De retour en France après une semaine riche en émotions à la Red Bull Hardline, il est l’heure de vous faire un retour sur l’une des compétitions les plus folles de ma vie…
Par Thibault Laly – Photos : Red Bull Content Pool & T. Laly
L’aventure commence le 9 juin à Leogang lorsque j’apprends par Rob Warner que je suis invité à l’événement cette année. À ce moment précis je suis super excité et j’ai vraiment hâte d’y être. S’en suit une très longue phase de réflexion à se demander si le contexte sanitaire actuel nous permettra d’aller au UK et revenir sans avoir à se confiner. Jusqu’à la dernière semaine avant le départ, Red Bull UK était encore en discussion avec le gouvernement gallois pour négocier un allègement des mesures. Etant considéré « sportif de haut niveau » pour un événement de rang international nous avons finalement pu voyager au Pays de Galles et revenir sans trop de contraintes, si ce n’est quelques PCR sur place toutes les 48 heures…
Jour 1
J’atterris le mardi matin à l’aéroport de Manchester accompagné de Matteo Iniguez et de sa bande de mécanos/caméramans. Sur place, des navettes nous prennent en charge et nous emmène au Plas Tan Y Bwlch, un magnifique château construit au 19ème siècle qui sera notre lieu de résidence pour la semaine.
Lorsque j’ouvre ma chambre, je remarque directement sur le lit un sac de bienvenue rempli de cadeaux et de goodies : des écouteurs bluetooth, une doudoune RB Hardline, des chaussettes, des produits d’entretiens vélo, des crèmes pour les bobos etc.
Une fois installés, on se retrouve tous entre riders. Pas de temps à perdre : on monte les vélos. Demain on va sur site, et vu ce qui nous attend, les vis ont intérêt d’être bien serrées.
Jour 2
Le matin, on se rend sur le site de la Hardline. Après 45 minutes de route, je descends du bus et je suis super surpris de voir que sous mes chaussures il y à de la poussière. Je lève alors la tête et j‘observe une énorme boule jaune dans le ciel bleu que je n’avais jamais vu auparavant au Pays de Galles. Super ! La Hardline ce sera sous le soleil cette année. Je marche avec les compères jusqu’au paddock situé en bas de la piste où sont montés deux grands tipis avec tout le confort nécessaire : Restauration, canapé, enceintes, points d’eau etc. On est un peu des indiens de luxe.
Sur place, Matt Bohl, le coordinateur principal de l’événement nous fait un court briefing. Au programme aujourd’hui : reconnaissance à pied du parcours, premiers essais sur le vélo et burger party le soir au niveau du « Hip ».
Vers 11 h du matin je monte dans un 4X4 BFGoodrich et on se dirige vers le sommet de la montagne afin de faire connaissance avec la piste. Après une courte séance photo de groupe, on descend à pied. Sur piste, je commence à me rendre compte que de nouveaux sauts très engagés et très techniques ont été shappés. Les sauts les plus connus comme la grande rampe en métal et le road gap ont même été rallongés. Autour de moi j’entends des « holy fuck » ou des « oh my fu***ing god » signe d’une certaine appréhension à la vue de ces monstres. A ce moment je comprends que la Hardline cette année c’est encore plus engagé et qu’il va falloir envoyer du lourd.
Après la reconnaissance à pied, il est l’heure de monter sur le vélo et de faire nos premiers essais. En me préparant, j’ai le cœur qui commence à battre très fort. Un mélange d’excitation et crainte s’installe en moi lorsque je place mon vélo sur la remorque pour monter.
Arrivé au niveau du « Hip » (saut en transfert) je monte à pied au bord des sauts avec tout le monde et alors je me demande vraiment pourquoi j’ai décidé de revenir ici cette année… Bon ce qui me rassure (ou pas) c’est que ce sentiment a l’air partagé avec les autres riders puisque personne ne part vraiment serein : l’atmosphère est tendue.
Pour m’éviter de trop réfléchir et de potentiellement créer un blocage sur le saut à la vue de certains « fails » j’essaye toujours m’élancer dans les 5 premiers riders. Après quelques enchaînements de sauts, on descend au road gap. Avant de sauter, on doit toujours attendre l’équipe « Extrem medics » au cas où la situation ne se déroulerait pas comme prévu.
Sur ce fameux saut qui a été rallongé et rehaussé d’un mètre, je me suis de nouveau lancé dans les premiers. J’ai senti une véritable sensation de chute libre et de vitesse à la réception. Incroyable feeling !
Après celui-ci, je relâche un peu la pression et je me place dans un train pour les derniers sauts. Mauvaise idée car je me retrouve derrière un rider qui a littéralement oublié de pédaler devant le dernier saut de 21 mètres, résultat : gros court.
Ouf !! je finis la première journée de ride en vie. Quel soulagement. On devine ce sentiment de décontraction sur le visage de plusieurs riders.
Après ça on rentre au château et c’est de nouveau l’heure pour moi de me mettre une tige PCR dans le nez avant de dormir.
Jour 3
Aujourd’hui, on teste la partie haute de la piste. C’est à dire : le step down en sortie du bois, la grande rampe en métal et le nouveau step down. Jono Jones est le deuxième à s’élancer après Bernard Kerr. Il se met un énorme court sur le step down qui nous refroidit sérieusement. Les riders suivants nous explique ensuite que le mot d’ordre est de ne pas toucher au frein jusqu’après la rampe en métal.
Ok c’est compris, je prends mon vélo, je remonte 10 mètres plus haut et m’élance en mode « deathgrip ». Quelle sensation effrayante d’arriver à 65 km/h (généralement le top speed en Coupe du monde) sur une rampe qui t’envoie vers la lune. Mais qu’est-ce que c’est bon ! Alors,
je refais plusieurs fois le passage afin de le maîtriser le jour de la course (hum hum…).
Après 3-4 essais je m’arrête sur le bord du saut pour voir les autres rouler. C’est un véritable festival de longs, de courts, et même de figures. Je me rends vite compte qu’on n’a pas tous la même aisance sur ce genre de sauts.
Ça se confirme directement sur le saut qui suit : le nouveau step down. Seulement 4 gars sautent et ils nous expliquent qu’il est complètement à l’aveugle, que la réception est molle et plus long qu’il n’en a l’air. Brage Vestavik en a d’ailleurs fait les frais en s’enfonçant lourdement à la réception. Heureusement le viking norvégien est solide comme un roc et se relève avec seulement quelques égratignures. Je m’apprêtais à partir après Brage mais au moment où je mets les deux pieds sur les pédales, on m’arrête et on me dit que le saut doit être reshapé car trop dangereux. Entendu.
Je remonte en fin de journée avec tous ceux qui n’avait pas sauté la première fois. Malheureusement après un passage, l’atterrissage est de nouveau détruit et peu de gens le sautent. L’organisation décide alors de modifier une nouvelle fois ce saut qui pose définitivement problème.
Jour 4
Aujourd’hui c’est grasse mat’ après une bonne soirée… En effet, il était censé pleuvoir sur site le matin, et l’organisation comptait en tirer profit pour refaire le saut problématique de la veille.
Cette fois l’objectif de l’après-midi est clair : Il faut que tout le monde arrive à passer le step down qui a été re shappé. Je me lance pour la première fois sur ce saut à la réception remodelée. Malgré les dernières optimisations, il est toujours impressionnant : long, haut et ça tape fort à la réception.
Passée cette étape cruciale, la Team Red Bull nous avait prévu une petite activité pour nous faire décompresser. Je me dis qu’on va bien se marrer en me rappelant ce qui avait été fait en 2019 (un match de rugby qui s’était vite transformé en combat de catch).
On nous dit d’aller jeter un coup d’œil dans le champ voisin : on découvre 5 petits stands avec des mini motos (pitbike). Avant de les enfourcher, on nous demande de tirer chacun notre tour à l’aveugle des maillots cachés dans des pneus. A l’arrière de ces maillots : le numéro qui est censé désigner notre ordre de départ de la qualification. J’en tire un noir avec le numéro 28 et suis donc censé passé avant dernier de la qualification le lendemain.
Et pour la course moto de ce soir, je suis donc l’équipe noire avec Matteo Iniguez, Joe Smith, Matt Jones, Kaos Seagrave et Joanes Fishbach.
Le but de la course : faire deux tours du circuit et passer le relai à ses coéquipiers. Le prize money ? Une simple bouteille de wisky. Il suffit pourtant à donner la volonté à chacun d’écraser l’équipe adverse. Tous les coups sont permis : plaquer les pilotes en plein vitesse tel un rugbyman, tendre la ficelle de départ dans les pneus des adversaires… et même saboter les motos…
Jour 5
Aujourd’hui, tout au long du trajet pour aller sur le site, personne ne fait le malin. C’est le jour de qualification et on voit clairement par la fenêtre du bus qu’il y a beaucoup de vent. Rouler dans les meilleures conditions, ça fait déjà peur mais rouler avec du vent, c’est carrément flippant.
Le matin, seulement quelques pilotes font un full run de haut en bas. Il fallait vraiment vouloir le faire… Personnellement, je ne me sentais pas de rouler, après avoir vu Charlie Hatton (un habitué de la Hardline) tomber sur la rampe en métal à cause du vent. Mais je n’étais pas le seul dans cet état d’esprit car 80% des pilotes ne se sentait pas à l’aise de se lancer non plus.
Après concertation avec tous les pilotes et le staff Red Bull, il a été décidé de décaler la qualification à 17 h si la météo le permettait. Je me souviens que Laurie Greenland, Théo Erlangsen et d’autres sont montés l’après-midi pour voir s’il était possible de rouler. Ça n’était pas le cas. Les seules images que les téléspectateurs ont pu apercevoir sur Red Bull TV pour le live de la qualification étaient celles d’une manche à vent à l’horizontal.
Après une réunion de « crise », Red Bull TV décide d’annuler la qualification et de faire passer tous les riders en finale le samedi (jour où leur plateforme a un créneau de diffusion disponible).
Jour 6
Finale day et dernier jour sur site ! J’ai l’impression que l’événement dure déjà depuis un petit bout de temps mais je suis triste de me dire que c’est déjà la fin. Tout le monde participe à la finale mais je me sens quand même chanceux d’y être.
Mon objectif du jour : enchaîner un run complet le matin avant de m’élancer pour la finale. Chose que je n’avais pas encore faite jusqu’à présent !
Je pars et j’exécute parfaitement l’ensemble des sauts et suis fluide sur les parties techniques intermédiaires. Je suis alors confiant pour l’après-midi.
En attendant nos passages, on regarde en live les entraînements du matin sur les télévisions installées au paddock. Je sursaute lorsque je vois Jérôme Caroli se mettre un énorme OTB sur la réception de la rampe… Je réalise alors que même si on s’est entraîné toute la semaine dessus, une erreur peut vite arriver et s’avérer fatale. On se rassure comme on peut et le premier réflexe, c’est d’arrêter de regarder les écrans et les chutes s’accumuler.
Avec 29 riders en finale, on partait finalement par ordre de plaques. Je me suis donc lancé en 15ème position ce jour-là. Après un départ confiant et un premier saut réussi, je me souviens des conseils donnés « pas de freins jusqu’à la rampe ! ». Et là… Je n’ai alors pas compris ce qu’il m’arrivait : je me vois passer au-dessus de la réception à une vitesse folle.
Deux options s’offraient à moi : continuer au risque de m’overshooter tout en travers sur le step down si difficile ou alors choisir de crasher dans les matelas et optimiser mes chances de survie… J’opte pour la deuxième idée. Il paraît que ça a crié des grands « WOW » en bas en live et partout derrière les écrans. Même le commentateur a pris peur : « Oh my godeness » crie Rob Runner en direct.
J’ai quand même décidé de finir mon run et j’ai pris beaucoup de plaisir sur la fin. Déçu bien sûr mais pas abattu.
Tous les pilotes qui arrivent en bas de la piste affichent le même sentiment de délivrance : I did it, Thank’s god it’s over now.
De l’adrénaline en masse, la même appréhension naissante à l’abord de chaque saut, des sensations nouvelles et plus puissantes les unes que les autres, un cerveau à débrancher, une peur à dompter, de l’excitation à apprivoiser, une confiance à édifier : la Red Bull Hardline, on l’aime comme on la déteste.