Transmission et biomécanique…

Dans le précédent chapitre Didactique FullAttack, consacré à la Transmission, on a posé les bases de cet élément clé de nos VTT modernes. On n’en pas pour autant fini avec les détails, nuances et spécificités qui font le charme de la mécanique, et de ces chapitres didactiques. D’autant qu’ici, on parle biomécanique. On se concentre sur les points qui se rapportent plus spécifiquement aux capacités du pilote qui a en charge d’actionner la transmission. Ça permet de parler cycle de pédalage, puissance, rendement et longueur de manivelle… Ce coup-ci !

Cycle de pédalage

À première vue, pédaler est un acte anodin. Enfantin même puisqu’à l’échelle d’une vie, l’être humain en est capable dans premières années. Pourtant, comme la marche et d’autres actions de la vie courante, il s’agit d’un formidable exercice de coordination qui n’a de cesse de se travailler avec le temps. Même les meilleurs routiers n’échappent pas aux exercices de pédalage à une jambe, de pignon fixe ou de pédales plates pour parfaire leurs gammes à l’intersaison. Et pour cause, si l’on se penche plus en détail, il y a quelques points clés intéressants à connaitre. À commencer par les 4 phases du cycle de pédalage…

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Poussée, griffe, traction… On devine en décomposant ainsi le cycle de pédalage, qu’il y a des subtilités en matière de biomécanique. Et pour cause, ce ne sont pas les mêmes muscles qui sont mis à profit, à différente phase. Le détail est même fascinant tant la coordination de l’ensemble est poussée…

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Au cours du cycle de pédalage, 6 muscles participent à l’élaboration d’un mouvement complexe et coordonné. Leur activation au bon moment, et à la bonne intensité, constitue toute la subtilité d’un coup de pédale efficace. D’autant que l’autre jambe fait pareil, avec un décalage de 180°, et que d’autres muscles entrent en jeu pour stabiliser tout ça latéralement, éviter que les genoux s’écartent ou au contraire viennent taper le cadre à chaque coup de pédale, éviter que le buste et les épaules ne dandinnent, notamment…

La puissance

Pourquoi décomposer à ce point le cycle de pédalage ? D’abord, pour la culture générale et sensibiliser au fait qu’un bon coup de pédale, ça peut se travailler. Ensuite, parce que ça un lien direct avec une notion clé que l’on aborde maintenant : la puissance ! Dans le chapitre précédent, consacré au B.A.-BA de la transmission, on aborde volontairement les notions de vitesse de rotation, de fréquence de pédalage et d’efforts mis en jeu… Or, en physique, ce sont justement les deux composantes qui entrent dans la définition de la puissance :

Puissance = Force x vitesse

En clair, ça signifie que l’on peut développer la même puissance d’une infinité de manière. Notamment en pédalant vite mais développant des efforts d’intensité contenue, ou bien en forçant énormément mais suivant une vitesse limitée. Et pourquoi parler de puissance ? Parce que physiologiquement, c’est cette grandeur qui fixe nos limites à l’effort. Quoi qu’il arrive, chacun a une puissance maximale capable d’être développée à un instant T. D’ailleurs, on peut très bien avoir la même que son voisin, mais ne pas du tout avoir les mêmes qualités physiques. C’est ce qui explique par exemple, que deux cyclistes puissent monter le même col à la même allure, tous les deux au maximum de leurs capacités, mais que l’un mouline énormément, quand l’autre tire gros.

D’un point de vue biomécanique, le premier met à profit son excellente coordination pour faire des mouvements très rapides mais qui n’engendre que des efforts musculaires mesurés, tandis que l’autre exploite toute la force de ses muscles, mais à vitesse d’exécution plus réduite. En matière de transmission, les deux font bien usage de rapports de réduction différents. Le premier tire parti d’un rapport de réduction plus petit, qui réduit les efforts à déployer au pédalier, mais exige une fréquence de rotation élevée pour compenser le faible développement qui va avec… Et vice-versa.

Le rendement

Quitte à parler de puissance, autant parler de rendement. En mécanique, l’un ne va pas sans l’autre. La puissance, c’est un peu le graal. On cherche toujours à en avoir le maximum. Mais le rendement, c’est toujours ce qui empêche d’en avoir autant qu’espéré. Pourquoi ? Parce qu’en mécanique notamment, le frottement est un principe de base. Parfois il aide à réaliser des choses, parfois, il complique la vie. Dans une transmission, c’est le second cas qui fait qu’il y a des pertes…

Malgré une lubrification soignée et des roulements un peu partout, ça frotte ! Au niveau des axes des pédales, au boitier de pédalier, entre le plateau et la chaine, entre les maillons de la chaine, entre la chaine et les pignons, entre les pignons et le corps de roue libre, etc… Tout ça peut paraitre infime, mais ces petits riens s’ajoutent. Qui n’a d’ailleurs jamais ressenti un rendement pourri lorsqu’après de longues heures de vélo dans des conditions difficiles, la chaine est sèche, fait un bruit de ferraille et donne le sentiment de gaspiller la moitié de chaque effort ?!

la puissance s’accompagne toujours de ce qui en limite l’expression ultime : le rendement.

Dans la même logique, un autre phénomène inévitable en mécanique, met son grain de sel : la déformation ! On aurait tort de croire que les éléments de transmissions, métalliques, ne subissent aucune déformation. Tout matériau a une élasticité qui fait qu’il se déforme sous l’effort. Ici, c’est ce qui fait que l’axe des pédales fléchit, les manivelles et l’axe du pédalier vrillent, que le plateau s’ovalise, que les dents s’inclinent, que la chaine s’allonge, que la cassette travaille, que les cliquets eux-mêmes font la gueule, que les roulements couinent, etc…

Ces déformations sont d’abord élastiques. Elles reviennent à leur état d’origine une fois l’effort disparu. Mais le mal est fait. Une portion de nos effort a servi à déformer les pièces plutôt qu’à transmettre de la puissance. Raison pour laquelle depuis la nuit des temps – à l’échelle du VTT – la notion de rigidité est associée à la notion de rendement. Plus c’est rigide, moins ça déforme, mieux ça rend… Mais il n’y a pas de miracle en ce bas monde, des déformations, il y en a toujours. Et parfois même, elles finissent par devenir permanentes et marquer les pièces. Les dents s’usent, la chaine s’allonge, le corps de roue libre se marque, les cliquets se tassent, les roulements prennent du jeu…

Longueur des manivelles

Quand on parle pédalage et transmission, une question revient souvent : quelle influence la longueur des manivelle peut-elle avoir ? La réponse se situe à plusieurs niveaux : mécaniques, physiologique et en matière de pilotage…

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Bref, le choix d’une longueur de manivelle est avant tout une question de compromis. Et le compromis est propre à chacun. Différentes études et approches existent en la matière, et les certitudes scientifiques à ce sujet restent limitées. Tout juste peut-on suggérer que plus on a de longues jambes, plus une longueur de manivelle importante puisse être à propos. Sans pour autant qu’une correspondance précise existe entre l’entrejambe ou la taille et la longueur de manivelle. C’est au cas par cas, et ça peut évoluer au fur et à mesure du temps, du style et des capacités de chacun.

Plateau oval

Depuis quelques années, une tendance est apparue en matière de transmission : celle des plateaux ovales, ou ovoïdes. Dans tous les cas, l’idée qui explique cette forme particulière est la même. Il faut justement se replonger dans le cycle de pédalage pour en trouver les explications…

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Par abus de langage, on parle souvent de plateau oval. Mais que signifie oval ? Mathématiquement, la forme ovale offre volontairement une définition très large. Certains plateaux ont la forme la plus proche de ce que l’imaginaire collectif entend : une forme d’ellipse. Mais d’autres ont une forme encore plus travaillée, censée coller au mieux aux capacités de chaque groupe musculaire mise en oeuvre durant le cycle de pédalage.

Qu’en retenir ?!

En matière de transmission, l’approche la plus simple consiste à raisonner en matière de vitesse et d’effort. En mécanique et en biomécanique, ces deux notions sont liées. Elles définissent la puissance que l’on est capable de développer. Cette puissance est le fruit d’un sacré travail de coordination entre les différents muscles mis en oeuvre au cours de chaque phase du cycle de pédalage. En la matière, chacun a ses propres qualités, et c’est en tenant compte de chacune que certains choix de transmission peuvent s’effectuer. La longueur des manivelle en fait partie. Mais quoi qu’il en soit, en ce bas monde, la puissance s’accompagne toujours de ce qui en limite l’expression ultime : le rendement. Il en est ainsi, mais ça ne doit pas nous empêcher de continuer à raisonner au sujet de l’usage que l’on peut faire de la transmission. Quelques détails utiles méritent encore un chapitre à ce sujet… À très vite pour la suite donc !

Ce deuxième chapitre consacré à la transmission VTT fait parti d’un ensemble d’articles Didactiques FullAttack plus vaste, consacrés également à la suspension, la géométrie et la rigidité/raideur notamment. Ils sont disponibles ici : https://fullattack.cc/rubrique/matos/didactiques/

Rédac'Chef Adjoint
  1. Encore un super article. La description des parties mécaniques est comme toujours rigoureuse et bien illustrée. L’ajout de la bio mécanique est vraiment la cerise sur la gâteau. Bravo à vous tous et continuez dans la même voie.

  2. Bel article
    Quitte à évoquer le rendement mécanique, pourquoi ne pas en donner une estimation, ou au moins un ordre de grandeur du rendement de la pédale à la roue ? Dans les bonnes conditions, on doit être au dessus de 95%, non ?

      1. bonjour olivier, bonjour Luc, oui, sur une transmission entretenue, on navigue autour des 95% de rendement, 5% de pertes. Ça peut chuter en fonction des conditions 😉 Ça pouvait effectivement mériter de donner un chiffre. Voilà qui est fait. Merci

  3. Bonjour, au sujet de la longueur des manivelles,le souci c’est que de nos jours beaucoup de spad sont livrés avec des manivelles courtes de type 165 mm tout simplement parce que pour mettre le centre de gravité bas sur des 29 il faut gratter de la hauteur de BDP et même si on met des 170 mm et bien ça tape dans tous les sens, on trouve très peu de 175 mm d’ailleurs voir plus du tout.
    Ce n’est pas une généralité mais ça arrive, 165 mm on trouvait ça que sur des spads de DH il y a peu.
    Donc malheureusement pouvoir mettre des manivelles plus longue est parfois impossible et ça ne convient pas à tous le monde niveau pédalage, après on met ça sur le rendement du spad à cause de ceci ou de cela mais bon …
    C’est un peu dommage tout ça, mais effectivement malgré quelques études sur le sujet il faut faire des essais, dans une étude que j’avais lu au moins au siècle dernier on parlait plus du paramètre de longueur de fémur que d’entrejambe mais on parle d’une époque ou le XC était roi et ou l’on transposait des retours terrains de la route sur le VTT.
    Perso pour moi rouler avec du 170 mm est une horreur,ça « n’enroule pas », j’ai ça sur un spad, j’ai mis 175 mm et je tapait partout du coup pas le choix …

    1. Par curiosité, et vis-à-vis du lien entre morphologie et longueur de manivelles, quelles sont tes mensurations Fabrice ?

      1. J’avais fait une étude BIORACER au siècle dernier mais j’ai perdu toutes ces données, c’est bien dommage, du coup à part ma taille de 1.80 mm je ne peux pas t’en dire plus, enfin il faudrait que je reprenne le temps de faire les mesures.
        Sinon pour le plateau oval, je voudrais apporter mon expérience perso, j’ai essayé pour voir et j’ai conservé, au début c’est bizarre car ça ne tourne pas rond et on le ressent cash au pédalage, perso j’aime bien car je trouve qu’en ascension violente le pédalage est plus fluide et que ça enroule mieux, je trouve aussi que l’on récupère mieux de l’effort niveau musculaire.
        Par contre je déconseille de suivre les avis qui disent que lorsque l’on roule un 30 rond on peut prendre un 32 oval, pour moi le oval ne lisse pas le changement de braquet.

        1. On peut comprendre qu’au début ça paraisse bizarre. En matière de gestuelle, la neurologie a une mémoire et des habitudes. Et l’air de rien, on s’adapte à des petits détails qui, le jour où ils changent ou disparaissent, nous font sentir leur absence. C’est le coup de prendre de nouveaux repères et habitudes. 100% certain que si tu ne fais que du plateau oval pendant un bon moment derrière, tu auras le même effet « inverse » en repassant au plateau rond. Perso, durant les essais, ça me fait pareil au passage entre pédales plates et auto, ou entre tout-suspendu et semi-rigide. Une solution à ça, c’est de varier davantage, même si c’est pas toujours évident 😉

  4. Merci pour cet article très intéressant. Il y une chose que je n’ai toujours pas captée complètement : la chaîne permet de transmettre aux pignons arrières la puissance imprimée pédalier. Comment expliquer que quand je suis dans une montée, à plateau égale, j’aurai plus facile en passant sur un pignon plus grand (en imaginant que je pédale toujours au même rythme)? Je perdrai en vitesse de déplacement mais ce sera plus facile. Que se passe-t-il au niveau de la transmission de la puissance ?

    1. Bonjour jean-Christophe,

      dans ce cas de figure, l’impression de facilité provient en premier lieu de l’effort exercé sur les pédales, qui n’a plus besoin d’être aussi élevé, qui devient plus facile. La puissance est le produit de la force par la vitesse. Donc deux cas de figure : soit en changeant de rapport de la sorte, un effort plus faible est exercé mais la cadence de pédalage augmente et dans ce cas, ça se compense, la puissance déployée reste la même. Soit en changeant de rappport, vous gardez la même cadence qu’avant, et vous déployez moins de puissance 😉 Est-ce que cette réponse vous permet de mieux saisir ?

  5. Merci pour la réponse. Je comprends mieux. Est-il aussi possible par ailleurs que sur un plus grand plateau arrière, la charge à déplacer est répartie sur plus de dents et donc moins de charge par dent. Évidemment, pour un tour complet de plateau avant, on aura moins de rotation d’un pignon plus grand (donc moins de tour de roue), et donc à nombre égal de tours de plateau avant on a moins de rotation du pignon mais aussi une répartition de la charge sur plus de dents. Est-ce que l’explication se tient ?

    1. L’explication se tient, mais avec plusieurs réserves. La première, c’est que la répartition sur les dents n’est pas constante. Notamment parce que la mise en pression de chaue dent dépend des ajustements entre les maillons et les dents. Dans un monde idéal, on pourrait suggérer une répartition comme vous l’entendez, mais dans la réalité, c’est un peu différent. Dans tout les cas, cette répartition n’a pas d’influence sur l’effort à transmettre par le brin tendu de la chaine. Il s’agit de la somme de tous ces efforts réparti. Ce qui fait que l’effort dans le brin tendu est moins important sur un pignon plus gros, c’est la distance qui sépare le brin du centre de la roue. Dans une pente donnée, les efforts impliquent que l’on soit capable d’exercer un certain couple sur la roue arrière pour la faire tourner. Le couple est le résultat du produit entre force et distance à l’axe de rotation. Pour un couple donné, si l’on augmente la distance, on réduit l’effort nécessaire 😉

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