pour finir.

Je repars, et fais toute la montée vers le pic de Naudech quasi-tout seul. Tant mieux, je suis cuit et je prends mon rythme, mais c’est dur de repartir pour encore 4 spéciales. J’arrive en haut, c’est parti pour les crêtes XXL qui, elle aussi, porte bien son nom. Tout est en grand sur cette spéciale, surtout l’engagement technique. Je suis au départ, c’est très étroit, on a à peine la place de partir. Greg est juste devant moi, on attend 5 minutes, on ne veut pas être gêné par d’autres pilotes, il y a d’énormes rafales de vent et il fait froid. Je regarde ma montre, 4000 m de dénivelé… C’est là que l’Epic Enduro prend tout son sens, c’est extrême. Greg part, je laisse une trentaine de secondes et j’y vais. Le haut se passe bien, je suis concentré, la piste est magnifique. J’arrive au fameux goulet, connu pour son carnage lors de l’EWS de 2018. Je le passe sans encombre, sur le sec il n’est pas si dur. Mais c’est après que s’enchaînent deux minutes dans la pente avec un mélange de toutes les difficultés imaginables. Les freins commencent à être très chauds quand je sors enfin de la partie la plus dure. J’aperçois la visière Red Bull de Greg par terre. Ça me redonne un coup de boost, tout le monde fait des erreurs, il ne faut pas lâcher. Je serre le guidon jusqu’en bas, ça y est les crêtes sont passées.

Greg, Albin, Jérôme et moi partons ensemble pour la remontée vers la SP9. On blague, la liaison passe vite, de mon côté je me sens mieux, je suis passé en pilote automatique et ça monte tout seul. J’enchaîne avec la spéciale 9, rapide et cassante, ça réveille ! Je me régale dans celle-ci.

Dernière grosse montée de la journée. On pousse le vélo, toujours avec Greg et Albin. Mais là, ça ne blague plus trop. On avance et c’est tout. Oh ! 100 km sur la montre… Je m’arrête prendre une photo, et repars, tête baissée. On regarde au loin, la pluie revient, comme si ce n’était pas assez. On garde le rythme, tout le monde veut en finir. On passe la dernière porte horaire il est 17h05, on a 35 minutes d’avance, wow c’est serré, très serré… Il n’y aura pas beaucoup de finishers. Jérôme Clementz qui a repris l’organisation de l’événement nous félicite. Encore 100 m de dénivelé et on est en haut de la spéciale 10. Il recommence à faire sombre, le vent se lève, 5100 m de dénivelé au compteur, cette journée n’a plus de sens. J’en ai marre, à peine arriver en haut je mets le masque et part dans la spéciale. Je descends encore bien, mais les coups de pédales en sortie de virage sont durs, j’essaye de bien emmener de la vitesse. En bas, une très courte liaison nous emmène en haut de l’ultime spéciale 11, Les écoliers. Je regarde les chronos, je suis 3e, 15 secondes devant Greg, on a fait les spéciales 8/9 et 10 à 2 secondes d’écart à chaque fois, j’ai l’avantage mais pas le droit à l’erreur. 45 secondes devant, Albin et Gabriel sont à 2 secondes d’écart. Wahou. La course n’est pas finie. Je me dis que les deux devants vont prendre beaucoup de risque, que c’est à moi d’en profiter.

Greg part devant moi, je laisse une trentaine de secondes, je souffle un coup et j’y vais. Je roule vite, j’ai des crampes aux avant-bras, je ne peux pas lâcher le guidon, je relance je donne tout ce qu’il me reste quand d’un coup je vois Greg. Il a cassé sa chaîne, je le dépasse. Ok, la 3e place est assurée, il faut aller chercher devant ! Il reste une relance, je donne tout ce que j’ai, soit plus grand-chose… Je plonge dans la dernière partie très technique qui, je ne sais pour quelle raison, était mouillée. Ça glisse, c’est très dur, je regarde loin devant et laisse le vélo glisser entre mes genoux, c’est effrayant. Il y a pas mal de spectateurs sur le bord qui donne de la voix, ça me motive, je continue de me dire que tout peut arriver. On traverse un ruisseau et il nous reste 10 mètres en monter très raide pour rejoindre l’arrivée, à ce stade impossible de pédaler, je saute du vélo, je cours, franchis l’arrivée et m’effondre par terre. Greg arrive quelques secondes après moi et Albin arrive comme une balle. Je reprends mes esprits et je vois Gabriel avec la roue arrière complètement explosé. Tout le monde se félicite et on regarde les chronos. Albin est loin devant, il a fait un dernier chrono énorme, suivi de Gabriel seulement 10 secondes devant moi puis Greg qui a perdu pas mal de temps. Quelle course !

Une dernière liaison à plat, la seule de la journée pour valider la boucle 3, l’Epic d’or et en finir, il est 19h. Suite à sa casse mécanique, Gabriel n’a pas fait la dernière liaison et recevra 5 minutes de pénalité à l’arrivée, il descendra à la 7 eme place. Me voilà donc 2e derrière Albin et devant Greg, Clément et Alexis. Les jambes et les bras explosés, le ventre vide mais encore une fois des souvenirs plein la tête, de la plus grosse et la plus extrême journée de vélo de l’année.

Glenn

Ma journée sur Strava > https://www.strava.com/activities/11079294966

Résultats complets

  1. Juste un petit mot pour dire c’est peut être la course d’enduro la plus dure du monde, mais aussi et surtout l’une des plus belles !
    Personnellement j’ai adoré retrouver tout ce qui fait l’essence même de l’enduro : gros engagement physique et technique, liaisons à la pédale en moyenne montagne, des spéciales variées et longues qui engagent comme il faut (et à vue !), la gestion de l’effort/alimentation et du timing des liaisons, le choix du matériel pour trouver le meilleur compromis, des départs libres mais bien organisés, 1h30 de chronos cumulés etc…
    Et surtout c’est une belle aventure humaine, avec une super ambiance et de l’entraide face à cette épreuve qu’on affrontait tous en même temps. Même les meilleurs ne sont pas certains de terminer et doivent gérer !
    Bref tout ça pour dire que face à la tendance enduro qui est de plus en plus proche de la descente (materiel, format de course, engagement, télésièges etc…), ca fait du bien de voir ce format de course hyper complet, où tu te déplaces pour faire une vraie journée de vélo, et où tu peux etre hyper satisfait de simplement avoir réussi à finir, qui plus est sans bobos et sans casse matériel…
    Je garderai un sacré souvenir de m’être lancé les crêtes à vue après 10h de vélo sur mon petit vélo de trail, c’était un grand moment ! et un grand soulagement arrivé en bas :)…
    Bravo à Glenn, merci aux organisateurs, longue vie à l’EPIC, et j’espère qu’un jour on verra d’autres courses de ce type !

    1. Tu as tout dit ! Le prochain récit c’est toi qui le fait ?
      Je suis d’accord grand moment pour moi aussi au départ des crêtes !

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