On l’a donc vu au chapitre précédent : au coeur d’un vélo, la direction a un rôle primordial. Au delà de la fonction de base – se diriger – les concepts qui l’animent lui procurent tout son caractère. Pour autant, ce statut ne lui confère pas d’immunité. Certains osent même remettre certains fondamentaux en question.
C’est le cas avec l’offset, le déport de fourche. Il fait l’objet d’un débat depuis quelques temps. En quoi consiste-t-il ? Quelle est son influence ?! Comment faut-il le considérer ?!! Pris à part, il peut paraître anodin. Pourtant, on saisit tous les enjeux, et tous les liens, en s’appuyant sur les chapitres précédents : la répartition des masses et l’angle de direction…
Au sommaire de cet article :
- De quoi s’agit-il ?!
- Incidence sur la chasse
- Incidence sur la direction
- Pourquoi différencier ?!/a>
- Offset universel ?!/a>
- Ce que ça signifie ?!
De quoi s’agit-il ?!
Offset de son nom anglais, déport pour son équivalent français… Depuis quelques temps, les deux termes sont devenus courants. On alternera donc l’usage de l’un, et de l’autre, au fur et à mesure de cet article. Ils signifient la même chose…
À l’heure d’écrire ces lignes, les valeurs courantes vont de 37mm à 51mm. Majoritairement, on rencontre des offsets de 44 ou 46mm en 27,5 pouces, et 42, 44 ou 51mm en 29 pouces. C’est dans ce format de grandes roues qu’une distinction est faite. On parle d’offset long en 51mm, ou d’offset court en 42/44mm. Certaines marques utilisent un autre terme anglo-saxon pour définir cette même dimension : le rake. Qu’importe ! Pour simplifier, leur influence est la même…
Incidence sur la chasse
D’ailleurs, à quoi sert le déport de fourche ?! On l’a vu au chapitre précédent, le comportement de la direction d’un vélo est influencé par la chasse. L’offset a un effet direct dessus…
Entre offset et chasse, le lien est inversement proportionnel > plus l’offset est faible, plus la chasse est grande, et vice-versa. Et on l’a vu au chapitre précédent, plus la chasse est longue, plus le couple de rappel est important. Pour schématiser : plus l’offset est court, plus la roue avant se comporte comme celle d’un caddie de supermarché…
Incidence sur la direction
Voyons donc maintenant ce qu’un offset plus court peut avoir, au final, comme influence sur la direction du vélo. En premier lieu, sur la maniabilité…
On l’a dit, il génère une chasse plus importante et un couple de rappel plus important. Dans certaines circonstances, ça peut suggérer une direction plus pataude. C’est notamment le cas à basse vitesse, quand les virages sont serrés et que l’on ne peut pas incliner le vélo pour tourner. Comment rendre la direction plus vive dans ce cas ?! En utilisant une potence plus courte par exemple, c’est bien connu. Jusqu’à quelle point ?! Il n’y a pas de démonstration exacte, mais au fur et à mesure, un consensus s’est dégagé : sur un 29, avoir une potence de la longueur de l’offset ou moins, semble être un avantage. Si l’on se replace dans l’optique du prolongement des appuis, on a ainsi la sensation de « tenir directement l’axe de la roue avant » dans les mains… On a donc plutôt des potences de 35, 40 ou 45mm sur les 29 pouces, et 45 ou 50mm sur les 27,5 pouces.
35mm, 40mm… Ça fait court ! Et qu’en est-il du cintre ?! Pour bien saisir, il faut se replacer dans un certain contexte, dont Sam Hill est l’icône même. À cette époque, les vélos de descente étaient en 26 pouces et leurs géométries n’étaient pas très éloignées des vélos d’Enduro actuels. Pour gagner en stabilité, les angles de direction se couchaient de plus en plus, générant de la chasse, encore et encore…
Comme on vient de le dire, cette stabilité à haute vitesse en venait à pénaliser la réactivité de la direction, qu’il fallait garder alerte pour piloter au rythme de la piste. On raccourcissait donc les potences, mais à force, il en devenait parfois tout de même difficile de tenir le guidon… On a donc élargi les guidons, offrant à cette occasion un meilleur bras de levier au pilote qui ne devait ainsi pas tenir davantage le cintre pour garder le cap. Puisque avec l’angle de direction plus couché les vélos appelaient à s’incliner davantage en courbe, avoir un cintre plus large offrant plus de marge de manoeuvre, et nécessitant moins de précision dans le geste, était à propos…
De cette manière, les cintres sont soudainement passés de 660mm à plus de 800mm en quelques temps. Au point, parfois, de ne plus passer entre les arbres… Et l’offset dans tout ça ?! Il a tout bonnement permis de relativiser cette tendance, et revenir à des dimensions plus acceptables en Enduro…
À tous paramètres identiques, un offset plus court génère plus de chasse, et donc une stabilité/un effet roue de caddie plus important à haute vitesse. On a donc moins besoin du grand bras de levier du cintre pour tenir le cap et encaisser le pire qu’il puisse arriver à la roue avant. de 800 à 815mm, les cintres sont donc redescendus à 760/780mm pour la plupart ces derniers temps.
Tiens, tiens… Depuis quelques instants, on évoque ici des offsets qui correspondent à certains diamètres de roue. Il y aurait-il une règle simple en la matière ?! Une fois de plus : pas tout à fait…
Pourquoi différencier ?!
Ces dernières années, le VTT a bien connu une évolution majeure : exit les roues de 26 pouces, place aux 27,5 et aux 29 pouces. Sauf qu’en matière de chasse, le diamètre des roues aussi a son mot à dire…
Cette fois, le rapport est directement proportionnel > plus le diamètre de roue est grand, plus la chasse est grande. On dit souvent d’un 29 pouces qu’il est plus pataud ou plus stable. Si c’est en comparant avec un semblable en 27,5 au même déport et même angle de direction, ça peut venir de la chasse plus importante qui génère plus de couple de rappel, renforce l’effet « roue de caddie ».
Face à ce constat, plusieurs interprétations ont été menées. Globalement, au début du 29 pouces, certains ont un peu pêché par précipitation, ou essuyé les plâtres, c’est selon… Au départ, l’idée dominait que le seul intérêt du 29 était sa capacité de franchissement et son grip, mais qu’il avait des défauts. On a donc cherché à les gommer. Parmi ces lacunes, une chasse et un effet gyroscopique plus importants, synonyme de maniabilité en berne. Raison pour laquelle les angles de direction étaient un temps plus verticaux, et les offsets au plus long (51mm) : pour compenser une perte !
Sauf que cette approche a mené à un paradoxe, voir une situation bien délicate. Elle traitait les problèmes de manière trop indépendante et direct, au coup par coup. Avec plus de recul, globalement, un 29 pouces a surtout un potentiel de vitesse plus important : il garde plus de vitesse en de nombreuses circonstances. Donnons les moyens au vélo et au pilote de s’en accoutumer. Que fait-on si dans ces circonstances, on a conçu le vélo avec les idées précédemment exposées ? Avec un angle de direction plus vertical, et une direction plus vive ?! On l’envoie au pilori ! On l’a dit au chapitre précédent : un vélo qui va plus vite peut nécessiter un angle de direction plus couché, et/ou plus de chasse. L’offset court (37/42/44mm) y participe !
Offset universel ?!
Doit-on pour autant considérer l’offset court comme une norme pour le 29 pouces, et celui de 44/46mm pour les 27,5 pouces ?! Pas nécessairement. On écrivait au chapitre précédent que l’angle de direction est un élément clé, relativement verrouillé par les enjeux de conception d’un vélo. Dans ce contexte, l’offset peut représenter une marge de manœuvre intéressante…
Au point d’être facilement interchangeable, de l’un à l’autre, sans autre précaution ?! Pas pour autant ! La marge de manœuvre se situe à la conception du vélo, pour les ingénieurs en charge du projet. Pas pour les pilotes, une fois le vélos acquis… Pour bien saisir, il suffit de se replonger dans un autre chapitre précédent, consacré à la répartition des masses…
On l’a dit, le rapport entre la longueur des bases et l’empattement avant a une influence directe sur la répartition des masses d’un vélo et ce que l’on peut en faire à l’usage… Au point de faire de l’empattement avant, une grandeur très importante dans la géométrie d’un vélo, même si on l’évoque peu. Or, que se passe-t-il quand sur un même vélo, on change l’offset ?! On touche à l’empattement avant ! Donc à la répartition des masses. Un vélo et sa géométrie sont donc conçus autour d’un certain offset. Par exemple, pour tenir le même empattement avant et donc, la même répartition des masses, il faut un reach légèrement plus long, pour compenser un offset plus court…
Ce que ça signifie ?!
Alors, que penser de l’offset ? Qu’en retenir ?! En premier, qu’il a un impact non négligeable sur le comportement de la direction. En jouant sur la chasse sans toucher à l’angle de direction, un offset différent stabilise ou dynamise la direction. Au point d’ouvrir des opportunités en matière de longueur de potence et de largeur de cintre. Certaines règles, plus ou moins empiriques, sont simplement salutaires. Notamment celle de faire usage d’une potence à la longueur proche de celle de l’offset.
Ensuite, il n’y a pour l’heure pas d’offset clairement attribué à tel ou tel diamètre de roue. Les fourches sont disponibles en différents déports, et les marques profitent de l’opportunité pour faire des choix qui les différencient les unes des autres. Tant mieux. Il ne faut simplement pas tomber dans le piège de penser qu’un même vélo puisse accepter deux offsets différents. Logiquement, il a été conçu plutôt autour de l’un, ou de l’autre. Au mieux, un offset différent peut permettre de raccourcir un vélo trop grand, ou allonger un vélo trop court, en acceptant l’impact que ça puisse avoir sur la direction.
Plus raisonnablement, le choix doit se faire en amont. En sachant ce qu’apporte l’un ou l’autre des déports, à nous, pilotes, de déterminer ce que l’on attend de son prochain vélo, et ainsi s’orienter plutôt vers un vélo qui fait usage de l’offset qui nous intéresse. Pour conclure autour d’un parallèle qui parlera à certains : puisque l’on parle de répartition des masses, l’offset sur un vélo, c’est un peu comme le positionnement du moteur dans une voiture sportive. Plusieurs écoles existent, il est toujours plus sain de faire le choix dès la conception, et on évite d’y revenir ensuite 😉