Mes topos précédents relataient des défis de vélo de montagne, défis techniques, d’itinéraire, et d’engagement. Ils avaient pour vocation d’expliquer sans forcément être répétés. Mais voici maintenant un VRAI topo, d’un sommet majeur auquel des VTTistes de montagne plus classiques peuvent prétendre. Direction la Pointe d’Aval en Ubaye !
Pointe d’Aval
Localisation
Ubaye (Alpes françaises)
Altitude
3320 m
Dénivelé
1500 m
100% portage, mais possible de pédaler 30 % du D+, jusqu’au refuge du Chambeyron
Type de ride
Vélo de montagne
Intérêt ride
7/10
Beauté
7/10
Niveau d’engagement montagne
6/10
Haute altitude
Niveau d’engagement ride
3/10
Itinéraire
Voie normale face sud
Départ
Fouillouse
Conditions
Printemps, sec et beau temps
Difficulté
- Grande face sommitale jusqu’à 3000 m : T4 / E2 (pierrier raide, mais sécurisant)
- Fin de la face sommitale jusqu’au Pas de la Souvagea (2889 m) : T2 / E1 (single propre sur pierrier)
- Single jusqu’au refuge du Chambeyron (2620 m) : T4 / E2 (single sympa)
- Chemin en traversée jusqu’à 2470 m : T2 / E2 (sentier autoroute plat sans grand d’intérêt)
- Single jusqu’à Fouillouse : T3- / E2 (single joueur et rapide. A noter que la difficulté dépend de la trace qu’on prend, j’ai noté la plus directe. Le sentier officiellement balisé ne dépasse pas T2 et traine un peu ses boucles.)
En vrai, la pointe d’Aval (ou de Chauvet) n’est pas un sommet à proprement parler : quand on la voit de face, elle constitue clairement une antécime de la vertigineuse Aiguille de Chambeyron, plus à l’est. D’ailleurs, sur la carte IGN, d’autres points plus hauts sont notés sur l’arête entre les deux sans pour autant qu’ils aient reçu l’honneur d’un nom. Néanmoins, ce pseudo-sommet constitue un des points les plus hauts roulables en Ubaye (à 10 ou 20 m près), et même par extension dans le Queyras.
Malgré tout, c’est loin d’être le sommet le plus dur du coin. Est-ce une qualité ou un défaut ? ça dépendra du VTTiste… Ceux qui aiment rouler et qui ne veulent pas se torturer le cerveau (et leur vélo) pour savoir où et comment passer vont adorer : ce sommet est un enchainement de singles évidents, où l’on peut speeder par endroits. En revanche, ceux qui recherchent avant tout la finesse et le défi technique vont rester sur leur faim : seule la partie sommitale entre 3000 et 3300 m pose une difficulté relative, de par sa raideur (35°) et d’un terrain plutôt fuyant. Il est même parfois plus sage de filer tout droit que suivre les égarements un peu trop traversants de la trace de montée. En arrivant sur le pas de la Sauvagea, vous pouvez ensuite totalement lâcher les freins et facilement atteindre les 60 km/h… Le terrain est un billard, sans aucun piège, chose fort rare à de telles altitudes. Et c’est grisant, il faut bien l’avouer. D’ailleurs, ce sommet mériterait de tenter un enchainement intégral sans poser un pied à terre, depuis la pointe jusqu’au refuge. C’est parfaitement réalisable.
La seule vraie difficulté de la Pointe d’Aval est constituée par son altitude. Le dénivelé pour l’atteindre est conséquent, et les 300 m au-dessus de 3000 se font vite sentir dans les pattes. Sans compter les impondérables liés à la météo de haute altitude : dans la vidéo, on croirait que les conditions sont très agréables (ciel bleu, soleil éclatant). Mais vous constaterez qu’on arrive au sommet avec la hardshell d’alpinisme, capuche rabattue sur les oreilles, malgré l’effort du portage. En effet, il soufflait un fort vent et la température ressentie devait avoisiner les -10°C. La prise des plans drone a d’ailleurs été un supplice pour les doigts…
Au final, c’est une montagne que je qualifierai de bourrin. Tout y est bourrin : un sentier d’approche archi fréquenté (en été) et si lisse qu’il fait penser à une autoroute. Un isolement inexistant puisque le refuge du Chambeyron avec ses tables de pique-nique et son cortège de randonneurs reste en vue tout du long (heureusement, on était à la période creuse et on s’en éloigne vite). Néanmoins, une petite pensée pour la gardienne, très gentille. La partie sommitale est également bourrin, dans un autre style, avec son pierrier interminable. Le dénivelé total de 1500 m est velu lui aussi. Et d’ailleurs, un bataillon de l’armée de terre nous attendait au sommet, il était monté pour l’entrainement ! Bourrin donc. Nous avons tout de même reçu les félicitations du sergent instructeur, qui nous a dit que notre chargement était trop lourd pour ses soldats…
Bref ce pic m’a laissé un souvenir… mitigé. D’un côté, l’itinéraire et l’altitude donnent un sentiment d’accomplissement certain. Le final, perché en surplomb des innombrables lacs de Chambeyron qui scintillent comme des joyaux sertis dans un environnement minéral, oui c’est assez grandiose. La descente, ultra fluide et rapide, c’est jouissif. Mais… (et comme dit Peter Dinklage dans Game of Throne, tout ce qui précède un « mais » n’a pas de valeur) d’une part, ce sommet n’est pas un vrai sommet puisqu’il constitue le bout de l’arête du Chambeyron… Mais pire : on ne peut pas partir en vélo du haut ! On part 10 m plus bas, d’une sorte de replat sous la barre rocheuse sommitale qui se gravit en posant les mains. Ce qui fait qu’on ne voit même pas à 360° en haut… Certains me diront que je suis puriste. Mais non ! Quand on a sué pendant 1500 m de portage, on a droit à un vrai sommet, avec une vraie vue ! Ensuite, certes le fait de lâcher les freins peut-être plaisant, mais je trouve quand même agréable de devoir affronter quelques subtilités techniques sur le parcours. Là, strictement tout passe sans se poser de questions, ce qui est un peu frustrant. Et je ne parle même pas de la partie sous le refuge, où le guidon devient facultatif. Enfin, je n’ose imaginer ce secteur en été : vu la façon dont est tracé le sentier, on doit croiser un groupe de tous les 20 mètres. Et ça, c’est rédhibitoire pour moi. Du coup, c’est un sommet à tenter impérativement hors saison si vous voulez un peu de tranquillité tout en évitant de déranger les randonneurs. Il y a donc deux options : soit tôt au printemps (mais attention à la neige restante), soit tard en automne (attention à la météo qui devient vite glaciale).