Les topos d’Alexis Righetti – Punta de los Cavez

Après la Punta Alta de Las Blancas, voici un nouveau topo d’Alexis Righetti sur FullAttack. Et cette fois-ci c’est de l’inédit, article synchronisé avec la sortie de sa toute dernière vidéo à retrouver en bas de page !

Punta de los Cavez

Localisation

A côté du Parc national du Mont Perdu (Espagne)

Altitude

2483 m

Dénivelée

1300 m (100% en portage)

Type de ride

Vélo de montagne freeride

Intérêt ride

8/10

Beauté

9/10

Niveau d’engagement montagne

7/10

Itinéraire complexe sans aucun sentier sur une face labyrinthique

Niveau d’engagement ride

8/10

Expo permanente, même là où on ne dirait pas…

Itinéraire

Face sud

Départ

Fin de la route ouest de Tella

Conditions

Plein hiver, avec peu de neige

Difficulté

  • Arête sommitale : T5 / E4 (passage obligé sur le fil, très expo et très cassant, puis désescalade de 20 m obligatoire)
  • Face jusqu’au canyon (1950 m) : T4+ / E3 (itinéraire à réfléchir en permanence, avec tous types de terrain, tous types d’inclinaisons et d’expo, mais jamais un terrain serein. Un passage de 50 m en T5 expo)
  • Jusqu’à l’entrée de la forêt (1800 m) : T4+ / E2 (plusieurs options, toutes un peu compliquées, mais ça passe)
  • Single jusqu’en bas : T4+ / E3 (avec en fait, pas mal de passages T5 / E4. Mais 100% passe.)

Ce sommet est totalement mineur. On a même du mal à le situer sur une carte, car il constitue l’un des innombrables pics d’une immense chaine de montagne, celle qui conduit tout droit au célèbre Mont Perdu. Mais malgré le fait que ce ne soit pas le pic le plus haut ou le plus visible du secteur, cette course a été juste majeure. Il faut resituer le contexte : nous sommes en début février, en plein hiver, et je m’apprête à tenter rien de moins qu’un sommet à 2500 m d’altitude dans un des secteurs les plus sauvages des Pyrénées, où les seuls accès se font via de minuscules routes serpentant sur des dizaines de kilomètres dans un maquis désertique. Je n’avais jamais osé m’aventurer trop loin dans ce secteur car : 1) il est extrêmement sauvage 2) il n’existe quasiment pas de sentier pour monter en altitude 3) le terrain est incroyablement violent, constitué de tout ce qui existe de méchant en terme de caillasse, barres rocheuses et reliefs divers. On doit même traverser un canyon ! C’est d’ailleurs un spot de canyoning, ce qui est rarement bon signe pour le VTT…

Résumons donc : plein hiver, haute altitude, difficulté d’accès et terrain abominable… Tous les ingrédients sont réunis pour un échec complet. Et c’est exactement ce qui se produit puisque lors de la première tentative, je dois abandonner la course à peu près au tiers du dénivelé, après avoir passé des heures à lutter dans une neige croutée qui s’effondrait à chaque pas. Bravo.

Mais… deux semaines plus tard, je décide d’y retourner avec Pierre Colpin. Masochisme ? Pas si sûr… Après un redoux impressionnant, je suis à peu près certain que la neige a suffisamment fondu et que les conditions sont réunies pour maximiser les chances de succès. Ce qui s’avère être à peu près le cas. Mais au fil de la montée, je constate que j’avais totalement sous-estimé la complexité des reliefs rocheux. Plus on monte, plus le sommet semble s’éloigner derrière de nouveaux reliefs qui se dévoilent, invisibles d’en bas et également invisibles sur les cartes. Les rochers sont extrêmement mauvais ; au mieux, il s’agit de successions de dalles calcaires avec des ornières agressives en tous sens. Les zones d’alpages laissent vite place aux genêts scorpions, qui rendent toute traversée à pied impossible sans avoir les jambes écorchées au sang. Bref, c’est un peu le Mordor. Et d’ailleurs, devant la complexité de la ligne de descente, je commence rapidement à ne plus réfléchir à la descente et à juste monter, en mode bulldozer. Je sens qu’on arrivera à trouver une ligne, même en zigzagant, mais on y arrivera. Et on verra ça plus tard. Un problème à la fois ! Quand nous arrivons au pied de la partie sommitale, c’est la douche froide : la pente est extrêmement raide, bien trop pour la descendre à vélo. Là au moins, c’est très clair. Mais on décide de monter quand même les bikes et d’aviser une fois en haut, quitte à les redescendre sur le dos… C’est peut-être à cause de tous ces doutes cumulés que Pierre manque de laisser échapper son Propain tout neuf dans la pente à l’occasion d’un passage d’escalade rendu délicat par la neige gelée. Il n’a pas frémi sur le coup mais a bien flippé en revoyant les images à la gopro. S’il ne l’avait pas rattrapé in extremis, le bike serait toujours en train de glisser et rebondir à l’heure qu’il est.

En fait, on vient tout simplement de s’asseoir sur tous nos principe de sécurité et de logique en vélo de montagne : on se retrouve en haut d’un sommet qu’on ne sait pas vraiment comment redescendre, comme un chat coincé dans un arbre !

Et une fois là-haut, la composante hivernale revient en force : un vent glacial se lève, le ciel se couvre très rapidement, ne laissant filtrer plus qu’une lumière blafarde apocalyptique. Belle ambiance ! En règle générale, l’option la plus facile pour descendre un sommet est évidente. Mais là, nous avons longuement débattu sur le bon côté à prendre, l’objectif étant évidemment de faire le moins possible à pied. Pour être plus efficace, on se répartit la reco sur les faces de la montagne : Pierre à l’est, moi à l’ouest, pour trouver la ligne la plus praticable… s’il en existe bien une ! Mais j’avais l’intuition que l’arête serait praticable. En fait, quel que soit le côté, la technicité de l’attaque est telle qu’il s’avère compliqué d’évaluer ce qui est réalisable. On finit par opter pour l’ouest. Dans le film, on pourrait croire qu’on a fait exprès de passer sur l’arête pour faire de belles images. Mais pas du tout ! Si vous analysez la montagne, vous constaterez que c’est bien l’itinéraire le plus faisable. Pile sur le fil. Pile là où c’est le plus expo.

Pierre se lance. Et il doit faire face à une difficulté supplémentaire : son vélo est totalement neuf, freins non rodés, suspensions réglées à minima. Il ne connait même pas les réactions de son bike, il ne l’a testé que sur le parking au bas de chez lui ! Sacrée attaque… Il s’en sort incroyablement bien, en descendant la quasi intégralité de l’arête d’une traite. Pour ma part, j’enchaine avec un autre problème : il fait tellement froid que j’ai du mal à appuyer sur les manettes de frein car mes doigts n’obéissent plus et ont perdu toute force. Mais on arrive quand même à enchainer.

Puis on attaque la face sous le sommet, bien moins raide et moins expo (heureusement…) Mais la variété et la complexité des reliefs sont tels que tout est limite. Même les grandes zones qui semblent plates et tranquilles sont en réalité constituées de pierres vicieuses et agressives. Cela dit, c’est exactement ce qui nous plait : voilà du freeride pur, dans le sens où trouver la ligne sur la face devient le critère le plus important. Et on ne parle pas de trouver « la plus belle ligne » ou « la meilleure ligne », non. On parle de trouver simplement « la ligne qui passe », et qui passe parfois au mètre sur une face d’un kilomètre de large !
Sur cette montagne, on doit lire le terrain à la fois globalement pour passer par les sections les plus facile qui ne sont pas forcément les plus logiques, mais aussi le lire très localement, anticiper chaque rocher, chaque rainure de dalle, car tout, strictement tout est piégeux. Cela est clairement visible sur les images : le terrain ne veut pas de nous et la moindre erreur de lecture se paie cher. Malgré tout, on arrive à descendre 100% sur le vélo.

Chose étonnante également, on ne reprend quasiment pas la ligne de montée : le relief est tellement labyrinthique que lorsqu’on a voulu suivre cette ligne, on l’a perdue sans s’en rendre compte. Et par ailleurs, nous étions souvent montés par des endroits non praticables, donc on était obligés de s’en écarter. Plusieurs fois, on s’est même aidé du drone pour repérer le bon passage ou le bon verrou. Comme quoi, filmer n’est pas qu’une perte de temps ! Mais l’aspect positif de tout ça, c’est la beauté… Qu’est-ce que c’est beau ! On a l’impression de se retrouver à la fois dans un terrain de désert et de montagne, avec des sortes de cactus et des genêts colonisant les rochers à plus de 2000 mètres. Mêmes les rochers sont splendides : sur ce genre de calcaire, l’eau pure grave des sculptures fractales, certes atroces pour la sensibilité du Maxxis, mais tellement agréables à l’œil !

Enfin, nous parvenons dans la zone de forêt… Chose rare, la foret commence également par une section freeride bien technique. Dans le principe, c’est plutôt joueur car tout vttiste sait que, sans sentier pour la traverser, une forêt peut devenir vite absolument impraticable. Mais on parvient tout de même à retrouver le sentier de montée. Et là, changement d’ambiance, on passe sur un single technique mais joueur… Ok, souvent très technique, très raide, avec de l’expo et beaucoup d’épingles… mais qu’on peut enfin dérouler sans plus se poser de question métaphysique.

On arrive en bas avec une satisfaction juste totale : car on a réussi à effectuer 95% de la descente du le vélo… Au départ, je nous aurais donné 60%. Mais je ne l’avais surtout pas dit à Pierre…

Portfolio

Le film

Pour suivre Alexis

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